(Morale) ce mot a bien des acceptions dans notre langue : pris dans un sens absolu, et sans lui donner aucun rapport immédiat avec un individu, un corps, un peuple, il signifie ce vice qui nous fait chercher nos avantages au mépris de la justice et de la vertu, et c'est une vîle ambition ; c'est l'avarice, la passion de l'argent, comme dans ces vers de la Pucelle :

Et l'intérêt, ce vil roi de la terre,

Triste et pensif auprès d'un coffre fort,

Vend le plus faible au crime d'un plus fort.

Quand on dit l'intérêt d'un individu, d'un corps, d'une nation : mon intérêt, l'intérêt de l'état, son intérêt, leur intérêt ; alors ce mot signifie ce qui importe ou ce qui convient à l'état, à la personne, à moi, etc. En faisant abstraction de ce qui convient aux autres, surtout quand on y ajoute l'adjectif personnel.

Dans ce sens le mot d'intérêt est souvent employé quoiqu'improprement pour celui d'amour-propre ; de grands moralistes sont tombés dans ce défaut, qui n'est pas une petite source d'erreurs, de disputes et d'injures.

L'amour-propre ou le désir continu du bien-être, l'attachement à notre être, est un effet nécessaire de notre constitution, de notre instinct, de nos sensations, de nos réflexions, un principe qui, tendant à notre conservation, et répondant aux vues de la nature, serait plutôt vertueux que vicieux dans l'état de nature.

Mais l'homme né en société tire de cette société des avantages qu'il doit payer par des services : l'homme a des devoirs à remplir, des lois à suivre, l'amour-propre des autres à ménager.

Son amour-propre est alors juste ou injuste, vertueux ou vicieux ; et selon les différentes qualités il prend différentes dénominations : on a Ve celle d'intérêt, d'intérêt personnel, et dans quel sens.

Lorsque l'amour-propre est trop l'estime de nous-mêmes et le mépris des autres, il s'appelle orgueil : lorsqu'il veut se répandre au-dehors, et sans mérite occuper les autres de lui, on l'appelle vanité.

Dans ces différents cas l'amour-propre est desordonné, c'est-à-dire hors de l'ordre.

Mais cet amour-propre peut inspirer des passions, chercher des plaisirs utiles à l'ordre, à la société ; alors il est bien éloigné d'être un principe vicieux.

L'amour d'un père pour ses enfants est une vertu, quoiqu'il s'aime en eux, quoique le souvenir de ce qu'il a été, et la prévoyance de ce qu'il sera, soient les principaux motifs des secours qu'il leur donne.

Les services rendus à la patrie, seront toujours des actions vertueuses, quoiqu'elles soient inspirées par le désir de conserver notre bien-être, ou par l'amour de la gloire.

L'amitié sera toujours une vertu, quoiqu'elle ne soit fondée que sur le besoin qu'une âme a d'une autre âme.

La passion de l'ordre, de la justice, sera la première vertu, le véritable héroïsme, quoiqu'elle ait sa source dans l'amour de nous mêmes.

Voilà des vérités qui ne devraient être que triviales et jamais contestées ; mais une classe d'hommes du dernier siècle a voulu faire de l'amour-propre un principe toujours vicieux ; c'est en partant d'après cette idée que Nicole a fait vingt volumes de morale, qui ne sont qu'un assemblage de sophismes méthodiquement arrangés et lourdement écrits.

Pascal même, le grand Pascal, a voulu regarder en nous comme une imperfection ce sentiment de l'amour de nous-mêmes que Dieu nous a donné, et qui est le mobîle éternel de notre être. M. de la Rochefoucault qui s'exprimait avec précision et avec grâce, a écrit presque dans le même esprit que Pascal et Nicole ; il ne reconnait plus de vertus en nous, parce que l'amour-propre est le principe de nos actions. Quand on n'a aucun intérêt de faire les hommes vicieux ; quand on n'aime que les ouvrages qui renferment des idées précises, on ne peut lire son livre sans être blessé de l'abus presque continuel qu'il fait des mots amour-propre, orgueil, intérêt, etc. Ce livre a eu beaucoup de succès, malgré ce défaut et ses contradictions ; parce que ses maximes sont souvent vraies dans un sens ; parce que l'abus des mots n'a été aperçu que par fort peu de gens ; parce qu'enfin le livre était en maximes : c'est la folie des moralistes de généraliser leurs idées, de faire des maximes. Le public aime les maximes, parce qu'elles satisfont la paresse et la présomption ; elles sont souvent le langage des charlatants répété par les dupes. Ce livre de M. de la Rochefoucault, celui de Pascal, qui étaient entre les mains de tout le monde, ont insensiblement accoutumé le public français à prendre toujours le mot d'amour-propre en mauvaise part ; et il n'y a pas longtemps qu'un petit nombre d'hommes commence à n'y plus attacher nécessairement les idées de vice, d'orgueil, etc.

Milord Shafsburi a été accusé de ne compter dans l'homme l'amour-propre pour rien, parce qu'il donne continuellement l'amour de l'ordre, l'amour du beau moral, la bienveillance pour nos principaux mobiles ; mais on oublie qu'il regarde cette bienveillance, cet amour de l'ordre, et même le sacrifice le plus entier de soi-même, comme des effets de notre amour-propre. Voyez ORDRE. Cependant il est certain que milord Shafsburi exige un désinteressement qui ne peut être ; et il ne voit pas assez que ces nobles effets de l'amour-propre, l'amour de l'ordre, du beau moral, la bienveillance, ne peuvent qu'influer bien peu sur les actions des hommes vivants dans les sociétés corrompues. Voyez ORDRE.

L'auteur du livre de l'Esprit a été fort accusé en dernier lieu, d'établir qu'il n'y a aucune vertu ; et on ne lui a pas fait ce reproche pour avoir dit que la vertu est purement l'effet des conventions humaines, mais pour s'être presque toujours servi du mot d'intérêt à la place de celui d'amour-propre : on ne connait pas assez la force de la liaison des idées, et combien un certain son rappelle nécessairement certaines idées ; on est accoutumé à joindre au mot d'intérêt, des idées d'avarice et de bassesse ; il les rappelle encore quelquefois quand on voit qu'il signifie ce qui nous importe, ce qui nous convient : mais quand même il ne rappellerait pas ces idées, il ne signifie pas la même chose que le mot amour-propre.

Dans la société, dans la conversation, l'abus des mots amour-propre, orgueil, intérêt, vanité, est encore bien plus fréquent ; il faut un prodigieux fonds de justice, pour ne pas donner à l'amour-propre de nos semblables, qui ne s'abaissent pas devant nous, et qui nous disputent quelque chose, ces noms de vanité, d'intérêt, d'orgueil.

* INTERET, s. m. (Littérature) l'intérêt dans un ouvrage de littérature, nait du style, des incidents, des caractères, de la vraisemblance, et de l'enchainement.

Imaginez les situations les plus pathétiques ; si elles sont mal amenées, vous n'intéresserez pas.

Conduisez votre poème avec tout l'art imaginable ; si les situations en sont froides, vous n'intéresserez pas.

Sachez trouver des situations et les enchainer ; si vous manquez du style qui convient à chaque chose, vous n'intéresserez pas.

Sachez trouver des situations, les lier, les colorier ; si la vraisemblance n'est pas dans le tout, vous n'intéresserez pas.

Or vous ne serez vraisemblant, qu'en vous conformant à l'ordre général des choses, lorsqu'il se plait à combiner des incidents extraordinaires.

Si vous vous en tenez à la peinture de la nature commune, gardez par-tout la même proportion qui y règne.

Si vous vous élevez au-dessus de cette nature, et que vos êtres soient poétiques, agrandis ; que tout soit réduit au module que vous aurez choisi, et que tout soit agrandi en même proportion : il serait ridicule de mettre une gerbe de petits épis, tels qu'ils croissent dans nos champs, sous le bras d'une Cerès à qui l'on aurait donné sept à huit pieds de haut.

J'ai entendu dire à des gens d'un goût faible et mesquin, et qui ramenant tout à l'imitation rigoureuse de la nature, regardaient d'un oeil de mépris les miracles de la fiction ; jamais femme s'est-elle écriée comme Didon ?

At pater omnipotens adigat me fulmine ad umbras,

Pallentes umbras erebi noctemque profundam,

Ante pudor quam te violo aut tua jura resolvo ;

" Que le père des dieux me frappe de sa foudre ; qu'il me précipite chez les ombres, chez les pâles ombres de l'érebe et dans la nuit profonde, avant, ô pudeur, que je renonce à toi, et que je viole tes lois sacrées ".

Ils n'entendaient rien à ce ton emphatique ; faute de connaître la vraie proportion des figures de l'Enéïde ; ils rejetaient de ce morceau tout ce qui caractérise le génie, le premier et le second vers, et ils ne s'accommodaient que de la simplicité du dernier. Ce poème était sans intérêt pour eux.

INTERET, s. m. (Arith. et Algéb.) 1. L'intérêt est le profit que tire le créancier du prêt de son argent (ou de tel autre meuble). Il varie suivant les conventions faites avec l'emprunteur.

2. Il y a deux manières d'énoncer l'intérêt, sur lesquelles il est important de se faire des idées nettes.

Suivant la première manière, on entend assez qu'autant de fois que 100 est contenu dans le capital, autant de fois on tire pour l'intérêt le nombre désigné par tant.

Suivant la seconde, il faut entendre qu'autant de fois que le nombre qui marque le denier est contenu dans le capital, autant de fois on tire un d'intérêt. Ainsi le denier étant 18, l'intérêt est 1 pour 18.

3. Il est toujours facîle de réduire l'une de ces expressions à l'autre. Pour cela, prenant 100 pour dividende constant des deux autres nombres (savoir celui qui exprime à combien pour % est l'intérêt et celui qui exprime le denier) l'un étant le diviseur, l'autre est le quotient, par exemple,

Si l'intérêt est à 4 pour %, le denier sera .

Le denier étant 20, l'intérêt sera à pour %.

Si le diviseur n'est pas sousmultiple de 100, il est clair que le quotient sera une fraction. Ainsi,

L'intérêt étant à 3 pour %, le denier sera .

Le denier étant 18, l'intérêt sera à pour %.

4. On distingue deux sortes d'intérêts ; le simple, et celui que j'appelle redoublé ou composé.

Le premier est celui qui se tire uniformément sur le premier capital, sans pouvoir devenir capital lui-même, ni produire intérêt.

Le second est quand l'intérêt échu passe en nature de capital, et produit lui-même intérêt.

5. Dans toutes les questions de l'un et de l'autre genre, il entre nécessairement cinq éléments.

6. De l'intérêt simple. Pour avoir r.

1°. Faites... d. i : : a. , c'est l'intérêt d'un terme.

2°. Multipliez par t, vient ... c'est l'intérêt total.

3°. Ajoutez a ou , vous aurez = a x .

7. Exemple I. Un homme a prêté 1200 liv. à 3 pour % par an d'intérêt : à combien montent intérêts et principal au bout de 4 ans ?

Exemple II. Un homme ayant gardé 1200 livres pendant un certain temps, rend 1344 liv. pour principal, et intérêt à raison de 3 pour % : combien l'argent a-t-il été gardé ?

Substituant dans la quatrième formule, on trouvera, t = 100 x = 14400/3600 = 4.

Quant t est une fraction, cette circonstance n'ajoute (en cette espèce d'intérêt) aucune difficulté réelle : le calcul en devient seulement un peu plus compliqué.

8. De l'intérêt redoublé ou composé. Les appelations restant les mêmes que ci-dessus, pour avoir r, raisonnez ainsi :

Le capital du premier terme étant a, l'intérêt sera ; à quoi ajoutant a ou , r pour ce premier terme sera =.... a x .

Le capital du second terme étant ,

l'intérêt sera ; à quoi ajoutant

le capital (réduit au dénominateur d 2).

En procedant de la même manière, on trouvera pour l'r du troisième terme

Sans aller plus loin, on voit que les divers résultats trouvés et à trouver, forment une progression géométrique, dont a est le premier terme, et (que pour plus de briéveté je nommerai p) l'exposant. Le terme de la progression où p est élevé à la puissance dont l'exposant est 1, sera l'r du temps 1 ; celui où p est élevé à la puissance dont l'exposant est 2, sera l'r du temps 2 ; et en général le terme de la progression où p est élevé à la puissance dont l'exposant est t, sera l'r de ce temps t. D'où naissent, pour toutes les manières différentes dont une même question peut être retournée, les formules suivantes.

9.

10. Exemple I. 1000 livres ont été prêtées à 6 pour % par an d'intérêt redoublé (& c'est ainsi qu'il faudra l'entendre dans tout le reste de cet article) : combien sera-t-il dû au bout de 3 ans, tant en capital qu'intérêts ?

Exemple II. On rend au bout de 3 ans 1191 livres 2/125 pour 1000 liv. prêtées à interêt : quel était cet intérêt ?

C'est p qu'il faut trouver. Or la troisième formule donne... = .

Substituant.... = = = 0.0253059 : puisque 0. 0253059 est le logarithme de p ou de , ajoutant le logarithme de d ou de 100, la somme 2. 0253059 est le logarithme de d + 1. Mais à ce logarithme répond dans la table le nombre 106 : donc d + i = 106 ; donc i = 106 - d = 106 - 100 = 6 ; donc l'intérêt était à 6 pour %.

Comme on peut se trouver embarrassé quand t est une fraction ; j'ajoute un exemple pour ce cas-là.

Exemple III. 1000 livres ont été prêtées à 7 1/2 pour % par an d'intérêt : combien sera-t-il dû au bout de 3 ans sept mois 15 jours ?

(t a été réduit en la plus petite espèce, c'est-à-dire en jours ou 365emes d'année, et i la fraction résultante réduite elle-même à une plus simple par la division du numérateur, et du dénominateur par 5).

Le calcul (effrayant et presque impratiquable par la voie ordinaire) devient très-simple et très-facîle par les logarithmes... = + . Substituant, on trouve.... = 3.0000000 + = 3.0000000 + 0.1135869 = 3.1135869. Or à ce logarithme répond dans la table le nombre 1298 29/30... c'est en livres la valeur de r.

11. Les questions ordinaires qu'on peut faire sur l'intérêt ; se résoudront toujours avec facilité par les règles qu'on vient de voir : mais on y pourrait mêler telles circonstances qui rendraient ces règles insuffisantes. Par exemple,

12. Un homme doit une somme actuellement exigible ; son créancier consent qu'il la lui rende en un certain nombre de payements égaux, qui se feront, le premier dans un an, le second dans deux, et ainsi de suite, et dans lesquels entreront les intérêts (sur le pied d'un denier convenu) à raison du retardement de chaque payement : on demande quel sera chaque payement égal ?

(Cette question au reste n'est pas de pure curiosité ; cette manière de faire le commerce d'argent est, dit-on, fort d'usage en Angleterre).

13. C'est l'égalité des payements qui fait ici toute la difficulté. Pour la lever (conservant d'ailleurs les appelations précédentes), à t qui désignait le temps, je substitue n qui exprimera le nombre des payements égaux.

Il est clair que le premier payement trouvé, tout est trouvé. Or ce premier payement est composé de deux parties ; l'une connue, c'est l'intérêt du capital entier sur le pied du denier donné ; l'autre inconnue, c'est une certaine portion du capital qu'il faut prendre pour complete r le payement. Le capital étant écorné par le premier payement, l'intérêt sera moins fort la seconde année, et conséquemment (vu l'égalité des payemens) la portion qu'on prendra sur le capital sera plus grande, et ainsi de suite d'année en année. Ce qui donne deux suites, l'une décroissante pour les intérêts, l'autre croissante pour les diverses portions du capital, je m'attache à celle-ci ; et pour découvrir la loi qui y régne, je nomme z, y, Xe etc. dans le même ordre, les portions du capital compétantes aux premier, second, troisième, etc. payements, de sorte que z + y + x + etc. = a.

&c.

14. Comme ces payements sont supposés égaux, on en peut former diverses équations, comparant le premier avec le second, celui-ci avec le troisième, etc.

La première équation fait trouver... y = z x <(d+i)/d>

La seconde.... x = y x , ou (substituant au lieu de y sa valeur).. x = z x

Ce qui suffit pour donner à connaître que la suite en question est une progression géométrique, dont l'exposant est = p : et dès-là le problème est résolu ; car des cinq éléments qui entrent en toute progression géométrique, (Voyez PROGRESSION) trois pris comme on voudra étant connus, donnent les deux autres. Or on connait ici la somme a, le nombre des termes n, et l'exposant p : on connaitra donc les deux autres, et nommément le premier terme dont il s'agit ici principalement... il sera a x ; à quoi ajoutant l'intérêt du capital entier qui est a x , on aura r = a x , ou (réduisant tout au dénominateur p n - 1) r = a x . Mais comme cette expression de la valeur de r exige dans l'application des réductions pénibles, au lieu de p remettant qui lui est égal, nait une nouvelle formule qui a cela de commode, que toutes les réductions y sont faites d'avance, et qu'il n'y a qu'à substituer. On la voit ci-dessous avec celles qui en dérivent d'une part, et vis-à-vis les mêmes par les logarithmes.

15. r = x .. = + + x n - - .

a = x .. = + + - - .

n = ................ .

Envain ressasserait-on ces formules pour en tirer une qui donnât directement la valeur de ou de p ; on se trouve nécessairement renvoyé à une équation du degré n.

16. Comme z (ou la portion du capital qui entre dans le premier payement) est la seule vraie inconnue de cette question ; si on veut l'avoir directement, de l'équation ci-dessus z + y + x + etc. = a (après avoir préalablement réduit tout en z) on tirera généralement

z = a x .

C'est-à-dire que pour avait z, il faut multiplier a par une fraction dont le numérateur étant d(n - 1), le dénominateur est la somme des produits des puissances successives de d (depuis l'exposant jusqu'à l'exposant o inclusivement) multipliées terme à terme, mais dans un ordre renversé, par les puissances pareilles de .

17. Remarquez que cette dernière formule n'est la formule particulière de z (premier et plus petit terme de la progression que forment entr'elles les diverses portions du capital) que parce qu'on a pris pour numérateur de la fraction le premier et plus petit terme du dénominateur, savoir d n-1. Si, (laissant d'ailleurs tout le reste du second membre dans le même état) on eut pris pour numérateur le second terme du dénominateur, savoir , on eut eu la formule de y ; celle de Xe si on eut pris le troisième, etc. En un mot, la formule donnera la valeur du terme de la progression correspondant (quant au rang) à celui du dénominateur qu'on aura pris pour numérateur de la fraction... Cette remarque trouvera plus bas son application.

18. Exemple. Que la somme prêtée soit 10000 livres, l'intérêt à 4 pour %, et qu'il y ait 4 payements égaux.

3°. Par les logarithmes) celui de r se trouve 3.4401058 : or le nombre qui répond à ce logarithme est entre 2754 et 2755, beaucoup plus près de ce dernier.

19. Dans la question qu'on vient de résoudre (le capital, l'intérêt, le nombre et les termes des payements restant d'ailleurs les mêmes) si l'on supposait que la dette originaire ne fût exigible que dans un an, au lieu de l'être actuellement, comme on l'avait supposé N°. 12 : quel serait alors chaque payement égal ?

Ce qui rend l'espèce du cas présent différente de celle du précédent ; c'est que le premier payement se faisant au même terme que la dette originaire eut dû être payée, n'est point sujet à intérêts, et sera pris en entier sur le capital. Procédant d'ailleurs comme ci-dessus, on retrouve encore entre les diverses portions du capital z, y, Xe etc. la progression géométrique dont l'exposant est ; avec cette difference que z (qui en était là le premier et plus petit terme, parce qu'il était joint au plus fort intérêt) en est au contraire ici le dernier et plus grand parce que l'intérêt auquel il est joint, est le moindre qu'il soit possible ou nul, et qu'il complete seul son payement. Pour en avoir donc la valeur, il faut, conformément à la remarque N°. 17, substituer (dans la formule du N°. 16) n-1 au lieu de d n-1 pour numérateur de la fraction. Ce qui donnera

z = r = 10000 x 17676/66351 = 175760000/66351 = 2648 l. 62552/66351. Comme on peut le vérifier.

Il serait inutîle de pousser plus loin cette spéculation.

20. Il est évident que le calcul de l'intérêt et celui de l'escompte (Voyez ESCOMPTE) sont fondés sur les mêmes principes et assujettis aux mêmes règles, avec quelque légère différence dans l'application, qui en produit d'essentielles dans les résultats. Que, dans la première formule du N°. 6, on renverse la fraction , en sorte qu'elle devienne , on aura la formule de r pour l'escompte simple, et par elle les autres qui en dérivent. De même, que dans les formules du N°. 9, on prenne p non pour , mais pour , elles deviendront celles même de l'escompte correspondante.

Article de M. RALLIER DES OURMES.

On a Ve ci-dessus que a est l'intérêt redoublé ou composé pour un nombre m d'années quelconque, en y comprenant le principal ; et que a (1 + ) est l'intérêt simple pour un nombre pareil d'années, en y comprenant de même le principal. Or il est aisé de voir, 1°. que si m est un nombre entier > que l'unité, on a > 1 + ; car = + + + etc. Voyez PUISSANCE et BINOME ; or cette quantité est évidemment égale à 1 + + une quantité réelle positive ; donc elle est plus grande que 1 + .

2°. Si m = 1, les deux quantités sont égales, comme il est très-aisé de le voir.

3°. Si m = 1/p, on aura < 1 + ou 1 + ; car en élevant de part et d'autre à la puissance p, on aura d'une part ; et de l'autre, 1 + i/d + une quantité positive.

4°. Delà il est aisé de voir que si m est un nombre fractionnaire quelconque plus grand que l'unité, on aura en général a > a + ; et au contraire si m est un nombre fractionnaire quelconque plus petit que l'unité.

Donc en général, quand on emprunte à intérêt composé, la somme dû. est plus forte s'il y a plus d'un an écoulé, qu'elle ne le serait dans le cas de l'intérêt simple ; et au contraire, s'il y a moins d'un an écoulé, la somme dû. est moins forte que dans le cas de l'intérêt simple.

Pour rendre sensible à tous nos lecteurs cette observation importante, supposons qu'un particulier prête à un autre une somme d'argent à 3 pour 1 d'intérêt par an ; cette usure exorbitante ne peut sans doute jamais avoir lieu en bonne morale ; mais l'exemple est choisi pour rendre le calcul plus facîle : il est clair qu'au commencement de la première année, c'est-à-dire dans l'instant du prêt, le debiteur devra simplement la somme prêtée 1 ; qu'au commencement de la seconde année il devra la somme 4, et que cette somme 4 devant porter son intérêt à 3 pour 1, il sera dû au commencement de la troisième année la somme 4, plus 12 ou 16 ; en sorte que les sommes 1, 4, 16, dû.s au commencement de chaque année, c'est-à-dire à des intervalles égaux, formeront une proportion qu'on appelle géométrique, c'est-à-dire dans laquelle le troisième terme contient le second comme celui-ci contient le premier. Or, par la même raison, si on cherche la somme dû. au milieu de la première année, on trouvera que cette somme est 2, parce que la somme dû. au milieu de la première année doit former aussi une proportion géométrique avec les sommes 1 et 4 dû.s au commencement et à la fin de cette année ; et qu'en effet la somme 1 est contenue dans la somme 2, comme la somme 2 l'est dans la somme 4. Présentement dans le cas de l'intérêt simple, le débiteur de la somme 4 au commencement de la seconde année, ne devrait que la somme 7 et non 16 au commencement de la troisième : mais au milieu de la première année, il devrait la somme 2 et 1/2 ; car l'argent qui rapporte 3 pour 1 à la fin de l'année dans le cas de l'intérêt simple, et 6, c'est-à-dire le double de 3 à la fin de la seconde année, doit rapporter 2/3, c'est-à-dire la moitié de 3 au milieu de la première année. Donc dans le cas de l'intérêt composé, le débiteur devra moins avant la fin de la première année, que dans le cas de l'intérêt simple. Donc si l'intérêt composé est favorable au créancier dans certains cas, il l'est au débiteur dans d'autres cas ; la compensation, il est vrai n'est pas égale, puisque l'avantage du débiteur finit avec la première année, et que celui du créancier commence alors pour aller toujours en croissant à mesure que le nombre des années augmente : néanmoins il est toujours utîle d'avoir fait cette observation, ne fût-ce que pour montrer que l'intérêt simple dans certains cas, est non-seulement moins favorable au debiteur, mais qu'il peut même être regardé comme injuste, si la convention est telle que le débiteur soit obligé de s'acquitter dans le courant de l'année de l'emprunt.

Si on représente les sommes dû.s par les ordonnées d'une ligne courbe dont la première ordonnée (celle qui répond à l'abscisse = 0) soit = à la somme prêtée, et dont les ordonnées répondantes à chaque abscisse représentent les sommes dû.s à la fin du temps représenté par cette abscisse ; il est aisé de voir 1°. que dans le cas de l'intérêt simple cette courbe sera une ligne droite ; 2°. que dans le cas de l'intérêt composé, elle tournera sa convexité vers son axe ; 3°. que dans le cas de l'intérêt composé si on nomme a la première ordonnée, et a + b l'ordonnée qui répond à une abscisse = t ; l'ordonnée qui répondra à une abscisse quelconque p t sera ; p étant un nombre quelconque entier ou rompu, plus grand ou plus petit que l'unité. Voyez LOGARITHME et LOGARITHMIQUE. Donc en général la somme dû. au bout du temps p t sera a x (1 + b/a)p ; et on suppose p infiniment petit, la différence des quantités a et a (1 + b/a)p sera à la quantité a comme la quantité p t est à la soutangente d'une logarithmique, qui ayant a pour première ordonnée, t pour abscisse, aurait a + b pour l'abscisse correspondante. Or la soutangente d'une telle logarithmique est facîle à trouver. Car nommant x cette sous-tangente, et c le nombre dont le logarithme est l'unité, on aura a = a + b. Voyez LOGARITHMIQUE et EXPONENTIEL. Donc t/x log. c + log. a = log. a + b ; ou t/x = log. a + b, parce que log. c = 1, (hyp.) et que log. a = 0. Donc x = . Voyez LOGARITHME. Par ce moyen si on nomme d la quantité infiniment petite qui est dû. pour l'intérêt à la fin de l'instant d t, on aura d = = . C'est ainsi que dans le cas de l'intérêt composé, on trouve quel est l'intérêt, si on peut parler ainsi, à la naissance du temps ; et cet intérêt équivaut à un intérêt simple, qui ferait a log. a + b, au bout du temps t. Voyez aux articles ESCOMPTE et ARRERAGES d'autres remarques sur l'intérêt. On nous a fait sur cet article ARRERAGES une imputation très-injuste, dont nous croyons nous être suffisamment justifiés par une lettre insérée dans le mercure de Décembre 1757. Nous y renvoyons le lecteur. (O)

INTERET, (Jurisprudence) foenus, usura, seu id quod interest ; c'est l'estimation du profit qu'une somme d'argent aurait pu produire annuellement à un créancier, si elle lui eut été payée dans le temps où elle devait l'être. Car quoiqu'on dise communément que nummus nummum non parit, cependant on peut employer l'argent en achat d'héritages qui produisent des fruits, en constitution de rentes, ou à quelque négociation utîle ; c'est pourquoi le débiteur qui est en demeure de payer, est condamné aux intérêts ; il y a aussi certains cas où il est permis de les stipuler.

Anciennement les intérêts n'étaient connus que sous le nom de foenus ou usura ; le terme d'usure ne se prenait pas alors en mauvaise part, comme on fait présentement.

La loi de Moïse défendait aux Juifs de se prêter de l'argent à usure les uns aux autres, mais elle leur permettait et même leur ordonnait d'exiger des intérêts de la part des étrangers. Le motif de cette loi fut, à ce que quelques-uns croient, de détourner les Juifs de commercer avec les autres nations, en ôtant à celles-ci l'envie d'emprunter des Juifs à des conditions si onéreuses. Moïse parvint par ce moyen à détourner les Juifs de l'idolatrie et du luxe, pour lesquels ils avaient du penchant ; et leur argent ne sortit point du pays.

S. Ambraise remarque que ces étrangers, à l'égard desquels Moïse permettait l'usure, étaient les Amalécites et les Amorrhéens, ennemis du peuple de Dieu, qui avait ordre de les exterminer.

Mais lorsque les sept peuples qui habitaient la Palestine, furent subjugués et exterminés, Dieu donna aux Juifs par ses prophetes d'autres lois plus pures sur l'usure, et qui la défendent à l'égard de toutes sortes de personnes, comme on voit dans les pseaumes 14 et 54 ; dans Ezéchiel, chap. XVIIIe dans l'ecclésiastique, chap. xxix. enfin, dans S. Luc, ch. VIe où il est dit mutuum date nihil inde sperantes.

Sans entrer dans le détail des différentes explications que l'on a voulu donner à ces textes, nous nous contenterons d'observer que tous les Théologiens et les Canonistes, excepté le subtil Scot, conviennent que dans le prêt appelé mutuum, on peut exiger les intérêts pour deux causes, lucrum cessants et damnum emergens, pourvu que ces intérêts n'excédent point la juste mesure du profit que l'on peut retirer de son argent.

Les Romains, quoiqu'ennemis de l'usure, reconnurent que l'avantage du Commerce exigeait que l'on retirât quelque intérêt de son argent ; c'est pourquoi la loi des 12 tables permit le prêt à un pour cent par mois. Celui qui tirait un intérêt plus fort, était condamné au quadruple.

Le luxe et la cupidité s'étant augmentés, on exigea des intérêts si forts, que Licinius fit en 376 une loi appelée de son nom Licinia, pour arrêter le cours de ces usures. Cette loi n'ayant pas été exécutée, Duillius et Maenius tribuns du peuple, en firent une autre, appelée Duillia-Maenia, qui renouvella la disposition de la loi des 12 tables.

Les usuriers ayant pris d'autres mesures pour continuer leurs vexations, le peuple ne voulut plus se soumettre même à ce que les lois avaient réglé à ce sujet ; de sorte que les tribuns modérèrent l'intérêt à moitié de ce qui est fixé par la loi des 12 tables ; on l'appela foenus semiunciarium, parce qu'il ne consistait qu'en un demi pour cent par mois.

Le peuple obtint ensuite du tribun Genutius une loi qu'on appela Genutia, qui proscrivit entièrement les intérêts. Ce plébiscite fut d'abord reçu à Rome, mais il n'avait pas lieu dans le reste du pays latin, de sorte qu'un romain qui avait prêté de l'argent à un de ses concitoyens transportait sa dette à un latin qui lui en payait l'intérêt, et ce latin exigeait de son côté l'intérêt du débiteur.

Pour éviter tous ces inconvéniens, le tribun Sempronius fit la loi Sempronia, qui ordonna que les Latins et autres peuples alliés du peuple romain, seraient sujets à la loi Genutia.

Mais bien-tôt l'intérêt à 12 pour cent redevint légitime ; on stipula même de plus forts intérêts, et comme cela était prohibé, on comprenait l'excédent dans le principal.

La loi Gabinia, l'édit du prêteur, et plusieurs senatus-consultes défendirent encore ces intérêts qui excédaient 12 pour cent ; mais les meilleures lois furent toujours éludées.

Constantin-le-Grand approuva l'intérêt à un pour cent par mois.

Justinien permit aux personnes illustres de stipuler l'intérêt des terres à quatre pour cent par an, aux Marchands et Négociants à huit pour cent, et aux autres personnes à six pour cent ; mais il ordonna que les intérêts ne pourraient excéder le principal.

Il était permis par l'ancien droit de stipuler un intérêt plus fort dans le commerce maritime, parce que le péril de la mer tombait sur le créancier.

L'empereur Basîle défendit toute stipulation d'intérêts ; l'empereur Léon les permit à 4 pour cent.

Pour le prêt des fruits ou autres choses qui se consument pour l'usage, on prenait des intérêts plus forts, appelés nemiolae usurae, ou sescuplum ; ce qui revenait à la moitié du principal.

Suivant le dernier état du droit romain, dans les contrats de bonne-foi les intérêts étaient dû. en vertu de la stipulation, ou par l'office du juge, à cause de la demeure du débiteur.

Mais dans les contrats de droit étroit, tels qu'était le prêt appelé mutuum, les intérêts n'étaient point dû. à-moins qu'ils ne fussent stipulés.

Le mot latin usura, s'appliquait chez les Romains à trois sortes d'intérêts ; savoir, 1°. celui que l'on appelait foenus, qui avait lieu dans le prêt appelé mutuum, lorsqu'il était stipulé ; il était considéré comme un accroissement accordé pour l'usage de la chose. 2°. L'usure proprement dite, qui avait lieu sans stipulation par la demeure du débiteur et l'office du juge. 3°. Celui que l'on appelait id quod interest ou interesse : ce sont les dommages et intérêts.

Les conciles de Nicée et de Laodicée, défendirent aux clercs de prendre aucuns intérêts ; ceux de France n'y sont pas moins précis, entr'autres celui de Rheims en 1583.

Les papes ont aussi autrefois condamné les intérêts : Urbain III. déclara que tout intérêt était défendu de droit divin : Alexandre III. décida même que les papes ne peuvent permettre l'usure, même sous prétexte d'œuvres pies, et pour la rédemption des captifs : Clement V. dit qu'on devait tenir pour hérétiques ceux qui soutenaient qu'on pouvait exiger des intérêts ; cependant Innocent III. qui était grand canoniste, décida que quand le mari n'était pas solvable, on pouvait mettre la dot de sa femme entre les mains d'un marchand, ut de parte honesti lucri dictus vir onera possit matrimonii sustentare. C'est de-là que tous les Théologiens et Canonistes ont adopté que l'on peut exiger des intérêts lorsqu'il y a lucrum cessants, ou damnum emergens.

En France on distingue l'usure de l'intérêt légitime ; l'usure prise pour intérêt excessif, ou même pour un intérêt ordinaire dans les cas où il n'est pas permis d'en exiger, a toujours été défendue : l'intérêt légitime est permis en certains cas.

La stipulation d'intérêt qui était permise chez les Romains dans le prêt, est reprouvée parmi nous, si ce n'est entre marchands fréquentants les foires de Lyon, lesquels sont autorisés par les ordonnances, à stipuler des intérêts de l'argent prêté : il y a aussi quelques provinces où il est permis de stipuler l'intérêt des obligations, même entre toutes sortes de personnes, comme en Bresse ; ces obligations y tiennent lieu des contrats de constitution que l'on n'y connait point.

Suivant le droit commun, pour faire produire des intérêts à des deniers prêtés, il faut que trois choses concourent ; 1°. que le débiteur soit en demeure de payer, et que le terme du payement soit échu ; 2°. que le créancier ait fait une demande judiciaire des intérêts ; 3°. qu'il y ait un jugement qui les adjuge.

Dans quelques pays un simple commandement suffit pour faire courir les intérêts, comme au parlement de Bordeaux.

Les intérêts qui ont été payés volontairement sans être dû., sont imputés sur le sort principal ; on ne peut même pas les compenser avec les fruits de la terre acquise des deniers prêtés.

On autorisait autrefois les prêteurs à prêter à intérêt les deniers de leurs pupilles par simple obligation, et cela est encore permis en Bretagne ; mais le parlement de Paris a depuis quelque temps condamné cet usage.

Hors le cas du prêt, qui de sa nature doit être gratuit, et où les intérêts ne peuvent être exigés que sous les conditions qui ont été expliquées, on peut stipuler des intérêts à défaut de payement ; il y a même des cas où ils sont dû. de plein droit par la nature de la chose sans stipulation et sans demande, à-moins qu'il n'y ait convention au contraire.

Par exemple, l'intérêt du prix d'un immeuble vendu est dû de plein droit, et court du jour que l'acquéreur est entré en possession. Les intérêts de la dot sont dû. au mari du jour de la bénédiction nuptiale ; l'intérêt de la portion héréditaire ou de la légitime, et d'une soute de partage, court du jour que le principal est dû.

Il y a des cas où l'intérêt n'est pas dû de plein droit, mais où il peut être stipulé, pourvu qu'il ne s'agisse pas de prêt ; par exemple, pour intérêts civils, pour vente de droits incorporels, ou de choses mobiliaires en gros.

On ne peut pas exiger les intérêts des intérêts, ni des arrérages d'une rente constituée, ni former avec les intérêts un capital, pour lui faire produire d'autres intérêts ou arrérages ; ce serait un anatocisme qui est défendu par toutes les lais.

Il est néanmoins permis d'exiger les intérêts du prix des moissons et autres fruits, des fermages et loyers de maisons, des arrérages de douaire, pensions, et autres choses semblables.

Les tuteurs doivent à leurs pupilles les intérêts des intérêts.

Quand la caution est contrainte de payer pour le principal obligé, les intérêts du capital, et même des intérêts, lui sont dû. de plein droit du jour du payement, parce que ces intérêts lui tiennent lieu de capital.

Il en est de même d'un acquéreur chargé de payer à des créanciers délégués des capitaux avec des arrérages ou intérêts ; il doit les intérêts du total, parce que c'est un capital à son égard.

Le taux des intérêts était fixé anciennement au denier douze jusqu'en 1602, puis au denier seize jusqu'en 1634 ; ensuite au denier dix-huit jusqu'en 1665, que l'on a établi le denier vingt.

L'édit du mois de Mars 1730 avait fixé les rentes au denier cinquante ; mais il ne fut registré qu'au châtelet : l'édit du mois de Juin 1724, fixa le taux des rentes au denier trente ; enfin, l'édit du mois de Juin 1725, a fixé les rentes et intérêts au denier vingt.

On peut stipuler des intérêts moindres que le taux de l'ordonnance ; mais il n'est pas permis d'en stipuler qui excédent.

Le taux des intérêts n'est pas le même dans toutes les provinces du royaume ; cela dépend des différents édits et du temps qu'ils y ont été enregistrés. On peut voir à ce sujet le mémoire qui est inseré dans les œuvres posthumes d'Henrys, quest. 4.

Suivant le droit romain, les intérêts ne pouvaient excéder le principal ; ce qui s'observe encore dans la plupart des parlements de droit écrit ; mais au parlement de Paris, les intérêts peuvent excéder le principal.

L'imputation des payements se fait d'abord in usuras, suivant le droit ; ce qui s'observe aussi dans les parlements de droit écrit : au lieu qu'au parlement de Paris on distingue si les intérêts sont dû. ex naturâ rei, ou officio judicis. Au premier cas, les payements s'imputent d'abord sur les intérêts ; au second cas, c'est sur le principal.

L'hypothèque des intérêts est du jour du contrat ; il y a néanmoins quelques pays qui ont à cet égard des usages singuliers. Voyez le recueil de questions de Bretonnier, au mot intérêt.

Pour faire cesser les intérêts, il faut un payement effectif, ou une compensation, ou des offres réelles suivies de consignation.

Voyez les différents titres de usuris, au code et au digeste dans les novelles ; Salmazius, de usuris ; Dumolin, en son traité des contrats usuraires ; Mornac, sur la loi 60, ff. pro socio ; Dolive, liv. IV. ch. xxj. la Peyrere, au mot intérêts ; Henrys, tome I. liv. IV. ch. VIe quest. 110 ; le dictionnaire des cas de conscience ; la dissertation de M. Hevin, tome I. (A)

INTERETS CIVILS, (Jurisprudence) sont une somme d'argent que l'on adjuge en matière criminelle à la partie civîle contre l'accusé, par forme de dédommagement du préjudice que la partie civîle a pu souffrir par le fait de l'accusé. On appelle cette indemnité intérêts civils, pour la distinguer de la peine corporelle qui fait l'objet de la vindicte publique et des dommages et intérêts que l'on a accordés à l'accusé contre l'accusateur, lorsqu'il y a lieu.

L'intérêt civil dû pour raison d'un crime, se prescrit par vingt ans comme le crime même.

Quand le roi remet à un condamné les peines corporelles et pécuniaires, il n'est jamais censé remettre les intérêts civils dû. à la partie.

Les condamnés peuvent être retenus en prison faute de payement des intérêts civils.

Ces intérêts sont préférés à l'amende dû. au roi. Voyez l'ordonnance de 1670, tit. XIII. art. xxjx. le journal des aud. tom. II. liv. III. chap. XIe (A)

INTERETS COMPENSATOIRES, sont ceux qui sont dû. pour tenir lieu des fruits que le créancier aurait retirés d'un fonds, tels que les intérêts du prix de la vente, ceux de la légitime, etc. (A)

INTERETS CONVENTIONNELS, sont ceux qui n'ont lieu qu'en vertu de la convention. (A)

INTERETS JURATOIRES : on appelle ainsi en quelques pays ceux qui sont adjugés en justice. Voyez la dissertation de M. Catherinot, sur le prêt gratuit, p. 68.

INTERETS LUCRATOIRES, sont la même chose que les intérêts conventionnels : on les appelle lucratoires, parce qu'ils sont stipulés comme une estimation du profit que l'argent aurait pu produire, s'il eut été employé autrement. (A)

INTERETS LUNAIRES, c'est le nom qu'on donne dans les échelles du levant aux intérêts usuraires que les Juifs exigent des nations chrétiennes qui ont besoin de leur argent, soit pour commercer, soit pour payer les avances que les officiers Turcs de ces échelles ne leur font que trop souvent. Voyez AVANCE.

On les appelle lunaires, parce que les débiteurs paient à tant pour cent par lune, et que les mois des Turcs ne sont pas solaires comme ceux des Chrétiens, ce qui augmente encore l'intérêt de plus d'un tiers par cent.

Pour remédier à cet abus, M. de Nointel lorsqu'il alla en ambassade à la Porte en 1670, fut chargé de ne plus souffrir ces intérêts lunaires, ni les emprunts que la nation faisait aux Juifs pour le payement des avances, et il fut statué qu'en cas d'une nécessité pressante d'emprunter quelque somme, les marchands François établis dans les échelles seraient tenus d'en faire l'avance, qui leur serait remboursée et répartie sur les premières voiles qui iraient charger dans lesdites échelles. Dict. de Comm.

INTERETS MORATOIRES, sont ceux qui sont dû. à cause de la demeure du débiteur. (A)

INTERET DU ex naturâ rei, c'est celui qui a lieu de plein droit et sans stipulation, comme l'intérêt du prix d'une vente, l'intérêt de la dot, de la part héréditaire, de la légitime, d'une soute de partage, etc. (A)

INTERETS ex officio judicis, c'est celui qui n'a lieu qu'en vertu d'une demande suivie de condamnation, tel que l'intérêt de l'argent prêté. (A)

INTERET PUNITOIRE, est celui qui est dû propter moram debitoris ; c'est la même chose que l'intérêt moratoire. (A)

INTERET PUPILLAIRE, ou intérêt de deniers pupillaire, est celui que le tuteur doit à son mineur ; ce qui comprend aussi les intérêts des intérêts. (A)

INTERETS USURAIRES, sont ceux qui n'ont pu être stipulés, ou qui excédent le taux de l'ordonnance. (A)

INTERET, (Oecon. polit.) L'intérêt est une somme fixée par la loi, que l'emprunteur s'engage à payer au prêteur. Je dis une somme fixée par la loi, c'est ce qui distingue l'intérêt de l'usure.

L'argent n'est pas seulement une représentation des denrées, il est et doit être marchandise, et il a sa valeur réelle ; ce qui constitue son prix, c'est la proportion de sa masse avec la quantité des denrées dont il est la représentation, avec les besoins de l'état et l'argent des pays voisins.

Lorsqu'il y a beaucoup d'argent, il doit avoir moins de prix, être moins cher, et par conséquent aliéné à un intérêt plus modique.

Si un état n'avait ni voisins à craindre ni denrées à prendre de l'étranger, il lui serait égal d'avoir peu ou beaucoup d'argent ; mais les besoins des particuliers et de l'état demandent que l'on cherche à entretenir chez soi une masse d'argent proportionnée à ces besoins et à celle des autres nations.

L'argent coule de trois sources dans les pays qui n'ont pas de mines. L'agriculture, l'industrie, et le commerce.

L'agriculture est la première de ces sources ; elle nourrit l'industrie ; toutes deux produisent le commerce qui s'unit avec elles pour apporter et faire circuler l'argent.

Mais l'argent peut être destructeur de l'agriculture, de l'industrie et du commerce, quand son produit n'est pas proportionné avec le produit des fonds de terre, les profits du commerce et de l'industrie.

Si par exemple la rente de l'argent est de cinq pour cent, ou au denier 20, et que le produit des terres ne soit que de deux, les particuliers trouvent de l'avantage à préférer les fonds d'argent aux fonds de terre, et l'agriculture est négligée. Si le chef de manufacture ne tire par son travail, le négociant par son commerce, que cinq pour cent de leurs fonds, ils aimeront mieux sans travail et sans risque recevoir ces cinq pour cent d'un débiteur.

Pour faire valoir les terres et les manufactures, pour faire des entreprises de commerce, il faut souvent faire des emprunts ; si l'argent est à un trop haut prix, il y a peu de profit à espérer pour l'agriculteur, le commerçant, le chef de manufactures.

S'ils ont emprunté à cinq pour cent ou au denier vingt, ils seront obligés pour se dédommager de vendre plus cher que ceux des pays où on emprunte à trois : de-là moins de débit chez l'étranger, moins de moyens de soutenir la concurrence.

L'argent par lui-même ne produit rien, c'est le produit du commerce, de l'industrie, des terres, qui paye l'argent qu'on emprunte : ainsi les rentes de l'argent sont une charge établie sur les terres, le commerce, l'industrie.

Une des premières opérations du grand Sulli fut de réduire au denier seize l'intérêt de l'argent qui était au denier douze. " Nous avons, dit Henri le Grand dans son édit, reconnu au doigt et à l'oeil, que les rentes constituées à prix d'argent au denier douze, ont été cause de la ruine de plusieurs bonnes et anciennes familles qui ont été accablées d'intérêt, et souffert la vente de leurs biens.... " Elles ont empêché le trafic et commerce de la marchandise qui auparavant avait plus de vogue dans notre royaume qu'en aucun autre de l'Europe, et fait négliger l'agriculture et les manufactures. Aimant mieux plusieurs de nos sujets sous la facilité d'un gain à la fin trompeur, vivre de leurs rentes en oisiveté parmi les villes, qu'employer leur industrie avec quelque peine aux arts, ou à cultiver et approprier leurs héritages.

On sentit dans les dernières années du règne d'Henri IV. et les premières du règne de Louis XIII. le bien qu'avait fait la réduction des rentes. Le cardinal de Richelieu obtint de son maître un édit pour les réduire au denier 18.

A présent que ce royaume est si florissant et si abondant, dit Louis XIII. la réduction ci-devant faite ne produit plus l'effet pour lequel elle avait été ordonnée, d'autant que les particuliers trouvent tant de profit et de facilité au revenu desdites constitutions, qu'ils négligent celui du commerce et de l'agriculture, dont le rétablissement toutefois est si nécessaire pour la puissance et subsistance de cette monarchie.

Il entra bien-tôt dans le plan du grand Colbert, de faire baisser l'intérêt de l'argent dont la masse était augmentée ; il le réduisit au denier 20 où il est encore. Louis XIV. donne dans son édit les mêmes motifs de réduction qu'avaient donnés Henri IV. et Louis XIII. il y a de plus ces mots remarquables. La valeur de l'argent étant fort diminuée par la quantité qui en vient journellement des Indes, il faut pour mettre quelque proportion entre l'argent et les choses qui tombent dans le commerce, &c.

On voit que les principes établis au commencement de cet article ont été ceux de ces grands administrateurs dont la France bénit encore la mémoire. On sait combien l'agriculture fleurit sous le ministère de Sulli, et à quel point étaient parvenues nos manufactures sous celui de Colbert. Le commerce prit sous lui un nouvel éclat, et l'agriculture aurait eu le même sort si la guerre n'avait pas obligé le ministère d'établir de nouveaux impôts, ou seulement s'il avait plus été le maître de la manière d'établir les impôts, et de leur espèce. Voyez IMPOTS.

Est-il permis d'examiner d'après ces principes et ces faits, si le moment d'une réduction nouvelle n'est pas arrivé.

Il est connu qu'il y a en France à-peu-près le tiers d'argent de plus que sous le ministère de Colbert.

Les Anglais, Hollandais, Hambourgeois ont baissé chez eux l'intérêt de l'argent, et chez ces nations commerçantes il est généralement à 3 pour cent, et quelquefois au-dessous.

Jamais il n'y eut en France plus d'hommes vivants de rentes en argent, et de-là bornés à recevoir, à jouir, et inutiles à la société.

Il faut faire baisser le prix de l'argent, pour avoir un plus grand nombre de commerçans qui se contentent d'un moindre profit, pour que nos marchandises se vendent à un moindre prix à l'étranger ; enfin pour soutenir la concurrence du commerce avec les nations dont je viens de parler.

Il faut faire baisser le prix de l'argent pour délivrer l'agriculture, l'industrie, le commerce de ce fardeau énorme de rentes qui se prennent sur leur produit.

Il faut faire baisser le prix de l'argent, pour soulager le gouvernement qui fera dans la suite les entreprises à meilleur compte, et paiera une moindre somme pour les rentes dont il est chargé.

Avant la dernière guerre l'argent de particulier à particulier commençait à se prendre à 4 pour cent, et il serait tombé à un prix plus bas sans les causes que je vais dire.

Première raison qui maintient l'intérêt de l'argent à 5 pour cent.

Il y a en France environ 50 à 60 mille charges vénales, dans le militaire, la robe ou la finance ; elles passent sans-cesse d'un citoyen à l'autre. Dans les pays où cette vénalité n'est pas introduite, l'argent s'emploie à l'amélioration des terres, aux entreprises du commerce. Parmi nous il est mort pour l'un et pour l'autre ; il forme une masse qui n'entre point dans la circulation de détail, et reste en réserve pour ce grand nombre de citoyens nécessités à faire de gros emprunts, parce qu'il faut acheter des charges.

Deuxième raison qui maintient l'intérêt de l'argent à 5 pour cent.

Les entreprises pour l'équipement, l'entretien, les hôpitaux, les vivres des flottes et des armées, ont été faites avec un profit très-grand pour les entrepreneurs ; mais surtout les profits de la finance sont énormes : les particuliers ont trouvé à placer leur argent à un intérêt si haut, qu'en comparaison l'intérêt de 5 pour cent a paru peu de chose. Plus il y a d'argent à placer à un intérêt excessif, et moins il y en a à prêter à l'intérêt ordinaire.

Traisième raison qui maintient l'intérêt de l'argent à 5 pour cent.

Les profits de la finance ont accumulé l'argent dans les coffres d'un petit nombre de particuliers ; bien-tôt eux seuls ont eu de l'argent à prêter, et ils l'ont vendu cher à l'état. Il en est de l'argent comme des autres marchandises ; le défaut de concurrence en augmente le prix : les compagnies qui vendent seules certaines étoffes, certaines denrées, les vendent nécessairement trop cher.

Quatrième raison qui maintient l'intérêt de l'argent à 5 pour cent.

Les fortunes énormes ont amené le luxe dans ceux qui les possèdent ; l'imitation l'a répandu dans les classes moins opulentes, qui pour le soutenir sont forcées à de fréquents emprunts.

Cinquième raison qui maintient l'intérêt de l'argent à 5 pour cent.

L'état est chargé de dettes dont il paye souvent une rente usuraire.

De quelque nécessité qu'il soit en France de faire baisser le prix de l'intérêt de l'argent, si l'autorité faisait tout-à-coup cette réduction, et sans avoir fait cesser une partie des causes qui ont fixé l'intérêt à 5 pour cent, il y aurait peut-être deux inconvénients à craindre, la diminution du crédit, l'inexécution de la loi.

Cette loi dans un état chargé de dettes comme l'est aujourd'hui la France, paraitrait peut-être dans ce moment une ressource d'un gouvernement épuisé et hors d'état de satisfaire à ses charges.

En jetant de l'inquiétude dans les esprits, elle ferait baisser tous les fonds publics.

Cette loi pourrait n'être pas exécutée ; dans la nécessité où se trouve le militaire et une partie de la nation de faire des emprunts, l'argent ne se prêterait plus par contrat, et les billets frauduleux qui n'assureraient pas les fonds autant que le contrat, seraient un prétexte de rendre la rente usuraire.

On peut dans la suite éviter ces inconvéniens.

1°. En supprimant et remboursant une multitude prodigieuse de charges inutiles et onéreuses à l'état.

2°. En remboursant sans les supprimer les charges utiles.

3°. En diminuant prodigieusement les profits de la finance, et en faisant circuler l'argent dans un plus grand nombre de mains.

Alors le luxe de tous les états tombera de lui-même.

Alors les emprunts seront plus rares, moins considérables et plus faciles ; alors on pourra sans inconvénient mettre l'intérêt de l'argent au même degré qu'il est chez nos voisins.

Peut-être dès ce moment, sans altérer le crédit, sans jeter les citoyens dans la nécessité d'enfreindre ou d'éluder la loi, pourrait-on mettre l'argent à 4 pour cent.

On pourrait faire procéder cette opération par quelque opération qui assurerait le crédit, comme serait une légère diminution des tailles, ou la suppression d'un de ces impôts qui sont plus onéreux au peuple que fertiles en argent.

D'ailleurs la loi étant générale pour les particuliers comme pour le prince, elle pourrait être censée faite non à cause de l'épuisement du gouvernement, mais pour le bien du commerce et de l'agriculture, et par-là elle assurerait le crédit loin de le rabaisser.

Il est certain et démontré que les avantages de cette opération seraient infinis pour la nation dont ils ranimeraient l'agriculture, le commerce et l'industrie ; il est certain qu'ils soulageraient beaucoup le gouvernement qui payerait en rentes une moindre somme, et cette réduction de l'intérêt de l'argent lui donnerait le droit de diminuer peu-à-peu les gages d'une multitude de charges inutiles, et de charges nécessaires, mais dont les gages sont trop forts ; cette seconde opération empêcherait que ces charges ne fussent autant recherchées qu'elles le sont, et par-là ferait encore un bien à la nation.