S. f. (Droit naturel) on nomme moralité, le rapport des actions humaines avec la loi qui en est la règle. En effet, la loi étant la règle des actions humaines, si l'on compare ces actions avec la loi, on y remarque ou de la conformité, ou de l'opposition ; et cette sorte de qualification de nos actions par rapport à la loi, s'appelle moralité. Ce terme vient de celui de mœurs, qui sont des actions libres des hommes susceptibles de règle.

On peut considérer la moralité des actions sous deux vues différentes : 1°. par rapport à la manière dont la loi en dispose, et 2°. par rapport à la conformité ou à l'opposition de ces mêmes actions avec la loi.

Au premier égard, les actions humaines sont ou commandées, ou défendues, ou permises. Les actions commandées ou défendues, sont celles que défend ou prescrit la loi ; les actions permises sont celles que la loi nous laisse la liberté de faire.

L'autre manière dont on peut envisager la moralité des actions humaines, c'est par rapport à leur conformité ou à leur opposition avec la loi : à cet égard, on distingue les actions en bonnes ou justes, mauvaises ou injustes, et en actions indifférentes.

Une action moralement bonne ou juste, est celle qui est en elle-même exactement conforme à la disposition de quelque loi obligatoire, et qui d'ailleurs est faite dans les dispositions, et accompagnée des circonstances conformes à l'intention du législateur. Les actions mauvaises ou injustes sont celles qui, ou par elles-mêmes, ou par les circonstances qui les accompagnent, sont contraires à la disposition d'une loi obligatoire, ou à l'intention du législateur. Les actions indifférentes tiennent, pour ainsi dire, le milieu entre les actions justes et injustes ; ce sont celles qui ne sont ni ordonnées ni défendues, mais que la loi nous laisse en liberté de faire ou de ne pas faire, selon qu'on le trouve à propos ; c'est-à-dire que ces actions se rapportent à une loi de simple permission, et non à une loi obligatoire.

Outre ce qu'on peut nommer la qualité des actions morales, on y considère encore une sorte de quantité, qui fait qu'en comparant les bonnes actions entr'elles, et les mauvaises aussi entr'elles, on en fait une estimation relative, pour marquer le plus ou le moins de bien ou de mal qui se trouve dans chacune ; car une bonne action peut être plus ou moins excellente, et une mauvaise action plus ou moins condamnable, selon son objet ; la qualité et l'état de l'agent ; la nature même de l'action ; son effet et ses suites ; les circonstances du temps, du lieu, etc. qui peuvent encore rendre les bonnes ou les mauvaises actions plus louables ou plus blâmables les unes que les autres.

Remarquons enfin qu'on attribue la moralité aux personnes aussi-bien qu'aux actions ; et comme les actions sont bonnes ou mauvaises, justes ou injustes, l'on dit aussi des hommes qu'ils sont vertueux ou vicieux, bons ou mécans. Un homme vertueux est celui qui a l'habitude d'agir conformément à ses devoirs. Un homme vicieux est celui qui a l'habitude opposée. Voyez VERTU et VICE. (D.J.)

MORALITE, (Apologue) la vérité qui résulte du récit allégorique de l'apologue, se nomme moralité. Elle doit être claire, courte et intéressante ; il n'y faut point de métaphysique, point de périodes, point de vérités trop triviales, comme serait celle-ci, qu'il faut ménager sa santé.

Phèdre et la Fontaine placent indifféremment la moralité, tantôt avant, tantôt après le récit, selon que le goût l'exige ou le permet. L'avantage est à peu-près égal pour l'esprit du lecteur, qui n'est pas moins exercé, soit qu'on la place auparavant ou après. Dans le premier cas, on a le plaisir de combiner chaque trait du récit avec la vérité ; dans le second cas, on a le plaisir de la suspension : on devine ce qu'on veut nous apprendre, et on a la satisfaction de se rencontrer avec l'auteur, ou le mérite de lui céder, si on n'a point réussi.

MORALITES, (Théâtre français) c'est ainsi qu'on appela d'abord les premières comédies saintes qui furent jouées en France dans le XVe et XVIe siècles. Voyez COMEDIES SAINTES.

Au nom de moralités, succéda celui de mystères de la passion. Voyez MYSTERES DE LA PASSION.

Ces pieuses farces étaient un mélange monstrueux d'impiétés et de simplicités, mais que ni les auteurs, ni les spectateurs n'avaient l'esprit d'apercevoir. La Conception à personnages, (c'est le titre d'une des premières moralités, jouée sur le théâtre français, et imprimée in -4°. gothique, à Paris chez Alain Lotrian,) fait parler ainsi Joseph :

Mon soulcy ne se peut deffaire

de Marie mon épouse saincte

Que j'ai ainsi trouvée ençainte,

Ne sçay s'il y a faute ou non.

....

De moi n'est la chose venue ;

Sa promesse n'a pas tenue.

....

Elle a rompu son mariage,

Je suis bien infeible, incrédule,

Quand je regarde bien son faire,

De croire qu'il y ait meffaire.

Elle est ençainte, et d'où viendrait,

Le fruit ? Il faut dire par droit,

Qu'il y ait vice d'adultère,

Puisque je n'en suis pas le père.

....

Elle a été troys moys entiers

Hors d'icy, et au bout du tiers

Je l'ai toute grosse receuè :

L'aurait quelque paillard déceuè,

Ou de faict voulu efforcer ?

Ha ! brief, je ne sçay que penser !

Voilà de vrais blasphêmes en bon français ! Et Joseph allait quitter son épouse, si l'ange Gabrièl ne l'eut averti de n'en rien faire.

Mais qui croirait qu'un jésuite espagnol, du XVIIe siècle, Jean Carthagena, mort à Naples, en 1617, ait débité dans un livre, intitulé Josephi mysteria, que S. Joseph peut tenir rang parmi les martyrs, à cause de la jalousie qui lui déchirait le cœur, quand il s'aperçut de jour en jour de la grossesse de son épouse. Quelle porte n'ouvre-t-on point aux railleries des profanes, lorsqu'on ose faire des martyrs de cette nature, et qu'on expose nos mystères à des idées d'imagination si dépravée ! (D.J.)