son origine remonte jusqu'au temps des Germains. Cet ancien droit ne consistait que dans des coutumes non écrites, qui se conservaient chez ces peuples par tradition. Il ne nous est guère connu que par ce qu'en rapportent César et Tacite.

Le premier, dans ses commentaires de bello Gallico, dit que les Germains n'avaient point de druides comme les Gaulois ; que toute leur vie était partagée entre la chasse et la guerre. Ils s'attachaient peu à l'agriculture, et ne possédaient point de terre en propre : mais leurs magistrats et leurs princes leur assignaient à chacun tous les ans une certaine étendue de terrain, et chaque année on les changeait de lieu, afin qu'ils ne s'attachassent point trop à leurs établissements, et qu'ils n'abandonnassent point les exercices militaires. En temps de guerre, on élisait des magistrats pour commander, avec droit de vie et de mort : mais en temps de paix, il n'y avait point de magistrats ; les princes de chaque canton y rendaient la justice. Le larcin n'emportait aucune note d'infamie, pourvu qu'il fût commis hors du lieu que l'on habitait ; ce qui avait pour objet de rendre la jeunesse plus adroite. Il n'était pas permis de violer l'hospitalité. C'est à peu-près tout ce que l'on peut recueillir dans César sur les mœurs des Germains qui avaient rapport au droit.

Tacite en son livre de situ, moribus et populis Germaniae, entre dans un détail un peu plus grand. L'Allemagne était alors partagée en plusieurs petits états qui avaient chacun leur roi, pour le choix desquels on avait égard à la noblesse ; on choisissait aussi des chefs, eu égard à leur courage. Le pouvoir de ces rois n'était pas sans bornes ; pour les affaires ordinaires, ils prenaient conseil des princes, ou grands de la nation ; les affaires importantes se traitaient dans l'assemblée générale de la nation, laquelle se tenait toujours dans un certain temps : chacun s'y rendait avec ses armes ; là les affaires étaient proposées soit par le roi ou par quelque prince, selon la considération que l'âge, la noblesse, les services ou l'éloquence naturelle, donnaient à chacun d'eux. On y employait la voie de la persuasion, plutôt que celle de l'autorité. Si la proposition déplaisait au peuple, il le témoignait aussi-tôt par un murmure général ; si au contraire elle lui était agréable, il le marquait en frappant sur ses boucliers. C'était dans ces assemblées que l'on élisait les princes qui rendaient la justice dans chaque lieu où le peuple campait ; car ils n'avaient point de ville ni d'habitation fixe. On leur donnait pour conseillers comites cent personnes choisies parmi le peuple, qui partageaient avec le prince l'autorité ; ils étaient toujours armés lorsqu'il s'agissait de traiter quelque affaire publique ou particulière. La guerre et la chasse faisaient l'occupation principale de ces peuples, et leurs bestiaux leurs richesses ; en sorte que leurs différends ordinaires n'étaient que pour des querelles ou larcins : on les décidait dans des assemblées publiques, ou sur les dépositions des témoins que l'on produisait sur le champ, ou par le duel, ou par les épreuves de l'eau et du feu. Chaque canton avait coutume de faire à son prince des présents d'armes, de chevaux, et autres bestiaux, de fruits, et dans la suite elles donnaient aussi de l'argent. Tacite parle aussi des prêtres de ces peuples, et de la police qui s'observait par rapport au culte de la religion. Il rapporte de quelle manière les différents crimes étaient punis ; les lois de leurs mariages n'y sont pas non plus oubliées ; chaque homme n'avait ordinairement qu'une seule femme, excepté un très-petit nombre de personnes qui en avaient plusieurs à la fais, non par débauche, mais par honneur. La femme n'apportait point de dot à son mari ; c'était au contraire le mari qui dotait sa femme. Les parents assistaient à ces conventions, et y donnaient leur consentement. C'était alors un cas bien rare que l'adultère ; la peine dépendait du mari. Suivant l'usage, la femme nue et les cheveux épars, en présence de ses parents, était chassée de la maison de son mari, lequel la fouettait de verges dans tout le lieu ; car pour les fautes de cette espèce, ni la beauté, ni la jeunesse, ni les biens, ne pouvaient faire espérer de grâce. C'était un crime capital de faire quelque chose pour diminuer le nombre de ses enfants. Tacite fait à cette occasion un bel éloge des Germains, en disant que les bonnes mœurs avaient chez eux plus de force que n'en ont ailleurs les lais. Les testaments n'étaient point usités parmi eux ; en sorte que les successions étaient déférées ab intestat ; d'abord aux enfants, et à défaut d'enfants, au parent le plus proche ; d'abord aux frères, ensuite aux oncles. Ils traitaient doucement leurs esclaves ; et néanmoins ils pouvaient les punir, soit en leur mettant des fers, ou en les chargeant de travaux pénibles : il leur arrivait même quelquefois de les tuer, non pas par principe de justice ni de sévérité, mais par un mouvement de colere ; et ces faits demeuraient impunis. Les terres étaient distribuées aux habitants de chaque canton, à proportion du nombre des cultivateurs ; et ceux-ci les subdivisaient ensuite entr'eux.

Telles étaient en substance les coutumes des Germains au temps dont parle Tacite, qui vivait sous l'empire de Vespasien.

Les Romains avaient cependant déjà remporté quelques avantages sur certains peuples de la Germanie, mais ils ne les subjuguèrent jamais entièrement. Il est vrai que les peuples qui demeuraient entre l'Italie et le Rhin, furent soumis aux Romains du temps d'Auguste et de Tibere, ce qui a pu commencer à introduire le droit en Allemagne ; mais après la mort de ces empereurs, les Romains ne purent conserver que les peuples qui portèrent les premiers le nom d'Allemands : encore ceux-ci se révoltèrent-ils vers l'an 200, et firent souvent des courses dans les Gaules. Le reste de l'Allemagne au-delà du Danube et de l'Elbe, ne fut jamais assujetti aux Romains ; on voit au contraire que les Cimbres, les Saxons, les Huns, et autres peuples de Germanie, firent souvent des courses sur les terres de l'empire en Occident, et les occupèrent presque toutes ; de sorte que les Germains conservèrent toujours leurs anciennes coutumes, à moins que le mélange qui se fit des vainqueurs avec les vaincus, ne contribuât encore à faire adopter insensiblement les lois romaines aux Germains.

Un des peuples de Germanie qui habitait entre le Danube et le Rhin, ayant pris le nom d'Allemand, ce nom devint dans la suite celui de toute la nation Germanique ; ce qui arriva vers le temps de l'empereur Frédéric.

Les coutumes et les lois des Francs qui étaient un mélange de différents peuples de Germanie, peuvent aussi être considérées comme des vestiges du droit Allemand ou de Germanie en général. En effet Clovis défit les Allemands proprement dits l'an 496 ; d'autres peuples de Germanie se soumirent à lui ; Clotaire et Thierri fils de Clovis, défirent les Thuringiens en 530 ; et en 532 dans la suite, les successeurs de Thierri gouvernèrent par des ducs les peuples qu'ils avaient soumis en Allemagne.

On commença alors à rédiger par écrit les coutumes des Germains, et ces coutumes furent appelées lois : de ce nombre est la loi des Allemands, laquelle fut d'abord rédigée par écrit à Châlons-sur-Marne, conformément à la tradition, par ordre de Thierri roi de France, fils de Clovis. Elle fut ensuite corrigée par Childebert, et enfin par Clotaire : cette dernière rédaction porte en titre dans les anciennes éditions, qu'elle a été résolue par Clotaire, par ses princes ou juges, savoir par trente-quatre évêques, trente-quatre ducs, soixante-douze comtes, et par tout le peuple. Les lois se faisaient alors dans l'assemblée générale de la nation.

Il ne faut pas croire cependant que la loi des Allemands fût le droit de toute la Germanie, ce n'était que la loi particulière des peuples d'Alsace et du haut Palatinat. Il y eut encore plusieurs autres lois qui furent redigées par écrit pour chacune des principales nations, dont la Germanie était composée, et qui étaient soumises aux Francs, ou dont quelques détachements les avaient suivis dans les Gaules.

Ainsi la loi Salique, faite de l'autorité des rois Childebert et Clotaire, enfants de Clovis, était la loi particulière des Francs, et par conséquent d'une partie des peuples de Germanie.

La loi des ripuaires ou des ripuariens, qui n'est quasi qu'une répétition de la loi Salique, était aussi pour les Francs ; on croit seulement que la loi Salique était pour ceux qui habitaient entre la Loire et la Meuse, et que l'autre était pour ceux qui habitaient entre la Meuse et le Rhin.

On rédigea aussi dans le même temps la loi des Bavarais et celle des Saxons, tous peuples de Germanie.

Toutes ces différentes lois furent rédigées en latin par des Romains, qui étaient alors presque les seuls qui eussent l'usage des lettres. Elles sont remplies de mots allemands. Nous n'entreprendrons point ici d'entrer dans le détail de leurs dispositions, qui nous menerait trop loin : on les peut voir toutes rassemblées dans le recueil intitulé, codex legum antiquarum. Nous observerons seulement qu'Agathias, liv. I. pag. 18. édit. reg. écrit que du temps de Justinien, les Allemands suivaient pour l'administration de la justice, les lois faites par les rois des Francs.

Pour ce qui est du droit observé présentement en Allemagne, il est de deux sortes : savoir, le droit commun à toute l'Allemagne ; et le droit particulier de chaque état dont le corps Germanique est composé.

Le droit commun et général de l'empire est composé des constitutions anciennes, de la bulle-d'or, de la pacification de Passau, des traités de Westphalie et autres semblables, et du droit romain, lequel y a sans doute été introduit insensiblement, de même qu'en France, par le mélange des Allemands avec les Romains, et avec les Gaulois qui observaient le droit romain.

Lorsque Charlemagne parvint à l'empire d'Occident, il ordonna que l'on suivrait en Allemagne le code Théodosien dans tous les cas qui n'étaient pas décidés par les coutumes particulières, telles que celles des Saxons qui avaient leur loi, dans l'usage de laquelle il les confirma.

On suivit ainsi pendant plus d'un siècle en Allemagne le code Théodosien ; ce code, les lois saxonnes, et les coutumes, formèrent pendant plus de 200 ans tout le droit observé en Allemagne.

Les lois de Justinien ne commencèrent à y être observées que depuis qu'on les eut retrouvées en Italie dans le douzième siècle. Irnerius, qui était Allemand de naissance, obtint de l'empereur Lothaire que les ouvrages de Justinien seraient cités dans le barreau, et qu'ils auraient force de loi dans l'empire à la place du code Théodosien. Il n'y avait cependant point encore d'écoles de droit en Allemagne. Ce fut Haloander, aussi Allemand de naissance, lequel, vers l'an 1500, mit en vogue l'étude des lois romaines dans sa patrie.

La loi des Saxons, qui était l'ancien droit d'une grande partie de l'Allemagne, continua cependant d'y être observée dans les provinces qui l'avaient adoptée avant le recouvrement du digeste ; mais le droit romain a été depuis ce temps considéré comme le droit commun du pays, auquel on a recours pour décider les cas qui ne sont pas nettement prévus par le droit saxon, ou par les coutumes particulières des villes ou des provinces, ou par les constitutions des souverains. Cet usage fut confirmé par un decret exprès de l'Empire du temps de Maximilien : cependant quelques novateurs ont contesté ce principe en Allemagne, comme on l'a contesté en France : mais les gens les mieux instruits sont demeurés fermes dans l'ancienne doctrine, qui est aussi celle des cours de justice d'Allemagne.

Pour les matières bénéficiales, on suit le concordat germanique fait entre le pape Nicolas V. l'empereur Frédéric III. et les princes d'Allemagne, le 16 Mars 1448. Voyez CONCORDAT GERMANIQUE.

A l'égard du droit particulier de chaque état d'Allemagne, il est composé des coutumes particulières et statuts des provinces et villes, et des ordonnances des souverains. En Prusse, on a formé un nouveau corps de lois sous le nom de code Frédéric. Voyez ce qui en a été dit au mot CODE.

L'Allemagne a produit un grand nombre de jurisconsultes, qui ont fait divers traités sur le droit romain ; tels que Wesenbec, Borcholten, Bredorode, et une infinité d'autres.

Sur l'origine et la nature du droit allemand, on peut voir Christ. Godef. Hoffman, specim. conject. de origine et naturâ legum germanic. p. 103. et Joan. Gotlich. Heineccius, hist. juris roman. et german. lib. II. cap. IVe §. 102. Struvius, hist. jur. c. VIe §. 39. et seq. Le journ. de Trév. d'Avril 1715. pag. 722. Voyez CONSTITUTION DE L'EMPIRE. (A)