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Catégorie : Mythologie
S. m. (Mythologie) anciens personnages des temps fabuleux, sur lesquels il règne d'étranges contrariétés dans les traditions mythologiques, contrariétés qui se sont étendues jusque sur le nom de telchines ; en s'éloignant de sa signification naturelle et primitive, la fable a changé en magiciens odieux ceux qui ont été les inventeurs des arts les plus nécessaires. Mais c'est M. Freret qui a le premier débrouillé ce mélange d'idées et d'attributs dans des mémoires pleins de sagacité, qui embellissent beaucoup l'histoire de l'académie des Inscriptions et Belles-Lettres.

Nous devons, dit ce savant profond et ingénieux, rejeter également les deux traditions opposées qui faisaient les Telchines, pères ou enfants des Dactyles idéens. Ces noms, comme ceux des Corybantes et des Curetes, n'étant point des noms de peuples ou de familles, mais de simples épithetes, il ne faut les regarder que comme servant à désigner l'emploi et les occupations de ceux auxquels l'antiquité les donnait.

On trouve des Telchines dans le Péloponnèse sous les premiers descendants d'Inachus, et long - temps avant l'arrivée des Dactyles. On suppose qu'ils habitaient le territoire de Sicyone, qui porta d'abord le nom de Telchinie ; et qu'après une guerre de quarante-sept ans, ils furent chassés du pays par Apis, successeur de Phoronée. On ajoute que du continent de la Grèce ils passèrent en Crète, de-là dans l'île de Chypre, et de cette île dans celle de Rhodes où ils s'établirent enfin. Mais tous ces voyages sont une fable imaginée par les critiques du moyen âge, qui trouvant le nom de Telchines donné à des hommes de différents pays, supposèrent qu'ils avaient passé de l'un dans l'autre, sans réfléchir que dans le temps où ils plaçaient ces transmigrations successives, les Grecs n'avaient point de vaisseaux. Ces passages prétendus des Telchines sont antérieurs à Cécrops, à Cadmus, à Danaus, d'environ trois cent ans, selon la chronologie de Castor, adoptée par Africain et par Eusebe.

La plus légère attention sur ce que signifiait le nom des Telchines aurait détrompé les critiques. Ce nom écrit indifféremment Telchines ou Telghines se dérivait du mot , soulager, guérir, adoucir la douleur. C'est de la même racine que sortaient le nom de , donné à Junon par les Jalysiens, et celui de , qu'Apollon portait dans quelques temples.

Cependant nous voyons dans Hésychius et dans Strabon, que malgré sa signification primitive, ce terme était devenu dans la suite un mot injurieux, un synonyme des noms d'enchanteurs, de sorciers, d'empoisonneurs, de génies ou démons malfaisants. On accusait les Telchines d'avoir inventé cette magie qui donnait le pouvoir d'exciter des orages, et de jeter des sorts sur les hommes. Ils se servaient, diton, d'un mélange de soufre avec de l'eau du Styx pour faire périr les plantes. Ovide leur attribue même la faculté de fasciner ou d'empoisonner par leur simple regard, les végétaux et les animaux.

Malgré ce déchainement de la plupart des grecs, occasionné peut-être par les invectives des anciens écrivains de l'histoire d'Argos, dévoués aux successeurs de Phoronée, les Telchines avaient leurs partisans, qui regardaient toutes ces imputations comme les suites de la jalousie inspirée par le mérite de leurs découvertes.

Les Telchines étaient, selon Diodore, fils de la Mer, et furent chargés de l'éducation de Neptune : d'autres leur donnaient une mère nommée Zaps ; mais zaps dans l'ancien grec, signifiait la mer, si nous en croyons Euphorion et le poète Denys, cités par Clément Alexandrin, Stromat. Ve 415. ils furent chargés de l'éducation de Neptune. Cette origine et cet emploi, qui les supposent des navigateurs, s'accordent avec la tradition, qui leur faisait habiter successivement les trois îles principales de la mer Egée. On vantait aussi leur habileté dans la Métallurgie ; c'était eux, disait-on, qui avaient forgé la faulx dont la Terre arma Saturne, et le trident de Neptune. On leur attribuait l'art de travailler le fer et l'airain : probablement ils l'apprirent dans l'île de Chypre, célèbre par ses mines, et dont les habitants surent les premiers mettre le cuivre en œuvre. L'usage de ce métal, aussi connu sous le nom d'airain, avait précédé celui du fer, du-moins dans la Grèce, et on en fabriquait des armes. Le fer était rare dans cette contrée ; la dureté qu'il est capable d'acquérir par la trempe, lui faisait donner le nom d'adamas, d'inflexible, qui depuis a passé au diamant.

Comme les anciens usages consacrés par la religion s'observent toujours avec un soin qui les perpétue, on continua d'employer l'airain pour les instruments des sacrifices, et dans la fabrique des armes qu'on offrait aux dieux. Il est même assez vraisemblable que ces épées et ces instruments de cuivre qu'on déterre de temps-en-temps, eurent autrefois cette destination exclusivement à toute autre. En effet, dès que le fer devint commun, on ne continua pas, sans-doute, à se servir comme auparavant, du cuivre, métal aigre, cassant, et beaucoup plus pesant que le fer. Si l'on ne découvre aujourd'hui que peu d'armes de fer, c'est que le fer se détruit par la rouille, au-lieu que celle du cuivre le couvre d'un vernis qui en conserve la substance, et dont la dureté resiste quelquefois au burin le mieux trempé.

Il n'est pas surprenant que les premiers sauvages de la Grèce aient cru tout ce qu'on débitait du pouvoir magique des Telchines. Cette crédulité regna dans les siècles les plus éclairés d'Athènes et de Rome. Peut-être même ce mélange du soufre avec l'eau du Styx, réduit au simple, n'est que l'ancienne pratique de purifier les troupeaux avec la fumée du soufre, avant que de les mener aux champs pour la première fois à la fin de l'hiver. Peut-être a-t-il quelque rapport à cet autre usage, non moins ancien, d'arroser ou de frotter les plantes avec des infusions de drogues amères, pour les garantir des insectes. Caton, Columelle, Pline, et tous les Géoponiques sont pleins de différentes recettes qu'on croyait propres à composer ces fumigations et ces liqueurs.

Lorsqu'on examine les pratiques de l'ancienne magie, on adopte l'idée que Pline s'en était faite. Ce judicieux et savant naturaliste la regardait comme une espèce de médecine superstitieuse, qui joignait aux remèdes naturels, des formules auxquelles on croyait de grandes propriétés. Caton nous rapporte sérieusement quelques - unes de ces formules : nous voyons même que le préjugé vulgaire attribuait à de simples remèdes, à des fumigations, le pouvoir d'empêcher la grêle et de chasser les démons. Végece, dans un de ses ouvrages, termine la longue recette d'une fumigation qu'il prescrit, par ces mots étranges : Quod suffimentum praeter curam jumentorum, sanat hominum passiones, grandinem depellit, daemones abigit, et larvas. Cette fumigation, utîle aux troupeaux, guérit de plus les passions des hommes, détourne la grêle, chasse les démons et les spectres. Quel texte à commenter pour la philosophie ! Histoire de l'acad. des Belles-Lettres, tome XXIII. in-4°. (D.J.)

TELCHINES, (Géographie ancienne) peuples dont parlent Orose, l. I. c. Ve Stobée, de invidiâ. Ils tiraient leur origine de l'île de Crète ; ils s'établirent ensuite dans l'île de Cypre, et enfin ils passèrent dans celle de Rhodes, où ils inventèrent l'usage du fer et de l'airain, et ils en firent une faux à Saturne. On les accusait d'être magiciens ; mais ce crime leur fut imputé par les envieux, qui ne pouvaient sans jalousie les voir exceller dans les arts. (D.J.)




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