S. f. (Histoire naturelle, Ichtyologie) poisson de mer de couleur rougeâtre, ressemblant à une tanche d'eau douce par la partie postérieure du corps, et à une sole, par la partie antérieure, qui est mince, plate, et garnie en-dessus et en-dessous de nageoires. Ce poisson change de couleur dans différentes saisons. Au printemps il a la partie antérieure de la tête d'un noir rougeâtre, et la partie inférieure verte, le ventre de la même couleur que la tanche, et la partie postérieure du corps noire ; les nageoires qui sont près des ouies ont une couleur rouge ; les yeux sont grands et de couleur d'or, les dents petites, et la bouche est grande et denuée de lèvres. La moule a au bout de la mâchoire inférieure un barbillon, et deux autres plus longs situés au-dessous du premier et plus en arrière. Il y a une nageoire qui commence derrière l'anus et qui s'étend jusqu'à la queue, et une autre aussi étendue sur la partie postérieure du dos ; la nageoire qui est sur la partie antérieure est plus petite. Ce poisson vit sur les rochers ; il se nourrit non-seulement d'herbe, de mousse, mais encore de petits poissons : il dépose ses œufs sur l'algue. Rondelet, hist. des paiss. I. partie, liv. VI. chap. Xe Voyez POISSON.

MOULES, nom que l'on a donné à des coquillages. Il y a des moules d'eau douce et des moules de mer. Toutes les espèces de moules, et même toutes les coquilles bivalves, ont un ligament coriace qui tient liées les deux pièces ensemble ; ce ligament dans les moules est situé à la partie postérieure de la coquille, qu'on appelle talon : c'est l'endroit le plus épais. Les moules se ferment par la contraction de deux gros muscles fibreux qui sont intérieurement attachés à chaque bout des coquilles ; lorsque ces muscles se relâchent, le ligament tendineux du talon se gonfle et fait ouvrir la coquille. Ce ligament à ressort est différent dans les moules de mer de celui des moules de rivière, en ce qu'il n'est pas attaché en arrière, mais en parties entre les bords de la coquille, et en ce qu'il ne parait nullement au-dehors ; il excède un peu dans la cavité de la coquille, parce que les bords ne sont pas assez épais pour le renfermer tout entier. Pour supléer à ce défaut, il est entouré de deux cordons qui sont fortement attachés sur les bords intérieurs de la coquille, à laquelle ils donnent de l'épaisseur ; ces cordons sont durs, troués, et ils paraissent comme ajoutés à la coquille, et d'une matière différente. Les moules ont leurs coquilles bordées tout-autour d'une membrane qu'on pourrait appeler épiderme, parce que c'est une continuité de la couche extérieure des coquilles ; ces membranes s'appliquent si exactement l'une contre l'autre quand elles sont mouillées, que la plus petite goutte d'eau ne peut sortir de la moule. Outre cette membrane, il y a tout autour du bord intérieur de chaque coquille un ligament ; ces ligaments, qui s'appliquent l'un contre l'autre quand les coquilles sont fermées, empêchent aussi que l'eau ne sorte, et même que les coquilles ne se cassent sur les bords pendant la grande contraction des muscles. Les coquilles de quelques espèces de moules sont affermies ensemble non-seulement par la contraction des muscles et par le ligament à ressort dont nous avons parlé, elles le sont encore par de longues rainures ou cannelures qui reçoivent des languettes tranchantes dans toute leur longueur ; il y a au bout de ces rainures, immédiatement sous le talon, une cheville dentelée qui entre dans une cavité aussi dentelée de l'autre coquille, et cette cavité a sur ses bords deux petites éminences dentelées qui entrent dans deux petites cavités de l'autre coquille qui sont aussi dentelées ; de sorte que les dentelures des épiphyses et des cavités se reçoivent mutuellement, comme celles des os du crâne. Mais ce ginglyme ne se trouve pas dans toutes les espèces de moules : celle de mer, et la grande espèce qui nait dans les étangs et qui croit jusqu'à un pied de long, n'ont point cette articulation.

La structure des moules est telle, qu'il semble qu'elles ne doivent avoir de mouvement qu'autant qu'elles en reçoivent de l'agitation des eaux ; cependant elles marchent toutes, et quelques-unes voltigent sur la superficie de l'eau. Etant couchées sur le plat de leur coquille, elles en sortent en partie en forme de langue, avec laquelle elles font de petits mouvements à droite et à gauche, pour creuser le sable ou la glaise des rivières ; en creusant de la sorte, elles baissent insensiblement d'un côté, et se trouvent sur le tranchant de leurs coquilles le dos ou talon en haut. Elles avançent ensuite peu-à-peu leurs têtes pendant une ou deux minutes, et ensuite elles les appuient pour attirer leurs coquilles à elles, comme font quelquefois les limaçons aquatiques ; elles reitèrent ce mouvement tant qu'elles veulent marcher, et de cette manière elles font des traces irrégulières qui ont quelquefois jusqu'à trois ou quatre aunes de long. On voit pendant l'été plusieurs de ces traces dans les rivières où il y a beaucoup de moules ; et l'on ne manque jamais de trouver une moule au bout de chaque route. C'est ainsi que ces petits poissons cherchent leur vie, et qu'ils se promenent cà et là en labourant la terre avec le tranchant de leurs coquilles, le talon toujours tourné en avant. Ces routes creuses servent d'appui aux moules pour les soutenir dans la même position, et en fouissant la terre çà et là, elles trouvent quelques frais de poisson ou autres petits aliments dont elles se nourrissent. Les moules dans leur marche peuvent se rencontrer et frayer ensemble. On ne découvre point d'œufs dans leur corps, on trouve seulement pendant l'été beaucoup de lait et de glaire dans la même moule, ce qui peut faire croire qu'elles sont androgynes.

Les moules respirent l'eau à-peu-près comme les poissons ; on découvre cette respiration par un petit mouvement circulaire qui se fait dans l'eau proche le talon de la coquille ; elles ne rejettent pas l'eau à chaque fois qu'elles la puisent, comme les poissons, elles s'en remplissent pendant une minute ou deux, et puis elles la rejettent tout d'un coup par l'autre bout de la coquille. Pour pouvoir observer cette façon de respirer, il faut que les moules soient couchées à plat à moitié dans l'eau sur un beau sable ; si elles étaient entièrement cachées sous l'eau, on ne pourrait observer ni la petite circulation de l'eau qui se fait du talon, ni l'expulsion de l'eau qui sort d'un seul coup par l'autre bout de la coquille.

Les moules de rivière sont sujettes à diverses maladies. Il se forme sur la surface intérieure de la coquille, des tubercules de la grosseur d'un pais, et qu'on prendrait pour des perles. Lorsque les moules sentent le froid, elles sortent en partie de leur coquille en forme de langue, qu'elles trainent lentement à droite et à gauche pour remuer le sable, dont elles se trouvent entièrement couvertes en moins d'une demi-heure ; elles rentrent dans leurs coquilles par le moyen d'une membrane musculeuse, dont la grosse glande qui sort de la coquille en forme de langue, est toute enveloppée. Quand cette membrane se contracte, la glande, qui de sa nature est molle et flasque, devient une petite masse dure et ridée après qu'on l'a maniée. L'issue des excréments parait se faire par la contraction des muscles circulaires de l'intestin ; ces muscles sont en grand nombre et par paquets. Pour les voir il faut couper l'intestin, ôter les excréments, et le bien déployer : alors on remarquera vers la base de la glande à laquelle l'intestin est attaché, plusieurs gros trousseaux de fibres qui vont tout-autour de l'intestin toujours en diminuant de grosseur à mesure qu'ils s'éloignent de leur origine. M. Poupart, mem. de l'académie des sciences, ann. 1706. p. 64.

Cet article a été tiré d'un ouvrage manuscrit de M. Formey, secrétaire de l'académie royale des sciences et Belles-Lettres de Berlin.

Il y a un animal d'une figure informe, dit M. de Fontenelle, et il dit vrai, habitant de la mer, des rivières et des étangs, qui ne reçoit sa nourriture et ne respire que par l'anus, qui n'a ni veines ni artères, et dans lequel il ne se fait point de circulation ; il n'est pas seulement hermaphrodite, merveille trop commune ; mais il diffère des autres hermaphrodites connus, en ce qu'il se multiplie indépendamment d'un autre animal de son espèce, et est lui seul le père et la mère, de ce qui vient de lui.

Cet animal étonnant pour dire le mot de l'énigme, c'est la moule ou le moule ; car comme il est de deux sexes, nous l'avons fait dans notre langue, masculin et féminin.

Sa singularité a attiré les réflexions de MM. Van-Heyde, Poupart, Mery, Réaumur, qui à l'envi les uns des autres, ont tâché de le connaître. Je me flatte donc qu'il n'y aura personne qui ne soit bien-aise de trouver ici un extrait des découvertes faites sur cet étrange poisson, par d'aussi bons Physiciens que sont ceux que je viens de nommer. Le naturaliste, l'anatomiste et le physiologicien y doivent prendre intérêt.

Cette espèce de poisson renfermé entre deux coquilles, qui sont ordinairement convexes et concaves, est le mytulus ou le musculus des Icthyologistes.

Division des moules. Il y a des moules de mer, d'étangs et de rivières.

Les unes et les autres s'ouvrent, se ferment, sortent de leurs coquilles ; ils rentrent, s'enterrent dans le sable ou dans la glaise des rivières, marchent, ont un mouvement progressif, s'attachent où elles veulent, respirent, et quelques-unes voltigent sur la superficie de l'eau. Toutes sont androgynes, ont une conformation singulière, des maladies et des ennemis ; développons les vérités curieuses.

Suivant toute apparence, les coquillages sont les premiers poissons que les hommes ont connu, et qu'ils se sont avisés de manger, car il s'est passé beaucoup de temps avant qu'on ait inventé la ligne, l'hameçon, les retz, les nasses, et tous les instruments nécessaires à la pêche des autres poissons. Mais pour ce qui est des coquilles, il n'a fallu dès le commencement du monde, que se baisser pour les prendre.

De l'ouverture de la coquille des moules. Van-Heyde a inutilement cherché de quelle manière s'ouvrent les moules, comme il parait dans son traité de l'anatomie de la moule ; mais M. Poupart nous l'a expliqué.

Toutes les espèces de moules, et même tous les coquillages à deux coquilles, ont un ligament coriace qui tient liées les deux coquilles ensemble à la partie postérieure qu'on appelle talon, et qui les fait aussi ouvrir par son ressort ; en voici le mécanisme.

Lorsque les moules ou autres coquillages ferment leurs coquilles, par la contraction de leurs muscles, le ligament qui est entre les bords de ce que l'on appelle talon, est comprimé et reste en cet état pendant que les muscles sont raccourcis ; mais quoique ce ligament soit assez dur, il a pourtant quelque chose de spongieux, de sorte qu'il arrive qu'en se gonflant, il pousse les deux coquilles et les fait un peu ouvrir, quand les muscles se relâchent.

Le ligament à ressort des moules de mer, est différent de celui des moules de rivière. Celui de l'huitre en diffère aussi, et si l'on examinait les ligaments qui font ouvrir toutes les différentes espèces de coquilles, il est vraisemblable qu'on trouverait à cet égard dans la plupart, quelque chose de particulier.

Manière dont les moules se ferment, entrent dans leur coquille, et s'enterrent dans le sable. Toutes les moules se ferment par la contraction des deux gros muscles fibreux, qui sont intérieurement attachés à chaque bout des coquilles, et ces coquilles se ferment si exactement, qu'à peine l'eau en peut sortir ; on Ve dire la manière dont cela s'exécute.

Toutes les espèces de moules ont leurs coquilles bordées tout-autour, d'une membrane qu'on pourrait appeler épiderme, parce que c'est une continuité de la couche extérieure des coquilles : ces membranes s'appliquent si exactement l'une contre l'autre quand elles sont mouillées, que la moindre goutte d'eau ne saurait sortir de la moule.

Outre cette membrane, il y a tout-autour du bord intérieur de chaque coquille un ligament. Ces ligaments qui portent l'un contre l'autre quand les coquilles se ferment, empêchent encore que l'eau ne sorte, et même que les coquilles ne se cassent sur les bords pendant la grande contraction des muscles.

Il y a des coquilles de quelques espèces de moules qui sont jointes par l'articulation que nous nommons ginglyme.

Les moules peuvent rentrer dans leurs coquilles par le moyen d'une membrane musculeuse, dont la grosse glande qui sort de la coquille en forme de langue, est toute enveloppée. Quand cette membrane se contracte, la glande qui de sa nature est molle et flasque, devient une petite masse dure et ridée après qu'on l'a maniée, comme il arrive aux limaçons après qu'on les a touchés.

Lorsque les moules sentent le froid, elles s'enterrent dans le sable. Pour s'y enterrer, elles sortent en partie de leurs coquilles en forme de langue, qu'elles trainent lentement à droite et à gauche, afin de remuer le sable, dont elles se trouvent toutes couvertes en moins d'une demi-heure de temps.

Mouvement progressif des moules. La structure des moules est telle, qu'il semble qu'elles ne devraient avoir de mouvement que celui qu'elles reçoivent de l'agitation des eaux ; cependant elles marchent toutes ; quelques-unes s'attachent aux rochers, et quelques-unes voltigent sur la superficie de l'eau : voyons comment elles marchent.

étant couchées sur le plat de leurs coquilles, elles en font sortir une partie en forme de langue, et qu'on peut nommer jambes ou bras par son usage ; elles s'en servent pour creuser le sable ou la glaise des rivières. En creusant de la sorte, elles baissent insensiblement d'un côté, et se trouvent sur le tranchant de leurs coquilles, le dos ou talon en-haut : elles avancent ensuite peu-à-peu leur tête, pendant une ou deux minutes, et elles l'appuient pour attirer leurs coquilles à elles, réitérant ce mouvement tant qu'elles veulent marcher ; de cette manière, elles font des traces irrégulières, qui ont quelquefois jusqu'à trois ou quatre aunes de long, dans lesquelles elles sont à moitié cachées.

On voit pendant l'été plusieurs de ces traces dans les rivières, où il y a beaucoup de moules ; c'est ainsi que ces petits poissons cherchent leur vie, et qu'ils se promenent çà et là, en labourant la terre avec le tranchant de leurs coquilles, marchant toujours le talon en devant.

Ces routes creuses servent d'appui aux moules pour les soutenir sur le coupant de leurs coquilles, et en fouissant la terre çà et là, elles attrapent apparemment quelques frayes de poisson ou autres petits aliments dont elles vivent.

M. de Réaumur a trouvé une mécanique semblable dans les moules de mer ; suivant lui, ce qu'on peut appeler leurs jambes ou leurs bras, et qui dans son état naturel est long de deux lignes, peut sortir de deux pouces hors de la coquille ; l'animal ayant saisi quelque endroit fixe avec ses bras, les raccourcit ensuite, en s'avançant et se trainant. M. Mery n'est pas d'accord avec MM. Poupart et Réaumur, sur le mouvement progressif des moules. Il prétend que leur ventre entier, qui, quand elles veulent, sort de deux pouces hors de leurs coquilles, sous la figure de la carene d'un navire, rampe sur la vase, comme ferait sur la terre le ventre du serpent, par les seules contractions alternatives de leurs muscles.

Les moules de mer s'attachent par des fils aux corps voisins. Les moules de mer ont une façon de s'attacher singulière ; elles jettent hors d'elles des fils gros comme un gros cheveu, longs tout au plus de trois pouces et quelquefois au nombre de 150 avec quoi elles vont saisir ce qui les environne, et plus souvent des coquilles d'autres moules. Ces fils sont jetés en tout sens, et elles s'y tiennent comme à des cordes, qui ont des directions différentes : non-seulement M. de Réaumur a Ve qu'elles les filaient, et que quand on les leur avait coupés, elles en filaient d'autres, mais il a découvert le curieux détail de mécanique qu'elles y emploient ; donnons-en un léger crayon.

Personne n'ignore qu'il y a au milieu de la moule une petite partie noire ou brune, qui par sa figure ressemble fort à une langue d'animal. Dans les plus grosses moules, cette espèce de langue a environ 5 à 6 lignes de longueur, et deux lignes et demie de largeur ; elle est plus étroite à son origine et à son extrémité.

De la racine de cette espèce de langue, ou de l'endroit où elle est attachée au corps de l'animal, partent un grand nombre de fils, qui étant fixés sur les corps voisins, tiennent la moule assujettie ; les fils sortent de la coquille par le côté où elle s'entr'ouvre naturellement ; ils sont attachés par leur extrémité sur les corps qui entourent la moule sur des pierres ; par exemple, sur des fragments de coquilles, et plus souvent sur les coquilles des autres moules. De-là vient qu'on trouve communément de gros paquets de ces coquillages.

Ces fils sont autant éloignés les uns des autres, que leur longueur et leur nombre le peuvent permettre ; les uns sont du côté du sommet de la coquille, les autres du côté de la base. Les uns sont à droite, les autres sont à gauche ; enfin, il y en a en tout sens sur tous les corps voisins de la moule. Ils font comme autant de petits câbles, qui tirant chacun de leur côté, tiennent pour ainsi dire la moule à l'ancre.

L'observation de ces fils est une chose très-connue ; et quand on nous apporte des moules de mer qui n'en sont pas entièrement dépouillées, les cuisiniers ont soin de leur arracher ce qui en reste, avant que de les faire cuire.

La difficulté n'est pas de savoir, si on doit prendre ces fils pour une espèce de chevelure de la moule, qui croit avec elle, et qui l'attache nécessairement, parce que personne n'ignore que ce poisson les ourdit à sa volonté et dans le lieu qui lui plait ; mais il s'agit de savoir de quelle adresse les moules se servent pour s'attacher avec ces fils, et comment elles peuvent les coller par leur extrémité.

Pour cet effet, elles font sortir de leur coquille la partie que nous avons dépeinte tout-à-l'heure sous la figure d'une langue, et de la base de laquelle partent différents fils ; elles allongent cette espèce de langue ou de trompe, la raccourcissent après l'avoir allongée ; ensuite elles l'allongent encore davantage et la portent plus loin. Après plusieurs allongements et raccourcissements alternatifs, elles la fixent quelque-temps dans un même endroit, d'où la retirant ensuite avec vitesse, elles font voir un fil, par lequel elles sont attachées dans l'endroit où elles sont restées appliquées le plus longtemps.

C'est en recommençant diverses fois la même manœuvre qu'une moule s'attache en différents endroits ; ainsi cette langue leur sert à s'attacher et à coller sur les corps voisins les fils qui partent de sa racine. Les fils récemment collés sont plus blancs, et en quelque façon plus transparents que les anciens.

Si l'on dépouille la moule de ces fils, elle a l'art d'en filer de nouveaux ; la mer a des fileuses dans les moules, comme la terre dans les chenilles, et la partie qui sert à cet usage, que nous avons considéré sous l'image grossière d'une langue, est encore destinée à d'autres fins fort différentes.

En effet, elle est aussi la jambe ou le bras de la moule ; celles qui par quelques accidents se trouvent détachées, s'en servent pour marcher. Elles l'allongent et la recourbent ainsi qu'elles font pour filer, et de cette manière, elles obligent leur coquille à aller en avant ; mais ce n'est plus ni comme bras, ni comme jambe, que nous devons l'envisager ici, elle en fait rarement les fonctions, nous la devons regarder comme filière.

Quoique dans la plus grande partie de son étendue, elle soit plate comme une langue ; cependant vers son origine, elle est arrondie en cylindre, son autre extrémité ou sa pointe est à-peu-près faite comme la pointe d'une langue ; divers ligaments musculeux sont attachés auprès de sa racine, et la tiennent assujettie.

Il y en a quatre principaux qui peuvent servir à mouvoir cette partie en tout sens ; il règne une raie ou une fente qui la divise selon sa longueur, en deux parties égales ; cette fente est un vrai canal, et c'est dans ce canal que passe la liqueur qui forme les fils, c'est-là où se moule cette liqueur ; ce canal est creux et a de la profondeur.

Il est aussi probablement le réservoir, dans lequel s'assemble la liqueur qui fournit ensuite des fils ; car il est entouré de diverses parties glanduleuses propres à filtrer la liqueur gluante, destinée à composer les fils. La moule, comme la plupart des animaux marins, abonde en cette sorte de matière.

Par tous ses mouvements dont nous avons parlé, elle comprime apparemment les parties glanduleuses qui contiennent ce suc gluant. Ce suc exprimé des parties qui le contiennent, se rend dans le réservoir, et la moule le fait monter dans le canal, en allongeant et raccourcissant alternativement sa filière. La liqueur conduite au bout du canal forme un fil visqueux, qui prend de la consistance avec le temps : cette matière visqueuse trouve prise sur les corps les plus polis, sur le verre même, mais cette liqueur s'épuise aisément ; une moule ne fait guère plus de quatre à cinq fils dans un jour.

Au reste, quelque jeunes que soient les moules, elles savent filer. Celles-là même qui sont aussi petites que des grains de millet, forment des fils très-courts et très-fins ; aussi sont-elles assemblées en paquets comme les grosses moules. A mesure qu'elles croissent, elles forment des fils plus forts et plus longs pour se fixer.

Cette mécanique est différente de celle des vers, des chenilles et des araignées. Si l'art de filer est un art commun aux moules et à divers animaux terrestres, tout ce que nous avons rapporté fait assez voir, que la mécanique qu'elles y emploient leur est particulière. Les vers, les chenilles, les araignées, tirent de leur corps des fils aussi longs qu'il leur plait en les faisant passer par un trou de filière : leur procedé ressemble à celui des Tireurs d'or. Le procedé des moules, au contraire, ressemble à celui des ouvriers qui jettent les métaux en moule. Le canal de leur filière est un moule où le fil prend sa figure, et une longueur déterminée.

Peut-être au reste, que comme les vers, les araignées et les chenilles, elles ne travaillent que dans certains mois de l'année. Du moins, celles que M. de Réaumur a renfermées dans des vases pendant les mois de Juillet, d'Aout et de Septembre, ont filé, et il n'a Ve former aucuns fils à celles qu'il a mis dans de pareils vases pendant le mois d'Octobre ; il en a pourtant trouvé quelques-unes, qui pendant ce dernier mois, ont filé dans la mer.

On ignore si les moules peuvent détacher les fils, avec lesquels elles se sont une fois fixées. Mais l'on propose ici une question, qui n'est pas facîle à résoudre. L'on demande, si les moules peuvent défaire, user, détruire à leur gré les fils avec lesquels elles se sont attachés ? L'expérience suivante de M. de Réaumur, semble prouver qu'elles n'ont point l'art d'y parvenir.

Après avoir laissé des moules s'attacher contre les parois d'un vase plein d'eau de mer, il ôta cette même eau de mer, sans laquelle elles ne forment point de fils dans le vase, et il l'ôta de manière, que quelques-unes en étaient entièrement privées, et que d'autres la touchaient seulement du bord de leur coquille ; elles étaient donc alors dans une situation violente ; si elles eussent eu l'habileté de se détacher, c'était le temps d'en faire usage pour aller chercher un fluide qui leur est si nécessaire ; néanmoins, il n'y en eut aucune qui tantât de rompre les fils qui la retenaient.

Il est vrai qu'elles ont un mouvement progressif, et qu'elles changent de place, mais c'est avant que d'être liées par leurs fils. Il est vrai encore, qu'on en trouve souvent de libres qui ont de gros paquets de fil ; mais divers accidents peuvent avoir brisé ces fils, sans que l'adresse des moules y ait eu part.

D'un autre côté, si elles n'ont pas l'art de se détacher de leurs liens, il semble qu'on devrait fréquemment les trouver mortes, parce qu'elles ne peuvent, suivant les apparences, subsister toujours dans le même lieu où elles se sont fixées pour la première fais.

Quoi qu'il en sait, on ignore encore, si elles ont le talent de se mettre en liberté, d'aller planter le piquet à leur gré dans divers endroits, et en ce cas, quelle industrie elles emploient pour briser leurs chaînes. La mer est un autre monde peuplé d'animaux, dont le génie et les talents nous sont bien inconnus.

Voltigement d'une espèce de moule. Aristote dit qu'on lui a rapporté, qu'il y a une grande espèce de moule qui voltige, et ce philosophe n'a point été trompé, car M. Poupart a Ve de ses yeux que la grande espèce de moule d'étang voltigeait sur la surface de l'eau ; il explique la chose de la manière suivante.

Ces grandes espèces de moules ont des coquilles qui sont fort légères, très-minces, et si grandes, qu'elles en peuvent battre la superficie de l'eau, comme les oiseaux battent l'air avec leurs ailes ; il y a au dos de ces coquilles, un grand ligament à ressort en manière de charnière, et au-dedans deux gros muscles qui les ferment. C'en est assez pour voltiger, car il suffit pour cela que ces ressorts agissent promptement l'un après l'autre, et qu'elles frappent l'eau avec assez de force et de vitesse ; ce qui favorise encore ce mouvement, c'est que le ginglyme qui se trouve dans les autres coquilles, qui ne voltigent point, ne se rencontre pas dans celles-ci, il serait embarrassant.

Anatomie des moules. Ce qu'on peut appeler tête dans la moule, quoiqu'on n'y trouve point d'yeux, ni d'oreilles, ni de langue, mais seulement une ouverture, qu'on nomme bouche, est une partie immobîle et attachée à une des coquilles, de sorte qu'elle ne peut aller chercher la nourriture, il faut que la nourriture vienne chercher la moule. Cette nourriture n'est que de l'eau qui, lorsque les coquilles s'ouvrent, entre dans l'anus de la moule qui s'ouvre en même temps, passe de-là dans certains réservoirs ou canaux, compris entre la superficie intérieure de la coquille et la superficie extérieure de l'animal, et enfin Ve se rendre dans la bouche de cet animal, quand il l'y oblige par un certain mouvement.

Au fond de la bouche se présentent deux canaux pour recevoir l'eau ; l'un jette dans le corps de la moule plusieurs branches, dont une Ve se terminer au cœur ; l'autre est une espèce d'intestin qui d'abord passe par le cerveau, de-là fait plusieurs circonvolutions dans le foie, ensuite traverse le cœur en ligne droite et Ve finir dans l'anus.

Ce cerveau et ce foie ne le sont guère qu'autant que l'on veut. Le cœur est un peu davantage un cœur. Il a les mouvements de systole et de diastole, alternatifs dans le ventricule et dans les oreillettes ; l'eau qui lui est apportée par son canal, entre du ventricule dans les oreillettes, retourne des oreillettes dans le ventricule, et fait une légère représentation de circulation sans aucun effet apparent ; car une fois arrivée dans ce cœur, elle n'a plus de chemin pour en sortir. Que devient donc l'amas qui s'y en doit faire ? Apparemment il ne se fait point d'amas, parce que l'animal ne fait pas continuellement couler de l'eau par sa bouche dans son cœur ; et que quand il y en fait entrer une certaine quantité, les contractions du cœur l'expriment au travers de ses pores, et la poussent dans les parties voisines qui s'en abreuvent et s'en nourrissent.

Le canal que M. Méry nomme intestin, et qui, aussi-bien que l'autre, reçoit immédiatement l'eau de la bouche, ne parait pas propre à porter la nourriture aux parties, parce qu'il n'a point de branches qui s'y distribuent. Cependant il contient vers son commencement et vers sa fin des matières assez différentes, dont les premières pourraient être de l'eau digérée, c'est-à-dire les sucs nourriciers qui en ont été tirés, et les autres en seraient l'excrément.

La moule ne peut respirer que quand elle s'est élevée sur la surface de l'eau, et elle s'y élève comme les autres poissons par la dilatation qu'elle cause à l'air qu'elle contient en elle-même, en dilatant la cavité qui le renferme. Alors c'est encore son anus qui reçoit l'air du dehors et le conduit dans ses poumons ; mais il faut qu'il ne lui soit pas fort nécessaire, car elle est presque toujours plongée au fond de l'eau.

Elle a des ovaires et des vésicules séminales. Ces deux espèces d'organes sont également des tuyaux arrangés les uns à côté des autres, tous fermés par un même bout, et ouverts par le bout opposé. On ne distingue pas ces parties par leur structure qui est toute pareille à la vue, mais par la différence de ce qu'elles contiennent et d'autant plus que les ovaires sont toujours pleins d'œufs en hiver et vides en été, et que les vésicules sont en toute saison également peu remplies de leur lait, qui par conséquent parait s'en écouler toujours. Tous les tuyaux se déchargent dans l'anus, et M. Méry conçoit que quand les œufs vont s'y rendre dans la saison de leur sortie, ils ne peuvent manquer d'y rencontrer le lait ou la semence qui les féconde.

Voilà la description générale des parties du corps de la moule, je n'ajouterai que deux mots sur la structure de chacune en particulier.

Sa bouche est garnie de deux lèvres charnues ; ces deux lèvres sont fort étroites à l'entrée de la bouche qui est placée entre le ventre et le muscle antérieur des coquilles, mais en s'éloignant de cet endroit, ces deux lèvres s'élargissent.

Le foie est un amas de petits globules, formés de l'assemblage de plusieurs grains glanduleux, qui remplissent de telle sorte toute la capacité du ventre, qu'ils ne laissent aucun vide entre ses parais, ni entre les circonvolutions de l'intestin auquel ils sont intimement unis. Cette glande est abreuvée d'une liqueur jaune, qui s'écoule par plusieurs ouvertures dans l'intestin.

La structure du cœur est surprenante ; à la vérité, sa figure conique n'est pas extraordinaire, mais sa situation est différente de celle du cœur des autres animaux ; car outre qu'il est placé immédiatement sous le dos des coquilles et au-dessus des poumons, sa base est tournée du côté de l'anus, et sa pointe regarde la tête de la moule. D'ailleurs il n'a qu'un seul ventricule et a cependant deux oreillettes. De plus, il n'a ni veines ni artères. Le cœur de ce poisson est renfermé avec ses oreillettes dans un péricarde, que M. Méry a trouvé rempli de beaucoup d'eau, sans jamais avoir pu en découvrir la source.

L'intestin commence dans le fond de la bouche de la moule, passe par le cerveau, fait toutes ces circonvolutions dans le foie, et vient finir dans l'anus, dont le bord est garni de petites pointes pyramidales, et le dedans de petits mamelons glanduleux.

La conformation de ses poumons n'est pas moins extraordinaire que celle de son cœur et de ses intestins ; la voie par laquelle elle respire, est diamétralement opposée à celle des autres poissons. Dans la carpe et le brochet, l'air entre par le nez ou la bouche ; au contraire dans la moule il passe par l'anus dans les poumons.

Les poumons de la moule sont situés entre le péricarde et les parties de la génération, l'un à droite, l'autre à gauche ; ils ont environ 3 pouces de long, et 5 à 6 lignes de large dans les plus grands de ces poissons. Leur figure est cylindrique ; leur membrane propre est tissue de fibres circulaires qui les partagent en plusieurs cellules qui ont communication les unes avec les autres. Ils sont abreuvés d'une humeur noire, dont ils empruntent la couleur. Entr'eux règne un canal de même figure et longueur, mais d'un plus petit diamètre et sans aucune teinture. Les deux poumons et ce canal sont séparément renfermés dans une membrane, de sorte que chacun a la sienne particulière.

La moule a deux ovaires qui contiennent les œufs de ce poisson, deux vésicules séminales qui renferment la semence qui est blanche et laiteuse. C'est par ces quatre canaux que les œufs et la semence de la moule se rendent dans l'anus, où ces deux principes s'unissent ensemble en sortant, ce qui suffit pour la génération. Ce poisson peut donc multiplier sans aucun accouplement, et c'est sans doute par cette raison qu'il n'a ni verge, ni matrice ; c'est donc un androgyne d'une espèce singulière.

Pour ce qui est de la sortie des excréments, on peut croire qu'elle se fait par la contraction des muscles circulaires de l'intestin qui sont en grand nombre, et par paquets. Pour les voir, il faut couper l'intestin tout-du-long, ôter les excréments et le bien déployer. On remarquera vers la base de la glande à laquelle l'intestin est attaché, plusieurs gros trousseaux de fibres, qui vont tout-au-tour de l'intestin, toujours en diminuant de leur grosseur, à mesure qu'ils s'éloignent de leur origine.

Maladies des moules. Les moules de rivière sont sujettes à diverses maladies, comme sont la mousse, la gale, la gangrene et même le sphacele.

Lorsque les moules vieillissent, il s'amasse insensiblement sur leurs coquilles une espèce de chagrin, qui est une mousse courte, semblable à celle qui nait sur les pierres. Cette mousse pourrait bien être la première cause des maladies qui arrivent aux moules, parce que ses racines entrant peut-être dans la substance des coquilles, ces petites ouvertures donnent issue à l'eau qui les dissout peu-à-peu.

On voit quelquefois sur les coquilles certaines longues plantes filamenteuses et fines comme de la soie. Cette chevelure, que les Botanistes appellent alga, peut causer les mêmes maladies que la mousse. Outre cela, elles incommodent beaucoup les moules, parce qu'elles les empêchent de marcher facilement ; et quand ces plantes s'attachent aux coquilles par un bout, et à quelques pierres par l'autre, les moules ne peuvent plus marcher.

Il se forme des tubercules sur la superficie intérieure de la coquille qu'on pourrait appeler des galles. Elles naissent apparemment de la dissolution de la coquille qui venant à se gonfler, soulève et détache la feuille intérieure, comme font les chairs qui naissent sous la lame extérieure de l'os altéré et la font exfolier. On trouve de ces tubercules qui sont aussi gros que des pais, qu'on prendrait pour des perles.

Les coquilles se dissolvent quelquefois peu-à-peu, et deviennent molles comme des membranes qu'on peut arracher par pièces. Cela pourrait faire croire que les coquilles sont des membranes endurcies comme sont les os, qui en certaines maladies deviennent aussi mous que du drap.

Animaux qui percent les moules. Il ne parait pas que les petits crabes qu'on trouve dans les moules, les huitres et autres coquillages, s'y renferment, comme quelques-uns l'ont cru, pour manger les poissons. On trouve souvent de ces crabes dans des coquilles dont les poissons sont fort sains, et il parait plutôt que c'est le hasard qui les y jete, lorsque la coquille se ferme. Voyez là-dessus l'article PINNE MARINE.

Mais il y a un autre coquillage de l'espèce de ceux qu'on appelle en latin frochus ou furbo, parce que sa coquille qui est d'une seule pièce est tournée en spirale, qui se nourrit effectivement de moules. La moule si bien enfermée entre ses deux coquilles, ne paraitrait pas devoir être la proie de ce petit animal ; elle l'est cependant. Il s'attache à la coquille d'une moule, la perce d'un petit trou rond par où il passe une espèce de trompe qu'il tourne en spirale, et avec laquelle il suce la moule.

On ne conçoit pas aisément comment il perce la moule, car il n'a aucun instrument propre à cela ; peut-être pour la percer, répand-il sur sa coquille quelques gouttes de liqueur forte. On voit quelquefois plusieurs de ces trous sur une même moule ; et quand on trouve des coquilles de moules vides, on y trouve presque toujours de ces trous ; ce qui fait juger que ces coquillages ne contribuent pas peu à détruire les moulières.

Moules extraordinaires. Si l'on en croit les voyageurs, on voit en quelques endroits du Brésil des moules si grosses, qu'étant séparées de leurs coquilles elles pesent quelquefois jusqu'à six onces chacune ; et les coquilles de ces grosses moules sont d'une grande beauté.

Vertus attribuées aux moules. Il fallait bien que quelques auteurs attribuassent des vertus médicinales à la moule et à sa coquille ; aussi ont-ils écrit que ce poisson était détersif, résolutif, dessicatif ; que sa coquille broyée sur le porphyre était apéritive par les urines et propre pour arrêter le cours de ventre, enfin que la coquille de la moule de rivière était bonne pour déterger et consumer les cataractes qui naissent sur les yeux des chevaux, en soufflant dedans cette coquille pulvérisée.

Mais tout le monde rit de pareilles futilités. En admirant la singularité du poisson, on le regarde non seulement comme inutîle en médecine, mais comme nuisible à la santé en qualité d'aliment. Les maladies auxquelles la moule est sujette, et les ébullitions qu'elle cause à diverses personnes dans certains temps de l'année, en sont une bonne preuve.

Les Physiciens qui méritent d'être consultés sur les moules sont D. Poupart, dans les Mém. de l'acad. roy. des Scienc. 1706 ; M. Méry, dans lesdits Mém. année 1710 ; M. de Reaumur, dans les mêmes Mém. année 1710 et 1711 ; Ant. de Heyde, dans son Anatomia mytuli, Amstael. 1684, in -8°. (D.J.).

MOULES, (Pêche). Les petits bâtiments ou bateaux qui viennent d'Honfleur, du Havre, de Dieppe, des autres ports de la côte de Caux, et de l'embouchure de la Seine pour charger des moules sur la côte de Grancamp, s'y viennent échouer, et y restent à sec toutes les marées, jusqu'à ce que ceux qui ramassent ces moules à la main leur aient fourni de quoi faire leur cargaison ; quelquefois, pour ne point tant tarder sur cette côte, les maîtres de ces petits bâtiments préviennent leurs facteurs par des ordres de ramasser d'avance ce coquillage, afin que le bâtiment pour lequel il est destiné, n'ait qu'à le charger à son arrivée.

Si les temps deviennent orageux, et que le chargement ne se puisse faire, ou que les équipages tardent trop à venir enlever les moules, ces coquillages sont perdus pour le compte de ceux qui les ont ordonnés.

La côte de Grancamp est une rade foraine ; il n'y a point de port ; le mouillage y est bon ; et de la côte où se tiennent les bateaux et les petits bâtiments qui y abordent, on découvre près d'une lieue ; dans le temps des grandes marées, il entre de pleine mer cinq à six brasses d'eau dans le lieu du mouillage.

Il aborde à Grancamp des bateaux et des petits bâtiments de 10, 11 à 15 tonneaux, qui y sont en sûreté, si les ancres et les câbles ne manquent pas.

Les maîtres des bâtiments jettent leur lest sur les roches, et ceux qui se lestent en prennent au même endroit où ils sont mouillés ; sur quoi il n'y a aucune autre police à observer.

MOULE, (Gram. et Arts mécaniques). On appelle de ce nom en général tout instrument qui sert ou à donner ou à déterminer la forme à donner à quelque ouvrage. Il n'y a rien de si commun dans les arts que les moules. Il y a bien des choses qui ne se feraient point sans cette ressource, et il n'y en a aucune qui ne se fit plus difficilement, et qui ne demandât plus de temps. Nous n'entrerons pas ici dans le détail de tous les moules qu'on emploie dans les ateliers ; nous en allons donner quelques-uns, renvoyant pour les autres aux ouvrages qu'on exécute par leur moyen. Voyez donc les articles suivant, et l'article MOULER.

MOULES, s. m. pl. (Hydraulique) on appelle ainsi des boites de cuivre de deux à trois pieds de long qui servent à mouler des tuyaux de plomb dont les plus ordinaires ont 4, 5 et 6 pouces : on en fait jusqu'à 18 pouces de diamètre, et de 7 lignes d'épaisseur. Les plus petits moules sont pour des tuyaux de trois quarts de ligne.

MOULE DE MAÇON, (Architecture) c'est une pièce de bois dur ou de fer creusé en-dedans, suivant les moulures des contours ou corniches, etc. qu'on veut former. On l'appelle aussi calibre. Voyez CALIBRE et PANNEAU.

MOULE DE FUSIL, (Artificier) c'est un canon de bois ou de métal, dans lequel on introduit la cartouche vide et étranglée par un bout, afin qu'il soit appuyé pour résister à la force de la pression de la matière combustible qu'on y foule à grands coups de maillet.

La base de ce moule, qui est une pièce mobile, s'appelle culot ; c'est elle qui résiste à la pression verticale, et le canon à l'horizontale.

On appelle aussi moule toutes pièces de bois qui servent à former des cartouches de différentes figures, comme ceux des pots, des ballons, des vases, etc.

MOULE, chez les Batteurs d'or, signifie un certain nombre de feuilles de vélin ou de parchemin coupé carrément et d'une certaine grandeur, qu'on met l'une sur l'autre, et entre lesquelles on place les feuilles d'or ou d'argent qu'on bat sur le marbre avec le marteau. On compte quatre espèces de ces moules, deux de vélin, et deux de parchemin ; le plus petit de ceux de vélin contient quarante ou cinquante feuilles, et le plus grand en contient cent ; pour ceux de parchemin, ils en contiennent cinq cent chacun. Voyez l'article suivant.

Ces moules ont chacun leurs étuis ou boites, qui sont faits de deux pièces de parchemin, lesquelles servent à assujettir les feuilles du moule en leur place, et à empêcher qu'elles ne se dérangent en battant. Voyez BATTEUR D'OR.

Les Batteurs d'or appellent aussi moule un livre de boyau de bœuf extrêmement fin, contenant huit cent cinquante feuilles, non compris cent d'emplures. Voyez EMPLURES. Voyez aussi CHAUDRAY et CAUCHER. Tout ce qui le distingue du premier, c'est la finesse, et le fond qu'il faut lui donner toutes les fois qu'on s'en sert. C'est dans cet outil que l'or battu acquiert le degré de perfection nécessaire.

MOULES, en terme de Boutonnier, c'est le bois qui sert de fondement au bouton. Les moules des boutons de soie, de poil et soie, d'or et d'argent, façonnés ou unis, ne se font point à Paris, mais la plupart en Lorraine. Nous ne parlerons donc ici que de ceux qui servent pour les boutons planés. Ils sont de bois de noyer, de la forme des autres, aux quatre trous près, dans lesquels on passe la corde à boyau. On commence par scier la matière de l'épaisseur de moins d'une ligne et demie, ensuite on la fait sécher à la fumée, autrement elle s'écorcherait ; on la trace, on la marque, on la perce, on la pare sous l'outil, on la tire, et on la polit, voyez tous ces mots à leurs articles ; et dans cet état on l'envoie chez le boutonnier planeur, pour la mettre en œuvre. La marque, le parois et le traçoir sont arrêtés dans la poupée du rouet, voyez ROUET, et la molette qui leur sert de manche, les fait tourner ; on ne fait que leur présenter la planche double d'une autre, pour ne se point faire de mal aux doigts.

MOULE, c'est aussi un morceau de bois plat, garni de deux pointes de fil-d'archal un peu hautes, autour desquelles on plie toutes les différentes sortes de pompons. Voyez POMPONS.

MOULE DECOURONNE, en terme de Boutonnier, c'est un moule de bouton percé d'un trou à son milieu, beaucoup plus large en-dessous qu'en-dessus ; c'est dans ce trou que le fil d'or ou de soie cordonné ou luisant se tourne, et c'est ce trou qui l'arrange. Voyez ROULER.

MOULE, terme de Boutonnier ; est un petit morceau de bois tourné, arrondi d'un côté, aplati de l'autre, et percé au centre, sur lequel les Boutonniers arrangent les fils d'or et d'argent, de crin, etc. dont ils veulent faire des boutons. Voyez BOUTONS.

Voyez Pl. du Bouton. les figures d'un moule de bouton, dans lequel on a fiché quatre pointes, qui servent à retenir la soie ou le filé dont un bouton jeté est fait ; on les ôte après qu'il est achevé.

MOULES, terme de Cartier, ce sont des planches de bois, sur lesquelles sont gravées les figures des différentes cartes qui composent un jeu, et les enseignes et adresses qui se mettent sur les feuilles de papier qui servent à envelopper les jeux de cartes et les sixains. Voyez les fig. Pl. du Cartier qui représente les moules des figures.

MOULE, (Chandelier) il est d'étain, de plomb ou de fer blanc, et est composé de trois pièces, le collet, la tige et le culot ou pied ; la tige est un cylindre creux, de longueur et de grosseur suivant la chandelle ; le collet est un petit chapeau cavé en-dedans, avec une moulure, percé au milieu, d'un trou assez grand pour passer la meche, et soudé à ce moule ; à l'autre extrémité est le culot, qui est une espèce de petit entonnoir par où on coule le suif dans le moule. Le culot est mobile, s'ajustant à la tige, lorsqu'on veut placer la meche dans le moule, et se retirant lorsqu'on veut retirer la chandelle du moule. Au-dedans du culot est une aîle de même métal, soudée, laquelle avance jusqu'au centre, ce qu'on appelle crochet du culot ; il sert à soutenir la meche. Un peu au-dessous du culot, à la tige, est un cordon de même métal, qui sert à soutenir le moule sur la table à mouler. Voyez la figure qui représente un moule, et la figure qui représente la table à mouler.

MOULE, les drouineurs, c'est-à-dire, les petits chauderonniers qui courent la campagne pour raccommoder les vieux ustensiles de cuisine, ont coutume de porter avec eux deux sortes de moules ; l'un pour fondre les cuillières d'étain, et l'autre pour faire de petites salières de même métal.

Ces moules sont de fer, et s'ouvrent en deux par le moyen de leurs charnières. On coule les cuillières par le manche, et les salières par le côté. Ces moules ont des queues de fer pour les tenir.

Quand l'ouvrage est fondu et refroidi, on l'ébarbe avec un petit instrument de fer très-tranchant, en forme de serpillon, qu'on nomme ébarboir. Voyez ce mot.

MOULE, en terme d'Epinglier, c'est un brin de fil de laiton, un peu plus gros que l'épingle, sur lequel on goudronne le fil qui en doit faire la tête. Voyez GOUDRONNER. Voyez les fig. Pl. de l'Epinglier.

MOULE, (Fonderie). Les Fondeurs en bronze se servent de deux sortes de moules. Le premier est ordinairement de plâtre, pour avoir le creux du modèle ; et le second est fait de potée et d'une terre composée : c'est dans celui-ci que coule le métal.

Le moule de plâtre est fait de plusieurs assises, suivant la hauteur de l'ouvrage : on observe d'en mettre les jointures aux endroits de moindre conséquence, à cause que les balèvres que fait ordinairement la cire dans ces endroits-là, en sont plus aisées à réparer ; et l'on fait aussi en sorte que les lits desdites assises soient plus bas que les parties de dessous. Voyez FONDERIE. Voyez les figures de la Fonderie des fig. equestres.

MOULE DE POTEE, terme de Fonderie, est celui que l'on couche sur la cire quand elle est bien réparée, et c'est dans ce moule qu'on fait couler le bronze. On compose ce moule de potée de 3/6 de terre de Châtillon aux environs de Paris, avec 1/6 de fiente de cheval qu'on a laissé pourrir ensemble pendant l'hiver, 2/6 de creuset blanc, et moitié du poids total de terre rouge semblable à celle du noyau. On réduit cette matière en poudre tamisée, &, avec des brosses, on en fait des couches sur la cire, en alliant cette poudre de potée avec des blancs d'œufs. Lorsque le moule de potée est achevé, on le soutient par des bandages de fer qu'on met particulièrement dans les parties inférieures de l'ouvrage, comme étant les plus chargées.

MOULE, terme de Fondeur de cloche, c'est un composé de plusieurs couches ou enveloppes de maçonnerie, qui servent à la fonte des cloches. Le moule d'une cloche est composé de quatre parties, savoir le noyau, le modèle, la chape, et le bonnet. Voyez l'article FONTE DES CLOCHES.

MOULE à fondre les caractères d'Imprimerie, est composé de douze principales pièces de fer parfaitement bien limées, jointes et assujetties ensemble par des vis et écrous, le tout surmonté de deux bois pour pouvoir le tenir, lorsque le moule s'échauffe par le métal fondu que l'on jette continuellement dedans. Ce moule qui a depuis deux jusqu'à quatre pouces de long suivant la grosseur du caractère, sur deux pouces environ de large, le tout sur son plan horizontal, renferme au-moins quarante pièces ou morceaux distinctifs qui entrent dans sa composition, et dont le tout se divise en deux parties égales qu'on appele, l'une, pièce de dessus, et l'autre, pièce de dessous. Ces deux pièces s'emboitent l'une dans l'autre pour recevoir le métal qui y prend la force du corps du caractère, et la figure de la lettre dans la matrice qui est au bout du troisième moule : après quoi on sépare ces deux pièces l'une de l'autre, et il reste à l'une d'elles la lettre toute figée que l'ouvrier sépare avec le crochet qui est à l'autre pièce du moule ; puis les rejoignant ensemble, il recommence de nouveau l'opération jusqu'à trois à quatre mille fois par jour. Voyez CORPS, MATRICES, Planches, fig.

MOULE, en terme de Fondeur en sable, est composé de deux châssis, remplis de sable, qui forment comme deux tables. Les faces intérieures du moule ont reçu l'empreinte des modèles, ce qui fait un vide dans lequel on coule le cuivre, ou autre métal fondu, qui prend ainsi la forme des modèles qui ont servi à former le moule. Voyez l'article FONDEUR EN SABLE.

MOULES, outil de Gainier, ce sont des morceaux de bois de la figure des ouvrages qu'ils veulent faire, qui sont ronds, longs, larges, ou plats, selon le besoin.

MOULES DES ORFEVRES. Les Orfèvres se servent pour mouler leurs ouvrages des moules de sable des Fondeurs, et quelquefois, pour de petits objets, de l'os de seche. Pour se servir utilement de l'os de seche, voici comme on le prépare : on prend deux os de seche dont on coupe les deux bouts, puis on les use du côté tendre sur une pierre plate, jusqu'à ce que l'on ait une surface d'étendue désirée ; sur la fin, on répand sur la pierre plate une poussière de charbon très-fine, qui, par le frottement, s'incorpore dans les pores de l'os de seche et les rend plus serrés ; on y perce trois trous dans lesquels on met des chevilles de bois pour assujettir les deux os à la même place l'un sur l'autre, puis on met son modèle entre deux, et pressant également les deux os, ce modèle imprime sa forme, on le retire, on forme les jets, les communications, et les ouvertures pour l'échappement de l'air à l'approche de la matière, et on le flambe à la fumée de la lampe ou d'un flambeau comme les autres moules.

MOULES, en terme de pain d'Epicier, ce sont des planches de bois de diverses grandeurs, et gravées de différentes figures, sur lesquelles on applique la pièce de pain d'épice que l'on veut figurer. Voyez les figures.

MOULE, (Potier de terre). Les moules des faiseurs de fourneaux et de creusets sont de la même forme des creusets, c'est-à-dire de la forme d'un cone tronqué : ils sont garnis de bras de bois pour les tenir et les tourner lorsqu'ils sont couverts de terre, et que l'ouvrier veut en même temps arrondir ou aplatir son vaisseau. Voyez FOURNEAU.

MOULE, (Lunetier). Les Miroitiers-lunettiers se servent de moules de bois pour dresser et faire les tubes ou tuyaux avec lesquels ils montent les lunettes de longue vue, et quelques autres ouvrages d'optique.

Ces moules sont des cylindres de longueur et de diamètre à discrétion, et suivant l'usage qu'on en veut faire ; mais ils sont toujours moins gros par un bout que par l'autre pour la facilité du dépouillement, c'est-à-dire, pour en faire sortir plus aisément le tuyau qu'on a dressé dessus.

Les tubes qu'on fait sur ces moules sont de deux sortes : les uns, simplement de carton et de papier ; et les autres, de copeaux de bois très-minces, ajoutés au papier et au carton. Lorsqu'on veut faire de ces tubes qui s'emboitent les uns dans les autres, il n'y a que le premier qui se fasse sur le moule, chaque tube que l'on acheve servant ensuite de moule à celui qui doit le couvrir, sans qu'on ôte pour cela le moule du premier. Voyez TUBE.

MOULE DE VIOLONS, (Lutherie). Voyez l'article VIOLON.

MOULE DE PASTILLE, (Parfumeur). Les parfumeurs appellent de ce nom un cornet de fer blanc, creux, et long comme le doigt ; on l'appuie en tournant sur la partie étendue. La pastille reste dedans. On l'en tire en soufflant dans ce cornet par un bout. Voyez les Planches.

MOULES, terme de Papeterie, ce sont de petites tables faites de fils de fer ou de laiton, attachés les uns auprès des autres par d'autres fils de laiton encore plus fins. Les moules, qu'on appelle aussi des formes, sont de la grandeur d'une feuille de papier, et ont tout autour un rebord de bois auquel sont attachés les fils de laiton. Ce sont ces moules qu'on plonge dans la bouillie ou pâte liquide pour dresser les feuilles de papier. Voyez PAPIER.

MOULES DES PLOMBIERS. Ce sont des tables sur lesquelles ils coulent leurs tables de plomb. On les appelle quelquefois tout simplement des tables. Cette table est faite de grosses pièces de bois bien jointes et liées de barres de fer par les extrémités, soutenues par deux ou trois treteaux de charpente ; elle est environnée tout-autour par une bordure de bois de deux ou trois pouces d'épaisseur, et élevée d'environ deux pouces au-dessus de la table ; la largeur ordinaire des tables est de trois ou quatre pieds, et leur longueur de quinze ou vingt pieds.

Sur la table est du sable très-fin qu'on prépare en le mouillant avec un petit arrosoir, et en le labourant avec un bâton ou rateau ; et ensuite, pour le rendre uni, on l'aplatit avec un maillet, et on le plane avec une plaque de cuivre appelée plane. Voyez MAILLET et PLANE. Au-dessus de la table est le rable. Voyez RABLE.

Outre ces moules, les Plombiers ont des moules réels qui leur servent à jeter les tuyaux sans soudure. Ces moules sont des cylindres de cuivre, creux, d'une largeur et d'un diamètre propres à l'usage qu'on en veut faire. Ces moules sont faits de deux pièces qui s'ouvrent par le moyen des charnières qui les joignent, et qui se ferment avec des crochets. La longueur de ces tuyaux est ordinairement de deux pieds et demi.

Les Plombiers ont aussi des moules ou tables propres pour couler le plomb sur toile. Ces moules sont différents de ceux dont on se sert pour couler les grandes tables sur sable. Voyez -en la description à l'article PLOMBIER, où on enseigne la manière de jeter le plomb sur toîle ; et l'article ORGUE et les fig. Pl. d'orgue.

MOULE, en terme de Fondeur en petit plomb, sont des branches de fer réunies par un bout avec une charnière, pour pouvoir les ouvrir et tirer la branche de plomb qui s'y est faite. Chacune de ces branches est garnie de trous disposés exactement vis-à-vis l'un de l'autre, où l'on coule le plomb. Il y a autant de sortes de moules qu'il y a de différentes espèces de plomb.

MOULE, en terme de Potier, c'est un morceau de bois tourné sur lequel on ébauche un ouvrage de poterie, profond comme un grand creuset. Voyez les Planches.

On appelle aussi moule une espèce de carré retrait dans les angles, dans lequel on moule le carreau ; il tient quatre carreaux dans chaque moule.

Les moules à briques, à carreaux d'âtre, et les chaufferettes, ne sont point retraits dans leurs angles, et ne forment pas un carré régulier. Voyez les Planches.

MOULE A FRANGE, (Rubanier) c'est une petite planchette de bois mince et longue de 12 à 14 pouces, dont les vives arêtes sont abattues pour ne point couper les soies que l'on y met ; il y en a de quantité de largeurs pour les diverses hauteurs que l'on veut donner aux franges ; il y en a aussi de cuivre jaune, quand c'est pour faire de la frange très-basse, appelée frangean ou molet. S'ils étaient de bois étant si étroits, ils seraient trop fragiles. Il y en a encore à rainures que l'on expliquera à la suite. Ils doivent avoir tous la longueur ci-dessus, pour que l'un de leurs bouts repose sur le rouleau de la poitrinière, ce qui, en soulageant l'ouvrier, empêche aussi l'inégalité de la pente de la frange, ce qui ne manquerait pas d'arriver si le moule vacillait. De ces moules, les uns sont unis et les autres festonnés. Entrons dans le détail, en commençant par les moules unis sans rainure, pour la frange qui doit être guipée ; il est vrai qu'on peut aussi pour cette même frange se servir d'un moule à rainure, ce qui n'empêcherait rien à l'ouvrage ; il n'en serait pas de même pour faire de la frange coupée, il faudrait absolument se servir d'un moule à rainure, ainsi que l'on dira en son lieu. Ce que l'on Ve dire sur chaque espèce de ces moules, doit s'entendre de toutes les sortes de largeur qui le composent. Le moule uni, comme tous les autres, se pose à plat, c'est-à-dire par son côté mince, le long de la chaîne, pardevant les lisses et lissettes, et du côté gauche de cette chaîne, le bout d'en-bas portant sur le rouleau de la poitrinière, comme il a été dit. Il est tenu à pleine main en-dessous par les quatre doigts de la main gauche, et par-dessus, c'est le pouce qui y est posé. Toutes les fois que l'ouvrier ouvre son pas, il introduit la trame à-travers cette ouverture à l'entour de ce moule, en passant d'abord par-dessus, et revenant par-dessous ; puis il frappe cette duite avec le doigtier qu'il a au doigt index de la main droite : ce frapper doit se faire par-dessous le moule, ce qui est beaucoup plus aisé que par-dessus. On comprend que lorsque le pas sera fermé, cette trame se trouvera liée seulement avec la tête au côté droit du moule ; ce qui est contenu sur le moule formera la pente. Lorsque le moule se trouve rempli, on le vide de la façon qu'il est dit à l'article TISSER, et l'on continue. Voilà pour la frange qui sera guipée ; à l'égard de la frange coupée, voici quel est son moule : il est à rainure du côté opposé à celui qui touche la chaîne ; cette rainure est pratiquée dans son épaisseur, et règne également dans toute sa longueur. Lorsque le moule est rempli, l'ouvrier le retourne, c'est-à-dire que la pente se trouve à-présent du côté de sa main droite, où étant, il introduit la pointe d'un couteau extrêmement tranchant dans la rainure du moule, en commençant par le bout qui repose sur la poitrinière, et remontant ainsi en haut ; et la conduisant le long de cette rainure, il coupe par ce moyen la pente de cette frange le plus également qu'il lui est possible, pour éviter les barlongs. Si malgré cette précaution il s'y en trouvait, les ciseaux les répareront. Il faut que l'ouvrier observe de laisser environ un travers de doigt de sa frange sans être coupée, ce qui sert à contenir le moule dans la situation où il doit être pour continuer le travail. Cette longueur coupée Ve s'enrouler sur l'ensouple de devant, pour faire place à celle qui Ve être faite. Après cette opération, le moule est retourné pour être remis dans sa première position et continuer, et voilà la frange coupée. Le moule pour la frange festonnée l'est lui-même, et voici comment ; pour cet ouvrage, le moule de carton convient mieux que celui de cuivre ou de bois ; la soie se tient plus aisément, au moyen des petites cavités qu'elle s'y forme ; au lieu que sur le bois ou sur le cuivre elle glisse, au moyen des inégalités du feston. Ce moule a ceci de différent des autres, en ce qu'il est beaucoup plus court, ne contenant de longueur que depuis le centre le plus long du feston, jusqu'au centre le plus profond de son échancrure : ainsi il n'est qu'une demi-portion de l'un et de l'autre. On voit ce qui vient d'être dit dans les Planches et les figures, on Ve voir pourquoi cela est nécessaire. Lorsque l'on commence l'ouvrage, ce moule se pose, comme les autres, le long de la chaîne, et toujours à gauche d'elle ; il se pose, dis-je, de façon qu'une partie est du côté de l'ouvrier, et une autre partie du côté des lisses, en sorte qu'il commence son ouvrage par la première, en remontant à la seconde, où étant parvenu, il dégage son moule de dedans cette portion faite, en le tirant du côté des lisses après l'avoir coupée si elle le doit être, ou tournée en coupon si elle doit être guipée : cela fait, il tourne son moule bout par bout, c'est-à-dire que c'est à-présent la seconde partie qui est vers l'ouvrier, et que la première est du côté des lisses. Il fait la même chose que devant, pour remplir cette portion de moule, et voilà son feston fini. Alors il dégage son moule en le tirant à lui au contraire de l'autre fais, où il l'avait tiré du côté des lisses. On concevra aisément que si le moule contenait le feston entier, il ne pourrait sortir de l'ouvrage, puisque l'endroit large ne pourrait passer à-travers l'étroitesse formée par l'échancrure du feston. Il est donc de nécessité absolue qu'il ne forme que la moitié de ces deux figures, afin que le moule puisse glisser du large à l'étroit, ce qu'il ne pourrait faire de l'étroit au large. Il y a des ouvriers qui se servent de moules de bois pour ces franges festonnées ; ce moule est rempli sur son bord de dehors de quantité de petits trous pratiqués sur l'épaisseur, pour y mettre de petites chevilles en forme de fossets, et qui servent à empêcher que les soies de pente n'éboulent, comme elles feraient indubitablement, en cherchant toujours à glisser du côté étroit du moule festonné. Ainsi, après avoir formé quelques duites, il faut mettre une autre cheville pour les retenir, et toujours de même. Il est rare que la frange faite de cette façon conserve la belle gradation du feston qui en fait la perfection. Ceux qui sont pour ces moules prétendent que ceux de carton sont moins bons, en ce qu'ils s'étrécissent au bout de quelque temps par le continuel usage, le carton étant sujet à bavacher par les bords. Ainsi les uns suivent une de ces méthodes, et les autres l'autre méthode.

MOULE A PLATINE, (Serrurerie) sont deux morceaux de fer plat, forgés de la longueur et largeur que doit avoir la platine, au bout desquels sont évuidées les panaches. Ces deux pièces sont bien dressées et fixées l'une sur l'autre par deux étochios rivés sur une des parties, de sorte que l'autre peut se lever et se séparer, afin d'y placer la platine à évuider. Lorsque la platine est posée, on met la contrepartie du moule ; on serre le tout ensemble dans l'étau, et l'on coupe avec un burin tout ce qui excède le moule.

MOULE, en terme de Tabletier-Cornetier, est un morceau de bois creux et en entonnoir, dans lequel on donne la forme aux cornets à jouer. Voyez les Pl. et les fig.

MOULE A FAIRE DES MOTTES, instrument de Tanneur, est un grand anneau rond de cuivre de l'épaisseur et de la grandeur qu'on veut donner aux mottes. Ce cercle de cuivre se pose sur une planche, l'ouvrier le remplit de tanné mouillé ; il le foule avec les pieds ; et après l'avoir bien serré, il le retire du cercle. Le tanné ainsi pressé a la forme d'un pain qu'on appelle motte : on expose les mottes à l'air pour les faire sécher ; et quand elles sont entièrement seches, elles sont en état d'être vendues.

MOULES, en terme de Tireur d'or, sont des défauts occasionnés par quelques ordures qui se sont trouvées sur la feuille d'or, et qui empêchent l'or de s'attacher à l'argent.

MOULE, (Vannerie). Les moules des Vanniers servant, par exemple, à faire des paniers, sont fort simples ; ils sont ordinairement formés d'un saule tourné ou plié en ovale circulaire, carré ou d'autre figure, selon la corbeille, panier ou manne, etc. qu'on veut former. C'est sur ces moules que les Vanniers dressent, ou pour mieux dire qu'ils mesurent tous leurs ouvrages, pour pouvoir les avoir de telle grandeur et de telle figure qu'ils veulent.

MOULE, (Verrerie) voyez l'article VERRERIE.

MOULE ou LINGOTIERE des Vitriers ; il y en a de deux sortes ; les uns pour jeter les tringles de plomb propres à être tirées par le moulinet, d'autres pour faire les liens. Voyez les articles TRINGLE et LIENS. Du reste ces moules n'ont rien de particulier.

MOULEE, s. f. (Coutel. Tailland. et autres ouvriers en fer) c'est ce mélange des particules de la meule et du fer ou de l'acier qu'elle a détachées des pièces tandis qu'on les émoulait, et qui tombent dans l'auge placée sous la meule. Elle est noire à l'oeil et douce au toucher : on s'en sert en Médecine.