S. m. (Histoire naturelle, Botanique) vanilla, genre de plante à fleur polypétale, anomale et composée de six pétales, dont cinq sont semblables et disposés presqu'en rond ; le sixième occupe le milieu de la fleur, et il est roulé en forme d'aiguière ; le calice devient dans la suite un fruit en forme de corne molle et charnue, qui renferme de très-petites semences. Plumier, nova plant. amer. gen. Voyez PLANTE.

VANILLE, s. f. (Botanique exotique) gousse américaine qui donne la force, l'odeur, et le goût au chocolat ; cette boisson dont les Espagnols font leurs délices, et qu'ils n'aiment pas moins que l'oisiveté. Quoiqu'ils tirent ce fruit depuis près de deux siècles, des pays qu'ils ont si cruellement ravagés, ils ne savent pas même aussi-bien que nous, ce qui concerne les espèces, la culture, la multiplication, et les propriétés de la vanille. Nous ne leur devons point le peu de lumières que nous en avons, et sur tout le reste, ils nous ont bien dégagés de la reconnaissance.

La vanille est du nombre de ces drogues dont on use beaucoup, et que l'on ne connait qu'imparfaitement. On ne peut pas douter que ce ne soit une gousse, ou silique, qui renferme la graine d'une plante, et delà lui vient le nom espagnol de vaynilla, qui signifie petite guaine ; mais on ne connait ni le nombre des espèces, ni quelles sont les espèces les plus estimables de ce genre de plante, en quel terroir elles viennent le mieux, comment on les cultive, de quelle manière on les multiplie, etc. on n'a sur tout cela que des détails peu surs et peu exacts. Messieurs les académiciens qui ont été au Pérou, ne nous ont point fourni les instructions qui nous manquent sur cette plante.

Les Américains sont seuls en possession de la vanille, qu'ils vendent aux Espagnols, et ils conservent soigneusement ce trésor qui leur est du moins resté, apparemment parce que leurs maîtres n'ont pas su le leur ôter. On dit qu'ils ont fait serment entr'eux de ne révéler jamais rien aux Espagnols, fût-ce la plus grande de toutes les bagatelles ; c'est en ce cas une convention tacite dont ils ne rendraient que de trop bonnes raisons ; et souvent ils ont souffert les plus cruels tourments, plutôt que d'y manquer.

D'un autre côté, les Espagnols contens des richesses qu'ils leur ont enlevées, de plus accoutumés à une vie paresseuse, et à une douce ignorance, méprisent les curiosités d'histoire naturelle, et ceux qui les étudient ; en un mot, si l'on en excepte les seuls Hernandez, et le père Ignacio, espagnols, c'est aux curieux des autres nations, aux voyageurs, aux négociants, et aux consuls établis à Cadix, que nous sommes redevables du petit nombre de particularités que nous avons sur cette drogue précieuse, et qui formeront cet article.

Noms et descriptions de la vanille. Elle est nommée des Indiens mécasubil, et par nos botanistes vanilla, vaniglia, vayniglia, vanillias, piperis arbori jamaïcensis innascens, Pluk. almag. 301.

C'est une petite gousse presque ronde, un peu aplatie, longue d'environ six pouces, large de quatre lignes, ridée, roussâtre, mollasse, huileuse, grasse, cependant cassante, et comme coriace à l'extérieur. La pulpe qui est en dedans, est roussâtre, remplie d'une infinité de petits grains, noirs, luisans ; elle est un peu âcre, grasse, aromatique, ayant l'odeur agréable du baume du Pérou : on nous l'apporte du Pérou et du Méxique ; elle vient dans les pays les plus chauds de l'Amérique, et principalement dans la nouvelle Espagne ; on la prend sur des montagnes accessibles aux seuls Indiens, dans les lieux où il se trouve quelque humidité.

Ses espèces. On distingue trois sortes principales de vanilles ; la première est appelée par les Espagnols, pompona ou bova, c'est-à-dire enflée ou bouffie ; celle de leq, la marchande ou de bon aloi ; la simarona ou bâtarde ; les gousses de la pompona sont grosses et courtes ; celles de la vanille de leq, sont plus déliées et plus longues ; celles de la simarona sont les petites en toute façon.

La seule vanille de leq est la bonne ; elle doit être d'un rouge brun foncé, ni trop noire, ni trop rousse, ni trop gluante, ni trop desséchée ; il faut que ses gousses quoique ridées, paraissent pleines, et qu'un paquet de cinquante pese plus de cinq onces ; celle qui en pese huit est la sobrebuena, l'excellente. L'odeur en doit être pénétrante et agréable ; quand on ouvre une de ces gousses bien conditionnée et fraiche, on la trouve remplie d'une liqueur noire, huileuse et balsamique, où nagent une infinité de petits grains noirs, presque absolument imperceptibles, et il en sort une odeur si vive, qu'elle assoupit, et cause une sorte d'ivresse. La pompona a l'odeur plus forte, mais moins agréable ; elle donne des maux de tête, des vapeurs, et des suffocations. La liqueur de la pompona est plus fluide, et ses grains plus gros, ils égalent presque ceux de la moutarde. La simarona a peu d'odeur, de liqueur et de grains.

On ne vend point la pompona, et encore moins la simarona, si ce n'est que les Indiens en glissent adroitement quelques gousses parmi la vanille de leq. On doute si les trois sortes de vanilles en question, sont trois espèces, ou si ce n'en est qu'une seule, qui varie selon le terroir, sa culture et la saison où elle a été cueillie.

Dans toute la nouvelle Espagne, on ne met point de vanille au chocolat ; elle le rendrait mal sain, et même insupportable ; ce n'est plus la même chose quand elle a été transportée en Europe. On a envoyé à nos curieux des échantillons d'une vanille de Caraca et de Maracaybo, villes de l'Amérique méridionale ; elle est plus courte que celle de leq, moins grosse que la pompona, et parait de bonne qualité ; c'est apparemment une espèce différente : on parle aussi d'une vanille du Pérou, dont les gousses sechées sont larges de deux doigts, et longues de plus d'un pied ; mais dont l'odeur n'approche pas de celle des autres, et qui ne se conserve point.

Lorsque les vanilles sont mûres, les Méxicains les cueillent, les lient par les bouts, et les mettent à l'ombre pour les faire sécher ; lorsqu'elles sont séches et en état d'être gardées, ils les oignent extérieurement avec un peu d'huîle pour les rendre souples, les mieux conserver, empêcher qu'elles ne se séchent trop, et qu'elles ne se brisent. Ensuite ils les mettent par paquets de cinquante, de cent, ou de cent cinquante, pour nous les envoyer.

Prix et choix de la vanille. Le paquet de vanille composé de cinquante gousses, se vend à Amsterdam depuis dix jusqu'à vingt florins, c'est-à-dire depuis vingt et une jusqu'à quarante-deux livres de notre monnaie, suivant la rareté, la qualité, ou la bonté : on donne un pour cent de déduction pour le prompt payement. On choisit les vanilles bien nourries, grosses, longues, nouvelles, odorantes, pesantes, un peu molles, non trop ridées ni trop huileuses à l'extérieur ; il ne faut pas qu'elles aient été mises dans un lieu humide, car alors elles tendraient à semoisir, ou le seraient déjà ; elles doivent non-seulement être exemptes dumoisi, mais être d'une agréable odeur, grasses et souples. Il faut encore prendre garde qu'elles soient égales, parce que souvent le milieu des paquets n'est rempli que de petites vanilles seches et de nulle odeur ; la graine du dedans qui est extrêmement petite, doit être noire et luisante : on ne doit pas rejeter la vanille qui se trouve couverte d'une fleur saline, ou de pointes salines très-fines, entièrement semblables aux fleurs de benjoin : cette fleur n'est autre chose qu'un sel essentiel dont ce fruit est rempli, qui sort au-dehors quand on l'apporte dans un temps trop chaud.

Quand on laisse la vanille mure trop longtemps sur la plante sans la cueillir, elle creve, et il en distille une petite quantité de liqueur balsamique, noire et odorante, qui se condense en baume : on a soin de la ramasser dans de petits vases de terre, qu'on place sous les gousses : nous ne voyons point en Europe de ce baume, soit parce qu'il ne se conserve pas dans le transport, soit parce que les gens du pays le retiennent pour eux, soit parce que les Espagnols se le réservent.

Falsification de la vanille. Dès qu'il n'en sort plus de liqueur balsamique, il y a des Méxicains qui connaissant le prix qu'on donne en Europe à la vanille, ont soin, après avoir cueilli ces sortes de gousses, de les remplir de paillettes et d'autres petits corps étrangers, et d'en boucher les ouvertures avec un peu de colle, ou de les coudre adroitement ; ensuite ils les font sécher, et les entremêlent avec la bonne vanille. Les gousses ainsi falsifiées, n'ont ni bonté ni vertu, et nous ne manquons pas d'en rencontrer quelquefois de telles, avec les autres bonnes siliques.

Noms botaniques de la plante à vanille. Cette plante a les noms suivants dans les livres de botanique.

Volubilis, siliquosa, mexicana, foliis plantaginis, Raii, hist. 1330.

Aracus aromaticus... Tlixochitl, seu flos niger, mexicanis dictus, Hernand 38.

Lathyrus mexicanus, siliquis longissimis, moschatis, nigris, Amman. char. plant. 436.

Lobus oblongus, aromaticus. Cat. jam. 70.

Lobus aromaticus, subfuscus, terebinthi corniculis similis. C. B. P. 404.

Lobus oblongus, aromaticus, odore ferè belzuini, J. B. I. 428.

Descriptions de cette plante. Nous n'avons point encore de description exacte de la plante qui fournit la vanille du Mexique, de ses caractères, et de ses espèces.

Les uns la rangent parmi les lierres ; selon eux, sa tige a trois ou quatre lignes de diamètre, et n'est pas tout à fait ronde. Elle est assez dure, sans être pour cela moins liante et moins souple ; l'écorce qui la couvre est fort mince, fort adhérente, et fort verte ; la tige est partagée par des nœuds éloignés les uns des autres de six à sept pouces ; c'est de ces nœuds que sortent les feuilles toujours couplées ; elles ressemblent beaucoup pour la figure à celles du laurier, mais elles sont bien plus longues, plus larges, plus épaisses, et plus charnues ; leur longueur ordinaire est de cinq à six pouces, sur deux et demi de large ; elles sont fortes et pliantes comme un cuir, d'un beau verd vif, et comme vernissées par-dessus, et un peu plus pâles par-dessous.

Hernandez, dont le témoignage parait être ici d'un grand poids, prétend que cette herbe est une sorte de liseron, qui grimpe le long des arbres, et qui les embrasse ; ses feuilles ont, suivant lui, onze pouces de longueur ou de largeur, sont de la figure des feuilles de plantin, mais plus grosses, plus longues, et d'un verd plus foncé ; elles naissent de chaque côté de la ligne alternativement ; ses fleurs sont noirâtres.

Plusieurs autres botanistes soutiennent que la plante de la vanille ressemble plus à la vigne qu'à aucune autre ; du moins, c'est ce qui a été certifié par le père Fray Ignacio de santa Teresa de Jesus, carme déchaussé, qui ayant longtemps résidé dans la nouvelle Espagne, arriva à Cadix en 1721, pour passer à Rome ; ce religieux plus éclairé et plus curieux en physique que ses compatriotes, se fit apporter par quelques valets indiens un grand sep de la plante où croit la vanille.

Comme il avait déjà quelques connaissances sur cette plante, il appliqua son sep à un grand arbre, et entrelaça dans les branches de cet arbre tous les rejetons ou pampres du sep. Il en avait laissé le bout inférieur élevé de 4 ou 5 doigts de terre, et l'avait couvert d'un petit paquet de mousse seche pour le défendre de l'air. En peu de temps la seve de l'arbre pénétra le sep, et le fit reverdir ; au bout d'environ deux mois il sortit à travers le paquet de mousse, 5 ou 6 filaments qui se jetèrent en terre : c'étaient des racines qui devinrent grosses comme des tuyaux de plumes au plus. Au bout de deux ans le sep produisit des fleurs, et puis des vanilles qui mûrirent.

Les feuilles sont longues d'un demi-pié, larges de trois doigts, obtuses, d'un verd assez obscur ; les fleurs sont simples, blanches, marquetées de rouge et de jaune.

Quand elles tombent, les petites gousses ou vanilles, commencent à pousser ; elles sont vertes d'abord, et quand elles jaunissent on les cueille. Il faut que la plante ait trois ou quatre ans pour produire du fruit.

Les sarments de la plante rampent sur la terre comme ceux de la vigne, s'accrochent de même, s'entortillent aux arbres qu'ils rencontrent, et s'élèvent par leurs secours. Le tronc avec le temps devient aussi dur que celui de la vigne ; les racines s'étendent et tracent au loin dans la terre ; elles poussent des rejetons qu'on transplante de bouture au pied de quelque arbre, et dans un lieu convenable : cette plantation se fait à la fin de l'hiver, et au commencement du printemps.

Ce qu'il y a de singulier, c'est que, comme on a déjà Ve que le pratiqua le P. Ignacio, on ne met pas le bout du sarment en terre, il s'y pourrirait. La plante reçoit assez de nourriture de l'arbre auquel elle est attachée, et n'a pas besoin des sucs que la terre fournirait. La seve des arbres dans ces pays chauds de l'Amérique, est si forte et si abondante, qu'une branche rompue par le vent et jetée sur un arbre d'espèce toute différente, s'y collera et s'y enterra elle-même comme si elle l'avait été par tout l'art de nos jardiniers ; ce phénomène y est commun.

C'en est un autre commun aussi, que de gros arbres qui de leurs plus hautes branches, jettent de longs filaments jusqu'à terre, se multiplient par le moyen de ces nouvelles racines, et font autour d'eux une petite forêt, où le premier arbre, père ou aïeul de tous les autres, ne se reconnait plus ; ces sortes de générations répétées, rendent souvent les bois impraticables aux chasseurs.

Description de la plante de vanille de S. Domingue. Cependant la plante de la vanille qui croit dans l'île de S. Domingue, que le R. P. Plumier décrit dans sa Botanique M. S. C. d'Amérique, n'est pas différente de celle dont Hernandez fait la description ; mais celle du botaniste français est aussi bien détaillée que l'autre l'est mal.

Ce père l'appelle vanilla flore viridi et albo, fructu nigrescente, Plum. nov. plant. amer. 25. Les racines de cette plante sont presque de la grosseur du petit doigt, longues d'environ deux pieds, plongées dans la terre au loin et au large ; d'un roux-pâle ; tendres et succulentes ; jetant le plus souvent une seule tige menue, qui comme la clématite, monte fort haut sur les grands arbres, et s'étend même au-dessus. Cette tige est de la grosseur du doigt, cylindrique, verte, et remplie intérieurement d'une humeur visqueuse ; elle est noueuse, et chacun de ses nœuds donne naissance à une feuille.

Ces feuilles sont molles, un peu âcres, disposées alternativement, et pointues en forme de lance ; longues de neuf ou dix pouces, larges de trois, lisses, d'un verd-gai, creusées en gouttière dans leur milieu, et garnies de nervures courbées en arc. Lorsque cette plante est déjà fort avancée, des aisselles des feuilles supérieures il sort de longs rameaux garnis de feuilles alternes ; lesquels rameaux donnent naissance à d'autres feuilles beaucoup plus petites.

De chaque aisselle des feuilles qui sont vers l'extrémité, il sort un petit rameau différemment genouillé ; et à chaque genouillure se trouve une très-belle fleur, polypétale, irrégulière ; composée de six feuilles, dont cinq sont semblables et disposées presqu'en rose. Ces feuilles de la fleur sont oblongues, étroites, tortillées, blanches en-dedans, verdâtres en-dehors. La sixième feuille, ou le nectarium, qui occupe le centre, est roulée en manière d'aiguière, et portée sur un embryon charnu, un peu tors, semblable à une trompe. Les autres feuilles de la fleur sont aussi posées sur le même embryon, qui est long, verd, cylindrique, charnu. Il se change ensuite en fruit, ou espèce de petite corne molle, charnue, presque de la grosseur du petit doigt ; d'un peu plus d'un demi - pied de longueur ; noirâtre lorsqu'il est mûr, et enfin rempli d'une infinité de très-petites graines noires. Les fleurs et les fruits de cette plante sont sans odeur.

On la trouve dans plusieurs endroits de l'île de S. Domingue : elle fleurit au mois de Mai. Cette vanille de S. Domingue ne parait différer de celle du Mexique, dont Hernandez a fait la description, que par la couleur des fleurs, et par l'odeur des gousses : car la fleur de celle - là est blanche et un peu verte, et la gousse est sans odeur ; mais la fleur de celle du Mexique, suivant la description d'Hernandez, est noire, et la gousse d'une odeur agréable.

Description de la plante de vanille de la Martinique. Le P. Labat assure dans ses voyages d'Amérique, qu'il a trouvé à la Martinique une autre espèce de vanille, qu'il décrit ainsi. La fleur qu'elle produit est presque jaune, partagée en cinq feuilles, plus longues que larges, ondées et un peu découpées dans leur milieu. Il s'élève du centre un petit pistil rond et assez pointu, qui s'allonge et se change en fruit. Cette fleur est à peu-près de la grandeur et de la consistance de celle des pois ; elle dure tout au plus cinq ou six jours, après lesquels elle se fanne, se seche, tombe et laisse le pistil tout nud, qui devient peu-à-peu une silique de cinq, six et sept pouces de long, plus plate que ronde, d'environ cinq lignes de large, et deux lignes d'épaisseur, de la figure à-peu-près de nos cosses d'haricots.

Cette silique est au commencement d'un beau verd, elle jaunit à mesure qu'elle mûrit, et devient tout à fait brune lorsqu'elle est seche ; le dedans est rempli de petites graines rondes, presque imperceptibles et impalpables, qui sont rouges avant d'être mûres, et toutes noires dans leur maturité. Avant ce temps-là elles n'ont aucune odeur fort sensible, que celle de sentir le verd ; mais quand elles sont mûres et qu'on les froisse entre les mains, elles rendent une petite odeur aromatique fort agréable.

Le même fait a été mandé à l'académie des Sciences en 1724, par un des correspondants de cette académie demeurant à la Martinique, qui ajoute qu'il en avait trois pieds venus de bouture, qu'il avait tirés de la nouvelle Espagne, et qui réussissaient parfaitement.

Lieux où croit la bonne vanille. Malgré ces sortes d'attestations, la vanille de la Martinique n'a point pris faveur sur les lieux, ni dans le commerce ; on continue toujours de la tirer de la nouvelle Espagne et du Pérou.

Les endroits où l'on trouve la vanille en plus grande quantité, sont la côte de Caraque et de Carthagène, l'isthme de Darien, et toute l'étendue qui est depuis cet isthme et le golfe de S. Michel, jusqu'à Panama, le Jucatan et les Honduras. On en trouve aussi en quelques autres lieux, mais elle n'est ni si bonne, ni en si grande quantité qu'au Mexique. On dit encore qu'il y en a beaucoup et de belle, dans la terre ferme de Cayenne. Comme cette plante aime les endroits frais et ombragés, on ne la rencontre guère qu'auprès des rivières, et dans les lieux où la hauteur et l'épaisseur des bois la mettent à couvert des trop vives ardeurs du soleil.

Sa récolte, sa culture et ses vertus. La récolte commence vers la fin de Septembre ; elle est dans sa force à la Toussaint, et dure jusqu'à la fin de Décembre. On ignore si les Indiens cultivent cette plante, et comment ils la cultivent ; mais l'on croit que toute la cérémonie qu'ils font pour la préparation du fruit, ne consiste qu'à le cueillir à temps ; qu'ensuite ils le mettent sécher 15 à 20 jours pour en dissiper l'humidité superflue, ou plutôt dangereuse, car elle le ferait pourrir ; qu'ils aident même à cette évaporation, en pressant la vanille entre les mains, et l'aplatissant doucement, après quoi ils finissent par la frotter d'huîle de coco ou de calba, et la mettent en paquets qu'ils couvrent de feuilles de balisier ou de cachibou.

La vanille contient une certaine humeur huileuse, résineuse, subtîle et odorante, que l'on extrait facilement par le moyen de l'esprit de vin. Après avoir tiré la teinture, la gousse reste sans odeur et sans suc. Dans l'analyse chymique elle donne beaucoup d'huîle essentielle, aromatique, une assez grande portion de liqueur acide, et peu de liqueur urineuse et de sel fixe.

Hernandez lui attribue des vertus admirables, mais Hernandez est un mauvais juge ; cependant les auteurs de matière médicale n'ont presque fait que le copier. Ils prétendent qu'elle fortifie l'estomac, qu'elle aide la digestion, qu'elle dissipe les vents, qu'elle cuit les humeurs crues, qu'elle est utîle pour les maladies froides du cerveau, et pour les catharres ; ils ajoutent qu'elle provoque les règles, qu'elle facilite l'accouchement, qu'elle chasse l'arriere-faix : tout cela est exagéré. La vanille peut par son aromate chaud, être un bon stomachique dans les occasions où il s'agit de ranimer les fibres de l'estomac affoibli ; elle deviendra quelquefois par la même raison emménagogue et apéritive ; son huîle balsamique, subtîle et odorante, la rend souvent recommandable dans les maladies nerveuses, hystériques et hypochondriaques ; c'est pourquoi quelques anglais l'ont regardée avec trop de précipitation, comme un spécifique dans ce genre de maladies.

On la donne en substance jusqu'à une drachme ; et en infusion dans du vin, de l'eau, ou quelqu'autre liqueur convenable, jusqu'à deux drachmes. Il faut considérer qu'elle échauffe beaucoup quand on en prend une trop grande dose, ou qu'on en fait un usage immodéré ; et cette considération doit servir pour indiquer les cas où il ne faut point la mettre en usage. Nos médecins français l'emploient rarement, la laissent seulement en valeur dans la composition du chocolat dont elle fait l'agrément principal. On s'en servait autrefois pour parfumer le tabac ; mais les parfums ont passé de mode, ils ne causent à-présent que des vapeurs. Je ne connais aucun traité particulier sur la vanille. (D.J.)