S. f. en Rhétorique ; forme que l'orateur donne à son discours, et qui consiste à faire paraitre les choses plus grandes ou moindres qu'elles ne sont en effet. L'amplification trouve sa place dans toutes les parties du discours ; elle sert à la preuve, à l'exposition du fait, à concilier la faveur de ceux qui nous écoutent, et à exciter leurs passions. Par elle l'orateur aggrave un crime, exagère une louange, étend une narration par le développement de ses circonstances, présente une pensée sous diverses faces, et produit des émotions relatives à son sujet. Voyez ORAISON et PASSION. Tel est ce vers de Virgile, où au lieu de dire simplement Turnus meurt, il amplifie ainsi son récit :

Ast illi solvuntur frigore membra,

Vitaque cum gemitu fugit indignata sub umbras.

Aeneid. XII.

La définition que nous avons donnée de l'amplification, est celle d'Isocrate et même d'Aristote ; et à ne la considérer que dans ce sens, elle serait plutôt l'art d'un sophiste et d'un déclamateur, que celui d'un véritable orateur. Aussi Cicéron la définit-il une argumentation véhémente, une affirmation énergique qui persuade en remuant les passions. Quintilien et les autres maîtres d'éloquence font de l'amplification l'âme du discours : Longin en parle comme d'un des principaux moyens qui contribuent au sublime, mais il blâme ceux qui la définissent un discours qui grossit les objets, parce que ce caractère convient au sublime et au pathétique, dont il distingue l'amplification en ce que le sublime consiste uniquement dans l'élevation des sentiments et des mots, et l'amplification dans la multitude des uns et des autres. Le sublime peut se trouver dans une pensée unique, et l'amplification dépend du grand nombre. Ainsi ce mot de l'Ecriture, en parlant d'Alexandre, siluit terra in conspectu ejus, est un trait sublime ; pourrait-on dire que c'est une amplification ?

On met aussi cette différence entre l'amplification et la preuve, que celle-ci a pour objet d'éclaircir un point obscur ou controversé, et celle-là de donner de la grandeur et de l'élévation aux objets : mais rien n'empêche qu'un tissu de raisonnements ne soit en même temps preuve et amplification. Cette dernière est en général de deux sortes : l'une roule sur les choses, l'autre a pour objet les mots et les expressions.

La première peut s'exécuter de différentes manières, 1°. par l'amas des définitions, comme lorsque Cicéron définit l'histoire : testis temporum, lux veritatis, vita memoriae, magistra vitae, conscia vetustatis. Voyez DEFINITION.

2°. Par la multiplicité des adjoints ou circonstances : Virgile en donne un exemple dans cette lamentation sur la mort de César, où il décrit tous les prodiges qui la précédèrent ou la suivirent :

Vox quoque per lucos vulgo exaudita silentes

Ingens ; et simulacra modis pallentia miris

Visa sub obscurum noctis ; pecudesque locutae,

Infandum, sistunt amnes, terraeque dehiscunt,

Et moestum illachrymat templis ebur, aeraque sudant.

3°. On amplifie encore une chose par le détail des causes et des effets : 4°. par l'énumération des conséquences : 5°. par les comparaisons, les similitudes, et les exemples, voyez COMPARAISON, etc. 6°. par des contrastes ou oppositions, et par les inductions qu'on en tire. Toutes ces belles descriptions des orages, des tempêtes, des combats singuliers, de la peste, de la famine, si fréquentes dans les poètes, ne sont que des amplifications d'une pensée ou d'une action simple développée.

L'amplification par les mots se fait principalement en six manières : 1°. par des métaphores : 2°. par des synonymes : 3°. par des hyperboles : 4°. par des périphrases : 5°. par des répétitions auxquelles on peut ajouter la gradation : 6°. par des termes nobles et magnifiques. Ainsi au lieu de dire simplement, nous sommes tous mortels, Horace a dit :

Omnes eòdem cogimur ; omnium

Versatur urna seriùs, ocyùs

Sors exitura, et nos in aeternum

Exilium impositura cymbae. Od. Lib. II.

On amplifie une pensée générale en la particularisant, en la développant, et une pensée particulière et restreinte, en remontant de conséquence en conséquence jusqu'à son principe. Mais on doit prendre garde dans l'amplification, comme en tout autre ouvrage du ressort de l'éloquence, de sortir des bornes de son sujet, défaut ordinaire aux jeunes gens que la vivacité de leur imagination emporte trop loin. Les plus grands orateurs ne se sont pas toujours eux-mêmes préservés de cet écueil ; et Cicéron lui-même, dans un âge plus mûr, condamna cette longue amplification qu'il avait faite sur le supplice des parricides dans son oraison pour Roscius d'Amerie, qui lui attira cependant de grands applaudissements. Il impute au caractère bouillant de la jeunesse l'affectation qu'il eut alors de s'étendre avec complaisance sur des lieux communs qui n'allaient pas directement à la justification de sa partie. (G)