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Catégorie : Logique
S. m. (Logique) c'est celui qui n'a pas la faculté de discerner différentes idées, de les comparer, de les composer, de les étendre, ou d'en faire abstraction. Tel était parmi les Grecs un certain Margitès, dont l'imbécillité passa en proverbe. Suidas prétend qu'il ne savait pas compter au-dessus de cinq, et qu'étant parvenu à l'adolescence, il demanda à sa mère, si elle et lui n'étaient pas enfants d'un même père....

Ceux qui n'aperçoivent qu'avec peine, qui ne retiennent qu'imparfaitement les idées, qui ne sauraient les rappeler, ou les rassembler promptement, n'ont que très-peu de pensées. Ceux qui ne peuvent distinguer, comparer et abstraire des idées, ne sauraient comprendre les choses, faire usage des termes, juger, raisonner passablement ; et quand ils le font, ce n'est que d'une manière imparfaite sur des choses présentes, et familières à leur sens.

Si l'on examinait les divers égarements des imbéciles, on découvrirait assez bien jusqu'à quel point leur imbécillité procede du manque ou de la faiblesse de l'entendement.

Il y a une grande différence entre les imbéciles et les fous. Je croirais fort, dit Locke, que le défaut des imbéciles, vient de manque de vivacité, d'activité, et de mouvement dans les facultés intellectuelles, par où ils se trouvent privés de l'usage de la raison. Les fous au contraire, semblent être dans l'extrémité opposée ; car il ne parait pas que ces derniers aient perdu la faculté de raisonner, mais il parait, qu'ayant joint mal-à-propos certaines idées, ils les prennent pour des vérités, et se trompent de la même manière que ceux qui raisonnent juste sur de faux principes. Ainsi vous verrez un fou, qui, s'imaginant d'être roi, prétend par une juste conséquence, être servi, honoré selon sa dignité. D'autres qui ont cru être de verre, ont pris toutes les précautions nécessaires pour empêcher leur corps d'être cassé.

Il y a des degrés de folie, comme il y en a d'imbécillité ; l'union déréglée des idées, ou le manque d'idées, étant moins considérable dans les uns que dans les autres. En un mot, ce qui constitue vraisemblablement la différence qui se trouve entre les imbéciles et les fous ; c'est que les fous joignent ensemble des idées mal-assorties et extravagantes, sur lesquelles néanmoins ils raisonnent juste, au lieu que les imbéciles font très-peu ou point de propositions, et ne raisonnent que peu ou point du tout, suivant l'état de leur imbécillité.

Je ne sais, si certains imbéciles qui ont vécu quarante ans sans donner le moindre signe de raison, ne sont pas des êtres qui tiennent le milieu entre l'homme et la bête ; car au fond, ces deux noms que nous avons faits, homme et bête, signifient-ils des espèces tellement marquées par des essences distinctes, que nulle autre espèce ne puisse intervenir entr'elles ?

En cas que quelqu'un vint nous demander, ce que deviendront les imbéciles dans l'autre monde, puisque nous sommes portés à en faire une espèce distincte entre l'homme et la bête, nous répondrions avec Locke, qu'il ne nous importe point de savoir et de rechercher de pareilles choses. Qu'ils tombent, ou qu'ils se soutiennent (pour me servir d'un passage de l'Ecriture, Rom. XIVe 4.) cela regarde leur maître. D'ailleurs, soit que nous déterminions quelque chose, ou que nous ne déterminions rien sur leur état à venir, il ne sera ni meilleur ni pire. Les imbéciles sont entre les mains d'un créateur plein de bonté, qui ne dispose pas de ses créatures suivant les bornes étroites de nos opinions particulières, et qui ne les distingue point conformément aux noms, et aux chimères qu'il nous plait de forger. (D.J.)




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