(Etoffe) cette étoffe nouvellement inventée diffère du doubleté, en ce que le dessein contient des sujets plus grands, soit en feuilles, soit en fleurs. Le poil seul fait la figure de cet étoffe ; parce qu'il n'y a que ce même poil qui soit passé dans le corps : ce qui fait qu'il faut qu'il soit ourdi relativement à la figure contenue dans le dessein. La chaîne qui doit faire le corps de l'étoffe, est ourdie à l'ordinaire d'une quantité de 3200 fils, ce qui fait 40 portées simples ou doubles, suivant le degré de qualité que l'on veut donner à l'étoffe. Le poil est de 40 portées simples de différentes couleurs pour former des fleurs différentes. On passe deux fils à chaque maillon du corps, conséquemment il faut 1600 maillons pour contenir ces fils, qui sont disposés de façon que tous les deux fils de la chaîne il s'en trouve deux de poil. Cette étoffe est ourdie également avec des fils de couleur, comme les taffetas rayés qui forment des bandes larges et étroites. Dans les bandes larges on fait serpenter une tige de fleurs et de feuilles larges d'une seule couleur, tandis que dans les petites raies le mélange des fils de poil différent forment de petits fleurons qui serpentent comme la tige des grandes fleurs. Or comme les fleurs et feuilles grandes ou petites ne sont passées dans aucune lisse, mais seulement dans le corps, et qu'elles ne sont composées que du poil, si une partie de fleur portait un pouce, deux ou trois de hauteur, le poil qui la forme n'étant arrêté en aucune façon, badinerait sur l'étoffe, et formerait une figure très-desagréable à l'endroit de l'étoffe, de même que le poil qui ne travaillerait pas par-dessous ou à-l'envers, parce que l'endroit ordinairement est dessus ; il faut que l'ouvrier ait le soin de faire tirer tous les huit ou dix coups tout le poil, qui par ce moyen se trouve lié dessous par le coup de navette qu'il passe sur le coup de fond, en faisant lever les deux lisses de quatre dans lesquelles la chaîne est passée ; de même pour lier le poil dessus, l'ouvrier passe sur les deux autres lisses un coup de navette, sans qu'il soit besoin de tirer aucune corde ; ce qui fait que le poil qui fait figure à l'endroit, se trouvant sous la trame du coup de navette qui a passé, est arrêté de ce côté, de même qu'il l'est à-l'envers lorsque tout le poil est tiré.

Dans les étoffes de cette espèce, comme dans quelques autres, les fils de la chaîne sont passés dans les lisses à coup tors, c'est le terme ; c'est-à-dire dessus et dessous la boucle d'une même maille du remisse ou de chacune des lisses qui le composent, de façon que la même lisse peut faire lever et baisser le même fil, selon que le cas l'exige ; aussi pour faire mouvoir ces lisses, il n'est besoin ni de carqueron, ni d'aleron, ni de carete ; par conséquent les quatre lisses se trouvant suspendues de deux-en-deux au bout d'une corde, à droite et à gauche, qui est passée sur une poulie, de façon que pour faire l'ouverture de la moitié de la chaîne pour passer la navette, il n'est besoin que de deux estrivières, lesquelles attachées en-bas aux deux lisses qui doivent baisser en foulant la marche, le même mouvement qui fait baisser chaque lisse, fait lever en même temps celle qui lui est attachée, au moyen de la corde qui est à cheval sur la poulie, et qui les tient toutes les deux.

Comme dans ce genre d'étoffe il est trop fatigant pour celui qui tire, de faire lever tout le poil pour le lier, attendu le poids du plomb et des cordages, l'auteur du mémoire a fait passer tout le poil sur deux lisses de dix portées chacune à l'ordinaire (on pourrait le mettre sur une, mais elle serait un peu serrée) ; et au moyen d'une bascule attachée au plancher en guise d'aleron, et une marche qui y serait adhérente, l'ouvrier foulant la marche ferait lever tout le poil, lorsqu'il serait question de le lier, afin de l'arrêter ou de le lier ; au moyen de cette méthode, l'ouvrier se trouve très-soulagé, et l'ouvrage Ve plus vite.