S. m. (Lutherie) instrument de musique à cordes et à archet, représenté figure 7. Planche de Lutherie. Cet instrument, comme tous les autres de son espèce, est composé de deux tables contournées, comme on voit dans la figure. Celle de dessous est ordinairement de hêtre, et est de deux pièces collées, suivant la largeur. Celle de dessus, sur laquelle porte le chevalet qui soutient les cordes, est de sapin ou de cedre, comme les tables des clavecins ; les deux tables sont jointes ensemble par les bandes de bois a b, b c d, d e f, qu'on appelle éclisses, et dont la largeur détermine l'épaisseur du corps de l'instrument. Ces éclisses sont de bois de hêtre. On ménage en taillant la table de dessus, une épaisseur A fig. à la partie intérieure et supérieure de cette table : cette épaisseur est quelquefois un morceau de bois collé et chevillé en cet endroit ; cette épaisseur sert d'épaulement et de point d'appui au talon a du manche a A, qui est composé de trois parties ; du manche proprement dit, qui est depuis a jusqu'en L, du sommier L A, qui est de la même pièce, lequel est évuidé pour faire place aux cordes qui vont s'envelopper autour des chevilles 1, 2, 3, 4. Ce sommier dans lequel les chevilles tiennent à frottement, est armé à sa partie supérieure A d'un rouleau de sculpture, ou quelquefois d'une tête d'homme ou d'animal à la volonté du facteur ; car ces sortes de choses ne font rien à la bonté de l'instrument. La troisième partie du manche est la touche B k, qui est collée sur le manche, laquelle est ordinairement d'ébene ou de bois noirci ; c'est sur cette touche que celui qui joue de cet instrument appuie les cordes pour déterminer leur longueur, qui se prend depuis le chevalet D jusqu'au filet d'ivoire B, lorsqu'on les touche à vide, et seulement depuis le même chevalet jusqu'à l'endroit de la touche où elles sont tenues appliquées par le doigt lorsqu'on ne les touche pas à vide. Ces instruments sont en outre percés de deux ouvertures i i, dont on voit le modèle dans la figure, Pl. de Lutherie. Ces ouvertures que l'on fait pour donner passage aux sons qui se forment non-seulement par les vibrations des cordes, mais aussi par celles de la table supérieure, s'appellent les ouies, lesquelles ont la forme d'une S ; au-lieu que celles des violes et contre-basses, etc. ont la forme d'un C.

Pour faire un violon, après avoir collé les deux pièces qui doivent former la table de dessus, et les avoir chantournées, suivant l'un ou l'autre des patrons A B, fig. Pl. de Luth. on applique cette table sur la machine représentée, fig. appelée creusoir, sur laquelle on l'affermit au moyen des deux vis et de leurs écrous a m. Après que la table est ainsi affermie, et que le creusoir est arrêté sur l'établi, on creuse la table autant qu'il convient, en épargnant la partie qui doit servir d'appui au talon du manche ; on fait ensuite l'autre côté de table, qu'on applique pour cet effet sur la planche représentée, fig. On fait la même chose à la planche de sapin qui doit servir de table à l'instrument, observant de la creuser davantage sur le milieu, et de la réduire à environ 3/4 de ligne d'épaisseur, plus ou moins, selon la taille de l'instrument et la qualité du bois, car il s'en trouve qui sont plus ou moins sonores les uns que les autres.

Pour creuser les tables, on se sert de rabots de fer ou de cuivre A B C, représentés, Pl. fig. dont quelques-uns, comme B, ont le fer denté. Ces rabots, dont on se sert pour creuser des surfaces courbes, ont la semelle convexe, le fer est arrêté par un coin D, qui passe entre lui et une cheville : on se sert en premier lieu du rabot dont le fer est denté ; en second lieu de ceux dont le fer est tranchant, et on acheve avec des ratissoirs d'acier, qui sont des morceaux de ce métal aiguisés en biseau sur une pierre à l'huile. Pour juger de l'épaisseur de la table, on se sert du compas à mesurer les épaisseurs, représenté, fig. qui est tellement construit que lorsque les deux pointes d embrassent l'épaisseur de la table, les deux autres pointes e laissent entr'elles un vide égal à l'épaisseur que le compas embrasse par les autres pointes.

Après que les tables sont achevées, on prend le moule d'une grandeur convenable. Le moule est une pièce de bois chantournée de même que l'instrument, ou une carcasse, comme celle de la fig. On allege le moule lorsqu'il est fait d'une seule pièce de bois par de grandes mortaises, ce qui ôte un poids superflu ; ce qu'on n'est pas obligé de faire lorsque le moule est de pièces d'assemblage, soit que l'on se serve de l'un ou de l'autre des deux moules représentés, Pl. fig. Ils doivent être tellement construits qu'il y ait six entailles a a, b b, c d, dans la circonférence du moule. Ces entailles servent à placer des tasseaux sur lesquels on colle les éclisses ; les quatre entailles a a b b servent à placer les tasseaux des coins des éclisses, et l'entaille c, celui du bouton auquel le tirant est attaché : l'entaille d sert à placer le tasseau qui soutient le talon du manche. Après que les tasseaux sont placés, on colle dessus les éclisses qui doivent prendre la forme du moule, et avoir la même largeur. Les éclisses des violons sont de quatre pièces ; savoir deux pour les parties concaves x Xe qui servent de voie à l'archet ; une autre pièce x d Xe qui fait le tour du haut du corps, et enfin la pièce x c b, qui fait le tour par en-bas du même corps. On lie les éclisses sur le moule, après les avoir ployées à coups de batte pour leur faire prendre pli. Après que les éclisses sont collées et séchées sur les tasseaux, on retire le moule, et on colle les éclisses toutes assemblées sur la table de dessous, sur laquelle on les tient appliquées par le moyen des presses ou happes, représentées, fig. dont on serre les vis ou les écrous. Après que l'ouvrage est placé entre les branches des happes, si on se sert des presses, représentées, fig. Pl. de Luth. on applique l'épaulement A de la vis sous la table inférieure, et le bord de l'écrou B sur le champ des éclisses que l'on comprime par ce moyen sur la table, et qu'on laisse en cet état jusqu'à ce que la colle soit séchée. On prépare ensuite la table supérieure, dont les ouies doivent être percées avant de la coller. Pour percer les ouies, on se sert des emporte-pièces A a ; l'emporte-pièce est un fer à découper, lequel est rond, en sorte que son empreinte est en cercle ; on le présente sur la table par le trou rond 1 2, qui est à l'extrémité des S ou des C des patrons des violons ou des violes, voyez les figures, que l'on place sur la table de l'instrument, en sorte que l'ouverture du patron réponde vis-à-vis le lieu où doivent être les ouies ; on appuie l'emporte-pièce sur la table par cette ouverture, et on tourne cet outil que l'on tient par la poignée C D, jusqu'à ce que l'on ait percé le trou et emporté la pièce. Après que les ronds sont percés, et que l'S ou le C est tracé sur la table, on prend une petite scie ou équoine, avec laquelle on fait une fente qui communique depuis l'un des trous jusqu'à l'autre en suivant le contour de l'S ou du C : on élargit ensuite cette fente avec de petits couteaux F, jusqu'à ce qu'on ait atteint le trait qui termine le contour de l'S.

Lorsque les ouies sont percées et réparées, on trace tout-autour à quelques instruments un double filet, qui sont deux traits éloignés l'un de l'autre d'environ demi-ligne, lesquels bordent ces ouvertures. L'outil avec lequel on trace ces filets, que l'on remplit ensuite de noir, et qu'on appelle tire-filet, est représenté dans les Planches.

Figure a est le fer qui a deux pointes pour tracer les deux traits. b est le guide qui suit le contour intérieur des S, pendant que les deux pointes tracent les filets. C D sont deux vis, dont la première c retient le guide b et la seconde D le burin à deux pointes a dans la boite E. Cette boite est emmanchée au moyen de la frette G au manche F, par lequel on tient cet instrument.

Les facteurs se servent aussi d'un autre tire-filet, représenté, fig. Pl. pour tracer les filets qui entourent tout l'instrument, et qui suivent la même direction que les éclisses. A et B est la tige de cet outil qui est de fer ; la tige est percée d'un trou carré par lequel passe le burin D E, qui a une ou plusieurs pointes, selon le nombre de filets dont on veut entourer l'instrument. Le burin est arrêté dans son trou par les vis C. La pièce en équerre g F G sert de guide, et dont on fixe la branche G à telle distance que l'on veut de la pointe E du burin, au moyen des vis g F. On se sert de cet outil comme du trusquin, dont il est une espèce. Après que la table est préparée, comme il a été dit ci-devant, et avant de tracer tout-autour les filets, on la colle sur les éclisses vis-à-vis de la fausse table, avec laquelle au moyen de la colle elle ne doit plus faire qu'un même corps ; c'est pourquoi les éclisses doivent s'appliquer exactement sur le côté intérieur de cette table, qui doit être aussi collée sur les tasseaux. On tient cette table sur les éclisses par le moyen des happes et des presses, comme on a fait la première, jusqu'à ce que la colle soit séchée ; on polit ensuite le corps de l'instrument, tant sur les tables que sur les éclisses, avec les ratissoirs ou grattoirs dont on a parlé ci-devant, et avec de la peau de chien de mer. Quand tout le corps est ainsi achevé, on colle le manche par son talon sur le tasseau d d'en-haut, sur lequel il doit être fermement attaché. Sur le tasseau inférieur c on colle un bouton d'ivoire ou d'ébene, après y avoir percé un trou pour faire entrer la queue de ce bouton, fig. qui sert d'attache au tiran h auquel les cordes sont attachées. Par-dessus le manche on colle la touche B k, qui est d'ébene ou de quelqu'autre bois dur noirci, laquelle doit être un peu plus longue que la moitié de l'intervalle B D, compris entre le sillet B et le chevalet D. Cette touche ne doit point toucher sur le corps de l'instrument dans la partie a k, mais elle doit en être éloignée d'environ un tiers de pouce, et être un peu convexe pardessus, et un peu concave par-dessous seulement dans la partie qui répond vis-à-vis du corps et plate pardessous dans la partie a B où elle est appliquée et collée sur le manche. La partie A B du manche qui s'incline un peu en arrière, et qu'on appelle le sommier, est traversée de quatre chevilles 1 2 3 4 ; ces chevilles ont un trou dans la partie qui traverse le sommier ; on fait passer la corde dans ce trou pour qu'elle puisse tenir en s'enveloppant autour de la cheville, lorsqu'on la tourne pour tendre la corde qui est attachée par l'autre extrémité au tiran h par le moyen d'un anneau ou anse qui passe par un des trous de cette pièce, laquelle on tend sur le chevalet D et le sillet B : ces deux pièces ont de petites entailles pour loger les cordes qui, sans cette précaution ne pourraient pas rester dessus. Le chevalet est un morceau de bois plat qui a deux pieds, lesquels portent sur la table, et dont l'autre côté est une portion de cercle : le milieu est découpé à jour selon le dessein qu'il plait à ceux qui les font. Le violon est monté de quatre cordes de boyau, dont la plus menue, qui est tendue par la cheville 1, s'appelle chanterelle ou e si mi ; la seconde tendue, la cheville 2, s'appelle a mi la, et la troisième s'appelle d la ré, et la quatrième qui est la plus grosse de toutes, g ré sol, ou la basse, à cause de la gravité de ses tons. Ces deux dernières cordes, qui sont tendues par les chevilles 3 4, sont filées d'argent ou de cuivre. Ce qu'on appelle des cordes filées ; ce sont des cordes de boyau qui sont entourées dans toute leur longueur d'un fil d'argent ou de cuivre argenté fort menu, qui Ve en tournant tout du long, en sorte que la corde en est toute couverte. Pour revêtir ainsi les cordes d'un fil d'argent ou de cuivre, les facteurs se servent d'un rouet L K, par le moyen duquel ils font tourner sur elle-même la corde A B, attachée d'un bout à l'émerillon C, voyez EMERILLON, lequel est lui-même attaché à un bout de ficelle qui passe par-dessus la poulie B, attachée à la muraille, et au bout duquel est attaché le poids D ; l'autre extrémité de corde prend dans un crochet A, dont la tige traverse une poulie sur laquelle passe la corde sans fin A P L Q, laquelle passe aussi sur la roue P L K, que l'on tourne avec la manivelle L, par le moyen de laquelle on fait tourner la poulie A, qui transmet son mouvement à la corde A C ; présentement si on attache un fil d'argent avec la corde à l'émerillon C, il s'enveloppera autour de cette corde à mesure qu'elle tournera sur elle-même, comme on conçoit qu'il s'envelopperait autour d'un cylindre. On conduit le fil tout du long de la corde avec une éponge humide que l'on tient de la main gauche E, afin qu'il ne redouble pas plusieurs fois sur lui-même. La main droite F sert à conduire le fil qu'on fait passer dans l'anneau que l'on forme avec le doigt index et le pouce. G est la bobine autour de laquelle le fil d'argent est enveloppé ; elle peut tourner librement autour de la cheville fixée dans le montant A du rouet, dont elle est traversée. H est une boite dans laquelle sont les différents assortiments de fil d'argent, de cuivre ou de cordes de boyau sur lesquelles il faut opérer. Le reste de la machine est facîle à entendre ; c'est un banc bordé de règles de bois pour retenir ce que l'on met dessus, dans lequel sont plantées les jumelles N qui tiennent la roue du rouet en état, et le montant A qui porte la poulie, à la tige de laquelle la corde est attachée. Ces trois pièces, les deux jumelles N et le montant A sont arrêtées par-dessous l'établi par le moyen de trois clés qui les traversent.

L'archet avec lequel on fait parler les cordes de cet instrument, est composé d'une baguette A C, fig. 8. Pl. II. courbée un peu en A, pour éloigner les crins de la baguette, qui est de quelque bois dur, ordinairement du bois de la Chine, quoique tout autre qui a la force nécessaire soit également propre à cet usage, d'un faisceau de crins A B, composé de 80 ou 100 crins de cheval, tous également tendus et attachés dans la mortaise du bec A, par le moyen d'un petit coin, qui ne laisse point sortir l'extrémité des crins qui sont liés ensemble avec de la soie : ces crins sont attachés dans une semblable mortaise, qui est au bas c de la baguette de l'archet. La pièce de bois B, qu'on appelle la hausse, parce qu'elle tient les crins éloignés de la baguette ou fust de l'archet, communique par le moyen d'un tenon taraudé, qui passe par une mortaise à la vis dont la pièce d'ivoire D est la tête, laquelle entre 4 ou 5 pouces dans la tige de l'archet ; on se sert de cette vis pour faire avancer la hausse B vers A ou vers D, pour détendre ou pour tendre les crins de l'archet.

Pour jouer du violon, que l'on tient de la main gauche, l'archet de la droite ; on le prend par le manche a L, en sorte que le revers du manche soit tourné du côté du creux de la main, le pouce de la main gauche du côté de B, et les quatre autres doigts de la même main du côté de L ; l'index doit être près du sillet, et les autres doigts près les uns des autres, prêts à toucher la chanterelle ; on porte ensuite en tournant le poignet la partie inférieure du corps de l'instrument sous le menton, en sorte que le tasseau où le bouton f est attaché, réponde sur la clavicule gauche, vers laquelle on tourne et on incline un peu la tête pour appuyer avec le menton sur l'endroit où est la lettre E, et ainsi affermir l'instrument. Voyez la figure.

Violon.

On prend ensuite l'archet avec la main droite à environ deux pouces de distance de la hausse B, et on le tient avec les quatre premiers doigts ; en sorte que le pouce et les deux premiers doigts portent sur le fust de l'archet, et le quatrième ou annulaire sur le crin que l'on doit faire passer sur les cordes, à environ deux pouces de distance du chevalet, comme si on voulait les scier en cet endroit ; on frotte le crin de l'archet sur un morceau de colophane, sorte de résine, pour le rendre plus rude, on passe le crin de l'archet sur la colophane, comme si on voulait le scier en deux : quelques-uns la mettent en poudre, et passent le coin de l'archet dans le papier où est cette poudre ; ces deux manières reviennent à-peu-près au même.

Il faut ensuite connaître le manche, que l'on supposera divisé en touches, pour la facilité de l'explication, et que d'ailleurs les traits marqueront les endroits où il faudra poser les doigts.

Il faut savoir en premier lieu, que les cordes du violon, et de tous les instruments qui en dépendent, sont accordées de quinte en quinte ; que la seconde corde marquée 2, sonne l'a mi la, et qu'on la sonne à vide, pour donner le ton dans les concerts. Cette corde la sonne l'unisson du la, qui suit immédiatement la clé de g ré sol des clavecins. La chanterelle sonne la quinte mi au-dessus, et la troisième la quinte ré au-dessous ; la quatrième sonne la quinte au-dessous de cette troisième corde ou l'unisson du sol à l'octave au-dessous de celui de la clé de G re sol, au sol qui suit immédiatement la clé d'F ut fa des clavecins, auquel tous les autres instruments rapportent leur étendue. Voyez la table du rapport de l'étendue de tous les instruments, et la tablature qui fuit, où les notes de musique, font voir l'étendue de cet instrument, et les quatre lignes qui sont dessous représentent les cordes numérotées comme ci-devant 1 2 3 4, à commencer par la chanterelle : les chiffres qui sont sur les lignes font connaître de quel doigt il faut toucher la corde, et la lettre de la tablature qui est au-dessous, faite à l'instar de celle de la viole, quoiqu'elle ne soit pas en usage pour le violon, montrera l'endroit de la touche où il faut poser le doigt, comme si elle était divisée ainsi que celle de la viole. Voyez VIOLE, où on trouvera des régles pour gouverner l'archet, observant de lire dans ces régles pousser au-lieu de tirer, et tirer au-lieu de pousser, pour les raisons déduites au même article.