S. m. (Botanique ancienne) nom donné par les médecins arabes à deux graines très-différentes, et qui sont souvent prises dans leurs écrits l'une pour l'autre. Avicenne dit dans un endroit que le nil est la graine d'une plante rampante du genre des liserons, et que cette plante porte des fleurs bleues comme celle de la campanule ; dans un autre endroit il écrit que le nil est le nom d'une plante qui est d'usage en teinture, et qui semble être la même que notre pastel ou guesde. Quelquefois les Arabes entendent une plante sous le nom de nil, et quelquefois sous le même nom la teinture qu'on tire de cette plante. Les anciens traducteurs de Dioscoride en arabe, ont partout traduit le mot isatis par celui de nil, ainsi que la plante dont on tire l'indigo. Les interpretes des Arabes ont tous été jetés dans la même erreur, par le double sens du mot nil, qui désigne tantôt la plante, et tantôt la teinture qu'on en retire. (D.J.)

NIL, s. m. (Géographie) grand fleuve d'Afrique qui a sa source dans l'Abyssinie ; il coule du midi au nord, et se décharge dans la Méditerranée.

Ce fleuve s'appela d'abord Oceanus, Oetus, Egyptus ; et à cause de ces trois noms, on lui donna celui de Triton. D'autres le nommèrent Siris, Astapus et Astaporas. Plusieurs anciens écrivains témoignent que son ancien nom était Egyptus, et Diodore de Sicîle pense qu'il ne prit le nom de Nilus que depuis le règne d'un roi d'Egypte ainsi nommé. Les Grecs l'appellent Mélas, qui signifie noir ou trouble. Les Abyssins l'appellent Abari, père des eaux ; et les Ethiopiens le nomment Abaoi : enfin les Grecs et les Latins ne le connaissent aujourd'hui que sous le nom de Nil.

Les plus grands conquérants de l'antiquité ont souhaité avec passion de pouvoir découvrir ses sources, s'imaginant que cette découverte ajouterait beaucoup à leur gloire. Cambyse en fit la tentative inutile. Alexandre se trouvant campé à la source du fleuve Indus, il crut que c'était celle du Nil, et il en eut une joie infinie. Ptolémée Philadelphe, un de ses successeurs, porta la guerre en Ethiopie, afin de pouvoir remonter ce fleuve. Lucain fait dire à César qu'il serait trop heureux de voir le lieu où le Nil prend sa source.

Nihil est quod noscère malim

Quam fluvii causas per saecula tanta latentis,

Ignotum caput.

Néron plein du même désir, envoya des armées entières pour cette découverte ; mais le rapport qu'on lui fit détruisit toute espérance de succès. La source du Nil demeura toujours inconnue jusqu'au milieu du dernier siècle : cette source, si longtemps et si inutilement cherchée par les anciens, parait être, selon M. Delisle, à 11d. de latit. septentrionale en Abyssinie.

On attribue communément cette découverte aux jésuites portugais ; il est certain qu'ils en envoyèrent les premiers à Rome des relations vers le milieu du dernier siècle, et le P. Tellez les mit au jour dans son histoire de la haute Ethiopie, imprimée à Conimbre en 1661. Ce fleuve sort par deux sources du haut d'une montagne de la province de Sabala, qui est dans le royaume de Goyau ; il descend de l'Abyssinie, traverse les royaumes de Sennar, de Dangola, toute la Nubie et l'Egypte, dans laquelle il porte la fécondité, en l'inondant régulièrement au mois de Juin ou d'Aout.

Le cours de cette rivière est d'environ 15 cent milles, presque toujours du midi au septentrion ; il se partage un peu au-dessous du Caire en deux bras qui vont l'un à l'est et l'autre à l'ouest, et tombent dans la Méditerranée à environ cent milles de distance. Il n'y a point d'autres branches du Nil navigables à-présent, que celles de Damiette et de Rosette. Tant que ce fleuve est renfermé dans son lit ordinaire, il ne parait pas plus large que la Tamise l'est à Londres ; et dans la saison la plus seche de l'année, il est guéable en beaucoup d'endroits. Il a dans la partie supérieure de son cours, plusieurs cataractes, où l'eau tombe en nappes d'une grande hauteur avec un bruit prodigieux ; mais dans la basse Egypte il coule fort lentement, et on y navige sans peine.

Le Nil reçoit en Ethiopie les eaux d'un grand nombre de rivières et de torrents que forment les pluies abondantes qui tombent entre l'équateur et le tropique avant et après le solstice : ces pluies sont la seule cause des débordements réglés du Nil ; débordements qui arrivent tous les ans à-peu-près au même-temps, mais avec quelques inégalités, parce qu'ils dépendent du concours de diverses circonstances physiques qui ne se trouvent pas toujours réunies de la même façon.

La couleur des eaux du Nil qui change au temps des crues, a fait croire qu'elles étaient alors chargées d'une très-grande quantité de limon : on a évalué cette quantité sur des observations grossières, à un dixième du volume de l'eau. Une observation plus exacte faite par un voyageur anglais (M. Shaw), la réduit à 1/120 ; mais il resterait encore à s'assurer de la nature de ce qui demeure après l'évaporation de l'eau : est-ce une véritable terre composée de particules fixes, capables de s'unir avec le terrain et d'en augmenter la masse ? est-ce une matière qui se dissipe par l'action du soleil, et qui puisse être absorbée par l'air ? C'est un point qu'on n'a pas encore examiné. Le lecteur peut consulter sur la crue du Nil et ses inondations, les Mém. de l'acad. des Belles-Lettres. (D.J.)

NIL, (Mythologie) L'utilité infinie que ce fleuve d'Egypte a toujours apportée aux Egyptiens, le fit prendre pour un dieu, et même le plus grand des dieux : c'était lui qu'ils vénéraient sous le titre d'Osiris. On célébrait une grande fête en son honneur vers le solstice d'été, à cause que le Nil commence alors à croitre et à se répandre dans le pays. Cette fête se célébrait avec plus de solennité et de réjouissance qu'aucune autre ; et pour remercier d'avance le fleuve des biens que son inondation allait produire, on jetait dedans, par forme de sacrifice, de l'orge, du blé, et d'autres fruits. La fête du Nil se célèbre encore aujourd'hui par de grandes réjouissances, mais les sacrifices en ont été retranchés. On voit au jardin des Tuileries un beau grouppe de marbre copié sur l'antique, qui représente le Nil sous la figure d'un vieillard couronné de laurier, à demi couché, et appuyé sur son coude, tenant une corne d'abondance ; il a sur les épaules, sur la hanche, aux bras, aux jambes, et de tous les côtés, de petits garçons nuds au nombre de seize, qui marquent les seize coudées d'accroissement qu'il faut que le Nil ait pour faire la grande fertilité de l'Egypte. (D.J.)

NIL, (Numismatique) Le Nil est représenté sur les monuments publics, entr'autres sur les médailles, comme une des premières divinités des Egyptiens ; mais entre les monuments qui lui furent consacrés, il n'y en a pas de plus majestueux que la statue colossale de Pierre Basalte, qu'on voit au belvédere du Vatican, et dont il y en a une belle copie dans le jardin des Tuileries. Pline fait mention de ce chef-d'œuvre de l'art, et nous apprend que l'empereur Vespasien le fit placer dans le temple de la Paix. On a eu soin de faire ciseler autour de cette statue les principaux symboles du Nil, tels que sont l'hyppopotame, le crocodile, l'ibis, l'ichneumon, la plante du lotus, celle du papyrus, et seize enfants qui folâtrent à l'entour du dieu depuis les pieds jusqu'au sommet de la tête, pour désigner la crue du Nil à seize coudées, hauteur qui annonce à l'Egypte l'année la plus fertîle qu'elle puisse souhaiter. La statue de ce fleuve tient aussi une corne d'abondance, signe de la fertilité de l'Egypte. Une médaille de grand bronze de l'empereur Hadrien, frappée à Alexandrie, nous a conservé la mémoire d'un débordement du Nil à la hauteur de seize coudées, qui arriva la douzième année de l'empire de ce prince. (D.J.)

NIL, (Monnaie du Mogol) monnaie de compte dont on se sert dans les états du grand-mogol. Un nil de roupies vaut cent mille padants de roupies ; un padant cent mille courons, et un couron cent mille laoks. Savary. (D.J.)

NIL TRANSEAT, terme de chancellerie romaine, Voyez TRANSEAT.