manati, s. m. (Histoire naturelle) animal amphibie, qui a été mis au nombre des poissons par plusieurs naturalistes, et qui a été regardé comme un quadrupede par ceux qui l'ont mieux observé. Cet animal a beaucoup de rapport à la vache marine, et au phoca ou veau de mer ; il parait qu'il doit passer comme eux pour quadrupede. Le lamantin a depuis dix jusqu'à quinze pieds de longueur, et même davantage, et six ou sept pieds de largeur ; il pese depuis soixante-dix jusqu'à cent ou deux cent livres ; on prétend même qu'il s'en trouve du poids de neuf cent livres. La tête est oblongue, ronde ; elle a quelque ressemblance avec celle d'un bœuf ; mais le muffle est moins gros, et le menton est plus épais ; les yeux sont petits ; il n'y a que de petits trous à l'endroit des oreilles ; les lèvres sont grandes ; il sort de la bouche deux dents longues d'un ampan, et grosses comme le pouce ; le col est très-gros et fort-court ; cet animal a deux bras courts, terminés par une sorte de nageoire composée comme une main de cinq doigts qui tiennent les uns aux autres par une forte membrane, et qui ont des ongles courtes : c'est à cause de ces sortes de mains que les Espagnols ont appelé cet animal manates ou manati ; il n'y a aucune apparence de pieds à la partie postérieure du corps qui est terminée par une large queue. Les lamantins femelles ont sur la poitrine deux mammelles arrondies ; celles d'un individu long de quatorze pieds neuf pouces, avaient sept pouces de diamètre, et quatre pouces d'élévation ; le mamelon était long de deux ou trois pouces d'élévation, et avait un pouce de diamètre. Les parties de la génération ressemblent à celles des autres quadrupedes, et même à celles de l'homme et de la femme. La peau du lamantin est épaisse, dure, presqu' impénétrable, et revêtue de poils rares, gros, et de couleur cendrée ou mêlée de gris et de brun.

Cet animal broute l'herbe commune et l'algue de mer sur les bords de l'eau sans en sortir ; on prétend qu'il ne peut pas marcher, et qu'étant engagé dans quelque anse, d'où il ne puisse pas sortir avec le reflu, il demeure sur le sable, sans pouvoir s'aider de ses bras ; d'autres assurent qu'il marche, ou au moins qu'il se traine sur la terre ; il jette des larmes ; il se plaint lorsqu'on le tire de l'eau ; il a un cri, il soupire ; c'est à cause de cette sorte de lamentation qu'il a été appelé lamantin ; ce gémissement est bien différent du chant : cependant on croit que cet animal a donné lieu à la fable des sirènes : lorsqu'il porte ses petits entre ses bras, et qu'on le voit hors de l'eau avec ses mammelles et sa tête, on pourrait peut-être y apercevoir quelques rapports avec la figure chimérique des sirènes. Le lamantin aime l'eau fraiche ; aussi ne s'éloigne-t-il guère des côtes ; on le trouve à l'embouchure des grandes rivières, en divers lieux de l'Afrique, dans la mer rouge, dans l'île de Madagascar, à Manaar près de Ceylan, aux îles Moluques, Philippines, Lucayes, et Antilles, dans la rivière des Amazones ; au Bresil, à Surinam, au Pérou, etc. Cet animal est timide ; il s'apprivoise facilement ; ses principaux ennemis sont le crocodîle et le requin : il porte ordinairement deux petits à-la-fais ; lorsqu'il les a mis bas, il les approche de ses mammelles avec ses bras ; ils se laissent prendre avec la mère, lorsqu'elle n'a pas encore cessé de les nourrir. La chair du lamantin est très-bonne à manger, blanche et fort saine : on la compare pour le goût à celle du veau, mais elle est plus ferme ; sa graisse est une sorte de lard qui a jusqu'à quatre doigts d'épaisseur, on en fait des lardons et des bardes pour les autres viandes ; on le mange fondu sur le pain comme du beurre ; il ne se rancit pas si aisément que d'autres graisses ; on trouve dans la tête du lamantin, quatre pierres de différentes grosseurs, qui ressemblent à des os : elles sont d'usage en Médecine.

On tue le lamantin tandis qu'il pait sur le bord des rivières ; lorsqu'il est jeune, il se prend au filet. Dans le continent de l'Amérique, lorsque les pêcheurs voient cet animal nager à fleur d'eau, ils lui jettent depuis leur barque ou leur canot, des harpons qui tiennent à une corde menue mais forte. Le lamantin étant blessé, s'enfuit : alors on lâche la corde à l'extrémité de laquelle est lié un morceau de bois ou de liege, pour l'empêcher d'être submergée entièrement, et pour en faire apercevoir le bout : le poisson ayant perdu son sang et ses forces, aborde au rivage. Voyez l'Histoire naturelle des animaux, par MM. Arnauld de Nobleville, et Salerne, tom. V. Voyez QUADRUPEDE.