S. f. (Grammaire et Jurisprudence) tutela, du latin tueri, est la puissance que quelqu'un a sur la personne et les biens d'un pupille mineur ou autre, qui par rapport à la faiblesse de son âge, ou à quelque autre infirmité ou empêchement, comme le furieux et le prodigue, n'est pas en état de veiller par lui-même à la conservation de ses droits.

La tutele des impuberes et singulièrement celle des pupilles orphelins, dérive du droit naturel, qui veut que l'on pourvoye à la conservation de la personne et des biens de ceux qui ne sont pas en état de défendre leurs droits ; la tutele des mineurs puberes, et celle des autres personnes qui ont quelquefois besoin de tuteur, dérive du droit civil.

L'institution des tuteurs est fort ancienne, puisque nous voyons dans Tite-Live qu'Ancus Marcius, l'un des premiers rois de Rome, voulut que Tarquin l'ancien fût tuteur de ses enfants ; il est à présumer que cette tutele fut déférée par testament, et conséquemment que la tutele testamentaire est la plus ancienne de toutes.

Elle fut en effet autorisée par la loi des 12. tables, pater-familias uti legassit super pecuniâ tutelâve rei suae ita jus esto ; ce qui fait croire que la tutele testamentaire se pratiquait chez les Grecs ; la loi des 12. tables ayant été formée par les décemvirs de ce qu'ils trouvèrent de meilleur dans les lois de ces peuples.

Le tuteur est donné à la personne et biens du pupille, ou autre personne soumise à la tutele, à la différence du curateur, qui n'est que pour les biens ; c'est pourquoi il importe beaucoup que le tuteur soit de bonnes mœurs, afin qu'il élève son pupille dans les sentiments d'honneur et de vertu.

La tutele étant une charge publique, on contraint celui qu'elle regarde naturellement, de l'accepter.

On oblige aussi le pupille ou mineur d'avoir un tuteur, au lieu que dans les pays de droit écrit, on ne force point les mineurs puberes de prendre de curateur.

Le mineur peut seul et sans l'autorité et le consentement de son tuteur, faire sa condition meilleure ; mais il ne peut s'obliger seul, il faut que ce soit son tuteur qui le fasse pour lui.

On distingue en Droit trois sortes de tutele ; la testamentaire, la légitime, et la dative ; la première est celle qui est de force par le testament du père ou de la mère ; la tutele légitime, celle qui est déférée par la loi au plus proche parent, ou à son défaut, au plus proche voisin ; la dative, celle qui est donnée par le juge, après avoir pris l'avis des parents.

Les tuteles testamentaire et légitime ont encore lieu dans quelques pays ; mais elles ont besoin d'être confirmées par le juge ; c'est pourquoi l'on dit communément qu'en France toutes les tuteles sont datives.

Le père et la mère sont cependant tuteurs naturels de leurs enfants, et peuvent gérer sans être nommés par le juge.

On peut nommer un ou plusieurs tuteurs à une même personne, lui donner des tuteurs honoraires, et des tuteurs onéraires, donner au tuteur un conseil sans l'avis duquel il ne puisse rien faire, exiger du tuteur caution, s'il n'est pas solvable.

La fonction de tuteur étant un office public et civil, on ne peut pas y nommer une femme, à moins que ce ne soit la mère ou l'ayeule ; on présume que dans ces personnes la tendresse supplée ce qui pourrait leur manquer d'ailleurs ; mais on ne peut pas les contraindre d'accepter la tutele.

Tout tuteur nommé ou confirmé par le juge, doit prêter serment de bien administrer avant de s'immiscer dans l'administration.

Celui que l'on veut nommer tuteur, peut se faire décharger de la tutele s'il a quelque excuse légitime ; ces causes sont le grand nombre d'enfants ; il en fallait trois à Rome, quatre en Italie, et cinq dans les provinces ; l'âge de 70 ans ; la grande pauvreté ; l'exercice de quelque magistrature, même municipale ; un procès avec le mineur ; le défaut de savoir lire et écrire ; l'inimitié capitale ; une infirmité ordinaire ; l'absence pour le service public ; la profession des armes ou des arts libéraux.

Il y a des excuses qui ne sont que pour un temps, comme la charge de deux tuteles, la minorité de 25 ans, la recette des deniers publics, une maladie actuelle.

Son premier soin doit être de veiller à l'éducation du pupille ou mineur.

Il doit aussi administrer fidélement et diligemment les biens, et pour cet effet commencer par faire faire inventaire, faire vendre les meubles, placer les deniers aisifs, et faute de le faire dans un délai compétent, il en doit les intérêts, et même les intérêts des intérêts ; il doit écrire jour par jour sa recette et sa dépense, et la tutele finie, en rendre compte.

Dans quelques pays, comme en Normandie, les nominateurs du tuteur sont responsables de sa solvabilité ; ailleurs ils n'en sont point garants, à-moins qu'il n'y ait eu du dol de leur part.

En pays de droit écrit la tutele finit à la puberté ; en pays coutumier, à la majorité seulement, à-moins que le mineur ne soit plus tôt émancipé.

La tutele finit aussi par la mort du mineur, et par celle du tuteur, et par la mort civîle de l'un ou de l'autre.

Elle finit encore, lorsque le tuteur est déchargé de la tutele à cause de quelque excuse légitime qu'il a, ou lorsqu'il est destitué comme suspect, soit pour ses mauvaises mœurs, soit pour malversation.

Pour les différentes sortes de tuteles et de tuteurs, voyez les subdivisions suivantes.

Voyez aussi au digeste les titres de administr. et peric. tut. et au code de administr. tut. et celui de peric. tut. et aux instit. de tutelis, et les autres titres suivants, Brillon, au mot tutele, le Tr. des minorités de Meslé. (A)

TUTELE à l'accroissement ou augment. Voyez TUTEUR à l'augment.

TUTELE actionnaire. Voyez TUTEUR actionnaire.

TUTELE aux actions immobiliaires. Voyez TUTEUR aux actions immobiliaires.

TUTELE des agnats, était chez les Romains une tutele légitime ou légale, qui était déférée au plus proche des parents paternels du mineur, qu'on appelait agnati, agnat ; mais Justinien ayant par sa novelle 118. abrogé le droit d'agnation, la tutele légitime fut depuis ce temps déférée au plus proche parent paternel ou maternel. Voyez le chap. Ve de la novelle 118. et ci-après l'article TUTELE légitime.

TUTELE attilienne. Voyez TUTEUR attilien.

TUTELE à l'augment. Voyez TUTEUR à l'augment.

TUTELE comptable. Voyez TUTEUR comptable.

TUTELE consulaire. Voyez TUTEUR consulaire.

TUTELE dative, selon le droit romain, était celle qui au défaut de la testamentaire et de la légitime était déferée par le magistrat en vertu de la loi attilia, pour ceux qui demeuraient dans la ville, et en vertu de la loi julia et titia pour ceux qui demeuraient dans les provinces. Voyez TUTEUR attilien, et TUTEUR suivant la loi julia et titia.

La même gradation est encore observée pour les tuteles en pays de droit écrit.

Mais dans la France coutumière, toutes les tuteles sont datives, si ce n'est dans quelques coutumes particulières qui admettent la tutele testamentaire.

Cependant si le père ou la mère ont nommé un tuteur par testament à leurs enfants, il est ordinairement confirmé par le juge, et quand le père ou la mère qui survit veut bien accepter la tutele de ses enfants, le juge lui donne ordinairement la préférence. Voyez TUTELE légitime, TELE testamentaireaire.

TUTELE aux enfants à naître. Voyez TUTEUR aux enfants à naître.

TUTELE fiduciaire était celle qui après le décès du père tuteur légitime, qui avait émancipé ses enfants impuberes, était déférée aux enfants majeurs qui étaient demeurés dans la famille, c'est-à-dire non-émancipés.

Mais cette sorte de tutele qui avait encore lieu par le droit des institutes, fut supprimée par Justinien, lors de la dernière édition de son code, par lequel il ordonne que le droit d'agnation demeurerait entre les frères émancipés.

La tutele des pères n'était aussi au commencement que fiduciaire. Voyez TUTELE des patrons.

TUTELE ad hoc. Voyez TUTEUR ad hoc.

TUTELE honoraire. Voyez TUTEUR honoraire.

TUTELE pour l'instruction. Voyez TUTEUR pour l'instruction.

TUTELE légitime, signifie en général celle qui est déférée par la loi au plus proche parent du mineur, il y en avait de quatre sortes chez les Romains, savoir celle des agnats, celle des patrons, celle des pères, parentum, et la tutele fiduciaire. Voyez TUTELE des agnats, des patrons, des pères, et fiduciaire.

Les tuteles légitimes des agnats ou parents paternels furent établies par la loi des douze tables, elles furent ensuite réglées par les lois de Justinien que l'on suit encore à cet égard en pays de droit écrit, du moins pour la tutele des pères et mères, à leur défaut au plus proche parent paternel ou maternel.

Quelques coutumes admettent la tutele légitime, telle que celle de Poitou, en faveur de la mère ; celle de Bourbonnais l'admet pour la mère, et à son défaut pour l'ayeul ou ayeule paternels et maternels, les paternels néanmoins préférés aux autres ; la coutume d'Auvergne y appelle la mère, mais elle lui préfére l'ayeul paternel, et même le frère des mineurs qui est majeur de vingt-cinq ans.

Quoique la loi appelle quelqu'un à la tutele, il doit néanmoins être confirmé par le juge, ainsi qu'il est dit dans la coutume d'Auvergne. Voyez ci-après TUTELE naturelle.

TUTELE suivant la loi julia, etc. Voyez TUTEUR suivant la loi julia, et TUTELE dative.

TUTELE mixte est celle qui dérive du testament du père, et qui est confirmée par le juge : on l'appelle mixte parce qu'elle est tout-à-la-fais testamentaire et dative. Voyez Grégor. Tolos. tit. de tutelis.

TUTELE naturelle est celle qui appartient à quelqu'un, jure naturae, comme au père et à la mère, par une suite de la puissance et autorité qu'ils ont sur leurs enfants ; c'est la première dans l'ordre des tuteles légitimes ; il en est parlé dans les coutumes de Bretagne, Tours, Poitou, Loudun. Voyez TUTELE LEGITIME, PUISSANCE PATERNELLE, GARDE.

TUTELE onéraire. Voyez TUTEUR onéraire.

TUTELE des patrons était chez les Romains une tutele légitime, établie par une interprétation de la loi des douze tables, qui était déferée au patron sur la personne de son affranchi, par la raison qu'il en était l'héritier légitime. Voyez aux institutes le tit. de legitimâ patron. tut.

TUTELE du père, appelée en droit legitima parentum tutela, est celle qui à l'exemple du patron, était déferée au père qui avait émancipé ses enfants impuberes.

Elle a lieu en vertu d'une constitution de l'empereur Justinien.

Au commencement elle était seulement fiduciaire et n'était déferée aux pères sur leurs enfants impuberes émancipés, qu'au moyen d'une convention en la formule appelée fiducia.

Mais depuis elle fut rendue légitime, c'est-à-dire, de droit, en vertu de la constitution de Justinien, qui ordonna que de quelque manière que les pères eussent émancipé leurs enfants, ils conserveraient toujours sur leurs personnes et leurs biens, tous les droits légaux, et qu'ainsi ils seraient vraiment tuteurs légitimes. Voyez instit. de legit. parent. tutelâ.

TUTELE permise ou permissive, permissiva : on donnait quelquefois en droit ce nom à la tutele testamentaire, parce qu'il était permis au testateur de nommer le tuteur. Voyez Grégor. Tolos.

TUTELE perpétuelle, c'était chez les Romains, celle où étaient autrefois les femmes mêmes puberes et majeures.

Suivant la loi des douze tables, les femmes orphelines non-mariées, demeuraient perpétuellement sous la tutele soit de leur frère soit de leur plus proche parent paternel.

La loi attilia ordonna que le préteur et la plus grande partie des tribuns donnassent des tuteurs aux femmes et aux pupilles qui n'en avaient pas.

Il y avait néanmoins cette différence entre les tuteurs des pupilles et ceux des femmes puberes, que les premiers avaient la gestion des biens de leurs mineurs, au-lieu que les tuteurs des femmes interposaient seulement leur autorité.

Quand la femme se mariait, elle passait de la main ou puissance de son tuteur, en celle de son mari, ainsi elle était dans une tutele perpétuelle.

Mais la loi claudia ôta les tuteles légitimes des femmes, et ne soumit à la tutele que celles qui étaient pupilles et impuberes, et à l'égard des femmes mariées les droits du mari furent restreints ; il lui fut défendu d'aliéner la dot, sans le consentement de sa femme, et l'on permit à celle-ci de disposer de ses paraphernaux. Voyez le traité des minorités de Meslé, ch. IIIe (A)