S. m. (Botanique) plante maritime, nommée par Tournefort, fucus maritimus vesiculas habens, I. R. H. Cette herbe se nomme en Bretagne gouémon ; sur les côtes du pays d'Aunis, sar ; et sur les côtes de Normandie, varech, nom qui s'étend même sur tout ce que la mer jette sur ses bords ; d'où vient le droit de varech que dans cette province les seigneurs de fiefs voisins de la mer prétendent avoir sur les effets qu'elle jette sur le rivage ; il est vraisemblable que ce mot dérive de l'anglais wrack ou wreck, qui signifie naufrage, vieux mot normand que ce peuple a porté en Angleterre.

Quoiqu'il en sait, le varech est une espèce de fucus des botanistes ; c'est une plante maritime qui pousse plusieurs petites tiges plates, étroites, mais qui s'élargissent peu-à-peu en croissant, et qui se divisent en petits rameaux, portant des feuilles larges, oblongues, ayant quelque ressemblance à celles du chêne, cependant plus petites, attachées avec leurs tiges par une substance tenace, pliante, membraneuse, ordinairement lisses, quelquefois velues ou couvertes d'un poil blanc ; c'est peut-être la fleur de la plante qui est suivie de graines rondes ; il s'y élève aussi des tubercules vides, en forme de vessies, tantôt oblongues, tantôt rondes, tantôt plus grosses, tantôt plus petites. Cette plante est souvent basse, et quelquefois elle croit jusqu'à la hauteur d'un pied et demi : pendant qu'elle est récemment cueillie, elle a une vilaine couleur jaune-verdâtre ; mais si on la fait sécher, elle devient noire, principalement celle qu'on a tirée des rivages sablonneux de la mer.

On se servait autrefois en Crète de cette plante au rapport de Pline, l. XXVI. c. Xe pour teindre en pourpre. Horace, ode V. l. III. le confirme, en disant :

Neque amissos colores

Lana refert medicata fuco.

" La laine une fois teinte de pourpre, ne reprend jamais sa première couleur ". Nous avons perdu ce secret, et nous ne connaissons point d'espèce de fucus qu'on emploie à aucune teinture. Son seul usage en quelques endroits est à fumer les terres ; et en Normandie, à bruler, pour faire cette sorte de soude, qu'on nomme soude de varech, qui se consume en quantité à Cherbourg pour fondre le verre, soit en table, soit en plat.

Lorsque les pêcheurs ou les riverains qui n'ont pas de bateaux ou gabares, trouvent à la basse eau une grande quantité de gouémon, ou qu'ils en font la récolte dans le temps permis et réglé par l'ordonnance, ils ramassent les herbes marines, en font de gros tas ou meulons, qu'ils lient comme ils peuvent avec de mauvais cordages souvent seulement avec du chanvre retors et mal fabriqué ; plusieurs personnes se mettent sur ce gouémon avec des perches, et attendent que le flot soulève leur meulon pour le conduire à la côte au-dessus du plain, et pouvoir ensuite plus aisément l'emporter en haut sur les terres ; si la marée est tranquille et la mer étalle, ils y abordent aisément ; mais pour peu qu'il fasse de moture, et que le vent soit contraire, ils ont peine à gagner le bord ; et si les vagues s'augmentent, comme il arrive souvent sur le coup de la pleine mer, et qu'elles entament tant-sait-peu ces meulons, ils se dissipent et s'éboulent aussitôt ; et pour lors, les hommes et les femmes qui s'y sont exposés, tombent à la mer, et sont souvent noyés, sans qu'on puisse leur donner aucun secours, et il n'est que trop ordinaire dans les paroisses où ces sortes de meulons sont en usage, de voir périr quantité de personnes, et même des familles entières ; c'est le sujet des remontrances des recteurs des paroisses riveraines, le motif que le seigneur évêque diocésain a eu d'en faire un cas réservé ; ainsi ces meulons doivent être défendus, à peine de punition corporelle ; et les syndics ou gardes jurés des pêcheurs doivent être chargés, lorsqu'ils seront établis le long des côtes de cette province, d'y tenir la main, et de dénoncer aux Officiers du ressort les riverains qui auront contrevenu à la défense.

Les laboureurs emploient le gouémon de différentes manières ; les uns le répandent sur les terres lorsqu'ils l'ont recueilli à la côte, ou qu'il a été nouvellement coupé ; mais la plupart en font des fumiers qu'ils nomment mains, qu'ils composent de gouémon, des fumiers de bestiaux et de terres franches, qu'ils laissent consommer ensemble, et qu'ils répandent ensuite sur leurs terres ; un laboureur est estimé d'autant plus à son aise, qu'il a nombre ou quantité de ces mains.

Il y a le long de ces côtes grand nombre de gabares gouémonnières qui font pendant tout le cours de l'année uniquement le commerce du gouémon, qu'ils ne discontinuent que durant la saison de la pêche du maquereau, où elles sont alors destinées, et dont les équipages sont composés de ces riverains hommes et femmes.

Le grand nombre d'iles désertes et de rochers qui sont couverts de gouémon, facilite aux maîtres de ces gabares le commerce qu'ils en font ; mais ils chargent souvent leurs gabares avec tant d'imprudence, que plusieurs y périssent ; d'autres qui n'ont point de gabares pour aller en mer, s'attroupent à la côte lors des motures et des tempêtes qui rejettent ordinairement grande quantité de gouémon au bord des greves qu'ils ramassent de basse-mer, et dont ils font des meulons liés avec de mauvaises cordes, et sur lesquels ils se risquent de marée montante pour conduire leur gouémon au haut de la pleine mer, la violence des vagues éboule souvent ces meulons, et fait périr ceux qui ont été assez téméraires de s'y exposer ; d'autres enfin se mettent à l'eau avec de longues perches, pour attirer à terre le gouémon qui flotte, et sont quelquefois emportés par le ressac de la lame.

L'ordonnance n'ayant pas pourvu à une pareille témérité, sa majesté intéressée à la conservation de ses sujets, n'a pas mis une police pour contenir ces malheureux riverains : les évêques avertis des malheurs qui arrivent à cette occasion par les recteurs qui les en ont informés, ont fait un cas réservé de cette récolte à eux seuls, pour contenir ceux qui s'exposeraient à périr en se mettant sur ces meulons, c'est tout ce que le juge ecclésiastique a pu de sa part.

VARECH, de la fabrique de la soude. Pour faire la soude, les pêcheurs ramassent tout le varech de flot et de rapport qui vient à la côte ; quand ils ont amassé une quantité de ces herbes, ils les sechent et les brulent ensuite dans des trous ou espèces de fourneaux qu'ils font au pied des falaises.

Voici la manière de bruler le varech, telle qu'elle se pratique dans le ressort de l'amirauté de Cherbourg.

On construit une fosse longue de 7 à 8 pieds, large de 3 à 4, et profonde au-dessus de l'atre de 18 à 20 pouces ; on sépare cette fosse en trois ou quatre au moyen de deux pierres plates, qui en traversent la largeur ; au fond sont des pierres brutes et plates, comme des gros carreaux, et que les riverains trouvent aisément le long de cette côte. Quand les fosses sont faites, on les remplit de varech sec ; on y met le feu, et l'on fournit des plantes toujours jusqu'à-ce que les cendres aient rempli une partie des fosses dont on casse la soude qui s'y est formée pour l'en retirer : ce petit commerce est de conséquence pour les riverains de cette amirauté.

On ne doit bruler les varechs que lorsque le vent chasse à la mer, à cause que la fumée de ces herbes fait du tort aux arbres. Voyez la figure 2. Pl. XVII. de Pêche.

Le commerce de la soude est très-avantageux aux marchands ; car les pêcheurs la leur vendent 30 livres le cent, et ils la revendent au-moins le double.

Le varech sert aussi à fumer les terres.

Dans certains lieux on halle le varech au haut de la côte, par le moyen d'un cheval qui tire une corde passée sur une poulie.

VARECH, (Jurisprudence) l'ancienne coutume de Normandie dit que tout ce que l'eau de la mer aura jeté à terre est varech : la nouvelle coutume comprend sous ce terme tout ce que l'eau jette à terre par la tourmente et fortune de mer, ou qui arrive si près de terre, qu'un homme à cheval y puisse toucher avec sa lance.

Le droit que certains seigneurs prétendent sur les effets que la mer a jetés à bord, s'appelle droit de varech.

La garde du varech appartient au seigneur dans le fief duquel il est trouvé.

S'il y a des choses périssables, elles doivent être vendues par autorité de justice.

Si le propriétaire reclame les effets dans l'an et jour, ils lui sont rendus ; mais après l'an et jour, ils appartiennent au seigneur féodal et au roi.

L'article 602 de la coutume de Normandie adjuge au roi l'or et l'argent, lorsqu'il vaut plus de 20 liv. les chevaux de service, francs-chiens, oiseaux, ivoire, corail, pierres, écarlate, le vair, le gris, les peaux zibelines non encore appropriées à usage d'homme, les pièces de draps et de soie, le poisson royal. Tous les autres effets appartiennent au seigneur.

Ce droit est confirmé en faveur des seigneurs de Normandie par l'ordonnance de la marine, l. IV. tit. ix. art. 3. et suiv.

Elle leur défend seulement de faire transporter les choses échouées dans leurs maisons, avant qu'elles aient été visitées par les officiers de l'amirauté.

Elle leur défend aussi d'empêcher les maîtres de se servir de leur équipage pour alléger leurs bâtiments échoués, et les remettre à flot, ni de les forcer de se servir de leurs valets et vassaux, sous peine de 1500 liv. d'amende, et de perte de leur droit.

L'ordonnance ne veut pas non-plus, que sous prétexte du droit de varech, les riverains prennent aucune part aux effets trouvés sur les flots, ou pêchés en pleine mer, et amenés sur les greves en l'endroit de leurs seigneuries, ni sur les poissons gras, et autres qui y sont conduits et chassés par l'industrie des pêcheurs.

Enfin, elle ordonne de punir de mort les seigneurs de fiefs voisins de la mer, et tous autres qui auraient forcé les pilotes ou locmants de faire échouer les navires aux côtes qui joignent leurs terres pour en profiter, sous prétexte du droit de varech ou autre.

Le titre suivant de la même ordonnance traite de la coupe du varech. Voyez les commentateurs de la coutume de Normandie, tit. de varech, et le commentaire de M. Valin, sur le tit. 9. de l'ordonnance de la marine. (A)

VARECH, (Marine) nom qu'on donne à un vaisseau qui est au fond de l'eau, et hors de service.