S. m. pl. (Histoire moderne) nom donné en Angleterre au parti opposé à celui des Torys. Voyez FACTION et TORY.

L'origine du nom des Wighs et des Toris, quoique peu ancienne, est très-obscure : si dans la naissance d'un parti on a fait peu d'attention à quelque aventure commune, ou à quelque circonstance frivole, qui a servi à les nommer, en-vain ce parti devenu fameux par les suites, excitera-t-il la curiosité des savants, pour trouver la véritable raison du nom qu'on lui a donné ; ils formeront mille conjectures, et se tourmenteront sans succès pour en découvrir l'étymologie, au-moins pourront-ils rarement se flatter de l'avoir saisie au juste. C'est ainsi qu'on appelle en France les Calvinistes Huguenots, sans qu'on puisse décider surement d'où vient ce nom. Voyez HUGUENOT.

Wigh est un mot écossais, et selon quelques-uns, il est aussi en usage en Irlande, pour signifier du petit-lait. Tory est un autre mot irlandais, qui veut dire brigand et voleur de grand chemin.

Pendant que le duc d'Yorck, frère du roi Charles II. s'était réfugié en Ecosse, ce pays fut agité par deux partis, dont l'un tenait pour le duc, et l'autre pour le roi. Les partisans du duc étant les plus forts persécutaient leurs adversaires, et les obligeaient souvent à se retirer dans les montagnes et dans les forêts, où ils ne vivaient que de lait, ce qui fut cause que les premiers les appelèrent par dérision Wighs ou mangeurs de lait. Ces fugitifs donnèrent à leurs persécuteurs le nom de torys ou de brigands. Suivant cette conjecture, les noms de Torys et de Wighs seraient venus d'Ecosse avec le duc d'Yorck.

D'autres en donnent une étymologie qui remonte plus haut. Ils disent que durant les troubles qui causèrent la mort tragique du roi Charles, les partisans de ce prince étaient nommés cavaliers, et ceux du parlement rounds-heads, têtes rondes ; parce qu'ils portaient des cheveux extrêmement courts. Or comme les ennemis du roi l'accusèrent de favoriser la rébellion d'Irlande, qui éclata dans ce temps-là ; les parlementaires changèrent le nom de cavaliers en celui de Torys, qu'on avait donné aux brigands d'Irlande. Et réciproquement les cavaliers ou partisans du roi donnèrent aux parlementaires, parce qu'ils étaient ligués avec les Ecossais, le nom de Wighs, qui est celui d'une espèce de fanatiques d'Ecosse, qui vivent en pleine campagne, et qui ne se nourrissent communément que de lait. Dissert. de Rapin Thoiras sur les Wighs et les Torys, imprimée à la Haye en 1717.

M. Burnet prétend que le nom de wigh est dérivé du mot écossais wiggham, qui en soi-même ne signifie rien, et n'est qu'un cri dont les charretiers écossais se servent pour animer leurs chevaux. Que ce nom fut donné pour la première fois aux presbytériens d'Ecosse en 1648, lorsque le roi Charles I. étant déjà prisonnier entre les mains du parlement, ils prirent les armes, attaquèrent les royalistes, et s'emparèrent enfin du pouvoir suprême. Que le parti du roi donna alors le nom de Wighs aux presbytériens écossais, parce que la plupart n'étaient que des païsans et des charretiers ; que dans la suite ce nom devint commun à tout le parti, et que l'usage s'en établit aussi en Angleterre.

A ce que nous avons déjà dit des Wighs sous le mot TORYS, nous ajouterons que les principes des Wighs sont : que les sujets doivent toute sorte de respect et d'obéissance à leurs supérieurs, tant que ceux-ci observent les conditions tacites ou expresses sur lesquelles on leur a remis la souveraine autorité. Que si un prince prétendait gouverner despotiquement la conscience, la vie et les biens de ses sujets, et qu'il violât pour cet effet des lois fondamentales, il serait du devoir des sujets, tant pour leur propre conservation, que pour celle de leurs descendants, de refuser l'obéissance que l'on exige d'eux, et de prendre les mesures les plus convenables pour faire qu'à l'avenir ils ne pussent être gouvernés que selon leurs lois. Il n'est pas difficîle de sentir que ces principes interprétés suivant les circonstances, par ceux qui les soutiennent, anéantiraient le pouvoir du roi d'Angleterre, et que ce sont ceux qui ont conduit sur l'échafaud l'infortuné Charles I.

Quoique les Wighs soient extrêmement opposés au parti de la cour, cependant, soit ménagement, soit autre vue de politique, la cour ne laisse pas que de les employer, et de les mettre souvent dans les plus hautes places. Sous Guillaume III. et les premières années de la reine Anne, le ministre était wigh, il devint tout-à-coup tory sur la fin du règne de cette princesse ; mais dès que Georges I. fut monté sur le trône, les Wighs reprirent l'avantage.