S. m. (Histoire naturelle, Lithologie) c'est le nom d'une pierre du nombre de celles qu'on appelle précieuses. Elle est très-dure, prend très-bien le poli, donne des étincelles lorsqu'on la frappe avec de l'acier ; elle est opaque à cause de la grossiereté de ses parties colorantes, sans quoi le jaspe ne différerait en rien de l'agate, et l'on pourrait avec raison dire que le jaspe est une agate non-transparente, mêlée d'un plus grand nombre de parties terrestres et grossières. Cependant il y a des morceaux de jaspe dans lesquels on trouve des taches ou veines transparentes ; cela vient de ce que la matière qui lui a donné l'opacité, n'a point également pénétré dans toutes les parties de la pierre. Ce qu'il y a de certain, c'est que le quartz ou le caillou fait la base du jaspe, ainsi que celle de l'agate, et que tout caillou opaque et coloré qui prend le poli, doit être regardé comme un véritable jaspe.

Il règne une grande variété de couleur parmi les jaspes ; il y en a qui n'ont qu'une seule couleur, qui est ou blanche, ou brune, ou bleue, ou verte, ou grise, etc. le jaspe rouge est le plus rare, et cela dans différentes nuances ; d'autres sont de plusieurs couleurs différentes, tels sont ceux qu'on nomme jaspes fleuris, dans lesquels on voit des couleurs jaunes, rouges, grises, blanches, etc. confusément répandues. L'imagination des Naturalistes a travaillé sur ces sortes de jaspes, où quelques-uns ont Ve ou du moins ont cru voir les figures les plus extraordinaires, qui ne sont souvent représentées que très-imparfaitement, et que l'on ne peut regarder que comme formées par le hasard pur, et par la disposition fortuite des couleurs et des veines qui s'y trouvent.

Les moindres accidents et les différentes couleurs des jaspes leur ont fait donner des noms différents par les anciens Naturalistes ; c'est ainsi qu'ils ont nommé lapis pantherinus ou pierre de panthere, un jaspe jaunâtre moucheté de rouge. Pline donne le nom de grammatias à un jaspe dans lequel on voyait des taches ou des veines blanches, sans parler d'une infinité d'autres noms qui ont été donnés aux jaspes en faveur de différences qui ne sont qu'accidentelles, et qui ne changent rien à la nature de ces pierres. Ces noms ne sont donc propres qu'à charger inutilement la mémoire : les vrais Naturalistes ne doivent s'embarrasser que de ce qui constitue l'essence d'une pierre, sans s'arrêter à des petites variétés minucieuses. Si cependant quelqu'un voulait un détail sur les différentes dénominations données au jaspe à cause de ses différentes couleurs, il le trouverait dans Hill, histoire naturelle des fossiles en anglais.

Le jaspe sanguin est verd, et rempli de taches rouges comme du sang.

Le jaspe floride ou fleuri est de plusieurs couleurs différentes, comme nous l'avons déjà fait remarquer.

Le lapis lazuli est un vrai jaspe d'un bleu plus ou moins vif, parsemé de petits points brillans comme de l'or. Voyez LAPIS.

Le caillou d'Egypte est un vrai jaspe d'une couleur brune, dans lequel on voit des accidents tout à fait singuliers.

Le caillou de Rennes ou pavé de Rennes est aussi un vrai jaspe jaunâtre, ou d'un brun clair et rougeâtre.

La pierre que les Minéralogistes allemands nomment hornstein ou pierre cornée, n'est qu'une espèce de jaspe mêlé d'agate, comme on verra à la fin de cet article.

Wallerius et quelques autres auteurs mettent aussi le porphyre au rang des jaspes.

Quelques Naturalistes mettent le jade au rang des jaspes ; mais il y a des différences entre ces deux pierres. Voyez JADE.

Quelques auteurs confondent mal-à-propos le jaspe avec le marbre. La différence entr'eux est très-sensible : le premier donne des étincelles, lorsqu'on le frappe avec un briquet, et ne se dissout point dans les acides ; au lieu que le marbre s'y dissout et ne fait point feu lorsqu'on le frappe avec le briquet.

Le jaspe se trouve dans le sein de la terre par masses détachées de différentes grandeurs : des voyageurs parlent d'un morceau de jaspe de neuf pieds de diamètre, qui fut tiré d'une carrière de l'archevêché de Saltzbourg, et placé parmi le pavé d'une des cours du palais impérial à Vienne en Autriche.

M. Gmelin, dans son voyage de Sibérie, dit y avoir vu, dans le voisinage de la rivière d'Argun, une montagne qui est presque entièrement composée d'un jaspe verd très-beau, mais extrêmement mêlé de roche brute, de sorte qu'il est rare de trouver des morceaux de trois livres exemts de gersures et de défauts. Le même auteur ajoute que quelquefois on en a tiré des masses qui pesaient un ou deux pieds (le pied fait 33 livres) ; mais ils se fendaient à l'air au bout de quelques jours, de sorte qu'on ne pouvait point s'en servir pour faire des colonnes, des tables ou d'autres grands ouvrages. Voyez Gmelin, voyage de Sibérie.

On trouve aussi des jaspes de différentes couleurs en Bohème, en Italie, et dans beaucoup d'autres pays de l'Europe : mais on donne la préférence à ceux des Indes orientales, parce qu'on les regarde comme plus durs, ils prennent mieux le poli, les couleurs en sont plus vives.

On ne peut se dispenser de rapporter ici l'expérience singulière de Beccher sur le jaspe. Ce savant chimiste mit du jaspe dans un creuset avec un mélange convenable (adhibitis requisitis) pour le faire entrer en fusion, il lutta le couvercle avec le creuset ; en donnant un feu violent, la matière se fondit. Quand le creuset fut refroidi, il l'ouvrit, et trouva que le jaspe avait formé une masse solide presque aussi dure que cette pierre était auparavant ; mais elle avait changé de couleur, et était devenue laiteuse et demi-transparente, comme une agate blanche ; mais les parois supérieurs du creuset, c'est-à-dire, le couvercle et les côtés auxquels le jaspe n'avait pu toucher pendant la fusion, étaient couverts d'une couleur de jaspe parfaite, et il ne leur manquait que la consistance et la dureté pour ressembler parfaitement à du jaspe poli ; mais cette couleur n'était que légèrement attachée à la superficie. De cette manière Beccher a séparé la partie colorante du jaspe, qu'il nomme son âme, et l'a sublimée par la violence du feu. Voyez Beccher, Physica subterranea, édition de 1739, page 77. Il y a lieu de croire que Beccher joignit de l'acide vitriolique à son jaspe pulvérisé ; du-moins est-il certain qu'en versant de l'huîle de vitriol sur du jaspe en poudre, et le mettant ensuite sous une moufle à un feu médiocre, toute la couleur du jaspe disparait, et il reste sous la forme d'une poudre blanche.

M. Henckel dans sa Pyrithologie, décrit un jaspe très-singulier qui se trouve près de Freyberg en Misnie, dans un endroit qu'on nomme la carrière de jaspe, ou de corail : on trouve 1°. une couche de spath très-pesant, 2°. au-dessous est du crystal de roche ; ces deux couches n'ont qu'environ deux travers de doigt d'épaisseur ; ensuite 3°. vient de l'améthiste, 4°. une nouvelle couche de crystal, 5°. du jaspe, 6°. du crystal, 7°. du jaspe, 8°. du crystal, 9°. du jaspe, 10°. du crystal. Chacune de ces huit dernières couches n'est souvent pas plus épaisse qu'un fil ; et toutes ensemble ont à peine trois lignes d'épaisseur, et sont cependant très-distinctes. Il vient ensuite 11°. du jaspe d'un rouge clair, 12°. un jaspe d'un rouge obscur, 13°. de la chalcédoine, 14°. du jaspe, 15°. de la chalcédoine ; enfin on voit un carré compacte et solide. Les six ou huit dernières couches vont en augmentant au point que dans quelques endroits le jaspe a plus d'un pouce d'épaisseur. Ces couches sont si intimement liées, que la masse de pierre où elles se trouvent se divisent plus aisément selon son épaisseur, que suivant la direction des couches. C'est ce jaspe que les ouvriers des mines et quelques naturalistes, pour se conformer à leur langage, nomment hornstein, ou pierre de corne. Voyez la Pyrithologie de Henckel. (-)

JASPE-AGATE, (Histoire naturelle, Lithologie) nom donné par quelques naturalistes à une espèce d'agate, dans laquelle se trouvent quelques endroits entièrement opaques qui sont du jaspe. On en trouve des pierres de cette espèce aux Indes orientales et occidentales, ainsi qu'en différents pays de l'Europe, et surtout en Italie, en Allemagne, etc. On regarde celles d'Orient comme plus dures que celles d'Europe. Voyez JASPE. (-)

JASPE-CAMEE, (Histoire naturelle, Lithologie) nom donné par quelques auteurs à une pierre précieuse demi-transparente, connue surtout des Lapidaires italiens, mais qu'on ne voit guère parmi nous. Il est rare de la trouver grande ; elle est composée de zones ou de couches assez larges d'un beau blanc et d'un beau verd, qui ressemble à celui de quelques jaspes. On trouve, dit-on, cette pierre dans les Indes orientales, et dans quelques endroits de l'Amérique ; les Italiens en sont fort curieux ; ils la nomment jaspi-cames, et s'en servent comme des autres camées, pour y graver des figures en relief ou en creux, et pour contrefaire des antiques, métier qu'ils entendent parfaitement bien. Voyez Hill, Hist. nat. des fossiles. (-)

JASPE-ONYX, (Histoire naturelle, Lithologie) quelques naturalistes donnent ce nom à une espèce de jaspe, dans lequel il se trouve des taches et des veines transparentes et de la couleur de la corne ou des ongles, telle que l'onyx ; cela vient de ce que la partie colorante qui a donné l'opacité à la pierre, n'a pas également pénétré par-tout. Voyez JASPE. (-)

JASPE, (Matière médicale) c'est un des corps dans lesquels on a trouvé des vertus médicinales annoncées par des caractères extérieurs, ou une signature ; c'est un médicament signé. Voyez SIGNATURE. (Matière médicale) et ces vertus sont occultes, magnétiques, astrales. En un mot, le jaspe spécialement celui qu'on appelle sanguin, qui est veiné de rouge (ce qui est sa signature), a la propriété constante et infaillible d'arrêter les pertes de sang, en le portant attaché à la cuisse. Boot, Sennert, et la tourbe de pharmacologistes paracelsistes l'assurent. Boyle lui-même, qui fait profession ouverte de pyrrhonisme sur les merveilles de cet ordre, n'a pas été assez incrédule sur celle-ci. (b)