(Droit romain et Littérature) en français usure. Il convient dans ce Dictionnaire d'expliquer le mot latin, et tous ceux qui s'y rapportent, sans quoi l'on ne saurait entendre, je ne dis pas seulement les lois romaines, mais les historiens et les poètes.

Je remarquerai d'abord que les Latins ont dit nomen, pour signifier une dette, parce que celui qui empruntait donnait à celui qui lui prêtait, une reconnaissance signée de son nom. Les lois défendaient de prêter aux enfants de famille, aux mineurs et à ceux qui étaient au-dessous de vingt-cinq ans : c'est pourquoi les usuriers n'ayant point action contr'eux, ne leur prêtaient qu'à un gros denier, afin de s'indemniser du risque où ils s'exposaient de perdre leur argent.

Horace, sat. 2. l. I. dit : " Fufidius, si riche en fonds de terre et en bons contrats, craint d'avoir la réputation d'un dissipateur et d'un débauché ; il donne son argent à cinq pour cent par mois, et se paye par avance, il exige même un intérêt plus fort des personnes qui se trouvent dans un plus grand besoin ; il aime surtout à prêter aux enfants de famille qui commencent à entrer dans le monde, et qui ont des pères trop ménagers ".

Fuffidius vappae famam timet ac nebulonis ;

Dives agris, dives positis in foenore nummis :

Quinas hic capiti mercedes exsecat : atque

Quanto perditior quisque est, tanto acrius urget.

Nomina sectatur, modo sumptâ veste virili,

Sub patribus duris tironum.

Caput, est ce qu'on appelait autrement sors, le capital, le principal, la somme que l'on plaçait à intérêt ; merces est l'intérêt que l'on retirait du capital ; exsecare, signifie déduire les intérêts par avance.

Fufidius dont parle Horace, donnait, par exemple, cent écus pour un mois, c'était le capital, et au bout d'un mois son débiteur devait lui rendre cent cinq écus, ainsi l'intérêt était de cinq pour cent. Mais afin de s'assurer d'avantage du profit de son argent, il se payait d'avance par ses mains, et ne donnait que quatre-vingt-quinze écus, en tirant de son débiteur une obligation de la somme de cent écus payable à la fin du mois ; de sorte qu'il se trouvait que dans l'espace de vingt mois, l'intérêt égalait le capital. Cette usure était criante, puisqu'elle était quatre fois plus forte que le denier courant, qui était de douze pour cent par an, c'est-à-dire d'un par mois. L'intérêt permis et ordinaire revient à-peu-près au denier huit, selon notre manière de compter, on l'appelait usura centesima, parce que le capital se trouvait doublé à la fin du centième mois, c'est-à-dire, huit ans quatre mois. Voyez USURA centesima.

Cette même usure centesime était aussi nommée as usura, et as tout court, parce que toutes les autres usures moindres tiraient d'elle leur qualification, et en étaient comme les parties ; c'est ce que nous allons expliquer.

Usura semis ou semis, était lorsqu'on payait par mois la moitié de ce centième, demi pour cent par mois, six pour cent par an ; c'est environ le denier dix-sept.

Bes, lorsqu'on payait les deux tiers de ce centième par mois ; c'est huit pour cent par an, le denier douze.

Quadrants, lorsqu'on payait par mois le quart de ce centième, trois pour cent par an ; le denier trente-trois.

Quincunx, lorsqu'on payait par mois un cinquième de ce centième, environ deux et demi pour cent par an, qui est notre denier quarante.

Triens, lorsqu'on payait par mois le tiers de ce centième, quatre pour cent par an, le denier vingt-cinq.

Sextants, lorsqu'on payait par mois le sixième de ce centième, deux pour cent par an, le denier cinquante.

Enfin usura unciaria, lorsqu'on ne payait par mois que la douzième partie de ce centième, un pour cent par an.

La loi des douze tables avait défendu l'usure à un denier plus haut, ne quis unciario foenore ampliùs exerceret. On diminua encore cette usure de moitié, car on la fit semiunciariam, c'est le denier deux cent par an ; mais tantôt la rareté de l'argent qui était sur la place, tantôt la facilité des juges qui connaissaient de l'usure, tantôt les besoins pressants des particuliers, et toujours l'avarice des usuriers habiles à profiter de toutes les conjonctures, rendaient inutiles toutes les lois, et l'usure demeurait presque arbitraire.

Elle était peu réglée du temps de Cicéron : foenus, dit-il à Atticus, ex triente idibus factum erat bessibus. " L'usure avait monté tout-d'un-coup le jour des ides du tiers au deux tiers ". C'est-à-dire, que du denier vingt-cinq, elle était montée au denier douze ; ce qu'il dit-là bessibus, il le dit ailleurs, geminis trientibus. C'est dans le deuxième livre des lettres à Quintus, idibus quintilibus foenus fuit geminis trientibus. Aux ides de Juillet, l'usure était au deux tiers, au denier douze. Quelquefois elle était au semis : omninò semissibus magna copia est, dit-il à Sextius. On trouve de l'argent tant qu'on veut à la moitié ; c'est-à-dire, à la moitié du centième par mois, à six pour cent par an. Quelquefois on la portait au plus haut denier, au centième par mois ; à Caecilio, dit-il à Atticus, nummum moveri ne à propinquis quidem minore centesimis posse. On ne peut arracher un sol à Caecilius, non pas même ses plus proches, à un moindre intérêt qu'à un pour cent par mois. (D.J.)

USURA centesima, (Droit romain) intérêt à un pour cent par mois ; on payait chez les Romains les intérêts par mois, et non par année comme nous faisons ; ainsi c'était le centième de la somme chaque mois, qui désignait le mot usura centesimis, et par conséquent douze pour cent au bout de l'an. Cette usure était exorbitante et contraire à la loi des douze tables, confirmée longtemps après que les tributs eurent réglé les usures à un pour cent par an, ce qui s'appelait unciarium foenus.

Tacite, liv. V. de ses annales, parle ainsi de l'usure. Le profit particulier, dit-il, renversa le bien de l'état. L'usure est un des plus anciens maux de la république ; c'est pourquoi on a fait tant de lois pour la réprimer, dans le temps même où les mœurs étaient moins corrompues ; car premièrement par la loi des douze tables il était défendu de prêter à plus haut intérêt qu'au denier huit. Cet intérêt même fut réduit depuis au denier seize à la requête des tribuns. Le peuple fit ensuite plusieurs décrets pour empêcher les fourberies qui se commettaient en ce genre ; mais quelques règlements qu'on put faire, l'avarice des hommes trouvait toujours de nouveaux moyens pour les éluder. (D.J.)