S. f. (Jurisprudence) est le lien qui unit ensemble des frères, ou le frère et la sœur.

Sur la manière dont la fraternité doit être prouvée, voyez la loi 13 au code, liv. IV. tit. xjx.

On a aussi donné le nom de fraternité ou confraternité à certaines sociétés dont les membres se traitent entr'eux de frères, ou doivent vivre ensemble comme frères : telles sont les confrairies, les communautés de religieux. Voyez le glossaire de Ducange, au mot fraternitas. (A)

FRATERNITE D'ARMES, (Histoire moderne) association entre deux chevaliers pour quelque haute entreprise qui devait avoir un terme fixe, ou même pour toutes celles qu'ils pourraient jamais faire ; ils se juraient d'en partager également les travaux et la gloire, les dangers, et le profit, de ne se point abandonner tant qu'ils auraient besoin l'un de l'autre. L'estime, la confiance mutuelle de gens qui s'étaient souvent trouvés ensemble aux mêmes expéditions, donnèrent la naissance à ces engagements ; et ceux qui les prenaient devenaient frères, compagnons d'armes. Voyez FRERE D'ARMES.

Ces associations se contractaient quelquefois pour la vie ; mais elles se bornaient le plus souvent à des expéditions passageres, comme une entreprise d'armes, telle que fut celle de Saintré, une guerre, une bataille, un siège, ou quelque autre expédition militaire.

L'usage de la fraternité d'armes dont il s'agit ici, est fort ancien. Nous lisons dans Joinville, que l'empereur de Constantinople et le roi des Commains, s'allièrent et devinrent frères ; et pour rendre cette alliance plus solide, " il faillit qu'ils, et chacuns de leurs gens de part et d'autre, se fissent saigner, et que leur sang ils donnassent à boire l'un à l'autre en signe de fraternité ; et ainsi se convint faire entre nos gens et les gens d'icelui roi, et mêlèrent de leur sang avec du vin, et en buvaient l'un à l'autre, et disaient qu'ils étaient frères l'un à l'autre d'un sang.... ".

Si nous remontons à des siècles plus reculés, nous apprendrons l'antiquité de cette pratique. Octavius faisant le portrait dés vices et des crimes des dieux que Cécilius adorait, dit de l'inhumanité de Jupiter convaincu d'homicide : " Je crois que c'est lui qui a appris à Catilina de confirmer les conjurés dans leur dessein, en buvant le sang les uns des autres ".

Il resta longtemps parmi les hommes des traces de cette barbarie ; car Ducange cite des exemples de chevaliers, qui pour symbole de fraternité, se firent saigner ensemble, et mêlèrent leur sang. Si cette dernière pratique parait à-peu-près aussi folle et aussi barbare que la première, du-moins rien n'était plus éloigné de la barbarie que le sentiment qui l'inspirait.

Le Christianisme s'étant répandu dans le monde, on l'employa pour rendre les fraternités plus solennelles et plus respectables ; et en conséquence, on les contracta à la face des autels. C'est ainsi que quelques frères d'armes imprimaient à leurs serments les plus sacrés caractères de la religion : pour s'unir plus étroitement, ils baisaient ensemble la paix que l'on présente aux fidèles dans les cérémonies de la messe. Nous avons même des exemples de la fraternité-d'armes autorisée par la réception de l'hostie consacrée : ce fut de cette manière, au rapport de Jean Juvénal des Ursins, que les ducs d'Orléans et de Bourgogne lièrent une fraternité, qui pourtant ne dura pas longtemps : " ils ouirent tous la messe ; reçurent le corps de N. S. et préalablement jurèrent bon amour, et fraternité par-ensemble ".

Mais on observait rarement des cérémonies aussi graves dans ces sortes d'associations ; on les contractait d'ordinaire, les uns par le don réciproque de quelques armes, les autres par le simple attouchement d'une arme, comme d'une épée ou d'une lance, sur laquelle on se jurait une alliance perpétuelle ; et ceux qui faisaient ces serments s'appelaient fratres jurati.

Monstrelet nous apprend que le roi d'Aragon se fit frere-d'armes du duc de Bourgogne par un simple traité. Les princes formaient dans l'éloignement leur contrat de fraternité-d'armes, par des traités authentiques, suivant l'usage des temps. Ce fut par un acte semblable que le duc de Bretagne et le comte de Charolais devinrent freres-d'armes l'un de l'autre. M. Ducange, dans sa dissertation sur Joinville, a rapporté le traité de fraternité-d'armes entre Bertrand du Guesclin et Olivier de la Marche, et celui que Louis XI. et Charles dernier duc de Bourgogne firent ensemble.

On vit, à la vérité le duc de Bourgogne violer les serments de sa fraternité-d'armes avec le duc d'Orléans ; mais c'est un exemple très-rare, auquel on peut opposer celui du duc de Bretagne, longtemps ennemi irréconciliable du connétable Clisson. La haine de ce duc fit place aux sentiments de la fraternité, lorsqu'il fut devenu frere-d'armes du connétable. Jamais amitié ne fut plus sincère que celle qui regna depuis entr'eux, jusqu'à la mort du duc de Bretagne : Clisson la lui continua encore après sa mort dans la personne de ses enfants ; il fut toujours leur père.

Au reste, les fraternités militaires donnaient à des seigneurs particuliers le moyen de faire des entreprises dignes des souverains. Lorsque la guerre ne les retenait pas au service de leur monarque, ils s'associaient pour aller purger une province de brigands qui l'infestaient ; pour délivrer des nations éloignées du joug des infidèles ; pour venger un prince opprimé, et déthroner un usurpateur. Enfin, comme les meilleures choses dégénèrent, il arriva que les fraternités-d'armes rendirent un grand nombre de seigneurs indépendants, et quelquefois rébelles.

Il arriva pareillement de-là, que les fraternités-d'armes contractées par des sujets ou des alliés de nos rais, firent naître des soupçons sur la fidélité de ceux qui avaient pris ces engagements. Le roi de France, en 1370, témoigna son mécontentement de la conduite d'Ostrenant son allié, qui avait accepté l'ordre de la Jarretière ; et l'on ne fut pas moins scandalisé de voir le duc d'Orléans se lier en 1399 par une fraternité-d'armes et d'alliance avec le duc de Lancastre, qui peu après déthrona Richard, roi d'Angleterre, gendre du roi Charles VI. Le crédit que donnaient ces sortes de sociétés était en effet d'une conséquence dangereuse pour le repos de l'état : on sait comment elles finirent dans ce royaume. (D.J.)