S. m. (Littérature) auteur qui s'occupe à publier des extraits et des jugements des ouvrages de Littérature, de Sciences et d'Arts, à mesure qu'ils paraissent ; d'où l'on voit qu'un homme de cette espèce ne ferait jamais rien si les autres se reposaient. Il ne serait pourtant pas sans mérite, s'il avait les talents nécessaires pour la tâche qu'il s'est imposée. Il aurait à cœur les progrès de l'esprit humain ; il aimerait la vérité, et rapporterait tout à ces deux objets.

Un journal embrasse une si grande variété de matières, qu'il est impossible qu'un seul homme fasse un médiocre journal. On n'est point à la fois grand géomètre, grand orateur, grand poète, grand historien, grand philosophe : on n'a point l'érudition universelle.

Un journal doit être l'ouvrage d'une société de savants ; sans quoi on y remarquera en tout genre les bévues les plus grossières. Le Journal de Trévoux que je citerai ici entre une infinité d'autres dont nous sommes inondés, n'est pas exempt de ce défaut ; et si jamais j'en avais le temps et le courage, je pourrais publier un catalogue qui ne serait pas court, des marques d'ignorance qu'on y rencontre en Géométrie, en Littérature, en Chimie, etc. Les Journalistes de Trévoux paraissent surtout n'avoir pas la moindre teinture de cette dernière science.

Mais ce n'est pas assez qu'un journaliste ait des connaissances, il faut encore qu'il soit équitable ; sans cette qualité, il élevera jusqu'aux nues des productions médiocres, et en rabaissera d'autres pour lesquelles il aurait dû réserver ses éloges. Plus la matière sera importante, plus il se montrera difficîle ; et quelqu'amour qu'il ait pour la religion, par exemple, il sentira qu'il n'est pas permis à tout écrivain de se charger de la cause de Dieu, et il fera main-basse sur tous ceux qui, avec des talents médiocres, osent approcher de cette fonction sacrée, et mettre la main à l'arche pour la soutenir.

Qu'il ait un jugement solide et profond de la Logique, du gout, de la sagacité, une grande habitude de la critique.

Son art n'est point celui de faire rire, mais d'analyser et d'instruire. Un journaliste plaisant est un plaisant journaliste.

Qu'il ait de l'enjouement, si la matière le comporte ; mais qu'il laisse là le ton satyrique qui décele toujours la partialité.

S'il examine un ouvrage médiocre, qu'il indique les questions difficiles dont l'auteur aurait dû s'occuper ; qu'il les approfondisse lui-même, qu'il jette des vues, et que l'on dise qu'il a fait un bon extrait d'un mauvais livre.

Que son intérêt soit entièrement séparé de celui du libraire et de l'écrivain.

Qu'il n'arrache point à un auteur les morceaux saillans de son ouvrage pour se les approprier ; et qu'il se garde bien d'ajouter à cette injustice, celle d'exagérer les défauts des endroits faibles qu'il aura l'attention de souligner.

Qu'il ne s'écarte point des égards qu'il doit aux talents supérieurs et aux hommes de génie ; il n'y a qu'un sot qui puisse être l'ennemi d'un de Voltaire, de Montesquieu, de Buffon, et de quelques autres de la même trempe.

Qu'il sache remarquer leurs fautes, mais qu'il ne dissimule point les belles choses qui les rachettent.

Qu'il se garantisse surtout de la fureur d'arracher à son concitoyen et à son contemporain le mérite d'une invention, pour en transporter l'honneur à un homme d'une autre contrée ou d'un autre siècle.

Qu'il ne prenne point la chicane de l'art pour le fond de l'art ; qu'il cite avec exactitude, et qu'il ne déguise et n'altère rien.

S'il se livre quelquefois à l'enthousiasme, qu'il choisisse bien son moment.

Qu'il rappelle les choses aux principes, et non à son goût particulier, aux circonstances passageres des temps, à l'esprit de sa nation ou de son corps, aux préjugés courants.

Qu'il soit simple, pur, clair, facile, et qu'il évite toute affectation d'éloquence et d'érudition.

Qu'il loue sans fadeur, qu'il reprenne sans offense.

Qu'il s'attache surtout à nous faire connaître les ouvrages étrangers.

Mais je m'aperçais qu'en portant ces observations plus loin, je ne ferais que répéter ce que nous avons dit à l'article CRITIQUE. Voyez cet article.