S. m. en Poésie, pièce de vers composée en entier de vers ou de passages pris de côtés et d'autres, soit dans le même auteur, soit dans différents écrivains, et disposés seulement dans une nouvelle forme ou un nouvel ordre qui compose un ouvrage, et donne à ces lambeaux un sens tout différent de celui qu'ils ont dans l'original.

Ce mot est latin, cento, et signifie à la lettre un manteau fait de pièces rapportées : il vient du grec , qui veut dire la même chose. Les soldats romains dans les sièges se servaient de centons, ou de vieilles étoffes rapetassées, pour se garantir des traits de l'ennemi ; et l'on couvrait aussi au même dessein les machines de guerre, les galeries, et autres choses nécessaires aux approches, de peaux de bêtes fraichement écorchées, que les auteurs appellent centons. Voyez CENTONAIRES.

Ausone a donné des règles de la composition des centons ; et lui-même en a fait un très-obscène tiré des vers de Virgile : il faut prendre, dit-il, des morceaux détachés du même poète, ou de plusieurs : on peut prendre les vers entiers ou les partager en deux, et lier une moitié empruntée d'un poète à la moitié qu'un autre aura fournie : mais il n'est pas permis d'insérer deux vers de suite, ni d'en prendre moins que la moitié d'un.

Proba Falconia a écrit la vie de Jésus-Christ en centons tirés de Virgile, aussi-bien qu'Alexandre Rosso, et Etienne de Pleurre chanoine régulier de S. Victor de Paris. Voici un exemple de ces centons dans l'adoration des Mages. Voyez Chambers et le dict. de Trév.

CENTONAIRES, s. m. pl. (Histoire ancienne) officiers dans les armées romaines, qui avaient soin de fournir les étoffes que l'on appelait centones, et qui servaient à couvrir les tours et les autres machines de guerre dans les siéges, pour les défendre des traits ou du feu des ennemis. Vegece, liv. IV. parlant d'une galerie couverte qui servait à faire les approches, dit que par-dehors, de peur qu'on n'y mit le feu, elle était revêtue de cuirs fraichement écorchés, et de centons, centonibus ; c'est-à-dire de quelques vieilles étoffes, qui étant mouillées pouvaient ou résister au feu, ou amortir les armes de trait. César, dans ses commentaires et dans le livre de la guerre civile, chap. xljv. rapporte que les soldats se servaient aussi de centons pour se garantir des traits de l'ennemi, comme on fait encore aujourd'hui de gabions et de sacs à laine. Les centonaires étaient souvent joints aux dendrophores ou charpentiers, et autres ouvriers suivants les armées, comme il parait par d'anciennes inscriptions. Rosin, antiquités romaines. (G)