MÉPRISER, (Grammaire) Mépriser, contemnere, est ne faire aucun cas d'une chose : dépriser, depretiare, dans la basse latinité, et dans Cicéron deprimère, c'est ôter du prix, du mérite, de la valeur d'une chose : mépriser dit donc infiniment plus que dépriser. Un acheteur peut dépriser une bonne marchandise que le vendeur prise trop haut. On peut dépriser les choses au-delà de l'équité, mais on méprise les vices bas et honteux. On déprise souvent les choses les plus estimables, mais on ne saurait les mépriser. Tout le monde méprise la sordide avarice, et quelques gens seulement déprisent les avantages de la science ; le premier sentiment est fondé dans la nature, l'autre est une folle vengeance de l'ignorance. En vain une parodie tenterait de jeter du ridicule sur une belle scène de Corneille ; tous ses traits ne sauraient la dépriser. En vain s'attache-t-on quelquefois à dépriser certaines personnes, pour faire croire qu'on les méprise ; cette affectation est au contraire le langage de la jalousie, un chagrin de ne pouvoir mépriser ceux contre lesquels on déclame avec hauteur. La grandeur d'ame méprise la vengeance ; l'envie s'efforce à dépriser les belles actions ; l'émulation les prise, les admire, et tâche de les imiter.

Notre langue dit estimer et estime, mépriser et mépris ; mais elle ne dit que dépriser, et n'a point adopté dépris. Cependant ce substantif nous manque dans quelques occasions où il serait nécessaire, pour désigner le sentiment qui tient le milieu entre l'estime et le mépris, et pour exprimer comme fait le verbe cette différence. Par exemple, le dépris des richesses, des honneurs, etc. serait un terme plus juste, plus exact, que celui de mépris des richesses, des honneurs, etc. que nous employons, parce que le mot de mépris ne doit tomber que sur des choses basses, honteuses, et que ni les richesses ni les honneurs ne sont point dans ce cas, quoiqu'on puisse les trop estimer et les priser au-delà de leur valeur. Article de M. le Chevalier DE JAUCOURT.