(Géographie moderne) petite ville d'Espagne, dans la Catalogne, sur une colline, dont la pente s'étend jusqu'au rivage de la mer Méditerranée, entre deux rivières, le Gaya et le Francoli. Elle est située à 20 lieues au couchant de Barcelone, et à 90 de Madrid. L'air y est pur, et il s'y fait du commerce en huile, en lin et en vin. Son territoire est très-fertile, et offre un des plus beaux paysages du monde ; mais son port n'est pas bon, à cause des rochers qui en empêchent l'entrée aux gros vaisseaux.

Tarragone est honorée d'une université et d'un siege archiépiscopal, qui a disputé la primatie à celui de Tolede. Son diocese s'étend sur 197 paroisses. L'archevêque jouit de vingt mille ducats de revenu, et a pour suffragans les évêques de Barcelone, de Tortose, de LÉrida, de Girone, etc.

Tarragone est fortifiée de bastions et d'autres ouvrages réguliers à la moderne. Plusieurs de ses maisons sont presque toutes bâties de grosses pierres de taille carrées. Long. 18. 55. latit. 41. 10.

Les Romains la nommèrent Taraco, d'où les Espagnols ont fait Tarragona. Les Scipions s'en étant rendu maîtres dans les guerres puniques, en firent le lieu de leur résidence, ainsi qu'une belle place d'armes contre les Carthaginois. Auguste s'y trouvant dans la vingt-troisième année de son règne, lui donna le titre d'Augusta, et y reçut plusieurs ambassadeurs. Ses habitants, par reconnaissance, bâtirent un temple en son honneur. L'empereur Antonin le Pieux agrandit son port, et le garnit d'un grand mole. Enfin cette ville devint si puissante et si considérable, que, dans la répartition qui fut faite de l'Espagne, les Romains donnèrent son nom à la plus grande partie de ce vaste continent, en l'appelant Espagne tarragonaise.

Après cela faut - il s'étonner qu'on ait trouvé dans cette ville et aux environs beaucoup de monuments anciens, comme des médailles, des inscriptions, et les ruines d'un cirque où se faisaient les courses des chevaux dans une place nommée aujourd'hui la plaça de la Fuente ?

On y a aussi trouvé les ruines d'un théâtre, qui était en partie taillé dans le roc et en partie bâti de gros quartiers de marbre, dans l'endroit où est à présent l'église de Notre-Dame du miracle. Cette église, ainsi que la cathédrale doivent leur construction aux pierres et au marbre qu'on a tirés des débris de cet ancien théâtre des Romains.

Les Maures prirent Tarragone en 719, et la démantelèrent. Le pape Urbain II. y envoya une colonie en 1038, et ensuite céda cette ville à Raymond Bérenger, comte de Barcelone. Les François assiégèrent Tarragone en 1641, sans pouvoir s'en rendre maîtres.

Elle est la patrie d'Orose (Paul), prêtre, et historien ecclésiastique du Ve siècle. Il lia grande connaissance avec S. Augustin, qui l'envoya en 415 à Jérusalem auprès de S. Jérôme, pour le consulter sur l'origine de l'âme.

Quoi qu'il en soit de la réponse qu'a pu faire S. Jérôme, ce fut au retour du voyage de Palestine que le prêtre de Tarragone composa son histoire générale, qui commence avec le monde et qui finit l'an 416 de Jesus-Christ. Il y en a plusieurs éditions ; la première est, je pense, à Venise en 1500 ; la seconde est à Paris en 1506, chez Petit ; la troisième en 1524, à Paris, in-fol. Ces trois éditions sont moins correctes que les suivantes, à Cologne 1536, 1542, 1561, 1572.

On ne peut contredire raisonnablement le jugement que Casaubon porte de cet ouvrage, qui néanmoins n'est pas sans utilité. On voit à-travers les termes honnêtes du savant critique de Genève, qu'il n'en faisait pas grand cas. En effet la tâche que prit Orose était au-dessus de ses forces. Il ignorait le grec, et connaissait fort peu l'histoire romaine. D'ailleurs il peche souvent contre la chronologie, et croit trop aux bruits populaires.

On dit qu'il avait intitulé son livre de miseriâ hominum ; mais j'imagine que c'est quelque homme d'esprit qui lui a prêté ce titre si convenable à l'histoire en général, et plus encore à l'histoire ecclésiastique qui est le miroir des miseres de l'esprit humain et des maux que son intempérance fait dans le monde. (D.J.)