elephas, s. m. (Histoire naturelle, Zoologie) le plus grand de tous les animaux quadrupedes, et un des plus singuliers dans la conformation de plusieurs parties du corps. Planche I. figure 1. En considérant l'éléphant relativement à l'idée que nous avons de la justesse des proportions, il semble être mal proportionné et mal dessiné, pour ainsi dire, à cause de son corps gros et court, de ses jambes roides et mal formées, de ses pieds ronds et tortus, de sa grosse tête, de ses petits yeux, et de ses grandes oreilles. On pourrait dire aussi que l'habit dont il parait couvert, est encore plus mal taillé et plus mal fait. Sa trompe, ses défenses, ses pieds, etc. le rendent aussi extraordinaire que la grandeur de sa taille. La description de ses parties, et l'histoire de leurs usages, ne donnera pas moins d'admiration que leur aspect cause de surprise.

Le roi de Portugal envoya en 1668 au roi de France un éléphant du royaume de Congo, âgé de dix-sept ans, et haut de six pieds et demi depuis terre jusqu'au-dessus du dos. Il vécut dans la ménagerie de Versailles pendant treize ans, et ne grandit que d'un pied, sans-doute parce que le changement de climat et de nourriture avait retardé son accroissement ; ainsi il n'avait que sept pieds et demi de hauteur lorsque MM. de l'académie royale des Sciences en firent la description.

Le corps de cet animal avait douze pieds et demi de tour ; sa longueur était presqu'égale à sa hauteur. Il avait depuis le front jusqu'au commencement de la queue, huit pieds et demi, et trois pieds et demi depuis le ventre jusqu'à terre. En prenant la mesure des jambes sur le squelete, on a trouvé que celles de devant avaient quatre pieds et demi, et celles de derrière quatre pieds huit pouces ; mais lorsque l'animal est revêtu de sa chair et de sa peau, les jambes de derrière paraissent plus courtes que celles de devant, parce qu'elles sont moins dégagées de la masse du corps : elles ressemblent plus à celles de l'homme qu'à celles de la plupart des quadrupedes, en ce que le talon pose à terre, et que le pied est fort court. Les pieds de l'éléphant dont il s'agit ici étaient si petits, qu'on ne les distinguait pas des jambes, qui descendaient tout d'une venue jusqu'à terre, et dont la peau renfermait les doigts des pieds. La plante des pieds de derrière avait dix pouces de longueur, et celle des pieds de devant, quatorze ; elle était garnie d'une corne en forme de semelle, qui était dure, solide et épaisse d'un pouce, et qui débordait comme si elle avait été écachée par le poids du corps, et formait quelques ongles mal figurés : il n'y en avait que trois à chaque pied, cependant il s'est trouvé cinq doigts dans le squelete ; mais ils étaient recouverts par la peau, et n'avaient aucun rapport avec les ongles. La corne, que l'on a comparée à une semelle, formait encore d'autres prolongements que l'on aurait pu prendre pour des ongles. Il y a lieu de croire que cette partie varie dans différents individus, comme nous le ferons voir dans la suite. La queue était menue et pointue ; elle avait deux pieds et demi de longueur, et était terminée par une houppe de gros poils longs de trois à quatre pouces. Cet éléphant était femelle ; l'orifice extérieur de la matrice se trouvait placé au milieu du ventre près du nombril, à l'extrémité d'un conduit qui formait une éminence qui s'étendait depuis l'anus jusqu'à la vulve, et qui renfermait un clitoris de deux pieds et demi de longueur, et de deux pouces de diamètre ; de sorte qu'on l'aurait pris, avant la dissection, pour une verge, parce que cette partie est située de la même façon dans la plupart des quadrupedes. Il y avait sur la poitrine deux mammelles, les mamelons étaient petits. La tête était grande ; elle avait deux bosses par derrière, et un creux entre deux. Le cou était court, le front large, les yeux petits, la bouche étroite, et presque cachée sous le menton ; la mâchoire inférieure fort pointue, et les oreilles deux fois plus grandes à proportion que celles d'un âne ; elles avaient trois pieds de hauteur, deux pieds de largeur, et seulement deux lignes d'épaisseur : leur figure approchait de l'ovale, et elles étaient collées contre la tête, comme celles de l'homme, et s'étendaient en-arrière. On voit par leurs dimensions qu'aucun animal n'a les oreilles à proportion aussi grandes que l'éléphant. La trompe avait cinq pieds trois pouces de longueur après la mort de l'animal, neuf pouces de diamètre à sa racine, et trois vers l'extrémité, qui s'élargissait comme le haut d'un vase, et formait un rebord dont la partie de dessous était plus épaisse que les côtés. Ce rebord s'allongeait par le dessus en manière d'un bout de doigt : tout le rebord formait comme une petite tasse, au fond de laquelle étaient les narines ; aussi la racine de la trompe sort de l'endroit qui correspond à celui des narines dans les autres quadrupedes. Les défenses avaient deux pieds de longueur et quatre pouces de diamètre vers leur racine ; elles étaient un peu recourbées en-haut, et sortaient de la mâchoire supérieure, à cinq pouces au-dessus du bord de la lèvre : il n'y avait que huit dents, quatre en chaque mâchoire, deux de chaque côté ; la longueur de la plus grosse était de quatre pouces, la largeur d'un pouce et demi. Il se trouvait sur la peau des crins ou des soies plus grosses que celles des sangliers ; elles étaient noires-luisantes, d'une grosseur égale depuis la racine jusqu'au bout, qui paraissait coupé : il y en avait peu, et seulement sur quelques parties ; savoir la trompe, les paupières, et la queue d'un bout à l'autre, jusqu'à la houppe de l'extrémité. La longueur des soies de la trompe était d'un pouce et demi. La peau avait des rides de deux espèces ; les unes étaient des lignes creusées comme nous les avons au-dedans des mains ; les autres étaient élevées comme elles le sont au-dessus des mains aux personnes vieilles et maigres. Les rides rendaient la peau de l'éléphant fort vilaine, étant couverte d'un épiderme gris-brun, épais en plusieurs endroits, calleux, couvert de crasse, et comme déchiré par une infinité de gersures. Voyez les mém. pour servir à l'histoire naturelle des animaux, dressés par M. Perrault, troisième partie.

Les éléphans se trouvent en Asie et en Afrique. Ceux de l'Asie sont les plus grands ; on prétend qu'ils ont jusqu'à treize, quatorze ou quinze pieds, et même plus, de hauteur depuis terre jusqu'au-dessus du dos. On a Ve des défenses qui pesaient cent soixante livres : sans-doute elles venaient des éléphans d'Asie, car on assure qu'il y en a du poids de deux cent livres. On prétend qu'il s'en est trouvé en Afrique du poids de cent vingt-cinq livres ; les Anglais en ont rapporté de cette partie du monde, qui avaient plus de huit pieds de longueur, et qui pesaient quatre-vingt-dix livres. On dit que la mesure ordinaire des éléphans d'Afrique est de neuf ou dix pieds de longueur, et de onze ou douze de hauteur. Il y a dans l'île de Ceylan un très-grand nombre d'éléphans, au rapport du capitaine Ribeiro, Histoire de Ceylan, 1701. Les plus grands ont neuf coudées depuis la pointe du pied jusqu'à l'épaule. Plusieurs auteurs s'accordent à dire que les éléphans de cette île sont mieux faits, plus courageux, et ont plus d'instinct que les autres, quoiqu'ils soient plus petits. Les éléphans sont de couleur brune ; il y en a quelques-uns de blancs dans les Indes, mais ils sont très-rares.

L'éléphant allonge et raccourcit sa trompe ; il dirige l'extrémité en-haut, en-bas, de côté ou en arrière : elle est flexible en tout sens, il la meut à son gré et selon ses besoins ; car il s'en sert comme d'un bras et d'une main. Il embrasse avec sa trompe tout ce qu'il veut soulever ou entraîner, par le moyen d'un rebord qui est au bout, et du prolongement de ce rebord, qui ressemble à une sorte de doigt : il saisit les choses les plus petites. C'est surtout à l'aide de ce doigt qu'il montre une adresse dont on ne croirait pas qu'un animal si massif fût capable. Enfin c'est avec sa trompe qu'il porte à sa bouche tous ses aliments, soit solides, soit liquides ; mais pour entendre la mécanique qu'il emploie à cet effet, il faut se souvenir que les deux ouvertures des narines sont au fond de la cavité qui se trouve à l'extrémité de la trompe : c'est donc par cet organe qu'il respire, aussi plusieurs voyageurs ont regardé la trompe comme un nez fort allongé. L'air qui passe par cette trompe dans l'inspiration et dans la respiration, la rend propre à la succion, et lui donne la force de projeter les choses qui se trouvent dans sa cavité. Lorsque l'animal applique les bords de l'extrémité de cette trompe sur quelque corps, et qu'il retire en même temps son haleine, ce corps reste collé contre la trompe, et en suit les différents mouvements. C'est ainsi que l'éléphant enlève des choses fort pesantes, et même jusqu'au poids de deux cent livres. Lorsqu'il a soif, il trempe le bout de sa trompe dans l'eau, et en inspirant il remplit d'eau toute la cavité de la trompe ; ensuite il la recourbe en-dessous, pour en porter l'extrémité dans sa bouche : alors l'animal pourrait aisément faire couler l'eau de la trompe dans la bouche, par un mouvement d'expiration ; mais de cette façon il ne l'avalerait pas sans qu'il en entrât dans le larynx, puisque ce mouvement d'expiration suppose nécessairement que l'épiglotte est levée : aussi l'éléphant enfonce sa trompe jusque dans le gosier au-delà de l'épiglotte, et on entend un grand bruit que fait l'eau en sortant de la trompe pour descendre dans l'oesophage. D'ailleurs on ne voit aucun mouvement de succion dans les lèvres, ce qui prouve que l'eau est poussée par l'expiration, et non pas attirée par la succion. De même quand l'éléphant prend l'herbe, il l'arrache avec sa trompe, et en fait des paquets qu'il porte au fond de sa bouche. Ces observations ont fait présumer qu'il tette aussi avec sa trompe, mais on n'a jamais Ve d'éléphant teter ; on n'a jamais Ve non plus qu'il prit aucune chose immédiatement avec sa bouche, si ce n'est qu'il reçoit ce qu'on y jete. Il fait jaillir au loin et dirige à son gré l'eau dont il a rempli sa trompe : on dit qu'elle en peut contenir plusieurs séaux. Lorsqu'on mène l'éléphant au combat, on attache à l'extrémité de la trompe une chaîne ou un sabre nud, dont il se sert avec beaucoup d'adresse pour frapper l'ennemi.

L'éléphant a beaucoup d'instinct et de docilité ; on l'apprivoise si aisément, et on le soumet à tant d'exercices différents, que l'on est surpris qu'une bête aussi lourde prenne si facilement les habitudes qu'on lui donne. Pour le conduire on se met à cheval sur son cou ; on tient à la main une grosse verge de fer très-pointue par un bout, et terminée à l'autre par un crochet très-fort et aussi très-pointu ; on se sert de la pointe au lieu d'éperon, et le crochet supplée à la bride ; car on pique l'animal aux oreilles et au museau pour diriger sa marche, le conducteur étant ainsi posté. On se place sur le dos de l'éléphant : les femmes se servent, comme les hommes, de cette monture ; mais on dit qu'elle est fort incommode, et qu'on aimerait mieux faire dix lieues sur un cheval, qu'une seule sur un éléphant. On leur fait aussi porter des tours, dans lesquelles on place plusieurs hommes armés pour la guerre. Ces tours, au moins celles dont parle Pietro della Valle dans ses Voyages, sont longues et larges comme un grand lit, et placées en-travers sur le dos de l'éléphant ; elles peuvent contenir six ou sept personnes assises à la manière des Levantins : il y en a d'autres où dix ou douze combattants peuvent se placer. Pour les voyages des femmes de qualité et des grands seigneurs, les éléphans ont au lieu de tours, des pavillons richement ornés, dans lesquels on peut s'asseoir ou se coucher. Les éléphans portent aussi de toutes sortes de fardeaux, jusqu'à de petites pièces de canon sur leurs affuts. Au rapport de Thevenot (voyage du Lev.), la charge des plus forts éléphans est de plus de trois mille livres. Cet animal a le pied si sur, qu'il ne bronche presque jamais. Il fait beaucoup de chemin en peu de temps, à cause de la longueur de ses jambes : en allant le pas, il atteint un homme qui court. Lorsqu'on le presse, il peut faire en un jour le chemin de six journées ; il court comme le cheval, au galop, et il fend l'eau avec autant de vitesse qu'une chaloupe de dix rames. Lorsqu'on est poursuivi par cet animal, on ne peut l'éviter qu'en faisant des détours, parce qu'il n'est pas aussi prompt à se retourner de côté qu'à marcher en-avant. Les éléphans plient les jambes de devant, et même celles de derrière. Lorsqu'on veut les charger on monte dessus, et ils aident avec leur trompe. Lorsqu'ils sont en voyage ils ne se couchent que rarement ; mais dans d'autres temps ils se couchent toutes les nuits, et se relèvent avec beaucoup de facilité. Ces animaux sont fort commodes et fort utiles pour le service qu'ils rendent, mais ils coutent beaucoup à nourrir. Thevenot dans son voyage du Levant, dit qu'à Delhy, outre la viande qu'on leur fait manger, et l'eau-de-vie qu'on leur fait boire, on leur donne une pâte de farine, de sucre et de beurre, et chacun en consomme au moins par jour pour une demi-pistole. Fr. Pierre de Laval rapporte dans ses voyages, qu'un éléphant mange cent livres de ris par jour : ils prennent tout ce qu'on leur donne, principalement du biscuit. Un seul de ces animaux peut manger en un jour ce qui suffirait pour nourrir trente hommes durant une semaine ; cependant on en a Ve se passer de manger pendant huit ou dix jours. Les éléphans sauvages vivent d'herbe, de fruits, et de branches d'arbres, dont ils mâchent du bois assez gros.

Ces animaux sont fort tranquilles, et ne s'irritent que lorsqu'on les offense ; alors ils dressent les oreilles et la trompe, et c'est avec la trompe qu'ils renversent les hommes ou les jettent au loin, arrachent des arbres, et soulèvent tout ce qui leur fait obstacle. Lorsqu'ils ont terrassé un homme et que leur fureur est grande, ils l'entraînent à l'aide de leur trompe contre leurs pieds de devant, et marchent dessus ou le massacrent en le frappant et le perçant avec leurs défenses. C'est aussi par les coups redoublés de ces défenses qu'ils abattent des murs, et qu'ils frappent sur les choses que leur trompe ne peut pas saisir. Ils craignent le feu ; on arrête leur fureur en leur jetant des pièces d'artifice enflammées. Cet animal si grand et si fort est exposé aux insultes des plus vils insectes, les mouches l'incommodent en le piquant dans les endroits où sa peau est gersée ; c'est pourquoi il a soin de jeter avec sa trompe de la poussière sur son corps, et de se rouler sur la terre en sortant du bain : car il ne manque pas de se baigner souvent, soit pour faire tomber la croute que la poussière a formée sur sa peau, soit pour ramollir son épiderme qui est sujet à se dessécher ; on le frotte d'huîle pour prévenir ce desséchement. En fronçant sa peau il écrase les mouches qui se trouvent dans les gersures. Ses ennemis les plus redoutables sont le rhinoceros, le lion, le tygre et les serpens, mais surtout le tygre, parce qu'il saisit l'éléphant par la trompe et la met en pièces. Les Nègres lui donnent la chasse, parce qu'ils vendent ses défenses et mangent sa chair.

Lorsque les éléphans sont en chaleur ils deviennent furieux ; mais, au rapport de Tavernier, cela n'arrive guère à ceux qui sont apprivoisés. On prétend que la femelle amoncelle des feuilles avec sa trompe, en fait une sorte de lit, s'y couche sur le dos quand elle veut recevoir le mâle, et l'appelle par des cris ; que leur accouplement ne se fait que dans les lieux les plus écartés et les plus solitaires, et que les femelles portent pendant dix ans. Quelques auteurs disent qu'elles ne conçoivent qu'une fois en sept ans, et que leur portée n'est que d'un an, de dix-huit mois, de deux ans, ou de deux ans et demi ; que chaque portée est d'un seul foetus. D'autres soutiennent qu'il y en a trois ou quatre, et que la mère les alaite pendant sept ou huit ans ; mais tous ces faits sont très-incertains, on n'a pu les observer sur les éléphans domestiques, puisqu'ils ne s'accouplent pas, et il n'est guère possible de suivre des éléphans sauvages d'assez près et assez longtemps pour faire de telles observations. La durée de leur vie n'est guère mieux connue ; on a dit que ces animaux vivaient jusqu'à trois, quatre ou cinq cent ans, et qu'ils grandissent pendant la moitié de leur vie : d'autres assurent qu'elle ne dure que cent vingt, cent trente, ou cent cinquante ans, etc.

On a mis l'éléphant au rang des animaux fissipedes, dans les divisions méthodiques des quadrupedes. En effet il a cinq doigts à chaque pied, mais ils sont entièrement réunis et cachés sous la peau. Les ongles ne sont pas vraiment des ongles ; ils ne tiennent pas aux doigts comme il a déjà été dit, et leur nombre varie, puisque l'éléphant de Versailles n'en avait que 3 à chaque pied, tandis qu'on en montrait un autre à Paris qui venait des Indes, et qui en avait quatre. Cependant le P. Tachard a observé que tous les éléphans qu'il a vus à Siam, avaient cinq ongles.

Il y a eu diverses opinions sur les défenses de l'éléphant. On a cru que la plupart des femelles n'en avaient point, et qu'elles étaient très-courtes dans les autres ; qu'elles sortaient de la mâchoire inférieure, et qu'elles tombaient chaque année. Mais les défenses de l'éléphant femelle de Versailles, tenaient à la mâchoire supérieure ; elles étaient longues, et n'ont pas tombé pendant les treize ans qu'il a été à la ménagerie. Quelques auteurs ont prétendu que ces défenses étaient des dents : d'autres ont soutenu qu'on devait les regarder comme des cornes ; en effet leur substance qui est l'ivoire (voyez IVOIRE) s'amollit au feu, ce qui n'arrive pas à celle des dents ; et l'os dont sortent ces défenses est distinct et séparé de celui dont sortent les dents : ce qui prouve qu'elles sont de véritables cornes.

On ferait une longue histoire de l'éléphant, si l'on rapportait tout ce qu'on a dit de son instinct, et tous les détails du cérémonial établi chez différents peuples, qui ont beaucoup de vénération pour cet animal ; on verrait que l'amour du merveilleux a fait croire que l'éléphant a des vertus et des vices, qu'il est chaste et modeste, orgueilleux et vindicatif, qu'il aime les louanges, qu'il comprend ce qu'on lui dit, etc. Des nations entières ont fait des guerres longues et cruelles, et des milliers d'hommes se sont égorgés pour la conquête de l'éléphant blanc. Cent officiers soignent un éléphant de cette couleur à Siam ; il est servi en vaisselle d'or, promené sous un dais, logé dans un pavillon magnifique dont les lambris sont dorés. Plusieurs rois de l'Orient préfèrent à tout autre titre, celui de possesseur de l'éléphant blanc. Mais c'en est assez sur ce sujet, qui est fort étranger à l'histoire naturelle de l'éléphant.

Les éléphans sauvages vont par troupes. Il y a plusieurs manières de les prendre et de les apprivoiser. Au royaume de Siam, des hommes montent sur des éléphans femelles, et se couvrent de feuillages pour n'être pas aperçus des éléphans sauvages qu'ils vont chercher dans les forêts : dès qu'ils se croient à portée de quelques-uns de ces animaux, ils font crier les femelles sur lesquelles ils sont montés ; les mâles repondent à ces cris par des hurlements effroyables, et s'approchent des femelles, que les hommes font marcher vers une allée fermée par des palissades ; les mâles suivent les femelles, et dès que l'un d'eux est entré dans l'allée, ont fait tomber deux coulisses, une par devant l'éléphant sauvage, et l'autre par derrière : de sorte qu'il se trouve enfermé sans pouvoir avancer, ni reculer, ni se retourner. Il jette des cris terribles, et fait des efforts étonnans pour se dégager, mais c'est en vain ; alors on tâche de le calmer et de l'adoucir, en lui jetant des seaux d'eau sur le corps ; on verse de l'huîle sur ses oreilles, et on fait venir des éléphans privés mâles et femelles qui le caressent avec leurs trompes. Pendant ce temps-là, on lui passe des cordes sous le ventre et aux pieds de derrière, et enfin on fait approcher un éléphant privé. Un homme est monté dessus et le fait avancer et reculer, pour donner exemple à l'éléphant sauvage ; ensuite on lève la coulisse qui l'arrête, et aussitôt il avance jusqu'au bout de l'allée : dès qu'il y est arrivé, on met à ses côtés deux éléphans domestiques, que l'on attache avec lui ; un troisième marche devant, et le tire par une corde ; et un quatrième le suit, et le fait marcher à grands coups de tête qu'il lui donne par-derrière. C'est ainsi qu'on conduit l'éléphant sauvage jusqu'à une espèce de remise, où on l'attache à un gros pilier qui tourne comme un cabestan de navire ; on le laisse-là pour lui donner le temps d'apaiser sa fureur. Dès le lendemain il commence à aller avec les éléphans privés, et en quinze jours il est entièrement apprivoisé.

Le roi de Siam a encore une autre façon de faire la chasse aux éléphans : mais elle demande beaucoup d'appareil. On commence par attirer le plus grand nombre d'éléphans sauvages qu'il est possible dans un parc spacieux, environné par de gros pieux qui laissent de grandes ouvertures de distance en distance ; on les y fait venir par le moyen d'une femelle, ou en les épouvantant par le son des trompettes, des tambours, des hautbais, et surtout par le feu dans divers endroits de la forêt, pour les faire aller dans le parc. Lorsqu'ils y sont arrivés, on fait autour une enceinte d'éléphans de guerre, pour empêcher que les éléphans sauvages ne franchissent les palissades ; ensuite on mène dans le parc à-peu-près autant d'éléphans privés des plus forts, qu'il y a d'éléphans sauvages. Les premiers sont montés chacun par deux chasseurs, qui portent de grosses cordes à nœuds coulants, dont les bouts sont attachés à l'éléphant. Les conducteurs de chacun de ces éléphans les font courir contre un éléphant sauvage, qui fuit aussi-tôt et se présente aux ouvertures du parc pour en sortir ; mais il est repoussé par les éléphans de guerre qui forment l'enceinte du dehors ; et pendant qu'il marche ainsi dans le parc, les chasseurs jettent leurs nœuds si à-propos dans les endroits où il doit mettre le pied, qu'en peu de temps tous les éléphans sauvages sont attachés. On les met entre des éléphans privés pour les conduire, comme dans la chasse dont il a déjà été fait mention.

Au Pégu on emploie pour cette chasse plus d'art, mais moins de monde. On a plusieurs femelles dressées au manège qu'elles doivent faire dans cette occasion ; on les frotte aux parties de la génération avec une huîle fort odoriférante, que les mâles sentent de loin ; on mène ces femelles dans les forêts, et bientôt les éléphans sauvages accourent de toutes parts, et les suivent : alors elles prennent le chemin d'un parc environné de gros pieux plantés à telle distance l'un de l'autre, qu'un homme peut passer entre deux, mais non pas un éléphant, excepté à l'entrée du parc où il y a une grande ouverture qui se ferme par une herse. Il se trouve aussi entre les pieux plusieurs portes qui communiquent chacune dans une écurie, et que l'on peut fermer par des coulisses. Lorsque les femelles privées sont entrées dans le parc avec les éléphans sauvages, on fait tomber la herse pour clorre la grande ouverture ; ensuite les femelles entrent dans leurs écuries, et on baisse la coulisse des portes. Les éléphans se voyant seuls et enfermés, entrent en fureur ; ils poursuivent les hommes qui se trouvent dans le parc pour faire les manœuvres nécessaires : mais ceux-ci s'échappent entre les pieux, que les éléphans frappent avec leurs défenses ; mais ils cassent souvent leurs défenses, au lieu de briser les pieux : ils jettent de grands cris, ils pleurent, ils gémissent, et font des efforts de toute espèce pendant deux ou trois heures ; enfin les forces leur manquent, ils s'arrêtent, la sueur coule de toutes les parties de leur corps, ils laissent tomber leur trompe à terre, et il en sort une grande quantité d'eau. Lorsqu'ils sont dans cet état, on fait sortir les femelles de leurs écuries, elles rentrent dans le parc, et se mêlent parmi les éléphans sauvages. Bien-tôt elles vont dans d'autres écuries qui sont destinées à ces éléphans ; chacun suit une femelle et entre après elle dans une écurie : mais il s'y trouve seul, car la femelle sort par une porte de derrière, et aussi-tôt on enferme l'éléphant sauvage dans cette écurie où il se trouve fort serré ; on l'y tient lié ; il passe quatre ou cinq jours sans vouloir ni manger, ni boire ; enfin il s'accoutume à son esclavage, et en huit jours il se trouve bien apprivoisé.

A Patane, qui est un royaume dépendant de celui de Siam, on mène seulement un grand éléphant privé dans le bois ; dès qu'un éléphant sauvage l'aperçoit, il vient l'attaquer : ces deux éléphans croisent leurs trompes en s'efforçant de se renverser l'un l'autre ; pendant que la trompe de l'éléphant sauvage est embarrassée, on lui lie les jambes de devant, alors il n'ose plus se remuer, parce qu'il craint de tomber : ainsi il est aisé de l'apprivoiser par la faim.

On tend aussi des chausses-trapes pour faire tomber les éléphans sauvages dans des fosses, et ensuite on les lie avec des cordes. L'éléphant s'apprivoise en peu de temps : trois jours suffisent, si on les prive de nourriture, ou si on les empêche de dormir. On les prend plus facilement lorsqu'ils sont très-jeunes. Voyez le prem. voyage de Siam, par le P. Tachart ; les mémoires pour servir à l'histoire naturelle des animaux, qui a déjà été citée ; et plusieurs relations de voyageurs dont cet article a été extrait. Voyez QUADRUPEDE. (I)

ELEPHANT, (Matière médicale) de toutes les parties de cet animal, il n'y a que les dents qui soient en usage ; elles sont connues sous le nom d'ivoire. Voyez IVOIRE.

* ELEPHANS, (Histoire ancienne) les anciens employèrent cet animal dans leurs armées ; les Orientaux s'en étaient servi avant eux ; les Persans et les Indiens en avaient menés en troupe au combat. Il était difficîle de les blesser. Ils écrasaient sous leurs pieds tout ce qui s'opposait à eux ; ils portaient des tours sur leur dos, d'où des soldats armés faisaient pleuvoir des traits, des flèches, des pierres, et des javelots sur leurs ennemis. Ils étaient dressés à saisir les hommes avec leur trompe, et à les jeter dans la tour qu'ils portaient. Ils rompaient les rangs ; ils épouvantaient les chevaux. Lorsqu'on se fut accoutumé à cette espèce de péril, on résista aux éléphans avec le feu, avec des poutres aiguës plantées devant les rangs, des haches dont on leur coupa les pieds, des armes en forme de faulx dont on leur trancha la trompe, de longues piques qu'on leur enfonça sous la queue, où ils ont la peau moins épaisse ; enfin on leur opposa d'autres éléphans. On vit alors les animaux les plus terribles prendre part dans les querelles des hommes, et s'entre-détruire pour les défendre ou les vanger.

Les Romains qui en virent pour la première fois dans l'armée de Pyrrhus, les prirent pour des bœufs de Lucanie ; une défaite totale fut la suite de leur ignorance. Dans la suite ils firent marcher eux-mêmes ces animaux contre leurs ennemis : ce fut une partie principale du butin qu'ils firent sur les Carthaginois. Ils en opposèrent pour la première fois à Philippe ; ils en honorèrent leurs triomphes ; ils en exposèrent dans les jeux du cirque, où l'on vit quelquefois des éléphans vaincus par des hommes. C'était un bel exemple de la supériorité de l'industrie sur la force. On dit qu'ils en dressèrent à marcher sur des cordes tendues. Ils en attelèrent à leurs chars. César se fit éclairer par quarante éléphans, qui portaient devant lui des flambeaux à la guerre. On appelait zoarque, celui qui commandait un éléphant ; thérarque, celui qui en commandait deux ; alpthérarque, celui qui en commandait trois ; hylarque, celui qui en commandait huit ; chératarque, celui qui en commandait vingt ; et phallangarque, celui qui en commandait soixante-quatre.

ELEPHANT, (Myt. Médailles) L'éléphant sur les médailles est un des sujets qui a le plus exercé les antiquaires, pour en deviner les diverses significations. Il marque ordinairement les jeux publics et les triomphes, où l'on prenait plaisir de faire voir au peuple ces sortes d'animaux. Dans les médailles de Jules-César sur la fin de la république, où il n'était pas permis de mettre sa tête sur les monnaies, on imagina pour flatter son ambition de mettre à la place cet animal ; parce qu'en langue punique, césar signifiait un éléphant. Aussi dans la suite, l'éléphant fut pris pour une marque de la puissance souveraine : il est vrai cependant qu'il désigne ailleurs le symbole de l'éternité, ou celui de la piété envers Dieu. Mais pour abréger, voyez Spanheim, numismata ; Begeri, thesaurus Brandenburgicus ; et surtout Cuper (Gisbert), de elephantis, etc. Hagae-Comit. 1719, in-folio, fig. Article de M(D.J.)

ELEPHANT, nom donné à un ordre militaire ancien et fort honorable que confèrent les rois de Danemark, et qu'ils n'accordent qu'aux personnes de la plus haute qualité, et d'un mérite extraordinaire.

On l'appelle l'ordre de l'éléphant, parce qu'il a pour arme un éléphant d'or émaillé de blanc, chargé d'une tour d'argent maçonnée de sable, sur une terrasse de synople émaillée de fleurs. Cette marque de l'ordre est ornée de diamants, et pend à un ruban bleu, ondé comme le cordon bleu en France. Chambers. (G)

ELEPHANT, (île de l') île de l'Indostan sur la côte du Malabar. Elle a été ainsi nommée, de la figure d'un éléphant qu'on voit taillée dans le roc, grande comme nature. Il y a au même endroit un cheval de pierre, une pagode, avec une quarantaine de figures gigantesques, rangées symétriquement. Les payens de cette île en ont fait l'objet de leur culte.