(Musique) on appelle communément airs caractérisés, ceux dont le chant et le rithme imitent le goût d'une musique particulière, et qu'on imagine avoir été propre à certains peuples, et même à certains personnages de l'antiquité, qui peut-être n'existèrent jamais. L'imagination se forme donc cette idée sur le chant et sur la musique, convenable au caractère de ces personnages, à qui le musicien prête des airs de son invention. C'est sur le rapport que des airs peuvent avoir avec cette idée, laquelle, bien qu'elle soit une idée vague, est néanmoins à-peu-près la même dans toutes les têtes, que nous jugeons de la convenance de ces mêmes airs. Il y a même un vraisemblable pour cette musique imaginaire. Quoique nous n'ayons jamais entendu de la musique de Pluton, nous ne laissons pas de trouver une espèce de vraisemblable dans les airs de violon, sur lesquels Lully fait danser la suite du dieu des enfers dans le quatrième acte de l'opéra d'Alceste, parce que ces airs respirent un contentement tranquille et sérieux, et comme Lully le disait lui-même, une joie voilée. En effet, des airs caractérisés par rapport aux fantômes que notre imagination s'est formés, sont susceptibles de toutes sortes d'expressions, comme les autres airs. Ils expriment la même chose que les autres airs ; mais c'est dans un goût particulier et conforme à la vraisemblance que nous avons imaginée. C'est Lully le premier, qui a composé en France les airs caractérisés. Réflexions sur la poésie et la peinture.

(Le Chevalier DE JAUCOURT.)