S. m. (Jeu de hasard) les principales règles de ce jeu sont,

Que le banquier taille avec un jeu entier composé de cinquante-deux cartes.

Qu'il tire toutes les cartes de suite, mettant les unes à sa droite, et les autres à sa gauche.

Qu'à chaque main on taille, c'est-à-dire de deux en deux cartes : le ponte a la liberté de prendre une ou plusieurs cartes, et de hasarder dessus une certaine somme.

Que le banquier gagne la mise du ponte, lorsque la carte du ponte arrive à la main droite dans un rang impair, et qu'il perd, lorsque la carte du ponte tombe à la main gauche, et dans un rang pair.

Que le banquier prend la moitié de ce que le ponte a mis sur la carte, lorsque dans une même taille, la carte du ponte vient deux fois ; ce qui fait une partie de l'avantage du banquier.

Et enfin que la dernière carte qui devrait être pour le ponte, n'est ni pour lui, ni pour le banquier ; ce qui est encore un avantage pour le banquier ;

D'où l'on voit, 1°. que la carte du ponte n'étant plus qu'une fois dans le talon, la différence du sort du banquier et du ponte est fondée sur ce qu'entre tous les divers arrangements possibles des cartes du banquier, il y en a un plus grand nombre qui le font gagner, qu'il n'y en a qui le font perdre, la dernière carte étant considérée comme nulle ; 2°. que l'avantage du banquier augmente à mesure que le nombre des cartes du banquier diminue ; 3°. que la carte du ponte étant deux fois dans le talon, l'avantage du banquier se tire de la probabilité qu'il y a que la carte du ponte viendra deux fois dans une même taille ; car alors le banquier gagne la moitié de la mise du ponte, excepté le seul cas où la carte du ponte viendrait en doublet dans la dernière taille, ce qui donnerait au banquier la mise entière du ponte ; 4°. que la carte du ponte étant trois ou quatre fois dans la main du banquier, l'avantage du banquier est fondé sur la possibilité qu'il y a que la carte du ponte se trouve deux fois dans une même taille, avant qu'elle soit venue en pur gain ou en pure perte pour le banquier. Or cette possibilité augmente ou diminue, selon qu'il y a plus ou moins de cartes dans la main du banquier, et selon que la carte du ponte s'y trouve plus ou moins de fais.

D'ou l'on conclud encore que pour connaître l'avantage du banquier, par rapport aux pontes, dans toutes les différentes circonstances du jeu, il faut découvrir dans tous les différents arrangements possibles des cartes que tient le banquier et dans la supposition que la carte s'y trouve, ou une, ou deux, ou trois ou quatre fais, quels sont ceux qui le font gagner, quels sont ceux qui lui donnent la moitié de la mise du ponte, quels sont ceux qui le font perdre, et quels sont ceux enfin qui ne le font ni perdre ni gagner.

On peut former deux tables de tous ces différents hasards. Pour en connaître l'usage, dans la première, le chiffre renfermé dans la cellule exprimerait le nombre des cartes que tient le banquier ; et le nombre qui suit, ou la cellule dans la première colonne, ou deux points dans les autres colonnes, exprimeraient le nombre de fois que la carte du ponte est supposée se trouver dans la main du banquier.

L'usage de la seconde table serait de donner des expressions, à la vérité moins exactes, mais plus simples et plus intelligibles aux joueurs : pour entendre cette table, il faut savoir que ce signe > marque excès, et que celui-ci 1/4 < 1/3 signifie plus grand que 1/4, et plus petit que 1/3.

En examinant ces tables, on verrait dans la première colonne que l'avantage du banquier est exprimé dans la première colonne par une fraction dont le numérateur étant toujours l'unité, le dénominateur est le nombre des cartes que tient le banquier.

Dans la seconde colonne, que cet avantage est exprimé par une fraction dont le numérateur étant selon la suite des nombres naturels, 1, 2, 3, 4, etc. le dénominateur a pour différence entre ces termes les nombres 8, 26, 34, 42, 50, 58, dont la différence est 8.

Que dans la troisième colonne, le numérateur étant toujours 3, la différence qui règne dans le dénominateur est 8.

Que dans la quatrième colonne la différence étant toujours 4 dans le dénominateur, le dénominateur a pour différence entre ses termes, les nombres 24, 40, 56, 72, 88, et dont la différence est 16.

Qu'une autre uniformité assez singulière entre les derniers chiffres du dénominateur de chaque terme d'une colonne, c'est que dans la première les derniers chiffres du dénominateur sont selon cet ordre, 4, 6, 8, 0, 2, | 4, 6, 8, 0, 2 ; et dans la seconde selon cet ordre, 2, 0, 6, 0, 2, | 2, 0, 6, 0, 2, | 2, 0, 6, 0, 2 ; et dans la troisième selon cet ordre, 2, 0, 8, 6, 4, | 2, 0, 8, 6, 4 ; et dans la quatrième selon cet ordre, 6, 0, 0, 6, 8 ; | 6, 0, 0, 6, 8, etc.

On pourrait par le moyen de ces tables, trouver tout d'un coup combien un banquier a d'avantage sur chaque carte, combien chaque taille complete aura dû. à fortune égale, apporter de profit au banquier, si l'on se souvient du nombre de cartes prises par les pontes, des diverses circonstances dans lesquelles on les a mises au jeu, et enfin de la quantité d'argent hasardé sur ces cartes.

On donnerait de justes bornes à cet avantage, en établissant que les doublets fussent indifférents pour le banquier et pour le ponte, ou du-moins qu'ils valussent seulement au banquier le tiers ou le quart de la mise du ponte.

Afin que le ponte prenant une carte ait le moins de désavantage possible, il faut qu'il en choisisse une qui ait passé deux fois ; il y aurait plus de désavantage pour lui, s'il prenait une carte qui eut passé une fois ; plus encore sur une carte qui aurait passé trois fais, et le plus mauvais choix serait d'une carte qui n'aurait point encore passé.

Ainsi, en supposant A = une pistole, l'avantage du banquier qui serait 19 sols 2 deniers, dans la supposition que la carte du ponte fût quatre fois dans douze cartes, deviendra 16 sols 8 deniers si elle n'y est qu'une fois ; 13 sols 7 deniers si elle y est trois fois ; et 10 sols 7 deniers si elle n'y est que deux fais.

Les personnes qui n'ont pas examiné le fond du jeu demanderont pourquoi on n'a rien dit des masses, des parolis, de la paix, et des sept et le va, c'est que tout cela ne signifie rien, qu'on risque plus ou moins, et puis c'est tout ; les changes ne changent point.

L'avantage du banquier augmente à proportion que le nombre de ses cartes diminue.

L'avantage du banquier sur une carte qui n'a point passé, est presque double de celui qu'il a sur une carte qui a passé deux fois ; son avantage sur une carte qui a passé trois fois est à son avantage sur une carte qui a passé deux fois dans un plus grand rapport que de trois à deux.

L'avantage du banquier qui ne serait qu'environ 24 sols si le ponte mettait six pistoles ou à la première taille du jeu, ou sur une carte qui aurait passé deux fais, lorsqu'il n'en resterait plus que vingt-huit dans la main du banquier (car ces deux cas reviennent à-peu-près à la même chose) sera 7 livres 2 sols si le ponte met six pistoles sur une carte qui n'ait point encore passé, le talon n'étant composé que de dix cartes.

L'avantage du banquier serait précisément de six livres, si la carte du ponte, dans ce dernier cas, passe trois fais.

Ainsi, toute la science du pharaon se réduit pour les pontes à l'observation des deux règles suivantes.

Ne prendre des cartes que dans les premières tailles, et hasarder sur le jeu d'autant moins qu'il y a un plus grand nombre de tailles passées.

Regarder comme les plus mauvaises cartes celles qui n'ont point encore passé, ou qui ont passé trois fais, et préférer à toutes, celles qui ont passé deux fais.

C'est ainsi que le ponte rendra son désavantage le moindre possible.