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Catégorie parente: Logique
Catégorie : Expression
Scorpus, fameux Agitateur du cirque, est représenté, dans un monument, courant à quatre chevaux, dont on lit les noms avec celui de Scorpus. Sur le bas du monument, au haut, Abascantus est couché sur son séant, un génie lui soutient la tête ; un autre génie qui est à ses pieds tient une torche allumée qu'il approche de la tête d'Abascantus. Celui-ci a dans la main droite une couronne, et dans la gauche une espèce de fruit : l'inscription est au-dessous en ces termes :
Diis Manibus : Titi Flavi Augusti liberti Abascanti à cognitionibus, Flavia Hesperis conjugi suo bene merenti fecit, cujus dolere nihil habui nisi mortis.
Aux Dieux Manes : Flavia Hesperis, épouse de Titus Flavius Abascantus affranchi d'Auguste et son commis, a fait ce monument pour son mari, qui méritait bien qu'elle lui rendit ce devoir. Après la douleur de cette perte, la mort sera ma seule consolation.

On voit qu'a cognitionibus marque certainement un office de conséquence auprès de l'Empereur. C'était alors Tite ou Domitien qui régnait. Mais à cognitionibus est une expression bien générale, et il n'est guère de Charge un peu considérable à la Cour, qui ne soit pour connaître de quelque chose. M. Fabretti prétend qu'à cognitionibus doit s'entendre de l'inspection sur le Cirque, et ce qui concernait la course des chevaux ; il se fonde sur ce qu'on mettait dans ces monuments les instruments qui étaient de la charge ou du métier dont il était question ; par exemple, le muid avec l'Edile, les ventouses et les ligatures avec les Médecins, le faisceau avec le Licteur, etc. d'où il infère que la qualité donnée à Abascantus est désignée par le quadrige qui est au bas du monument. Mais il ne faut prendre ceci que pour une conjecture qui peut être ou vraie ou fausse. La coutume de désigner la qualité de l'homme par les accessoires du monument, est démentie par une infinité d'exemples. On trouve (dit le P. Montfaucon) dans un monument un Lucius Trophymus affranchi d'Auguste, qualifié à veste et à lacunâ, Intendant de la garde-robe, avec deux arcs dont la corde est cassée, deux torches, et un pot ; et ce savant homme demande quel rapport il y a entre ces accessoires et la qualité d'Intendant de la garde-robe : c'est un exemple qu'il apporte contre l'opinion de Fabretti ; mais je ne le trouve pas des mieux choisis, et l'on pourrait assez aisément donner aux arcs sans cordes et au reste des accessoires un sens qui ne s'éloignerait pas de la qualité de Trophymus. Un Intendant de la garde-robe d'un Romain n'avait guère d'exercice qu'en temps de paix : c'est pourquoi on voit au monument de celui-ci deux arcs sans cordes, ou ce qui est mieux, avec des cordes rompues ; les autres symboles ne sont pas plus difficiles à interpréter. Mais l'exemple suivant du P. Montfaucon me semble prouver un peu mieux contre Fabretti ; c'est un Aedituus Martis ultoris représenté avec deux oiseaux qui boivent dans un pot. Cela n'a guère de rapport avec l'office de Sacristain de Mars. Mais connaissons-nous assez-bien l'antiquité pour pouvoir assurer qu'il n'y en a point ? Ne pouvait-il pas facilement y avoir quelque singularité dans les fonctions d'un pareil Sacristain (c'est le mot du P. Montfaucon), à laquelle les oiseaux qui boivent dans un pot feraient une allusion fort juste ? et la singularité ne pourrait-elle pas nous être inconnue ? n'admirons-nous pas aujourd'hui, ou du moins ne trouvons-nous pas très-intelligibles des figures symboliques dans nos monuments, qui seront très-obscures, et qui n'auront pas même le sens commun pour nos neveux qui ne seront pas assez instruits des minuties de nos petits usages, et de nos conditions subalternes, pour en sentir l'à propos ?




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