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Catégorie : Logique
opinio, s. f. (Logique) est un mot qui signifie une créance fondée sur un motif probable, ou un jugement de l'esprit douteux et incertain. L'opinion est mieux définie, le consentement que l'esprit donne aux propositions qui ne lui paraissent pas vraies au premier coup-d'oeil, ou qui ne se déduisent pas par une conséquence nécessaire de celles qui portent en elles l'empreinte de la vérité.

On définit l'opinion dans l'école assensus intellectus cum formidine de opposito, c'est-à-dire un consentement que l'entendement donne à une chose avec une espèce de crainte que le contraire ne soit vrai.

Selon les Logiciens, la démonstration produit la science ou la connaissance certaine, et les arguments probables produisent l'opinion. Toutes les fois que le consentement de l'esprit à une vérité qu'on lui propose est accompagné de doute, on l'appelle opinion. Platon fait de l'opinion un milieu entre la connaissance et l'ignorance ; il dit qu'elle est plus claire et plus expresse que l'ignorance, mais plus obscure et moins satisfaisante que la science.

On soutient communément dans l'école que l'opinion n'est pas incompatible avec la science sur un même sujet : quoique l'opinion suppose du doute, et que la science exclue toute incertitude, parce que l'entendement, dit-on, peut consentir à une vérité par différents motifs et de diverses manières. Cependant, si l'on examine de près la question, on comprendra qu'il est absolument impossible qu'on puisse en même temps douter et être certain de la même chose ; que la différence des motifs, ou certains ou probables, ne saurait produire cet effet dans l'esprit, parce que les raisons probables qui forment l'opinion sont une lumière faible qui ne peut jamais obscurcir l'évidence des raisons certaines qui forment la science ; ce qu'il faudrait pourtant qu'elle fit pour introduire dans l'esprit cette obscurité dont elle doit être accompagnée, et produire dans le consentement le doute nécessaire et essentiel à l'opinion. D'ailleurs la science étant certaine et évidente par elle-même, elle bannit par sa seule présence toute oscillation, et par conséquent l'opinion même dont elle prend la place, et saisit l'esprit entier de l'éclat de sa lumière. Tout ce qu'elle lui permet alors, c'est de distinguer au milieu de cette grande lumière la faiblesse de celle de l'opinion ; et de voir que si les raisons évidentes qui entraînent son consentement et le rendent certain, lui avaient manqué, les raisons probables et conjecturales n'auraient obtenu de lui qu'un assentiment faible et perplexe : de sorte que ceux qui se proposent de prouver la compatibilité de la science et de l'opinion par la différence de ces motifs, ne font autre chose que confondre la confiance qu'on a de l'incertitude du consentement, ce qui est très-différent. Car il n'est point de raison, quelque bonne qu'elle sait, qui empêche de sentir l'incertitude d'une autre raison sur le même sujet ; et il n'en est aucune, quelqu'incertaine qu'elle sait, qui puisse affoiblir la certitude d'une autre raison ; certitude qui empêche toujours le consentement d'être incertain, quoique l'esprit entrevoye d'autres motifs qui ne sont précisément que des conjectures ; certitude qui ne change pas à la vérité la nature des raisons incertaines, mais qui chasse l'obscurité que laisse leur peu de lumière.

Il en est donc de la science et de l'opinion à-peu-près comme de l'éclat du soleil et de la lumière d'un flambeau, ou plutôt d'une lampe : le soleil découvre distinctement les objets ; la lampe ne les montre qu'obscurément. Si l'on allume celle-ci en plein midi, on s'apercevra bien qu'elle ne peut jeter sur les objets qu'une lumière faible, et ne les dévoîle à nos yeux qu'imparfaitement et avec quelque nuance obscure, mais elle ne les fera point alors apercevoir effectivement de cette manière. Sa faiblesse, quoique connue, n'ôtera point aux objets le brillant qu'ils tiennent du grand jour ; et quelqu'usage qu'on fasse alors de la lampe allumée, nos yeux ne verront que d'une façon, c'est-à-dire comme on voit en plein midi, et jamais comme on voit la nuit, à la lumière d'une lampe. De même la science est une lumière pleine et entière qui découvre les choses clairement, et répand sur elles la certitude et l'évidence ; l'opinion n'est qu'une lumière faible et imparfaite qui ne découvre les choses que par conjecture, et les laisse toujours dans l'incertitude et le doute ; l'une est le plus, l'autre est le moins. Enfin c'est le beaucoup et le moins d'une même chose, qu'il est impossible de trouver en même temps dans un même sujet à l'égard de la même matière. Il n'y a qu'à l'école des chimères où de pareilles thèses puissent être proposées et soutenues.

Quant à la parité qu'on institue en disant que la science subsiste bien avec la foi, quoique celle-ci soit obscure, et que celle-là soit évidente, il faut avouer que si cette parité était juste et entière, la foi ne pourrait pas subsister avec la science non plus qu'avec l'opinion. Mais je crois y voir une fort grande différence : car afin que l'opinion et la science se trouvent dans un même sujet, il faut qu'il y ait en même temps de la certitude et de l'incertitude, puisque sans certitude il n'y aurait point de science, et sans incertitude point d'opinion. Au lieu qu'il n'est pas nécessaire pour que la foi soit jointe à la science, que l'obscurité se trouve en même temps dans le consentement que l'esprit donne à une vérité connue par ces deux voies ; parce que la foi peut subsister sans répandre l'obscurité dans un entendement qui est éclairé d'ailleurs, et l'opinion ne le peut pas sans y mettre de l'incertitude. Mais, dira-t-on, s'il n'y a point d'obscurité, il n'y aura point de foi, puisque la foi est des choses obscures, selon la définition de l'apôtre saint Paul : Fides est argumentum non apparentium. Je réponds à cela que l'obscurité essentielle à la foi reste toujours, parce que cette obscurité n'est pas celle de l'entendement, mais seulement celle des motifs de la révélation. Ainsi pour faire un acte de foi, il n'est pas nécessaire de ne voir qu'obscurément les vérités auxquelles on donne son consentement ; il suffit de donner ce consentement par un motif obscur, quoiqu'on ait encore un motif clair et évident, ce qui est très-possible. Car on peut croire une chose par différents motifs ; mais les différents motifs ne peuvent rien mettre de contradictoire dans l'esprit et dans le consentement, sans se détruire l'un ou l'autre. Voilà précisément ce qui arrive à l'égard de la science et de l'opinion. L'une y met nécessairement de l'évidence et de la certitude, et l'autre essentiellement de l'incertitude et de l'obscurité. Mais la foi souffre dans l'esprit toute l'évidence que la science y apporte, et sans y répandre la moindre obscurité, elle la laisse toute entière dans son motif. Ainsi l'évidence d'une raison naturelle à l'égard d'une vérité chrétienne et révélée empêche bien que l'esprit ne demeure dans l'obscurité où la révélation le laisserait ; mais elle n'empêche pas que la révélation ne soit obscure, ni qu'il ne puisse croire cette vérité précisément par le motif de la révélation, parce que, comme je l'ai dit, un motif n'empêche pas l'effet de l'autre, lorsqu'ils s'accordent et tendent à une même fin, telle que se trouve être ici celle de la science et de la foi ; car l'une et l'autre demandent également un consentement ferme et certain. Quant à l'évidence et à l'obscurité, le consentement en étant par lui-même incapable, elles subsistent dans différents sujets ; la première, dans l'esprit entrainé par la force des preuves, qui contiennent la philosophie et le philosophe, dont le consentement est un acte de raison ; la seconde, dans la volonté soumise à l'autorité de la révélation qui fait la religion et le chrétien, dont le consentement est un acte de foi.

OPINIONS, (Jurisprudence) sont les avis de chaque juge qui servent à former le jugement.

La manière de recueillir et de compter les opinions n'a pas toujours été la même.

Chez les Grecs on opinait par le moyen de tablettes que l'on mettait dans une boite : on en donnait trois à chacun ; une marquée d'un A qui signifiait absolvatur ; une marquée N. L. qui signifiait non liquet, et la troisième d'un C. pour dire condemnetur.

Les aréopagistes voulurent que leurs opinions fussent ainsi données en secret et par bulletins, de peur que les jeunes, au lieu de dire leur avis par eux-mêmes, se contentassent de suivre celui des anciens.

T. Arius ayant appelé César avec d'autres pour juger son propre fils, pria que chacun opinât par écrit, de crainte que tout le monde ne fût de l'avis de César.

Ce fut dans cette vue, qu'au procès de Métellus, Tibere se mit à dire son avis tout haut : mais Pison lui en fit sentir l'inconvénient.

On opinait donc ordinairement par écrit à Rome et sur des tablettes, comme chez les Grecs ; et comme chaque décurie avait ses tablettes différentes, on savait qui avait été la plus sevère.

Dans les assemblées du peuple nul ne disait son avis qu'il ne lui fût demandé par celui qui présidait. Le droit d'opiner le premier s'appelait praerogativa, quasi prius erogare sententiam : ce terme a depuis été appliqué à toute sorte de prééminences.

Cet honneur d'opiner avant tous les autres, appartenait à la tribu appelée veturea, qui fut aussi surnommée de-là tribus praerogativa.

On tirait au sort laquelle des centuries opinerait la première, et son suffrage était fort recherché.

Au senat, l'on opinait au commencement suivant l'ancienneté de l'âge, comme on faisait à Athènes, à Lacédémone et à Syracuse. Dans la suite on demanda l'avis à chacun, selon le rang qu'il tenait dans le sénat ; jusqu'à ce que César se donna la liberté de demander l'avis à quatre personnes hors de leur rang ; Auguste ne suivit plus de règle, demandant l'avis de chacun, dans tel ordre qu'il lui plaisait, afin que les suffrages fussent plus libres.

Caligula voulut qu'entre les consulaires on suivit le rang d'ancienneté, ce qui fut confirmé par les empereurs Théodose et Arcade.

En France, dans les causes d'audience, les juges opinent dans l'ordre où ils sont assis : quand il y a beaucoup de juges, on fait plusieurs bureaux ou conseils : celui qui préside recueille les opinions ; et lorsqu'il y a divers avis, il retourne aux opinions pour les concilier : chacun est obligé de se ranger à l'un des deux avis qui prévalent par le nombre de voix.

Dans les affaires de rapport, les juges opinent sans aucun rang, comme ils se trouvent assis auprès du rapporteur.

Il n'y a jamais de partage d'opinions en matière criminelle ; quand le nombre de voix est égal, l'avis le plus doux doit être préféré : cet usage est fort ancien, puisqu'il se trouve déjà consigné dans les capitulaires, liv. V. n. 160.

Une voix de plus ne suffit pas pour départager, en matière criminelle ; il en faut au moins deux.

Au conseil privé du roi il n'y a point de partage, M. le chancelier ayant la voix préponderante.

A la grand-chambre du parlement, une voix de plus départage à l'audience ; au rapport il en faut deux.

Au grand-conseil, il en faut toujours deux pour départager, soit à l'audience, soit au rapport.

Dans tous les sieges qui jugent, à la charge de l'appel, une voix de plus départage au civil ; en matière criminelle il en faut deux. Voyez PARTAGE.

Au reste, les opinions qui se donnent, soit à l'audience ou au rapport, doivent également être secrètes : il est défendu par les ordonnances aux juges, greffiers et huissiers de les revéler : c'est pour prévenir cet inconvénient que l'on opinait à Rome sur des tablettes ; et qu'encore à présent dans les chancelleries de Valladolid et de Grenade, les opinions se donnent par écrit sur un registre.

Les opinions du père et du fils, de l'oncle et du neveu, du beau-pere et du gendre, et des deux beau-frères ne sont comptées que pour une. édit de Janvier 1681. Voyez le Dictionnaire des arrêts, au mot Opinions. (A)




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