S. f. (Art et Histoire) mouvements réglés du corps, sauts, et pas mesurés, faits au son des instruments ou de la voix. Les sensations ont été d'abord exprimées par les différents mouvements du corps et du visage. Le plaisir et la douleur en se faisant sentir à l'âme, ont donné au corps des mouvements qui peignaient au-dehors ces différentes impressions : c'est ce qu'on a nommé geste. Voyez GESTE.

Le chant si naturel à l'homme, en se développant, a inspiré aux autres hommes qui en ont été frappés, des gestes relatifs aux différents sons dont ce chant était composé ; le corps alors s'est agité, les bras se sont ouverts ou fermés, les pieds ont formé des pas lents ou rapides, les traits du visage ont participé à ces mouvements divers, tout le corps a répondu par des positions, des ébranlements, des attitudes aux sons dont l'oreille était affectée : ainsi le chant qui était l'expression d'un sentiment (Voyez CHANT) a fait développer une seconde expression qui était dans l'homme qu'on a nommée danse. Et voilà ses deux principes primitifs.

On voit par ce peu de mots que la voix et le geste ne sont pas plus naturels à l'espèce humaine, que le chant et la danse ; et que l'un et l'autre sont, pour ainsi dire, les instruments de deux arts auxquels ils ont donné lieu. Dès qu'il y a eu des hommes, il y a eu sans-doute des chants et des danses ; on a chanté et dansé depuis la création jusqu'à nous, et il est vraisemblable que les hommes chanteront et danseront jusqu'à la destruction totale de l'espèce.

Le chant et la danse une fois connus, il était naturel qu'on les fit d'abord servir à la démonstration d'un sentiment qui semble gravé profondément dans le cœur de tous les hommes. Dans les premiers temps où ils sortaient à peine des mains du Créateur, tous les êtres vivants et inanimés étaient pour leurs yeux des signes éclatants de la toute-puissance de l'Etre suprême, et des motifs touchants de reconnaissance pour leurs cœurs. Les hommes chantèrent donc d'abord les louanges et les bienfaits de Dieu, et ils dansèrent en les chantant, pour exprimer leur respect et leur gratitude. Ainsi la danse sacrée est de toutes les danses la plus ancienne, et la source dans laquelle on a puisé dans la suite toutes les autres. (B)

DANSE SACREE, c'est la danse que le peuple Juif pratiquait dans les fêtes solennelles établies par la loi, ou dans des occasions de réjouissance publique, pour rendre grâce à Dieu, l'honorer, et publier ses louanges.

On donne encore ce nom à toutes les danses que les Egyptiens, les Grecs, et les Romains avaient instituées à l'honneur de leurs faux dieux, et qu'on exécutait ou dans les temples, comme les danses des sacrifices, des mystères d'Iris, de Cérès, etc. ou dans les places publiques, comme les bacchanales ; ou dans les bois, comme les danses rustiques, &c.

On qualifie aussi de cette manière les danses qu'on pratiquait dans les premiers temps de l'église dans les fêtes solennelles, et en un mot toutes les danses qui dans les différentes religions faisaient partie du culte reçu.

Après le passage de la mer Rouge, Moyse et sa sœur rassemblèrent deux grands chœurs de musique, l'un composé d'hommes, l'autre de femmes, qui chantèrent et dansèrent un ballet solennel d'actions de grâces. Sumpsit ergo Maria prophetissa soror Aaron tympanum in manu sua. Egressaeque sunt omnes mulieres cum tympanis et choris ; quibus precinebat, dicens : cantemus Domino, quoniam gloriose magnificatus est ; equum et ascensorem dejecit in mare, &c.

Ces instruments de musique rassemblés sur le champ, ces chœurs arrangés avec tant de promptitude, la facilité avec laquelle les chants et la danse furent exécutés, supposent une habitude de ces deux exercices fort antérieure au moment de l'exécution, et prouvent assez l'antiquité reculée de leur origine.

Les Juifs instituèrent depuis plusieurs fêtes solennelles, dont la danse faisait une partie principale. Les filles de Silo dansaient dans les champs suivant l'usage, quand les jeunes gens de la tribu de Benjamin, à qui on les avait refusées pour épouses, les enlevèrent de force sur l'avis des vieillards d'Israel. Lib. Jud. cap. ult.

Lorsque la nation sainte célébrait quelque événement heureux, où le bras de Dieu s'était manifesté d'une manière éclatante, les LÉvites exécutaient des danses solennelles qui étaient composées par le sacerdoce. C'est dans une de ces circonstances que le saint roi David se joignit aux ministres des autels, et qu'il dansa en présence de tout le peuple Juif, en accompagnant l'arche depuis la maison d'Obededon jusqu'à la ville de Bethléem.

Cette marche se fit avec sept corps de danseurs, au son des harpes et de tous les autres instruments de musique en usage chez les Juifs. On en trouve la figure et la description dans le premier tome des commentaires de la bible du P. Calmet.

Dans presque tous les pseaumes on trouve des traces de la danse sacrée des Juifs. Les interprêtes de l'Ecriture sont sur ce point d'un avis unanime. Existimo (dit l'un des plus célebres) in utroque psalmo nomine chori intelligi posse cum certo instrumento homines ad sonum ipsius tripudiantes ; et plus bas : de tripudio seu de multitudine saltantium et concinentium minime dubito. Lorin, in psalm. cxljx. Ve 3.

On voit d'ailleurs dans les descriptions qui nous restent des trois temples de Jérusalem, de Garisim, ou de Samarie, et d'Alexandrie, bâti par le grand-prêtre Onias, qu'une des parties de ces temples était formée en espèce de théâtre, auquel les Juifs donnaient le nom de chœur. Cette partie était occupée par le chant et la danse, qu'on y exécutait avec la plus grande pompe dans toutes les fêtes solennelles.

La danse sacrée telle qu'on vient de l'expliquer, et qu'on la trouve établie chez le peuple Hébreu dans les temps les plus reculés, passa sans-doute avec les notions imparfaites de la divinité chez tous les autres peuples de la terre. Ainsi elle devint parmi les Egyptiens, et successivement chez les Grecs et les Romains, la partie la plus considérable du culte de leurs faux dieux.

Celle que les prêtres d'Egypte inventèrent pour exprimer les mouvements divers des astres, fut la plus magnifique des Egyptiens. Voyez DANSE ASTRONOMIQUE. Et celle qu'on inventa en l'honneur du bœuf Apis fut la plus solennelle.

C'est à l'imitation de cette dernière, que le peuple de Dieu imagina dans le désert la danse sacrilège autour du veau d'or. S. Grégoire dit que plus cette danse a été nombreuse, pompeuse, et solennelle, plus elle a été abominable devant Dieu, parce qu'elle était une imitation des danses impies des idolatres.

Il est aisé de se convaincre par ce trait d'histoire de l'antiquité des superstitions égyptiennes, puisqu'elles subsistaient longtemps avant la sortie du peuple Juif de l'Egypte. Les prêtres d'Osiris avaient d'abord pris des prêtres du vrai Dieu une partie de leurs cérémonies, qu'ils avaient ensuite déguisées et corrompues. Le peuple de Dieu à son tour entrainé par le penchant de l'imitation si naturel à l'homme, se rappela après sa sortie de l'Egypte les cérémonies du peuple qu'il venait de quitter, et il les imita.

Les Grecs dû.ent aux Egyptiens presque toutes leurs premières notions. Dans le temps qu'ils étaient encore plongés dans la plus stupide ignorance, Orphée qui avait parcouru l'Egypte et qui s'était fait initier aux mystères des prêtres d'Isis, porta, à son retour dans sa patrie leurs connaissances et leurs erreurs. Aussi le système des Grecs sur la religion, n'était-il qu'une copie de toutes les chimères des prêtres d'Egypte.

La danse fut donc établie dans la Grèce pour honorer les dieux, dont Orphée instituait le culte ; et comme elle faisait une des parties principales des cérémonies et des sacrifices, à mesure qu'on élevait des autels à quelque divinité, on inventait aussi pour l'honorer des danses nouvelles, et toutes ces danses différentes étaient nommées sacrées.

Il en fut ainsi chez les Romains, qui adoptèrent les dieux des Grecs. Numa, roi pacifique, crut pouvoir adoucir la rudesse de ses sujets, en jetant dans Rome les fondements d'une religion ; et c'est à lui que les Romains doivent leurs superstitions, et peut-être leur gloire. Il forma d'abord un collège de prêtres de Mars ; il régla leurs fonctions, leur assigna des revenus, fixa leurs cérémonies, et il imagina la danse qu'ils exécutaient dans leurs marches pendant les sacrifices, et dans les fêtes solennelles. Voyez DANSE DES SALIENS.

Toutes les autres danses sacrées qui furent en usage à Rome et dans l'Italie, dérivèrent de cette première. Chacun des dieux que Rome adopta dans la suite eut des temples, des autels, et des danses. Telles étaient celles de la bonne déesse, les saturnales, celles du premier jour de Mai, etc. Voyez-les à leurs articles.

Les Gaulois, les Espagnols, les Allemands, les Anglais, eurent leurs danses sacrées. Dans toutes les religions anciennes, les prêtres furent danseurs par état ; parce que la danse a été regardée par tous les peuples de la terre comme une des parties essentielles du culte qu'on devait rendre à la divinité. Il n'est donc pas étonnant que les Chrétiens, en purifiant par une intention droite une institution aussi ancienne, l'eussent adoptée dans les premiers temps de l'établissement de la foi.

L'Eglise en réunissant les fidèles, en leur inspirant un dégoût légitime des vains plaisirs du monde, en les attachant à l'amour seul des biens éternels, cherchait à les remplir d'une joie pure dans la célébration des fêtes qu'elle avait établies, pour leur rappeler les bienfaits d'un Dieu sauveur.

Les persécutions troublèrent plusieurs fois la sainte paix des Chrétiens. Il se forma alors des congrégations d'hommes et de femmes, qui à l'exemple des Thérapeutes se retirèrent dans les déserts : là ils se rassemblaient dans les hameaux les dimanches et les fêtes, et ils y dansaient pieusement en chantant les prières de l'Eglise. Voyez l'histoire des ordres monastiques du P. Heliot.

On bâtit des temples lorsque le calme eut succédé aux orages, et on disposa ces édifices relativement aux différentes cérémonies, qui étaient la partie extérieure du culte reçu. Ainsi dans toutes les églises on pratiqua un terrain élevé, auquel on donna le nom de chœur : c'était une espèce de théâtre séparé de l'autel, tel qu'on le voit encore à Rome aujourd'hui dans les églises de S. Clément et de S. Pancrace.

C'est-là qu'à l'exemple des prêtres et des lévites de l'ancienne loi, le sacerdoce de la loi nouvelle formait des danses sacrées en l'honneur d'un Dieu mort sur une croix pour le salut de tous les hommes, d'un Dieu ressuscité le troisième jour pour consommer le mystère de la rédemption, etc. Chaque mystère, chaque fête avait ses hymnes et ses danses ; les prêtres, les laïcs, tous les fidèles dansaient pour honorer Dieu ; si l'on en croit même le témoignage de Scaliger, les évêques ne furent nommés praesules, dans la langue latine à praesiliendo, que parce qu'ils commençaient la danse. Les Chrétiens d'ailleurs les plus zélés s'assemblaient la nuit devant la porte des églises la veille des grandes fêtes, et là, pleins d'un zèle saint, ils dansaient en chantant les cantiques, les pseaumes, et les hymnes du jour.

La fête des agapes ou festins de charité, instituée dans la primitive église en mémoire de la cène de Jesus-Christ, avait ses danses comme les autres. Cette fête avait été établie, afin de cimenter entre les Chrétiens qui avaient abandonné le Judaïsme et le Paganisme une espèce d'alliance. L'Eglise s'efforçait ainsi d'affoiblir d'une manière insensible l'éloignement qu'ils avaient les uns pour les autres, en les réunissant par des festins solennels dans un même esprit de paix et de charité. Malgré les abus qui s'étaient déjà glissés dans cette fête du temps de S. Paul, elle subsistait encore lors du concîle de Gangres en l'année 320, où on tâcha de les réformer. Elle fut ensuite totalement abolie au concîle de Carthage, sous le pontificat de Grégoire le grand en 397.

Ainsi la danse de l'Eglise, susceptible comme toutes les meilleures institutions, des abus qui naissent toujours de la faiblesse et de la bizarrerie des hommes, dégénera après les premiers temps de zèle en des pratiques dangereuses, qui alarmèrent la piété des papes et des évêques : de-là les constitutions et les decrets qui ont frappé d'anathême les danses baladoires, celles des brandons. Voyez ces deux mots à leurs articles. Mais les PP. de l'Eglise, en déclamant avec la plus grande force contre ces exercices scandaleux, parlent toujours avec une espèce de vénération de la danse sacrée. S. Gregoire de Nazianze prétend même que celle de David devant l'arche sainte, est un mystère qui nous enseigne avec quelle joie et quelle promptitude nous devons courir vers les biens spirituels ; et lorsque ce père reproche à Julien l'abus qu'il faisait de la danse, il lui dit avec la véhémence d'un orateur et le zèle d'un chrétien : Si te ut letae celebritatis et festorum amantem saltare oportet, salta tu quidem, sed non inhonestae illius Herodiadis saltationem quae Baptistae necem attulit, verum Davidis ob arcae requiem.

Quoique la danse sacrée ait été successivement retranchée des cérémonies de l'Eglise, cependant elle en fait encore partie dans quelques pays catholiques. En Portugal, en Espagne, dans le Roussillon, on exécute des danses solennelles en l'honneur de nos mystères et de nos plus grands saints. Toutes les veilles des fêtes de la Vierge, les jeunes filles s'assemblent devant la porte des églises qui lui sont consacrées, et passent la nuit à danser en rond et à chanter des hymnes et des cantiques à son honneur. Le cardinal Ximenès rétablit de son temps dans la cathédrale de Tolede, l'ancien usage des messes mosarabes, pendant lesquelles on danse dans le chœur et dans la nef avec autant d'ordre que de dévotion : en France même on voyait encore vers le milieu du dernier siècle, les prêtres et tout le peuple de Limoges danser en rond dans le chœur de S. Léonard, en chantant : sant Marciau pregas per nous, et nous epingaren per bous. Voyez BRANDON. Et le P. Menetrier Jésuite, qui écrivait son traité des ballets en 1682, dit dans la préface de cet ouvrage, qu'il avait Ve encore les chanoines de quelques églises qui, le jour de Pâques, prenaient par la main les enfants-de-chœur, et dansaient dans le chœur en chantant des hymnes de réjouissance.

C'est de la religion des Hébreux, de celle des Chrétiens, et du Paganisme, que Mahomet a tiré les rêveries de la sienne. Il aurait donc été bien extraordinaire que la danse sacrée ne fût pas entrée pour quelque chose dans son plan : aussi l'a-t-il établie dans les mosquées, et cette partie du culte a été réservée au seul sacerdoce. Entre les danses des religieux Turcs, il y en a une surtout parmi eux qui est en grande considération : les dervis l'exécutent en pirouettant avec une extrême rapidité au son de la flute. Voyez MOULINET.

La danse sacrée qui doit sa première origine ainsi que nous l'avons vu, aux mouvements de joie et de reconnaissance qu'inspirèrent aux hommes les bienfaits récens du Créateur, donna dans les suites l'idée de celles que l'allégresse publique, les fêtes des particuliers, les mariages des rais, les victoires, etc. firent inventer en temps différents ; et lorsque le génie, en s'échauffant par degrés, parvint enfin jusqu'à la combinaison des spectacles réguliers, la danse fut une des parties principales qui entrèrent dans cette grande composition. Voyez DANSE THEATRALE. On croit devoir donner ici une idée de ces danses différentes, avant de parler de celles qui furent consacrées aux théâtres des anciens, et de celles qu'on a porté sur nos théâtres modernes. Mursius en fait une énumération immense, que nous nous garderons bien de copier. Nous nous contentons de parler ici des plus importantes. (B)

DANSE ARMEE ; c'est la plus ancienne de toutes les danses profanes : elle s'exécutait avec l'épée, le javelot et le bouclier. On voit assez que c'est la même que les Grecs appelaient memphitique. Ils en attribuaient l'invention à Minerve. Voyez MEMPHITIQUE.

Pyrrhus qui en renouvella l'usage, en est encore tenu pour l'inventeur par quelques anciens auteurs.

La jeunesse grecque s'exerçait à cette danse, pour se distraire des ennuis du siège de Troie. Elle était très-propre à former les attitudes du corps ; et pour la bien danser, il fallait des dispositions très-heureuses, et une très grande habitude.

Toutes les différentes évolutions militaires entraient dans la composition de cette danse, et l'on verra dans les articles suivants qu'elle fut le germe de bien d'autres. (B)

DANSE ASTRONOMIQUE. Les Egyptiens en furent les inventeurs ; par des mouvements variés, des pas assortis, et des figures bien dessinées, ils représentaient sur des airs de caractère l'ordre, le cours des astres, et l'harmonie de leur mouvement. Cette danse sublime passa aux Grecs, qui l'adoptèrent pour le théâtre. Voyez STROPHE, EPODE, etc.

Platon et Lucien parlent de cette danse comme d'une invention divine. L'idée en effet en était aussi grande que magnifique : elle suppose une foule d'idées précédentes qui font honneur à la sagacité de l'esprit humain. (B)

DANSES BACCHIQUES ; c'est le nom qu'on donnait aux danses inventées par Bacchus, et qui étaient exécutées par les Satyres et les Bacchantes de sa suite. Le plaisir et la joie furent les seules armes qu'il employa pour conquérir les Indes, pour soumettre la Lydie, et pour dompter les Tyrrhéniens. Ces danses étaient au reste de trois espèces ; la grave qui répondait à nos danses terre à terre ; la gaie qui avait un grand rapport à nos gavottes légères, à nos passepiés, à nos tambourins ; enfin la grave et la gaie mêlées l'une à l'autre, telles que sont nos chaconnes et nos autres airs de deux ou trois caractères. On donnait à ces danses les noms d'emmelie, de cordace, et de cycinnis. Voyez ces trois mots à leurs articles. (B)

DANSES CHAMPETRES ou RUSTIQUES. Pan, qui les inventa, voulut qu'elles fussent exécutées dans la belle saison au milieu des bois. Les Grecs et les Romains avaient grand soin de les rendre très-solennelles dans la célébration des fêtes du dieu qu'ils en croyaient l'inventeur. Elles étaient d'un caractère vif et gai. Les jeunes filles et les jeunes garçons les exécutaient avec une couronne de chêne sur la tête, et des guirlandes de fleurs qui leur descendaient de l'épaule gauche, et étaient rattachées sur le côté droit. (B)

DANSE DES CURETES et DES CORYBANTES. Selon l'ancienne mythologie, les curetes et les corybantes qui étaient les ministres de la religion sous les premiers Titants, inventèrent cette danse : ils l'exécutaient au son des tambours, des fifres, des chalumeaux, et au bruit tumultueux des sonnettes, du cliquetis des lances, des épées, et des boucliers. La fureur divine dont ils paraissaient saisis, leur fit donner le nom de corybantes. On prétend que c'est par le secours de cette danse qu'ils sauvèrent de la barbarie du vieux Saturne le jeune Jupiter, dont l'éducation leur avait été confiée. (B)

DANSE DES FESTINS. Bacchus les institua à son retour en Egypte. Après le festin, le son de plusieurs instruments réunis invitait les convives à de nouveaux plaisirs ; ils dansaient des danses de divers genres : c'étaient des espèces de bals où éclataient la joie, la magnificence et l'adresse.

Philostrate attribue à Comus l'invention de ces danses ; et Diodore prétend que nous la devons à Terpsicore. Quoi qu'il en sait, voilà l'origine des bals en règle qui se perd dans l'antiquité la plus reculée. Le plaisir a toujours été l'objet des désirs des hommes ; il s'est modifié de mille manières différentes, et dans le fond il a toujours été le même. (B)

DANSE DES FUNERAILLES. " Comme la nature a donné à l'homme des gestes relatifs à toutes ses différentes sensations, il n'est point de situation de l'âme que la danse ne puisse peindre. Aussi les anciens qui suivaient dans les arts les idées primitives, ne se contentèrent pas de la faire servir dans les occasions d'allegresse ; ils l'employèrent encore dans les circonstances solennelles de tristesse et de deuil.

Dans les funérailles des rois d'Athènes, une troupe d'élite vêtue de longues robes blanches commençait la marche ; deux rangs de jeunes garçons précédaient le cercueil, qui était entouré par deux rangs de jeunes vierges. Ils portaient tous des couronnes et des branches de cyprès, et formaient des danses graves et majestueuses sur des symphonies lugubres.

Elles étaient jouées par plusieurs musiciens qui étaient distribués entre les deux premières troupes.

Les prêtres des différentes divinités adorées dans l'Attique, revêtus des marques distinctives de leur caractère, venaient ensuite : ils marchaient lentement et en mesure, en chantant des vers à la louange du roi mort.

Cette pompe était suivie d'un grand nombre de vieilles femmes couvertes de longs manteaux noirs. Elles pleuraient et faisaient les contorsions les plus outrées, en poussant des sanglots et des cris. On les nommait les pleureuses, et on reglait leur salaire sur les extravagances plus ou moins grandes qu'on leur avait Ve faire.

Les funerailles des particuliers formées sur ce modèle, étaient à proportion de la dignité des morts, et de la vanité des survivants : l'orgueil est à-peu-près le même dans tous les hommes ; les nuances qu'on croit y apercevoir sont peut-être moins en eux-mêmes, que dans les moyens divers de le développer que la fortune leur prodigue ou leur refuse ". Traité historique de la danse, tome I. liv. II. chap. VIe (B)

DANSE DES LACEDEMONIENS. Licurgue, par une loi expresse, ordonna que les jeunes Spartiates dès l'âge de sept ans commenceraient à s'exercer à des danses sur le ton phrygien. Elles s'exécutaient avec des javelots, des épées et des boucliers. On voit que la danse armée a été l'idée primitive de cette institution : et le roi Numa prit la danse des Saliens de l'une et de l'autre. Voyez DANSE DES SALIENS.

La gymnopédice fut de l'institution expresse de Licurgue. Cette danse était composée de deux chœurs, l'un d'hommes faits, l'autre d'enfants : ils dansaient nuds, en chantant des hymnes en l'honneur d'Apollon. Ceux qui menaient les deux chœurs étaient couronnés de palmes. Voyez GYMNOPEDICE.

La danse de l'innocence était très-ancienne à Lacédémone : les jeunes filles l'exécutaient nues devant l'autel de Diane : avec des attitudes douces et modestes, et des pas lents et graves. Hélene s'exerçait à cette danse lorsque Thésée la vit, en devint amoureux, et l'enleva. Il y a des auteurs qui prétendent, que Paris encore prit pour elle cette violente passion qui couta tant de sang à la Grèce et à l'Asie, en lui voyant exécuter cette même danse. Licurgue en portant la réforme dans les lois et les mœurs des Lacédémoniens, conserva cette danse, qui cessa dès-lors d'être dangereuse.

Dans cette république extraordinaire, les vieillards avaient des danses particulières qu'ils exécutaient en l'honneur de Saturne, et en chantant les louanges des premiers âges.

Dans une espèce de branle qu'on nommait hormus, un jeune homme leste et vigoureux, et d'une contenance fière, menait la danse ; une troupe de jeunes garçons le suivait, se modelait sur ses attitudes, et répétait ses pas : une troupe de jeunes filles venait immédiatement après eux avec des pas lents et un air modeste. Les premiers se retournaient vivement, se mêlaient avec la troupe des jeunes filles, et représentaient ainsi l'union et l'harmonie de la tempérance et de la force. Les jeunes garçons doublaient les pas qu'ils faisaient dans cette danse, tandis que les jeunes filles ne les faisaient que simples ; et voilà toute la magie des deux mouvements différents des uns et des autres en exécutant le même air. Voyez HORMUS. (B)

DANSE DES LAPITHES : elle s'exécutait au son de la flute à la fin des festins, pour célébrer quelque grande victoire. On croit qu'elle fut inventée par Pirithous. Elle était difficîle et pénible, parce qu'elle était une imitation des combats des Centaures et des Lapithes : les différents mouvements de ces monstres moitié hommes et moitié chevaux, qu'il était nécessaire de rendre, exigeaient beaucoup de force ; c'est par cette raison qu'elle fut abandonnée aux paysans. Lucien nous apprend qu'eux seuls l'exécutaient de son temps. (B)

DANSE DE L'ARCHIMIME, dans les funérailles des Romains. " On adopta successivement à Rome toutes les cérémonies des funérailles des Athéniens ; mais on y ajouta un usage digne de la sagesse des anciens Egyptiens.

Un homme instruit en l'art de contrefaire l'air, la démarche, les manières des autres hommes, était choisi pour précéder le cercueil ; il prenait les habits du défunt, et se couvrait le visage d'un masque qui retraçait tous ses traits : sur les symphonies lugubres qu'on exécutait pendant la marche, il peignait dans sa danse les actions les plus marquées du personnage qu'il représentait.

C'était une oraison funèbre muette, qui retraçait aux yeux du public toute la vie du citoyen qui n'était plus.

L'archimime, c'est ainsi qu'on nommait cet orateur funèbre, était sans partialité ; il ne faisait grâce, ni en faveur des grandes places du mort, ni par la crainte du pouvoir de ses successeurs.

Un citoyen que son courage, sa générosité, l'élevation de son âme, avaient rendu l'objet du respect et de l'amour de la patrie, semblait reparaitre aux yeux de ses concitoyens ; ils jouissaient du souvenir de ses vertus ; il vivait, il agissait encore ; sa gloire se gravait dans tous les esprits ; la jeunesse Romaine frappée de l'exemple, admirait son modèle ; les vieillards vertueux goutaient déjà le fruit de leurs travaux, dans l'espoir de reparaitre à leur tour sous ces traits honorables quand ils auraient cessé de vivre.

Les hommes indignes de ce nom, et nés pour le malheur de l'espèce humaine, pouvaient être retenus par la crainte d'être un jour exposés sans ménagement à la haine publique, à la vengeance de leurs contemporains, au mépris de la postérité.

Ces personnages futiles, dont plusieurs vices, l'ébauche de quelques vertus, l'orgueil extrême, et beaucoup de ridicules, composent le caractère, connaissaient d'avance le sort qui les attendait un jour, par la risée publique à laquelle ils voyaient exposés leurs semblables.

La satyre ou l'éloge des morts devenait ainsi une leçon utîle pour les vivants. La danse des archimimes était alors dans la Morale, ce que l'Anatomie est devenue dans la Physique ". Traité historique de la danse, tome I. liv. II. ch. VIIe (B)

DANSES LASCIVES. On distinguait ainsi les différentes danses qui peignaient la volupté. Les Grecs la connaissaient, et ils étaient dignes de la sentir ; mais bientôt par l'habitude ils la confondirent avec la licence. Les Romains moins délicats, et peut-être plus ardents pour le plaisir, commencèrent d'abord par où les Grecs avaient fini. Voyez DANSE NUPTIALE.

C'est aux bacchanales que les danses lascives dû.ent leur origine. Les fêtes instituées par les bacchantes pour honorer Bacchus ; dont on venait de faire un dieu, étaient célebrées dans l'ivresse et pendant les nuits ; de-là toutes les libertés qui s'y introduisirent : les Grecs en firent leurs délices, et les Romains les adoptèrent avec une espèce de fureur, lorsqu'ils eurent pris leurs mœurs, leurs arts, et leurs vices. (B)

DANSE DE L'HYMEN. Une troupe légère de jeunes garçons et de jeunes filles couronnés de fleurs exécutaient cette danse dans les mariages, et ils exprimaient par leurs figures, leurs pas, et leurs gestes, la joie vive d'une noce. C'est une des danses qui étaient gravées ; au rapport d'Homère, sur le bouclier d'Achille. Il ne faut pas la confondre avec les danses nuptiales dont on parlera plus bas ; celle-ci n'avait que des expressions douces et modestes. Voyez sur cette danse et son origine le I. tome du traité de la danse. (B)

DANSE DES MATASSINS ou DES BOUFFONS. Elle était une des plus anciennes danses des Grecs. Les danseurs étaient vêtus de corcelets ; ils avaient la tête armée de morions dorés, des sonnettes aux jambes, et l'épée et le bouclier à la main : ils dansaient ainsi avec des contorsions guerrières et comiques, sur des airs de ces deux genres. Cette sorte de danse a été fort en usage sur nos anciens théâtres : on ne l'y connait plus maintenant, et les délices des Grecs sont de nos jours reléguées aux marionnettes. Thoinot Arbeau a décrit cette danse dans son Orchesographie. (B)

DANSE MEMPHITIQUE. Elle fut, dit-on, inventée par Minerve, pour célébrer la victoire des dieux et la défaite des Titants. C'était une danse grave et guerrière, qu'on exécutait au son de tous les instruments militaires. Voyez MEMPHITIQUE. (B)

DANSES MILITAIRES. On donnait ce nom à toutes les danses anciennes qu'on exécutait avec des armes, et dont les figures peignaient quelques évolutions militaires. Plusieurs auteurs en attribuent l'invention à Castor et Pollux ; mais c'est une erreur qui est suffisamment prouvée par ce que nous avons déjà dit de la danse armée. Ces deux jeunes héros s'y exercèrent sans-doute avec un succès plus grand que les autres héros leurs contemporains ; et c'est la cause de la méprise.

Ces danses furent fort en usage dans toute la Grèce, mais à Lacédémone surtout, elles faisaient partie de l'éducation de la jeunesse. Les Spartiates allaient toujours à l'ennemi en dansant. Quelle valeur ne devait-on pas attendre de cette foule de jeunes guerriers, accoutumés dès l'enfance à regarder comme un jeu les combats les plus terribles ! (B)

DANSE NUPTIALE. Elle était en usage à Rome dans toutes les noces : c'était la peinture la plus dissolue de toutes les actions secrètes du mariage. Les danses lascives des Grecs donnèrent aux Romains l'idée de celle-ci, et ils surpassèrent de beaucoup leurs modèles. La licence de cet exercice fut poussée si loin pendant le règne de Tibere, que le sénat fut forcé de chasser de Rome par un arrêt solennel tous les danseurs et tous les maîtres de danse.

Le mal était trop grand sans-doute lorsqu'on y appliqua le remède extrême ; il ne servit qu'à rendre cet exercice plus piquant ; la jeunesse Romaine prit la place des danseurs à gages qu'on avait chassés ; le peuple imita la noblesse, et les sénateurs eux-mêmes n'eurent pas honte de se livrer à cet indigne exercice. Il n'y eut plus de distinction sur ce point entre les plus grands noms et la plus vîle canaille de Rome. L'empereur Domitien enfin, qui n'était rien moins que délicat sur les mœurs, fut forcé d'exclure du sénat, des pères conscripts qui s'étaient avilis jusqu'au point d'exécuter en public ces sortes de danses. (B)

DANSE PYRRHIQUE ; c'est la même que celle que l'on nommait armée, que Pyrrhus renouvella, et dont quelques auteurs le prétendent l'inventeur. Voyez DANSE ARMEE. (B)

DANSE DU PREMIER JOUR DE MAI. A Rome et dans toute l'Italie, plusieurs troupes de jeunes citoyens des deux sexes sortaient de la ville au point du jour ; elles allaient en dansant au son des instruments champêtres, cueillir dans la campagne des rameaux verts ; elles les rapportaient de la même manière dans la ville, et elles en ornaient les portes des maisons de leurs parents, de leurs amis ; et dans les suites, de quelques personnes constituées en dignité. Ceux-ci les attendaient dans les rues, où on avait eu le soin de tenir des tables servies de toutes sortes de mets. Pendant ce jour tous les travaux cessaient, on ne songeait qu'au plaisir, Le peuple, les magistrats, la noblesse confondus et réunis par la joie générale, semblaient ne composer qu'une seule famille ; ils étaient tous parés de rameaux naissants : être sans cette marque distinctive de la fête, aurait été une espèce d'infamie. Il y avait une sorte d'émulation à en avoir des premiers ; et de-là cette manière de parler proverbiale en usage encore de nos jours, on ne me prend point sans verd.

Cette fête commencée dès l'aurore et continuée pendant tout le jour, fut par la succession des temps poussée bien avant dans la nuit. Les danses, qui n'étaient d'abord qu'une expression naïve de la joie que causait le retour du printemps, dégénérèrent dans les suites en des danses galantes, et de ce premier pas vers la corruption, elles se précipitèrent avec rapidité dans une licence effrénée. Rome, toute l'Italie étaient plongées alors dans une débauche si honteuse, que Tibere lui-même en rougit, et cette fête fut solennellement abolie. Mais elle avait fait des impressions trop profondes : on eut beau la défendre ; après les premiers moments de la promulgation de la loi, on la renouvella, et elle se répandit dans presque toute l'Europe. C'est là l'origine de ces grands arbres ornés de fleurs, qu'on plante dès l'aurore du premier jour de Mai dans tant de villes, au-devant des maisons de gens en place. Il y a plusieurs endroits où c'est un droit de charge.

Plusieurs auteurs pensent que c'est de la danse du premier jour de Mai que dérivèrent ensuite toutes les danses baladoires frondées par les pères de l'Eglise, frappées d'anathème par les papes, abolies par les ordonnances de nos rais, et sévèrement condamnées par les arrêts des parlements. Quoi qu'il en sait, il est certain que cette danse réunit à la fin, tous les différents inconvénients qui devaient réveiller l'attention des empereurs et des magistrats. (B)

DANSE DES SALIENS. Numa Pompilius l'institua en l'honneur du dieu Mars. Ce roi choisit parmi la plus illustre noblesse, douze prêtres qu'il nomma saliens, du sautillage et pétillement du sel qu'on jetait dans le feu lorsqu'on brulait les victimes. Ils exécutaient leur danse dans le temple, pendant le sacrifice et dans les marches solennelles qu'ils faisaient dans les rues de Rome, en chantant des hymnes à la gloire de Mars. Leur habillement d'une riche broderie d'or, était couvert d'une espèce de cuirasse d'airain : ils portaient le javelot d'une main et le bouclier de l'autre.

De cette danse dérivèrent toutes celles qui furent instituées dans la suite pour célebrer les fêtes des dieux. (B)

DANSE THEATRALE. On croit devoir donner cette dénomination aux danses différentes que les anciens et les modernes ont portées sur leurs théâtres. Les Grecs unirent la danse à la Tragédie et à la Comédie, mais sans lui donner une relation intime avec l'action principale ; elle ne fut chez eux qu'un agrément presqu'étranger. Voyez INTERMEDE.

Les Romains suivirent d'abord l'exemple des Grecs jusqu'au règne d'Auguste ; il parut alors deux hommes extraordinaires qui créèrent un nouveau genre, et qui le portèrent au plus haut degré de perfection. Il ne fut plus question à Rome que des spectacles de Pilade et de Bayle. Le premier, qui était né en Cilicie, imagina de représenter par le seul secours de la danse, des actions fortes et pathétiques. Le second, né à Alexandrie, se chargea de la représentation des actions gaies, vives et badines. La nature avait donné à ces deux hommes le génie et les qualités extérieures ; l'application, l'étude et l'amour de la gloire, leur avaient développé toutes les ressources de l'art. Malgré ces avantages nous ignorerions peut-être qu'ils eussent existé, et leurs contemporains auraient été privés d'un genre qui fit leurs délices, sans la protection signalée qu'Auguste accorda à leurs théâtres et à leurs compositions.

Ces deux hommes rares ne furent point remplacés ; leur art ne fut plus encouragé par le gouvernement, et il tomba dans une dégradation sensible depuis le règne d'Auguste jusqu'à celui de Trajan, où il se perdit tout à fait.

La danse ensevelie dans la barbarie avec les autres arts, reparut avec eux en Italie dans le quinzième siècle ; l'on vit renaître les ballets dans une fête magnifique, qu'un gentilhomme de Lombardie nommé Bergonce de Botta, donna à Tortone pour le mariage de Galéas duc de Milan avec Isabelle d'Aragon. Tout ce que la poésie, la musique, la danse, les machines peuvent fournir de plus brillant, fut épuisé dans ce spectacle superbe ; la description qui en parut étonna l'Europe, et piqua l'émulation de quelques hommes à talents, qui profitèrent de ces nouvelles lumières pour donner de nouveaux plaisirs à leur nation. C'est l'époque de la naissance des grands ballets, voyez BALLET, et de l'opéra, voyez OPERA. (B)

DANSE D'ANIMAUX. Voyez BALLET. (B)

DANSE DE SAINT WEIT, selon les Allemands, ou DE S. GUY, selon les Français, chorea sancti Viti. (Médecine) est une espèce de maladie convulsive qui a été connue premièrement en Allemagne, où elle a reçu le nom sous lequel nous venons de la désigner ; et ensuite en Angleterre, en France. Sennert en fait mention dans son troisième tome, liv. VI. part. 2. c. IVe il la regarde comme une espèce de tarantisme. C'est ce que font aussi Horstius, lib. II. de morb. cap. Bellini, de morb. cap. Messonier, traité des malad. extr. Nicolas Tulpius rapporte une observation de cette maladie dans son recueil, liv. I. Sydenham la décrit très-exactement (ce que ne font pas les autres auteurs cités) dans la partie de ses ouvrages intitulée Schedula monit. de novae febris ingressu. Il en dit encore quelque chose pour la curation dans ses processus integri, etc. L'illustre professeur de Montpellier, M. de Sauvages, dit dans ses nouvelles classes de maladies, l'avoir observée dans une femme de cinquante ans.

Tous ceux qui parlent de cette maladie, conviennent qu'elle est très-rare ; mais ils ne conviennent pas tous des mêmes accidents qui l'accompagnent. On suivra ici la description qu'en donne l'Hippocrate anglais, qui dit avoir Ve au moins cinq personnes qui en étaient atteintes, et qui en ont été guéries par ses soins.

Cette maladie attaque les enfants des deux sexes depuis l'âge de dix ans jusqu'à l'age de puberté : elle se fait connaître par les symptômes suivants. Le malade commence à boiter et à ressentir une faiblesse dans une des deux jambes, sur laquelle il a peine à se soutenir ; ce qui augmente au point qu'il la traine après soi, comme font les innocens : il ne peut retenir quelques instants de suite dans la même situation, la main du même côté appliquée à sa poitrine, à ses flancs, ou à toute autre chose fixe ; les contorsions convulsives de cette partie l'obligent à la changer sans-cesse de place, quelqu'effort qu'il fasse pour la fixer. Lorsqu'il veut porter un verre à sa bouche, il fait mille gestes et mille contours, ne pouvant l'y porter en droite ligne, sa main étant écartée par la convulsion, jusqu'à ce que se trouvant à la portée de la bouche, il fixe le verre avec ses lèvres, et il avale tout d'un trait précipité la boisson qui y est contenue ; ce qui fait un spectacle tristement risible, mais qui ne peut pourtant pas être appelé proprement une danse, même avec tous les symptômes réunis, tels qu'ils viennent d'être décrits.

Cette maladie a été vraisemblablement appelée danse de S. Weit, à cause d'une chapelle qui existait, dit-on, proche d'Ulm en Allemagne, sous le nom de ce saint, que l'on allait visiter avec grande dévotion, et dont on invoquait l'intercession pour la guérison de ce mal, parce qu'on prétend qu'il en avait été attaqué lui-même, et comme ce sont des jeunes gens qui y sont plus sujets que d'autres, il s'en rendait un grand nombre à cette chapelle pendant le printemps, qui mêlaient le plaisir de la danse aux exercices de piété, dans une saison qui porte à la joie. Il s'en trouvait parmi ceux-ci qui avaient la maladie convulsive ; on les appelait des danseurs par dérision, à cause des secousses qu'ils éprouvaient dans les bras et dans les jambes, qui les faisaient gesticuler involontairement.

On doit conclure de l'exposition des accidents qui accompagnent cette maladie : qu'elle n'est pas une simple convulsion, mais qu'elle est compliquée avec une disposition à la paralysie ; ce que l'on peut assurer d'autant plus, que la danse de S. Weit a beaucoup de rapport avec le tremblement, et qu'il est connu des médecins qu'il y a deux espèces de tremblements, dont l'un est à demi-convulsif, et l'autre à demi-paralytique.

La manière dont Cheyne traite cette maladie, semble confirmer ce sentiment. On doit d'autant plus déférer à celui de cet auteur, qu'il a eu plus d'occasions d'observer et de traiter cette affection singulière, qui est plus commune parmi les Anglais que par-tout ailleurs.

On a attribue mal-à-propos la cause de cette maladie à un venin particulier, à une matière contagieuse, virulente. On la trouve, cette cause, plus naturellement dans un vice de distribution du fluide nerveux, qui se fait inégalement, sans ordre et sans dépendance de la volonté, dans les muscles du bras, de la jambe, et de toutes les parties du côté affecté. Or cette distribution du fluide nerveux est tantôt plus considérable, mais inégalement faite, dans les muscles antagonistes ; tantôt elle se fait, de même qu'auparavant, dans quelques-uns, pendant qu'elle diminue considérablement dans quelques autres ; tantôt elle se fait moins dans tous les muscles de la partie, mais d'une manière disproportionnée. De ces différentes combinaisons vicieuses, il résulte une contraction déréglée et sans relâche des muscles du côté attaqué. Le vice topique des parties détermine l'affection plutôt d'un côté que d'un autre ; savoir, la faiblesse des nerfs ou des muscles, ou une tension inégale de ces organes, soit que ces mauvaises dispositions doivent leur origine à un défaut de conformation ou à un vice inné, soit qu'elles viennent d'une cause accidentelle : tout ce qui peut y avoir donné lieu, doit être mis au nombre des causes éloignées de-cette maladie : on peut les réduire à deux genres ; savoir, à tout ce qui peut relâcher ou tendre outre mesure, de manière cependant que l'une ou l'autre de ces causes fasse son effet irrégulièrement et avec inégalité. Ces dispositions étant établies, les mauvais sucs fournis à la masse des humeurs par les premières voies, suffisent souvent à déterminer la maladie, comme causes occasionnelles.

C'est dans cette idée que Cheyne commençait toujours le traitement de cette maladie par un vomitif, et que le bon effet l'engageait à en répeter l'usage ; pratique analogue à celle qui est usitée dans les maladies convulsives compliquées, avec une disposition à la paralysie.

Les indications curatives doivent donc tendre à évacuer les mauvais sucs des premières voies ; à corriger l'épaississement de la lymphe, à l'atténuer par des remèdes appropriés ; à raffermir les solides des parties affectées, si c'est la disposition paralytique qui domine ; et à les relâcher au contraire, et les assouplir en quelque façon, si c'est la disposition convulsive, qui vient presque toujours de sécheresse dans les fibres.

Cheyne remplissait la première indication avec les vomitifs, Sydenham employait pour cet effet les purgatifs, et ils en répetaient chacun l'usage de deux en deux jours au commencement de la maladie. Cette méthode pratiquée par de si célèbres médecins, doit être préferée à toute autre : on doit donc ne pas hésiter, d'après ces grands maîtres, à commencer le traitement de la danse de S. Weit par les évacuans vomitifs ou purgatifs, selon que la nature semble demander plus ou moins l'un ou l'autre de ces remèdes, ou tous les deux ensemble ; après avoir fait précèder une ou deux saignées, selon que le pouls l'indique, qui doivent être répétées selon l'exigence des cas.

Il faut après cela travailler à remettre les digestions en règle par le moyen des stomachiques chauds, auxquels on pourra associer fort utilement l'écorce du Pérou et la racine d'aunée. On doit aussi faire usage en même temps de légers apéritifs, et surtout des antispasmodiques, tels que la racine de pivoine mâle, et celle de valériane sauvage. On doit outre cela s'appliquer à remédier aux causes antécédentes de la maladie, par des délayans et des incisifs ; par des topiques propres à fortifier, comme des embrocations d'eaux minérales chaudes ; ou bien au contraire par des remèdes propres à relâcher et détendre la rigidité des fibres.

Tous ces différents moyens de guérison doivent être employés séparément, ou combinés entr'eux, selon la variété des circonstances. On doit enfin observer d'engager les personnes sujettes à cette maladie, à employer dans le temps de l'année suivante, qui répond à celui auquel l'attaque est survenue, des remèdes convenables, pour en prévenir une seconde, ainsi de suite : on ne doit pas surtout omettre alors la saignée et la purgation. (d)