S. f. (Musique) instrument à cordes de boyau, que l'on joue en pinçant ou en battant les cordes avec les doigts, et que l'on tient dans la même position que le luth, le théorbe, la mandore et autres de ce genre ; attitude qui a très-bonne grâce, surtout dans les mains d'une femme.

Sa forme semble avoir été prise d'après celle d'une moitié de calebasse ou gourde, à laquelle est ajustée une table de pin, et un manche au bout de la partie supérieure du corps de l'instrument.

Il a dix touches distribuées par semi-tons ; elles sont ordinairement de même nature que les cordes, et doivent être extrêmement serrées autour du manche, à cause de leur mobilité.

Les cordes sont attachées à un chevalet, fixé sur la table de la partie inférieure, et sont supportées par un sillet au bout du manche, où elles sont arrêtées par des chevilles tournantes dessous le manche.

Il n'avait d'abord que quatre cordes. Depuis on l'a mis à cinq doubles, dont les trois premières sont à l'unisson, et les quatrième et cinquième à l'octave ; souvent même on ne souffre point de bourdon à la cinquième, et dans ce cas on les met à l'unisson. On ne met aussi qu'une seule chanterelle, par la difficulté d'en trouver d'assez justes. Les différentes manières de jouer de cet instrument, dont on parlera ci-après, décident de celle de le monter.

Son étendue est de deux octaves et demie, depuis le la jusqu'au mi.

On n'en peut guère déterminer l'origine. Nous le tenons des Espagnols, chez qui les Maures l'ont vraisemblablement apporté : c'est l'opinion commune en Espagne, qu'il est aussi ancien que la harpe. Sait respect pour cette opinion, soit plutôt que le charme de la douce rêverie qu'il inspire, ait de l'analogie avec le caractère d'une nation tendre, galante, discrette et mélancolique ; soit enfin que le silence des belles nuits d'Espagne où l'on en fait le plus d'usage, soit plus favorable à son harmonie, il s'y est constamment établi, et y a acquis le droit d'instrument national. Il a eu le même succès chez les Portugais et les Italiens, et il était fort en vogue en France sous le règne de Louis XIV.

Le son de cet instrument est si doux, qu'il faut le plus grand silence pour sentir toutes les délicatesses d'un beau toucher. Dans un lieu bruyant, on n'entend souvent que le tac des doigts, le charme est totalement perdu.

Il est fait pour jouer seul, ou accompagner une voix sur des instruments du même genre. Il ne réussirait pas dans un concert ; aussi a-t-il fait place, ainsi que le luth et le théorbe, aux instruments qui y sont propres, depuis que le goût s'en est aussi étendu qu'il l'est actuellement.

Quelques amateurs l'ont fait renaître, et ont en même temps réveillé notre goût pour nos vaudevilles, pastorales et brunettes, qui en acquerrent un nouvel agrément.

De la tablature. On se sert de lettres ou de chiffres pour noter les airs ou accompagnements. Cette méthode, quoique ancienne, s'est conservée pour cet instrument par la commodité dont elle est pour la bonne grâce de la main, l'arrangement des doigts, la beauté du son, l'harmonie, et la facilité dans l'exécution ; à-moins qu'on ne se propose de faire pour le moins autant d'étude de cet instrument, que du clavecin, il n'est guère possible de faire sur le champ le choix des positions de la main sans une grande habitude.

En France on se sert des onze premières lettres de l'alphabet, depuis l'a jusqu'à l, sur chaque corde, pour les dix touches qui produisent onze semi-tons, à partir de la corde à vide au sillet, c'est-à-dire sans mettre de doigt dessus, et qui se marque par un a ; la première touche par un 6, et les autres successivement.

On se sert encore d'autres signes pour les doigts des deux mains. Ceux de la main gauche, dont l'exécution se fait sur toute la partie du manche, sont les tirades , qui se font lorsque les doigts étant posés, il faut couler d'une note à l'autre en descendant ; les chutes, lorsqu'il faut couler les notes en montant, ce qui se fait en laissant tomber les doigts sur la corde avec assez de force, pour que le seul tac du bout des doigts lui fasse produire le son ; les miaulements ou plaintes * qui se font en appuyant et balançant le doigt sur la corde pour augmenter la durée du son ; les tremblements ou cadences) qui se font en battant avec le doigt plus ou moins vite sur la corde, en empruntant un ton ou un semi-ton au-dessus de la note du chant ; les barres courbes (pour avertir qu'il faut coucher le premier doigt sur toutes les cordes, pour former, pour ainsi dire, un sillet ambulant de touche en touche.

Les signes de la main droite qui tient lieu d'archet et dont l'exécution se fait dans la partie de la table de la guittare, sont les petites barres droites |, ou demi-cercles , que l'on place sous la lettre qui doit être touchée du pouce ; les points que l'on place sous celles qui doivent être touchées du premier, du second et du troisième doigt ; et enfin la manière d'annoncer quand on doit battre ou relever les accords en batterie qui se fait, en plaçant immédiatement après l'accord marqué par les lettres, les notes entre la première et la seconde ligne de la portée, la queue en-bas ou en-haut ; en-bas, pour frapper des doigts de haut en-bas ; et en-haut, pour frapper en relevant de bas en-haut, et l'on fait durer plus ou moins la batterie, en dépliant successivement les doigts suivant la valeur de la note. Quant aux notes des lettres que l'on doit pincer, on les place au-dessus et hors de la portée où sont les lettres. Cette portée a cinq lignes représentatives des cinq rangs de cordes de la guittare. Quand il y a plusieurs lettres de suite de même valeur, on se contente de mettre une seule note sur la première, par exemple une seule croche pour toute une mesure, et même plusieurs mesures, dont les notes seraient de même valeur, jusqu'à ce qu'il leur succede une autre note de plus ou moins de valeur. On se sert à cet égard des mêmes signes usités pour la Musique, tant pour les notes que pour les soupirs, etc. Voyez les livres de Visé, gravés sous le règne précédent.

On distingue deux manières de jouer de cet instrument, qui sont en batteries ou pincés. Plusieurs affectent l'une plus que l'autre : d'autres se servent agréablement des deux, et c'est le meilleur parti qu'on ait à prendre. La plus étendue et la plus susceptible d'exécution, est le pincé. Les batteries sont plus harmonieuses, parce que toutes les cordes sont en jeu ; mais il faut bien de la legereté, de la douceur dans la main droite, et de la fermeté et de la justesse dans la position de la main gauche, pour qu'elles produisent un bon effet : car rien n'est si facîle que de faire de cet instrument, dont l'harmonie est très-douce et agréable, un vrai chauderon.

Les pincés se font entre la rose et le chevalet ; mais les batteries doivent se faire entre la rose et la dernière touche du manche, c'est-à-dire vers le milieu de l'étendue des cordes, pour éviter la dureté qui résulterait du voisinage du chevalet, qu'on ne maitriserait pas aussi aisément qu'en pinçant.

Des cordes. Le choix des cordes demande une grande attention pour la justesse et la proportion, surtout pour les unissons. Les bourdons filés ont deux inconvéniens, l'un d'user et de couper les touches ; l'autre plus grand, est de dominer trop sur les autres cordes, et d'en faire perdre le son final par la durée du leur, principalement dans les batteries. Il est des accords où ils peuvent bien faire, c'est lorsqu'ils produisent le son fondamental ; mais comme cela n'arrive pas le plus souvent, il vaut mieux s'en tenir aux bourdons simples, à-moins qu'on ne veuille que pincer. Visé, célèbre maître de guittare sous Louis XIV. n'en mettait point au cinquième rang ; mais il y perdait l'octave du la, et par conséquent une demi-octave. Elle s'accorde par quartes, à l'exception de la seconde et de la troisième, qui n'ont entr'elles qu'un intervalle de tierce. L'accord est la, ré, sol, si, mi, en comptant du son le plus grave.

OBSERVATIONS SUR LA FIGURE SUIVANTE.

Le nom des notes est posé sur le manche à l'endroit même où il faut poser les doigts, le plus près de la touche qu'il est possible, mais jamais dessus la touche. Il ne faut pas poser de doigt près le sillet qui se marque par un a, parce que le son des cinq cordes y est déterminé par leur position ; c'est ce qu'on appelle sonner les cordes à vide. C'est-là l'accord de la guittare.

Dans la progression des sémi-tons du diapason on ne trouve point de bémols marqués. On s'est déterminé à ne marquer que des dièses, pour ne point faire de confusion. Mais ce qui est la # sera si b quand il le faudra, parce qu'il se fait au même endroit, le ton du la au si naturels se trouvant partagé également par la touche. Ainsi des autres.

Quant à la forme des lettres, la plus usitée est la bâtarde, un peu plus panchée qu'à l'ordinaire, à cause des lettres à queue qui pourraient s'entre-lacer, et embarrasser les autres lettres et les signes dont on se sert. Les b se font comme des 6 ; les c comme des r, dont le jambage droit est un peu raccourci et le trait circonflexe un peu allongé. Voyez l'exemple ci-dessus, et les livres gravés de Visé. On leur donne cette forme pour éviter que la ligne sur laquelle les c sont posés ne les ferme par en-haut, et ne les fasse prendre pour des e. On ne saurait mettre trop de netteté dans cette manière de noter, bien moins avantageuse pour la vue que les notes de Musique ; mais cette méthode est propre et commode pour cet instrument, quand on ne peut y donner assez de temps pour acquérir le grand usage des positions.

TABLEAU DU MANCHE DE LA GUITTARE DE GRANDEUR ORDINAIRE.

Manière de noter en tablature, et rapport des lettres avec tous les tons du diapason.