S. m. pl. (Architecture hydraulique) pièces de bois de chêne, qu'on emploie dans leur grosseur, pour faire les palées des ponts de bois, ou qu'on équarrit pour les files des pieux (voyez ce mot) qui retiennent les berges de terre, les digues, etc. qui servent à construire les batardeaux. Les pieux sont pointus et ferrés comme les pilots ; ce qui en fait pourtant la différence, c'est que les pieux ne sont jamais tout à fait enfoncés dans la terre, et que ce qui en parait au dehors est souvent équarri. Voyez PILOTS.

Pieux de garde. Ce sont des pieux qui sont au-devant d'un pilotis, plus peuplés et plus hauts que les autres, et recouverts d'un chapeau. On en met ordinairement devant la pîle d'un pont, et au pied d'un mur de quai ou de rempart, pour le garantir du heurt des bateaux et des glaçons, et pour empêcher le dégravoyement. Daviler. (D.J.)

PIEUX, PILOTS ou PILOTIS. Les pieux sont le plus communément employés à porter un édifice construit au-dessus des hautes eaux, tels que sont les ponts de charpente, les moulins, etc.

On se sert des pilots ou pilotis pour porter un édifice de maçonnerie que l'on veut fonder sous les basses eaux, comme sont les ponts, les murs de quai, de certains bâtiments et autres ouvrages.

Les dimensions, positions, espacements et le battage des pieux et des pilots ou pilotis, forment quatre objets distincts que l'on Ve examiner séparément.

Dimensions. Un pieu qui doit être exposé à l'eau et à l'injure du temps, doit être formé de la pièce la plus forte que l'on puisse tirer d'un arbre ; et ce sera l'arbre même, surtout s'il est d'un droit fil et sain ; tout équarrissage et redressement trancherait les fibres, et tronquerait par segments les corps ligneux, annulaires, dont la contexture plus serrée que des insertions qui se trouvent de l'un à l'autre de ces corps ligneux, pour mieux résister, étant conservés en leur entier ; on doit se contenter d'abattre les nodosités, d'équarrir et former en pointe pyramidale, le bout destiné à la fiche. On se contente quelquefois de le durcir au feu, quand le pieu est destiné pour un terrain qui n'est pas ferme, sinon il doit être armé d'une lardoire, ou sabot de fer à trois ou quatre branches, ou d'équarrir aussi le bout vers la tête, lorsqu'il est trop gros et qu'il pourrait excéder la largeur des sommiers que l'on pose et assemble horizontalement à tenons et mortaises sur la tête des pieux.

On a le même intérêt de conserver les bois dans toute leur force pour les pilots ; ils doivent pour cet effet être également ronds, de droits fils et sans nœuds excédents.

La grosseur des pieux dépend donc de celle des arbres que l'on peut avoir dans chaque endroit ; l'on se propose communément de leur donner environ 10 pouces de grosseur mesurés au milieu de leur longueur pour 15 et 18 pieds, et deux pouces de plus pour chaque taise excédente cette première longueur : ainsi un pieu de 33 à 36 pieds, par exemple, devrait avoir environ 16 pouces de grosseur réduite sans l'écorce.

Les pilots d'une certaine longueur n'ont pas besoin d'être si gros à proportion que les pieux, étant presque toujours enfoncés entièrement dans le terrain, et moins exposés pour cette raison à plier sous le fardeau et à être usés par le frottement de l'eau et des corps qu'elle charrie ; on doit pour cette raison choisir les arbres les plus jeunes et les plus menus.

Il suffit que ces pilotis aient environ 9 pouces de grosseur, jusqu'à 10 et 12 pieds de long, et un pouce de plus pour chaque taise excédente cette première longueur. Ainsi un pilot de 28 à 30 pieds de long aurait un pied de grosseur réduite, mesurée aussi sans l'écorce : ce qui donnerait à-peu-près 10 pouces à la pointe et 14 à la tête.

Lorsque l'on n'a pas des arbres assez longs, ou que les pieux ou pilots ayant pris plus de fiche que l'on ne l'avait compté, se trouvent trop courts, on peut les anter et les assembler exactement en sur 2 et 3 pieds de longueur, après quoi on doit les lier fermement avec deux bonnes frettées de fer, observant pour les pieux de disposer ces antes de façon qu'elles puissent être recouvertes par les moises qui les doivent embrasser et en liaison alternativement de l'une à l'autre moise.

Il sera parlé de ces moises par la suite.

On trouve dans le traité de Charpenterie de Mathurin Jousse, par M. de la Hire, que les pilots doivent être équarris ; on donne à ceux de 12 pieds 10 à 12 pouces de grosseur, et à ceux de 30 pieds 16 à 21 pouces, au lieu de 9 pouces et de 12 red. de grosseur que l'on a proposé ci-devant, et qui suffisent d'après ce qui se pratique avec succès sur les plus grands travaux pour ces différentes longueurs.

Mathurin Jousse, en proposant d'équarrir les pilots et de donner des dimensions inégales pour leur grosseur, avait suivi ce qui se pratique pour les bâtiments, où cela est nécessaire, et où il convient de donner plus de hauteur que de largeur aux pièces que l'on pose horizontalement : c'est ce que M. Parent a fait aussi connaître dans les mémoires de l'académie des Sciences de 1708, où il est démontré que la pièce la plus forte que l'on puisse tirer d'un arbre pour porter étant placée dans ce sens, doit être telle que le carré de l'un de ses côtés soit double de celui de l'autre côté : ce qui revient à-peu-près au rapport de 7 à 5.

Il n'en est pas de même pour les pieux qui sont destinés à porter debout. Quant à l'équarrissement et à l'inégalité de leurs côtés, c'est ce que l'on croit avoir assez expliqué précédemment ; mais on ne pouvait se dispenser d'exposer ce qu'ont adopté à la fois un bon charpentier et un mathématicien habîle sur le sujet que l'on vient de discuter, afin que l'on put connaître mieux ce qui doit être préféré.

Ces réflexions ne doivent cependant pas empêcher d'employer des pieux ou des pilots équarris dans de certaines circonstances ; on place quelquefois, par exemple, des pilots de cette espèce au pourtour extérieur des fondations, pour que les palplanches que l'on chasse entre ces pilots puissent leur être plus adhérentes.

On doit ôter l'écorce en entier, et laisser l'aubier aux pieux et aux pilots pour les parties qui se trouvent sous l'eau.

L'écorce ne donne point de force au bois ; elle augmente beaucoup le frottement par son épaisseur et son aspérité, lors du battage des pieux ou pilots, et empêche qu'ils ne prennent autant de fiche sous la même percussion.

L'aubier n'est point vicieux sous l'eau ; il s'y conserve comme l'on sait que le fait le bois, lorsqu'il est continuellement submergé : surtout le chêne que l'on emploie par préférence aux ouvrages construits dans l'eau ; il a d'ailleurs de la force lorsque la seve en est retirée, comme on peut en juger par les expériences de M. de Buffon (mémoires de l'académie, année 1741. page 296.) suivant lesquelles il a reconnu que la force de l'aubier était seulement de 1/51 ou environ, moindre que celle du bois pris au cœur du même chêne : ce qui se trouvait être aussi à-peu-près dans le rapport des densités de l'un et de l'autre bois et aubier. Les circonstances sur la longueur, grosseur et sur la façon de charger les bois et aubier, étaient d'ailleurs les mêmes, ainsi il parait que l'on peut laisser l'aubier aux pilotis sans inconvénient.

Lorsque l'écorce recouvre l'aubier, elle garantit l'œuf que la mouche y a déposé, et le ver qui en provient jusqu'à ce qu'il ait acquis assez de force pour abandonner l'aubier, dont la substance, lorsqu'elle est encore abreuvée de la seve, peut mieux convenir à la délicatesse de premier âge, que le bois où il ne pourrait s'introduire d'abord ni y vivre. C'est ainsi qu'en use la nature par rapport aux insectes : en général le degré de chaleur qui fait éclore le ver à soie, développe aussi la feuille du murier pour lui présenter une substance délicate ; elle acquiert chaque jour une consistance plus forte, qui se trouve par ce moyen toujours analogue à celle du ver qui croit et se fortifie en même temps. L'arbre étant dépouillé sur pied de son écorce pendant le fort de la seve, et laissé ensuite sur pied au-moins six mois, on a reconnu que le bois durcissait et que l'aubier en devenait presque aussi fort que le bois. Voyez les expériences de M. de Buffon, mémoires de l'académie de 1738. page 169.

L'écorce étant ôtée lorsque l'on coupe l'arbre, le ver sera tué par les mauvais temps et la gelée, avant qu'il ait acquis assez de force pour s'introduire dans le bois ; c'est au-moins à quoi l'on pense devoir attribuer ce que l'on a remarqué sur la conservation des bois exposés au dehors, et auxquels l'on avait usé de cette précaution.

Il n'en sera pas de même des bois employés à couvert ; la mouche déposera son œuf dans le peu d'aubier que l'on y aura laissé, et le bois sera ensuite attaqué du ver qui en proviendra ; on croit pour cette raison qu'il n'est pas toujours nécessaire d'ôter l'aubier des pieux dans la partie qui se trouve au-dessus de l'eau. On a même remarqué à plusieurs ponts qu'il s'était durci et avait acquis une consistance capable de fortifier ces pieux et de les conserver plus longtemps, surtout lorsque l'on avait eu l'attention de laisser le bois dans l'eau pendant quelques mois, avant de les employer, précaution dont on use pareillement avec succès pour la latte que l'on fait quelquefois avec l'aubier ; cependant chacun doit en user pour ce qui se trouvera au-dessus de l'eau, comme il le jugera le plus convenable, Ve que la suppression de l'aubier ne saurait d'ailleurs être préjudiciable dans cette partie, si l'on a attention d'y suppléer en donnant un peu plus de grosseur aux pieux.

Indépendamment de la vermoulure à laquelle le bois est exposé, la fermentation de la seve, surtout dans les parties renfermées, et leur exposition alternative à l'air et à l'eau, sont également des causes principales de destruction assez connues, et sur lesquelles nous ne nous arrêterons point pour ne pas trop nous écarter de notre projet principal.

Position. Les pieux et pilotis battus dans les rivières doivent toujours être placés dans le sens du cours de l'eau ; ils doivent être posés d'équerre entr'eux, autant que cela se peut, et à plomb, excepté le cas dont on Ve parler.

Une fîle de pieux battus pour porter un pont de charpente, se nomme palée ; et une même palée est quelquefois composée de plusieurs files de pieux posés parallèlement, et à peu près suivant le plan des piles des ponts de maçonnerie.

Les deux ou trois pieux du milieu de ces palées doivent être battus à plomb, et les autres de chaque côté obliquement ; on en décharge en sens opposé sur la longueur des palées, pour empêcher le deversement de l'édifice construit sur ces pieux.

On bat quelquefois des pieux plus petits de part et d'autre des palées pour les affermir à la hauteur des basses eaux, lorsque les principaux pieux ont beaucoup de longueur au-dessous de ces basses eaux au fond du lit de la rivière, ou bien aussi pour les préserver contre le choc latéral des glaces ; on les nomme pieux de basses palées ; ils doivent être battus à plomb, à quelques pieds des grands pieux que l'on nomme aussi pieux d'étape ; et au droit du vide ou intervalle d'entre ces pieux, on les coèffe de chapeaux qui sont retenus entr'eux et contre les pieux d'étape avec des blochets maisés et assemblés à queue d'ironde sur les chapeaux.

Les pilots des batardeaux et ceux des crêches que l'on place quelquefois au pourtour des piles et au-devant des culées et murs pour plus de sûreté contre les affouillements, doivent aussi être battus à plomb.

On est pareillement dans l'usage de battre les pilots de fondation à plomb ; cependant lorsque le terrain est de peu de consistance, il est à propos d'incliner un peu ceux du pourtour des parements extérieurs vers le massif de la fondation ; par ce moyen on peut empêcher le deversement des pilotis qui ne pourrait avoir lieu sans le redressement de ceux qui seraient inclinés, à quoi le poids de la maçonnerie du dessus doit s'opposer ; ce sont les pilots des culées et murs de quai qui sont les plus exposés au déversement pour la poussée des terres du derrière.

Les pilots sont ordinairement présentés et posés par le petit bout ; ils entrent, dit-on, plus aisément dans le sens, et sont mieux battus au refus, ce qui est le but essentiel que l'on doit se proposer pour les ouvrages de maçonnerie, à fonder à cause de leur poids beaucoup plus considérable pour l'ordinaire que des édifices que l'on établit sur des pieux au-dessus des grandes eaux : cependant des expériences faites avec soin nous ont fait connaître que les pilots ferrés et battus le gros bout en bas, comparés avec ceux de même longueur et grosseurs battus de sens contraire dans le même terrain, et avec le même équipage, étaient d'abord entrés avec plus de difficulté, mais toujours assez également, et qu'ils sont parvenus plus tôt d'environ un quart de temps au refus du mouton de 510 livres de pesanteur, à la même profondeur de 19 et 20 pieds ; ce qui parait devoir provenir de ce que le frottement qu'éprouvent ces derniers pilots, est à-peu-près égal, lorsqu'ils augmentent toujours, à ceux qui sont chassés le petit bout en bas.

On croit cependant qu'il convient de s'en tenir à l'usage ordinaire de battre les pilots le petit bout en bas ; cette disposition en plaçant la tête directement sous le fardeau, doit les rendre plus forts et moins vacillans.

A l'égard des pieux, le bout par lequel il convient de les mettre en fiche dépend de la hauteur à laquelle les basses eaux et les glaces doivent arriver contre ces pieux.

Lorsque le milieu de la longueur du pieu devra sensiblement se trouver au-dessous des basses eaux, il conviendra de les mettre en fiche par le petit bout, comme les pilots, parce que sa partie la plus forte se trouvera au-dessus des basses eaux, où est celle qui seche et mouille alternativement, et qui est pour cette raison la plus exposée à être endommagée. C'est aussi dans cette partie supérieure que se fait le choc des glaces, toutes causes de destruction plus importantes que celles que les pieux peuvent éprouver dans leur partie inférieure par le frottement seul de l'eau.

Si le milieu de la longueur des pieux devait se trouver élevé à la hauteur des eaux moyennes, au lieu de celle des basses eaux, comme cela arrive assez ordinairement aux grands ponts de charpente, il conviendrait, pour la raison que l'on vient d'expliquer ci-devant, de les battre le gros bout en bas.

Les pieux des grands ponts fournissent à raison de leur longueur, un motif de plus pour les battre le gros bout en bas ; ils se trouvent pour lors comme l'arbre dans la position la plus naturelle et la plus forte près la racine, pour résister aux ébranlements auxquels ils sont plus exposés par leur longueur.

On ne doit d'ailleurs point avoir égard à ce qui peut concerner une certaine situation que quelques physiciens prétendent devoir être préférable pour la conservation des bois, relativement à leur opinion, sur la circulation de la seve. On renvoie aux expériences de M. Halles pour en juger. Statique des végétaux, pag. 135.

Espacements. L'espacement des pieux et celui des pilots dépend de leur grosseur, de leur longueur, et du fardeau qu'ils doivent porter, en les supposant d'ailleurs d'une même espèce et qualité de bois.

Suivant les expériences de Musschenbroeck, Essais de Physique, pag. 356. les forces des pièces de bois rondes ou carrées étant chargées sur leur bout, sont entr'elles comme les cubes de leur diamètre ou grosseur pris directement, et le carré de leur longueur pris réciproquement.

(a) En comptant le pied rhenant dont s'est servi Musschenbroeck pour 11 pouces 7 lignes du pied de roi, et la livre pour 14 onces poids de marc, qu'il parait par d'autres expériences avoir employé, on peut conclure qu'une pièce de six pouces de gros en carré, et six pieds de long portera 23418 livres, le tout étant réduit aux mesures de Paris.

Cette résistance est pour le cas de l'équilibre ; comme il ne faut pas même que les bois soient exposés à plier sensiblement, on conçoit qu'il convient, dans le calcul que l'on en ferait, évaluer cette résistance au-dessous du résultat précédent.

On peut voir par les expériences de M. de Buffon, et citées dans les mémoires de l'académie des Sciences de 1741, sur la résistance des bois posés horizontalement, que plusieurs pièces de 14 pieds et 5 pouces de gros qui ont été cassées sous un poids réduit de 5283 livres après avoir baissé de 10 pouces, avaient déjà plié de 12 à 15 lignes au dixième millier de la charge ; ce qui fait connaître que la résistance des pièces ainsi chargées ne doit être évaluée qu'au quart ou au tiers au plus de leur résistance absolue.

Nous manquons de pareilles expériences en grand pour les pièces qui sont posées debout ; mais comme elles sont bien moins sujettes à plier sous le fardeau dans ce sens, on croit qu'en reduisant à moitié leur résistance, ou le poids dont on peut les charger pour les rompre, elles ne seront pas exposées à plier sensiblement.

Dans ces expériences et remarques, on trouvera l'espacement qu'il faudra donner aux pieux et aux pilots en divisant le poids dont ils devront être chargés par la force de l'un de ceux que les circonstances pourront permettre d'employer.

On connaitra, en faisant ce calcul, qu'un pieu de 36 pieds de longueur et 16 pouces de grosseur réduite, qui aurait 27 pieds au-dessus de la fiche et serait maisé de 9 en 9 pieds, pourrait porter 73458 livres, ayant réduit à moitié la force résultante du calcul par les raisons expliquées ci-devant.

(a) Pour appliquer l'expérience de Musschenbroeck, à des piéces rondes, on a réduit dans les calculs qui suivent le bois rond en bois carré, de même base en superficie.

La travée du pont de charpente qui aurait 36 pieds de long ou d'ouverture d'une palée à l'autre, et ce serait une des plus grandes travées que l'on soit dans l'usage de construire, peserait pour une partie de 4 pieds et demi de largeur qu'aurait à porter un pieu d'entre ceux qui seraient espacés à cette distance, à-peu-près 41 milliers, compris le pavé et le sable du dessus ; il resterait à ce pieu une force excédente de 32458 livres, pour résister d'une part aux voitures chargées, dans le cas même où leurs essieux viendraient à se casser, et pour compenser d'autre part la diminution de force sur les pieux qui auront été chassés obliquement ; car on sait que la force des pièces ainsi inclinées, est à celle des pieux qui sont posés debout, comme les co-sinus de l'angle que forment la direction de la charge avec la pièce inclinée est au sinus total.

Il est bon de remarquer que les nœuds et de certains vices inévitables sur la qualité des bois doivent en diminuer encore la force ; mais cela pourra se trouver compensé en rapprochant les liernes et les moises jusqu'à six pieds de distance entr'elles, ainsi que l'on est assez dans l'usage de le faire au-dessus des basses eaux ; car pour ce calcul on ne doit compter la longueur des pieux que par la distance qui se trouve d'une moise à l'autre. Un pilot de 12 pieds et 9 pouces de gros que l'on supposera excéder de 3 pieds le dessus du terrain, pourrait porter 111018 livres ou environ moitié plus que le précédent, ce qui devient assez bien proportionné à cause du plus grand fardeau que les pilots sont destinés à porter ; on n'a pareillement fait le calcul du pilot que pour 3 pieds de longueur ; la partie qui a pris fiche et qui est entretenue par le terrain, ne pouvant plier, elle ne doit pas entrer en considération sur la diminution de force qu'occasionne la longueur des pièces.

En supposant les pilots espacés de 4 pieds de milieu en milieu, et la maçonnerie du poids de 160 livres, le pied cube, ils pourraient porter un mur de près de 47 pieds de hauteur ; ce qui viendrait assez bien à ce que donne l'expérience par rapport à la construction des ponts de maçonnerie de moyenne grandeur.

Si l'on voulait faire porter un plus grand fardeau sans changer un certain espacement convenu pour les pieux ou les pilots, il faudrait augmenter leur grosseur en raison sous-triplée des poids ; ainsi pour une charge octuple, par exemple, il suffirait de doubler leur diamètre, et ce au lieu d'augmenter leur superficie dans la raison du poids dont ils devront être chargés, comme il semblerait, à la première inspection, que cela devrait être pratiqué.

Cette règle que donne l'expérience est aussi conforme à ce qui arrive pour les bois inclinés ou posés horizontalement, leur résistance étant en raison du carré de leur hauteur ; ainsi dans l'un et l'autre cas on voit que pour des pièces qui auraient la même longueur, et dont la grosseur de l'une serait double de celle de l'autre, la quantité du bois employé dans la plus grosse pièce ne serait que quadruple, lorsque sa force pour porter un fardeau de toute sorte de sens serait octuple ; d'où il suit qu'il y aura de l'économie à employer par préférence des grosses pièces, lorsque leur prix augmente en moindre raison que la superficie de ces pièces prises dans le sens de leur grosseur.

On n'a parlé jusqu'à-présent que des pieux ou des pilots de chêne ; mais on peut employer d'autres bois plus ou moins forts ; c'est à quoi il faudra avoir égard dans le calcul. Pour cet effet on Ve donner le rapport de la force de différentes espèces de bois d'après les expériences qui en ont été faites pour les rompre, ces pieux étant chargés sur leur bout :

Essais de Physique de Musschenbroeck, pag. 357.

On voit par ces expériences que le bois de chêne est le plus fort, que le sapin l'est moins, quoique pour porter, étant chargé dans une position horizontale, il soit plus fort à-peu-près d'un cinquième que le chêne, suivant l'expérience de M. Parent, Mémoire de 1707 ; le frêne qui est aussi plus dur que le sapin, et qui pourrait porter un plus grand poids que l'on y suspendrait étant placé horizontalement, se trouve cependant moins fort pour porter dans la position verticale : cela peut provenir de ce que le fil du bois de frêne est moins droit que celui du bois de sapin.

Les calculs que l'on vient de donner sur la force des pieux et des pilots pour déterminer leur espacement entr'eux, paraissent assez bien convenir aux applications qu'on en a faites ; mais l'on ne doit pas toujours s'en rapporter au calcul dans un genre comme celui-ci où l'on manque d'expériences faites assez en grand sur la force des bois chargés debout, et où de certaines considérations physiques, et encore peu connues, pourraient induire à erreur ; il faut donc consulter en même temps, comme on voit, l'expérience de ce qui se pratique avec le plus de succès.

On est dans l'usage d'espacer les pieux des ponts de bois depuis 4 jusqu'à 5 pieds, et les pilots de fondation depuis 3 jusqu'à 4 pieds, et quelquefois quatre et demi, le tout de milieu en milieu. M. Bultet, dans son traité d'Architecture, est d'avis que l'on doit espacer les pilots, tant pleins que vides, c'est-à-dire de deux pieds en deux pieds, lorsqu'ils auront un pied de gros ; ainsi il en entrerait 16 dans une taise carrée isolée, et ce nombre se trouvera réduit à 9 lorsque les pilots de bordage seront rendus communs avec les parties environnantes.

On trouve dans d'autres auteurs, traité des Ponts par M. Gautier, pag. 68. qui avait acquis de la réputation pour ce genre de construction, qu'il faut mettre environ 18 à 20 pilots dans la taise carrée des fondations.

Ce qui se pratique dans les plus grands ouvrages fait connaître qu'il suffit d'espacer ces pilots à 3 pieds pour le plus près de milieu en milieu, il n'en entrera pour lors que 9 dans le premier cas ci-devant cité et seulement 4 dans le second, ce qui est bien suffisant, au lieu de 18 ou 20 proposés ci-dessus.

Battage ou enfoncement des pieux. Les pieux et les pilots surtout doivent être enfoncés jusqu'au soc ou tuf, et autre terrain assez ferme et solide pour porter le fardeau dont on aura à les charger, sans jamais pouvoir s'enfoncer davantage sous ce fardeau ; il faut par conséquent pénetrer les sables et les terres de peu de consistance, et qui seraient d'ailleurs susceptibles d'être affouillés par le courant de l'eau.

On doit pour cet effet commencer par reconnaître les différentes couches de terrain et leur épaisseur, au moyen d'une sonde de fer d'environ 2 pouces de grosseur, battue et chassée au refus jusque sur le roc ou terrain solide, afin de savoir la longueur et grosseur que l'on aura à donner aux pieux ou aux pilots pour chaque endroit où il conviendra d'en battre.

On se sert pour battre les pilots d'une machine que Vitruve, Philander, Baldus et Perrault ont nommée mouton. Ce nom se donne plus particulièrement à la pièce de bois ou de fonte qui sert à battre le pilot, et l'équipage employé pour faire mouvoir le mouton se nomme le plus ordinairement sonnette.

On fait les moutons plus ou moins pesans, suivant la force des pieux, la fiche que l'on doit leur donner et la nature du terrain. Cela varie depuis 400 jusqu'à 1200 liv. et plus : on emploie ordinairement un mouton de 6 à 700 livres pour les pilotis ; il est tiré par la force de 24 ou 28 hommes qui l'élèvent 25 ou 30 fois de suite en une minute jusqu'à quatre pieds et demi de hauteur, ces hommes se reposent après autant de temps alternativement.

Les moutons de 1200 livres sont tirés par la force de 48 hommes ; on s'en sert pour le fort pilotis ou les pieux ordinaires ; mais les plus gros pieux exigent un mouton plus pesant.

On emploie pour lors une machine différente de la sonnette ; six ou huit hommes sont appliqués avec des bras de leviers à mouvoir un treuil horizontal, sur lequel est placé la corde qui porte le mouton, étant élevé au sommet de la machine, un crochet à bascule ou un déclic, font lâcher le mouton, où descend la corde en déroulant le treuil pour le reprendre, ou bien plus commodément et par un échappement que M. Vaulhoue, horloger anglais, a imaginé ; la corde redescend immédiatement après le mouton, qu'elle reprend par une espèce de tenaille de fer qui lui est attachée, et cette corde qui est placée sur une lanterne dont l'axe est vertical, le dévide seul en lâchant un déclic sans être obligé de retourner le treuil comme dans le premier cas, ce qui est bien plus commode et expéditif ; ces deux sortes de façons de battre les pieux se nomment également battre au déclic : on s'en sert souvent aussi pour les moutons qui pesent au-dessous de 1200 livres depuis 6 ou 700 livres, tant à cause de la difficulté d'avoir assez d'hommes dans de certaines circonstances pour équiper les grandes sonnettes, que parce qu'ils se nuisent, et qu'en tirant obliquement par les vingtaines ou petites cordes qui sont attachées à la corde principale, comme cela est inévitable, quoique ces petites cordes soient quelquefois attachées autour d'un cercle placé horizontalement pour diminuer l'obliquitté, il y a toujours une partie assez considérable de la force qui se trouve perdue.

Il est vrai d'un autre côté que le déclic est moins expéditif, puisque le mouton est moins grand ; ainsi supposé que pour lever un mouton de 1200 livres on se serve de huit hommes appliqués à la sonnette à déclic de M. Vaulhoue, au lieu de 48 qu'il faudrait à la sonnette ordinaire sans déclic, on emploiera six fois plus de temps, le reste étant supposé d'ailleurs égal. On pourra donc préférer pour le battage des pieux ou des pilots, celle de ces deux machines qui pourra le mieux convenir pour le lieu et la circonstance, sans devoir se flatter que ce choix puisse épargner la dépense, et c'est-là le résultat de toutes les machines simples telles qu'elles soient.

Un pilotis ne doit être considéré avoir été battu suffisamment, et à ce que l'on appelle au refus du mouton, que lorsque l'on est parvenu à ne le plus faire entrer que d'une ou deux lignes par volée de 25 à 30 coups, et pendant un certain nombre de volées de suite ; à l'égard des pieux, comme ils doivent être moins chargés, on peut se contenter d'un refus de 6 lignes ou même d'un pouce par volée, suivant les circonstances.

Lorsque les pieux ou pilots sont serrés, il faut avoir l'attention d'en couper le bout carrément sur 2 à 3 pouces, et de faire réserver au fond du sabot autant que cela se peut, afin que le choc du mouton puisse se transmettre immédiatement sur le fond de ce sabot, et non pas sur les cloux dont chaque branche est attachée, ce qui ferait cesser ce sabot et nuirait à l'enfoncement des pieux.

La tête doit aussi être coupée carrément sur la longueur du pieu un peu en chanfrain au pourtour, ensuite fretté de fer quelques pouces plus bas, s'il est besoin, pour empêcher qu'elle ne s'écrase ou se fende.

Le choc du mouton aidé de la pesanteur du pilot, le fait d'abord entrer sensiblement ; le terrain qui se réserve pour lui faire place forme ensuite une plus grande résistance.

Ce terrain est aussi ébranlé par la secousse et la réaction des fibres du pilot jusqu'à une certaine distance circulairement, et de plus en plus, à mesure que le pilot s'enfonce. On conçoit qu'il doit se trouver un terme auquel ces résistances et pertes de force employées pour mettre en mouvement le terrain qui environne le pilot, pourront le mettre en équilibre avec la percussion, le pilot n'entrera plus, et au lieu d'un refus absolu, on n'aura qu'un refus apparent.

Si on vient à rebattre ce pilot au bout de plusieurs jours, il pourra encore entrer ; le terrain qui le pressait latéralement comprime et repousse de proche on proche chaque portion circulaire de terre qui l'environne, la résistance se trouvera diminuée, et la même percussion employée de nouveau sera capable d'un même effet ; c'est aussi ce qui se trouve confirmé par l'expérience.

On a grand intérêt de reconnaître le refus absolu, pour cet effet, indépendamment de l'expédient précèdent et de ce que l'on pourrait employer un mouton plus pesant en seconde reprise, le moyen le plus certain sera de faire préliminairement les sondes qui ont été proposées ci-devant, puisqu'elles feront connaître d'avance la profondeur et la nature du fonds sur lequel les pilots devront s'arrêter.

L'expérience donne aussi quelquefois à connaître ce refus absolu ; dans un terrain gras, lorsque le pilot est arrivé au refus apparent ou de frottement, l'élasticité de ce terrain fait remonter le pilot autant qu'il a pu entrer par le choc : si le pilot est au contraire parvenu au roc ou terrain ferme, le coup sera plus sec, et le mouton sera renvoyé avec plus de roideur par l'élasticité même de la réaction des fibres comprimées du pilot.

C'est de cette raison de l'élasticité de la part d'un terrain gras et compacte que l'on ne saurait y enfoncer qu'un certain nombre de pilots, passé lequel ceux qui ont été premièrement chassés ressortent à mesure que l'on en bat de nouveaux, et cela doit toujours arriver lorsqu'il se fait équilibre entre la percussion et la densité nouvellement acquise du terrain par la compression des pilots.

Le terrain pourrait aussi avoir naturellement cette densité et élasticité dont on vient de parler ; pour lors le premier pilot même n'y entrera qu'à une certaine profondeur, et qu'autant que la surface du terrain pourra s'élever pour lui faire place, cela arrive ainsi dans la glaise pure et verte, lorsqu'elle est un peu ferme.

On pourrait faire que les pilots que l'on aurait pu chasser dans un terrain un peu gras et élastique, n'en sortiraient point par la chasse d'un nouveau pilot ; mais celui-ci n'y entrerait que comme le pourrait faire celui du dernier article, il suffirait pour cela de battre les pilots le gros bout en bas : en voici la raison.

Lorsque les pilots sont chassés le petit bout en bas, leur surface conique se trouvant chargée de toute part, à cause de l'élasticité supposée dans ce terrain, (quand on vient à chasser un pilot aux environs) les chocs qui se font perpendiculairement à la surface du cône, se décomposent en deux autres ; les uns qui sont dans le sens horizontal se détruisent, et les autres qui sont suivant la direction de l'axe, soulèvent le pilot, et le font ressortir en partie ; il doit arriver le contraire, et pour la même raison, lorsque le pilot est chassé le gros bout en bas ; ainsi, loin de pouvoir sortir, les chocs qu'il éprouve à sa surface ne tendent qu'à le faire enfoncer, suivant son axe, s'il y a moyen.

Lorsque l'on se propose de battre plus d'une ou deux files de pieux ou pilots, comme quand il est question de fonder la pîle ou la culée d'un pont, il faut commencer par ceux du milieu, nommés pilotis de remplage, s'éloignant successivement du milieu, et finissant par ceux du pourtour extérieur que l'on nomme pilotis de bordage : on donne par ce moyen au terrain la facilité de se porter de proche en proche vers le dehors de l'enceinte que l'on a à piloter, et on peut les enfoncer plus avant, que si l'on suivait une marche contraire ; car ce terrain se trouverait pour lors de plus en plus serré vers le milieu de la fondation, et les pilotis y entreraient beaucoup moins.

On pourrait alléguer contre cette opinion, que les pilots de bordage étant battus les premiers, pourront aussi être chassés plus avant, ce qui sera avantageux dans les terrains sableux, à cause des affouillements auxquels le pied des pilots se trouverait moins exposé ; qu'à l'égard de ceux du remplage, si on a soin de les chasser tous au refus, ils seront également propres au fardeau que la percussion du mouton leur aura donné la faculté de porter.

Cette percussion, comme on Ve le voir, serait bien suffisante pour que l'on n'eut rien à appréhender de la part du tassement des pilots dans les premiers temps ; mais, comme on l'a fait remarquer précédemment, le terrain trop comprimé dans l'intérieur de la fondation tendra peu-à-peu à s'en écarter. La résistance occasionnée par le frottement diminuera, et les pilots pourront s'affaisser par cette première raison.

L'écartement du terrain poussera aussi les pilots avec d'autant plus d'avantage, que la force sera continuelle et lente, suivant les principes de la mécanique ; on peut remarquer que le fardeau qui agira sur la tête des pilots, suivant une direction perpendiculaire à celle de la poussée de ces sables, ne pourra en arrêter ou diminuer en aucune sorte l'effet : les pilots pourront donc aisément s'écarter par leur bout, n'étant d'ailleurs point engagés dans un terrain assez solide, ainsi qu'on le suppose ; ce qui formera une cause puissante d'affaissement et de destruction, d'où il suit que la première méthode que l'on vient d'expliquer, est préférable à tous égards.

Il est présentement question d'examiner quelle est la force de la percussion du mouton que l'on emploie à chasser les pieux, afin de connaître jusqu'à quel point il faudra les battre, pour être en état de porter une certaine charge déterminée, indépendamment de la résistance du terrain solide, lorsqu'ils y seront parvenus ; on aura pour lors une sûreté de plus, Ve l'incertitude où l'on peut quelquefois se trouver, d'avoir atteint le roc, ou autre terrain ferme.

Suivant des expériences de M. de Camus, gentilhomme lorrain (a), et autres faites sur le battage des pilots dans les travaux des ponts et chaussées, il parait que la force du choc du mouton est proportionnée à la hauteur de sa chute, laquelle hauteur est comme le carré de la vitesse acquise à la fin de cette chute.

Le temps employé par les hommes pour lever le mouton, est en effet proportionné à son élevation, et on a lieu d'en attendre une quantité de mouvement qui soit proportionnée à la hauteur de la chute : ces expériences sont aussi conformes à celles faites sur la chute des corps dans la cire et la glaise où ils se sont enfoncés, en proportion de la hauteur des chutes. Voyez l'Histoire de l'académie des Sciences, pour l'année 1728, pag. 73 et suiv.

On voit, suivant ces expériences, que la force d'un seul coup de mouton sera équivalente à celle de plusieurs autres dont la somme des chutes lui serait égale ; ainsi deux coups d'un même mouton, par exemple, tombant chacun de deux pieds de hauteur ; ou dont l'un viendrait de trois pieds, et l'autre d'un pied, seront, pour l'effet, égaux à un seul coup dont le mouton serait élevé de quatre pieds de hauteur.

Ce principe mérite cependant une exception dans la pratique, à cause de la perte occasionnée par le branlement du terrain, et autres causes physiques mentionnées au présent mémoire, qui pourraient rendre la percussion de nul effet, si le mouton était plus élevé ; aussi est-on dans l'usage de donner quatre pieds et plus d'élevation ou de chute au mouton : ce que l'on vient de dire à l'article précédent, n'aura donc lieu que pour le plus grand effet que l'on doive attendre de la percussion dans le battage des pilots, et il en résultera toujours que le declic qui donne la facilité d'élever le mouton beaucoup plus haut que la sonnette, n'éprouvera que peu d'avantage à cet égard, et que ce sera de la pesanteur seule du mouton que l'on aura lieu d'attendre le plus d'effet pour battre les gros pieux ; aussi voit-on que l'on a été obligé quelquefois d'avoir recours à des moutons de quatre mille livres, pour des pieux de quarante-cinq à cinquante pieds de long, et de vingt à vingt-quatre pouces de grosseur à la tête, tels que les pièces de palées du pont de bois actuel de Saumur.

La force d'un mouton ordinaire de douze cent livres de pesanteur suffit à peine sur un tel pieu pour en ébranler la masse : il y a une perte inévitable d'une partie considérable de la force, celle qui est employée à la compression des fibres, et à résister à leur élasticité ou réaction, avant qu'elle puisse arriver à la pointe du pieu, et percer le terrain. Cette perte se trouve encore augmentée en raison de la longueur du pieu, et du plus ou moins de rectitude, par la difficulté de placer la percussion verticalement dans la direction de son axe, l'obliquitté presque inévitable de cette percussion occasionne un balancement nommé dardement, qui augmente son élasticité, et diminue d'autant l'effet du choc.

(b) On voit par l'expérience de M. Mariotte, que le choc d'un corps de deux livres deux onces tombant de sept pouces de hauteur, est équivalente à la pression qu'occasionnerait un poids de quatre cent livres ; ainsi la force d'un même poids de deux livres deux onces tombant de quatre pieds de hauteur, qui est celle à laquelle on élève communément le mouton, sera, en raison de ces hauteurs, de deux mille sept cent quarante-deux livres 6/7, et pour un mouton de six cent livres, de plus de sept cent soixante-treize milliers pour le cas du refus, car lorsque le pilot entre encore, il s'échappe en partie à l'effet de la percussion.

En matière de construction, il convient de rendre la résistance toujours supérieure ; ainsi en la faisant double, il parait que l'on pourrait charger un pieu chassé de la sorte, d'un poids de plus de trois cent quatre-vingt milliers, supposé qu'il soit assez fort par lui-même pour le porter.

On a Ve ci-devant qu'un pilot de neuf pouces de grosseur, excédant de trois pieds par sa tête le terrain

(a) Traités des forces mouvantes, page 164. Expériences faites en 1744, par M. Soyer, à la fondation du pont de la Boirie, près la Fleche, les pilots étant battus au déclic.

(a) Suivant M. de Camus, traité des forces mouvantes, page 170. Un poids d'une livre un quart, tombant de huit pieds de hauteur, occasionne un choc ou une percussion équivalente à la pression d'un poids de 200 livres, ce qui reviendra d'autant mieux à l'expérience de M. Mariotte, que l'on croit qu'il y a erreur dans la hauteur de la chute de l'expérience de M. de Camus ; et que suivant la proportion qu'il indique, elle doit être de 7 pouces, au lieu de huit pouces de chute.

On n'ignore pas combien il est difficîle ou peut être même impossible d'établir mathématiquement aucun rapport entre les forces mortes et les forces vives ; telle que la pression simple et la percussion ; et on ne l'a entrepris ici que physiquement et d'après l'expérience, pour faire connaître à peu près à quoi on peut l'évaluer : cependant on n'en conclura rien qui puisse intéresser la solidité, si les pilots sont chassés au refus jusqu'au terrain ferme comme on le recommande, et que le poids dont on les devra charger ne puisse pas excéder la moitié de ce qu'ils pourraient porter.

dants lequel il est chassé, ne doit être chargé que d'un poids d'environ cent onze milliers, un pilot d'un pied de grosseur rédte. qui est un des plus forts que l'on emploie, porterait, dans la raison du cube de son diamètre comparé à celui du diamètre du pilot précédent, environ deux cent soixante-quatre milliers ; ainsi la percussion d'un mouton de six cent livres pourrait donner plus de force qu'il n'est nécessaire pour le poids que doit porter un tel pilot.

Les petits pilots sont battus à la sonnette ; il convient de chasser les gros pilots, ainsi que les pieux au declic ; la hauteur de l'élévation du mouton dans le premier cas, est d'environ quatre pieds, et celle pour le declic, depuis quatre pieds jusqu'à douze ou environ, ce qui donne huit pieds de hauteur réduite.

Si l'on veut présentement savoir quel sera le poids du mouton, et la hauteur nécessaire à sa chute pour donner à un pieu ou à un pilot chassé au refus, une percussion équivalente au double du poids qu'il pourra porter :

En supposant le mouton seulement d'une livre de pesanteur, sa force de percussion sera pour élévation à la sonnette, suivant l'expérience de M. Mariotte que l'on a rapportée ci-devant, de mille deux cent quatre-vingt-dix livres ; et celle pour le declic, de deux mille cinq cent quatre-vingt livres : cette connaissance rend le calcul que l'on se propose, fort facîle ; il suffit pour cela de diviser le poids qu'un pilot de moyenne grosseur peut porter, dans le cas de l'équilibre, par mille deux cent quatre-vingt-dix livres, lorsqu'il s'agira d'un gros pilot et d'un pieu qui devra être chassé au declic, afin de conserver la résistance double dans tous les cas.

On vient de voir par exemple qu'un pilot de douze pouces de grosseur peut porter deux cent soixante-quatre milliers ; divisant le double de ces poids mille deux cent quatre-vingt-dix livres, il viendra pour le poids du mouton qu'il faudra employer avec la sonnette seulement quatre cent neuf livres ; mais à cause des frottements et de la perte d'une partie de la force occasionnée par le mouvement que ce pilot communique sur une certaine étendue du terrain qui l'environne, il convient de donner au moins six cent livres de pesanteur au mouton.

En suivant ce que donne le calcul précédent, on aurait aussi un mouton trop faible pour chasser les pieux au déclic par la raison précédente, et de plus, pour celle de la masse du pieu à mettre en mouvement de l'oblique du choc, et de l'élasticité et dardement dont il a été parlé ci-devant, toutes causes physiques qui ne sauraient être bien appréciées ; ainsi il faut dans ce cas employer des moutons de mille deux cent livres et plus, suivant que les circonstances locales et les expériences l'indiqueront. Article de M. PERRONET.

PIEUX-BOUREAUX, terme de rivière, ce sont des pièces de bois que l'on met près des pertuis, pour y tourner une corde, afin que le bateau n'aille pas si vite.

PIEUX FOURCHUS, terme de Chasse, ce sont les bâtons dont on se sert pour tendre les toiles.