S. f. (Histoire naturelle, Zoologie) animal zibethicum quadrupede, que l'on a mis sous le même genre que le chien, parce qu'il lui ressemble, de même qu'au loup et au renard, par la forme de la tête et du museau, et par le nombre des dents ; c'est pourquoi on lui a aussi donné le nom de catus zibethicus ou felis odoratus. M. Linnaeus a rangé la civette avec le blaireau sous le même genre, parce que ces deux animaux ont chacun huit mammelles, deux sur la poitrine, six sur le ventre, et cinq doigts à chaque pied.

La civette habite l'Afrique, les Indes, le Pérou, le Bresil, la nouvelle Espagne, la Guinée : on en nourrit en Europe. Quelques auteurs la prennent pour l'hyene d'Aristote et de Pline ; et ceux-là l'ont nommée assez bien hyaena odorifera. D'autres l'estiment être une espèce de fouine ou de chat sauvage ; et ceux-ci l'ont appelée felis zibethina, parce que la civette porte un parfum que les Arabes appellent zebed ou zibet, d'où elle a été nommée en français civette. Voyez cet animal, Pl. VI. d'hist. nat. fig. 1.

L'histoire de cet animal, celle de la fausse origine de son parfum, les contes qu'on en lit dans les voyages, les erreurs où sont tombés les divers naturalistes qui en ont parlé ; tous ces faits n'entreront point ici dans son article : nous nous en tiendrons uniquement à sa description anatomique, que nous extrairons des mémoires de l'académie des Sciences, les seules sources sur lesquelles on puisse compter, et avec d'autant plus de raison, qu'on trouve réuni dans un seul des anciens volumes de cette académie, la description de cinq de ces animaux.

La civette a environ deux pieds et demi de long, sa queue est de quinze pouces plus ou moins ; ses jambes sont courtes, principalement celles de devant, qui n'avaient depuis le ventre jusqu'em-bas, que cinq pouces ; les pattes, tant celles de devant que celles de derrière, avaient chacune cinq doigts, dont le plus petit tenait lieu de pouce, comme à l'ours : mais ce petit doigt à peine posait à terre, et n'y touchait que de l'ongle. Outre ces cinq doigts, il y avait un ergot garni d'un ongle comme les doigts. La plante du pied était munie d'une peau douce au toucher.

Le poil était court sur la tête et aux pattes, mais ayant jusqu'à quatre pouces et demi sur le dos, où il est le plus long. Ce long poil qui était dur, rude et droit, était entremêlé d'un autre plus court, plus doux et frisé comme de la laine.

L'ouverture qui conduit au réceptacle où s'amasse la matière odorante, qu'on appelle vulgairement civette, était au-dessous de l'anus : cette ouverture était longue de trois pouces ; et quand on la dilatait, elle avait plus d'un pouce et demi de large : elle était l'entrée d'une cavité qui servait comme de vestibule pour réceptacle de la matière odorante.

Ce vestibule était garni par les bords d'un poil tourné de dehors en-dedans, en sorte que la matière odorante n'en pouvait sortir qu'à contre-poil. Dans le fond de ce vestibule qui pouvait contenir un petit œuf de poule, il y avait deux autres ouvertures à droite et à gauche d'un pouce de diamètre, qui pénétraient chacune dans un sac de sept à huit lignes de diamètre.

La peau du dedans de ces sacs était inégale comme celle d'un aison, garnie de petits poils clair semés, et percée de plusieurs petits trous : ces trous répondaient à des glandes de la grosseur d'un petit pais, serrées les unes contre les autres, et liées par des membranes et par des vaisseaux, qui étaient les rameaux des artères et des veines hypogastriques et honteuses.

C'est dans ces sacs que s'amasse la matière odorante, que les arabes appellent zibet, qui signifie écume. En effet, cette matière était écumeuse ; et cela se reconnaissait, en ce que peu de temps après elle perdait la blancheur qu'elle avait en sortant : ce qui arrive à toutes les liqueurs, lesquelles blanchissent toujours quand elles écument, de quelque couleur qu'elles soient d'ailleurs. La petite ouverture qui paraissait au-dessous de la grande, était l'entrée des parties de la génération.

La forme des poches où s'amasse la matière odorante, se voyait mieux renversée que dans leur situation naturelle. Les glandes de ces sacs étaient du nombre des conglomerées. Au milieu de chaque glande, il y avait une cavité oblongue pleine de suc odorant fort blanc, qu'elle recevait par autant de petits trous qu'il y avait de grains qui composaient la glande ; et cette cavité se retrécissait, et formait un petit col ou conduit qui perçait la peau dont le dedans des poches était revêtu, et qui y distillait la matière odorante.

Ces sacs paraissaient recouverts de fibres charnues ramassées ensemble, mais venant d'endroits éloignés et différents ; de sorte qu'ayant égard à leur différente origine, on pouvait compter jusqu'à dix muscles. L'usage de ces muscles est d'exprimer et faire sortir la matière odorante, quand il s'en est amassé une certaine quantité. Les veines et artères hypogastriques et épigastriques fournissent le sang qui produit cette matière dans les glandes dont les sacs sont tapissés.

L'odeur de cette matière se conserve, et ne devient point mauvaise par le temps ; mais il parait que l'odeur de la civette n'est pas seulement dans la liqueur qui s'amasse dans les poches, car elle est aussi répandue par tout son corps ; et son poil est tellement parfumé, que la main qui l'a touchée conserve longtemps une odeur fort agréable. C'est ce qui a fait croire à plusieurs naturalistes, que le parfum de la civette n'est autre chose que sa sueur ; en sorte qu'ils ont pensé qu'on l'amassait en faisant courir ces animaux dans une cage. Quoique cette sueur sorte indifféremment de tout le corps de l'animal, cependant la liqueur odorante s'amasse véritablement dans les sacs, s'y forme et s'y perfectionne.

Dans la dernière civette disséquée par MM. de l'académie, ils examinèrent la structure des mammelles dont nous n'avons pas encore parlé. Cette civette avait quatre mamelons, dont deux étaient situés au milieu du ventre à côté du nombril, et les deux autres au bas de la poitrine. La grosseur des uns et des autres était d'une ligne et demie, et la longueur de deux lignes. Sous chacun de ces mamelons il y avait plusieurs conduits communiquant les uns avec les autres, et enfermés dans les intéguments communs. Ces conduits semblaient destinés à porter le lait aux mamelons, quoiqu'ils ne sortissent d'aucunes glandes qui fussent visibles ; mais cela n'est pas étonnant, car ces animaux qui n'alaitent et n'engendrent point dans ces pays-ci, doivent avoir ces glandes assez petites pour être imperceptibles.

Dans ces cinq civettes il y avait quelques jeux de la nature. Par exemple dans l'une d'elles, le crystallin était d'une dureté extraordinaire ; ce qui peut servir à expliquer ce que Pline (liv. XXXVII. chap. x.) dit des yeux de l'hyene, qu'on en tire des pierres précieuses appelées hyeniae. Cette particularité jointe à quelques autres, servirait-elle à justifier l'opinion de Belon, qui a prétendu que la civette et l'hyene des anciens ne sont point des animaux différents ? Il y a quelques raisons pour appuyer son sentiment ; car les deux principales marques que les anciens donnent à leurs hyenes, se trouvent dans la civette, le poil hérissé le long du dos, et une ouverture particulière sous la queue, outre les deux qu'ont les femelles de tous les autres animaux. Mais d'un autre côté, l'hyene des anciens est plus grande que la civette, son poil fort différent ; et ce qui est plus fort que tout, ils ne disent point qu'elle eut aucune odeur, caractère qui les distingue presque de tous les autres animaux.

A ce détail très-instructif sur la civette, il ne nous reste à ajouter que quelques nouvelles particularités décrites par M. Morand, sur le sac où cet animal porte son parfum. Mém. de l'acad. 1728. pag. 403.

Ce sac, comme on l'a vu, est situé entre l'anus et le sexe de l'animal, à-peu-près comme celui où les castors portent leur castoreum. Il pend extérieurement entre les cuisses de la civette, et est assez grand. En gros, c'est une cavité enfermée dans une enveloppe épaisse, et qui a une longue ouverture en-dehors, de la figure d'une vulve.

Toute l'épaisseur de l'enveloppe est formée par une infinité de petits grains, qui sont les glandes où se filtre la liqueur odorante. En regardant mieux ces grains avec le microscope, M. Morand a découvert qu'ils étaient accompagnés d'une infinité de follicules ou petites bourses, qui contenaient de la liqueur déjà filtrée. Ces follicules peuvent être aisément formés, ou par la desunion de deux lames d'une membrane, ou par l'extension des extrémités des vaisseaux sanguins. Mais ce qui est beaucoup plus singulier, M. Morand a Ve dans la liqueur des follicules, de petits poils posés sans ordre çà et là. Ils n'ont point de racines, et ne tiennent point les uns aux autres.

La cavité du sac est occupée par deux espèces de pelotons de soie courte, toute imbibée de la liqueur odorante, qui parait comme une huîle blanche.

En comprimant l'épaisseur de l'enveloppe, on en fait sortir par les pores, ou plutôt par les canaux excrétoires de sa membrane interne, l'huîle odorante qui Ve se rendre dans la cavité du sac ; elle sort non par gouttes séparées, mais en forme de jet continu, à-peu-près comme la matière qui sort des glandes sebacées de la peau, peut-être parce qu'elle est soutenue et comme liée par ces petits poils qu'elle entraîne avec elle.

Il parait certain que les follicules de l'enveloppe sont les premiers réservoirs de l'huîle odorante, mais des réservoirs particuliers et dispersés ; de-là elle passe dans la cavité du sac, second réservoir, mais général, où elle s'arrête et se conserve dans les deux pelotons soyeux : car sans cela la grande ouverture extérieure du sac n'ayant ni valvule, ni sphincter, l'huîle s'écoulerait perpétuellement au-dehors, et ce n'est pas là le dessein de la nature.

Il est vrai que l'on ne connait pas assez la civette pour savoir en quelle occasion elle jette son huile, quel usage elle en fait ; mais enfin on voit bien que le mécanisme est destiné à en empêcher l'écoulement perpétuel. Les pelotons soyeux font l'office d'une éponge, qui garde la liqueur dont elle est abreuvée, jusqu'à ce que la nature l'exprime en certains temps pour des usages qui nous sont inconnus.

Cette liqueur odorante mirée à la lumière d'une bougie rend d'abord une odeur assez agréable ; ensuite elle s'enflamme avec crépitation, et le feu étant éteint, elle donne une odeur de cheveux brulés.

Tout ce qu'on a dit jusqu'ici de l'anatomie de la civette, et du sac qui porte son parfum, peut devenir d'autant plus intéressant, que la civette n'est pas le seul animal à qui ces détails appartiennent, ni le seul qui soit doué d'une poche pour un parfum particulier. Nous avons le castor, le musc, le rat musqué que les Latins nomment pyloris, et d'autres qui ont des follicules pour une matière odorante, d'une nature pareille à celle de la civette, ou d'une qualité différente, comme le rat domestique, le blaireau ou taisson, etc. Or ces connaissances réunies, ne peuvent que jeter du jour sur l'anatomie comparée, et peut-être sur la structure des glandes conglomérées du corps humain. Art. de M. le Ch(D.J.)

CIVETTE, (Matière médicale) La civette, ou cette matière onctueuse et balsamique fournie par l'animal qui porte le même nom, est employée extérieurement dans l'usage médicinal ; elle est résolutive, anodyne, tonique, antispasmodique ou nervine, et particulièrement antiépileptique et antihystérique : c'est à ces deux derniers titres qu'on l'emploie quelquefois dans les accès d'épilepsie ou de vapeurs hystériques. Dans ces cas on en frotte le nombril, la région du cœur et de l'estomac, ou on en applique même chez les femmes à l'orifice extérieur de la matrice ; mais on se donne bien de garde de la leur porter au nez, parce que son odeur, comme toutes les odeurs agréables, est dangereuse dans ce cas, selon une observation connue.

On fait aussi avec la civette, le musc et l'ambre-gris incorporés avec une huîle par expression, un onguent dont on frotte les aines et les lombes pour exciter l'acte vénérien.

La civette passe pour spécifique dans l'inertie des organes de la génération, surtout chez les femmes, et pour remédier à leur stérilité lorsqu'elle provient de cette cause. On la dit bonne aussi pour apaiser les coliques et les tranchées des petits enfants, si on leur en frotte le nombril.

Elle entre dans la composition de quelques baumes aromatiques, décrits dans différents dispensaires sous le nom de baumes apoplectiques, qui sont destinés à être portés dans de petites boites, et dont quelques auteurs ont recommandé même l'usage intérieur.

Elle est un des ingrédiens des parfums ordinaires connus en Pharmacie sous le nom de pastilli profumo, comme les aiselets de Chypre, etc. (b)

Ceux qui s'en servent, doivent la choisir nouvelle, de bonne consistance, c'est-à-dire ni trop dure, ni trop molle, d'une couleur jaune tirant sur le blanc, et d'une odeur violente. Au reste comme on la sophistique aisément, et qu'il est très-difficîle de découvrir la tromperie, le meilleur parti est de l'acheter de bonne main. Comme on nourrit à Amsterdam des civettes pour ce commerce, et que la civette de cette ville a la préférence sur celle des Indes et du Levant, c'est d'un honnête négociant du pays qu'il faut tirer ce parfum. Il se vend une trentaine de florins l'once, plus ou moins, c'est-à-dire soixante à soixante-six livres argent de France ; et je crois qu'aujourd'hui il ne s'en consomme pas cinq livres par ans dans tout le royaume. M. le Ch(D.J.)