On croit communément que les Sarrasins nous ont donné les caractères arabes, qu'ils avaient appris eux-mêmes des Indiens. Scaliger était si persuadé de leur nouveauté, qu'il assura qu'un médaillon d'argent sur lequel il fut consulté, était moderne, parce que les caractères 234 et 235 étaient gravés dessus.

On croit que Planude, qui vivait sur la fin du treizième siècle, a été le premier d'entre les Chrétiens qui ait fait usage de ces chiffres. Le P. Mabillon assure dans son traité de Re diplomaticâ, que l'on ne s'en est pas servi avant le quatorzième siècle. Le docteur Wallis soutient qu'ils étaient en usage longtemps auparavant, du moins en Angleterre, et fixe cette époque au temps d'Hermannus-Contractus, qui vivait environ l'an 1050. Ces chiffres, selon lui, étaient d'usage, sinon dans les comptes ordinaires, du moins dans les Mathématiques, et surtout pour les tables astronomiques. Voyez Wallis, algeb. ch. IVe

Pour prouver l'antiquité des chiffres arabes, le même auteur se fonde sur une inscription en bas relief qui était sur un manteau de la cheminée de maison presbytérale de Helindon dans la province de Northampton, où on lisait ces caractères, n°. 133, avec la date de l'année 1133. Transact. Philosoph. n°. 174.

M. Tuffkin fournit une preuve plus sure de l'antiquité de l'usage de ces chiffres. C'est une croisée d'une maison faite à la romaine, et située dans la place du marché de Colchester, sur laquelle entre deux lions ciselés est un écusson contenant cette marque, 1390. Transact. Philosoph. n°. 255.

M. Huet pense que ces caractères n'ont point été empruntés des Arabes, mais des Grecs ; et que les chiffres arabes ne sont autre chose que les lettres grecques que l'on sait que ces peuples employaient pour nombrer et chiffrer. Voyez NOMBRE.

On dit que l'on nourrit les chevaux arabes avec du lait de chameau, et on rapporte des choses étonnantes de ces animaux. Le duc de Neucastle assure que le prix ordinaire d'un cheval arabe, est de 1000, 2000, et jusqu'à 3000 livres ; et que les Arabes sont aussi soigneux de conserver la généalogie de leurs chevaux, que les princes sont curieux de celle de leurs familles : les écuyers ont soin d'écrire le nom des pères et mères de ces animaux, et on en trouve dont la noblesse en ce genre remonte fort haut. On assure qu'il y a eu tels chevaux pour lesquels on a frappé des médailles.

Le bien que les Arabes donnent à leurs enfants, quand ils sont arrivés à l'âge d'homme, consiste en deux habits, deux cimetères, et un cheval qui les accompagne toujours. Les chevaux arabes que l'on a amenés en Angleterre, n'ont jamais rien montré qui fût extraordinaire. Voyez CHEVAL.

Année des ARABES, voyez AN.

ARABES. Etat de la Philosophie chez les anciens Arabes. Après les Chaldéens, les Perses et les Indiens, vient la nation des Arabes, que les anciens historiens nous représentent comme fort attachée à la Philosophie, et comme s'étant distinguée dans tous les temps par la subtilité de son esprit ; mais tout ce qu'ils nous en disent parait fort incertain. Je ne nie pas que depuis Islamime l'érudition et l'étude de la Philosophie n'aient été extrêmement en honneur chez ces peuples ; mais cela n'a lieu et n'entre que dans l'histoire de la Philosophie du moyen âge : aussi nous proposons-nous d'en traiter au long, quand nous y serons parvenus. Maintenant nous n'avons à parler que de la philosophie des anciens habitants de l'Arabie heureuse.

Il y a des savants qui veulent que ces peuples se soient livrés aux spéculations philosophiques ; et pour prouver leur opinion ils imaginent des systèmes qu'ils leur attribuent, et font venir à leur secours la religion des Zabiens, qu'ils prétendent être le fruit de la Philosophie. Tout ce qu'ils disent n'a pour appui que des raisonnements et des conjectures : mais que prouve-t-on par des raisonnements et des conjectures, quand il faut des témoignages ? Ceux qui sont dans cette persuasion que la Philosophie a été cultivée par les anciens Arabes, sont obligés de convenir eux-mêmes, que les Grecs n'avaient aucune connaissance de ce fait. Que dis-je ? Ils les regardaient comme des peuples barbares et ignorants, et qui n'avaient aucune teinture des lettres. Les écrivains Arabes, si l'on en croit Abulfarage, disent eux-mêmes qu'avant Islamime, ils étaient plongés dans la plus profonde ignorance. Mais ces raisons ne sont pas assez fortes pour leur faire changer de sentiment sur cette Philosophie qu'ils attribuent aux anciens Arabes. Le mépris des Grecs pour cette nation, disent-ils, ne prouve que leur orgueil et non la barbarie des Arabes. Mais enfin quels mémoires peuvent-ils nous produire, et quels auteurs peuvent-ils nous citer en faveur de l'érudition et de la philosophie des premiers Arabes ? Ils conviennent avec Abulfarage qu'ils n'en ont point. C'est donc bien gratuitement qu'ils en font des gens lettrés et adonnés à la Philosophie. Celui qui s'est le plus signalé dans cette dispute, et qui a eu plus à cœur la gloire des anciens Arabes, c'est Joseph Pierre Ludewig. D'abord il commence par nous opposer Pythagore, qui, au rapport de Porphyre, dans le voyage littéraire qu'il avait entrepris, fit l'honneur aux Arabes de passer chez eux, de s'y arrêter quelque temps, et d'apprendre de leurs philosophes la divination par le vol et par le chant des oiseaux, espèce de divination où les Arabes excellaient. Moyse lui-même, cet homme instruit dans toute la sagesse des Egyptiens, quand il fut obligé de quitter ce royaume, ne choisit-il pas pour le lieu de son exil l'Arabie, préférablement aux autres pays ? Or qui pourra s'imaginer que ce législateur des Hébreux se fût retiré chez les Arabes, si ce peuple avait été grossier, stupide, ignorant ? Leur origine d'ailleurs ne laisse aucun doute sur la culture de leur esprit. Ils se glorifient de descendre d'Abraham, à qui l'on ne peut refuser la gloire d'avoir été un grand philosophe. Par quelle étrange fatalité auraient-ils laissé éteindre dans la suite des temps ces premières étincelles de l'esprit philosophique, qu'ils avaient hérité d'Abraham leur père commun ? Mais ce qui parait plus fort que tout cela, c'est que les livres saints pour relever la sagesse de Salomon, mettent en opposition avec elle la sagesse des Orientaux : or ces Orientaux n'étaient autres que les Arabes. C'est de cette même Arabie que la reine de Saba vint pour admirer la sagesse de ce philosophe couronné ; c'est l'opinion constante de tous les savants. On pourrait prouver aussi par d'excellentes raisons, que les Mages venus d'Orient pour adorer le Messie, étaient Arabes. Enfin Abulfarage est obligé de convenir qu'avant Islamime même, à qui l'on doit dans ce pays la renaissance des lettres, ils entendaient parfaitement leur langue, qu'ils en connaissaient la valeur et toutes les propriétés, qu'ils étaient bons poètes, excellents orateurs, habiles astronomes. N'en est-ce pas assez pour mériter le nom de philosophes ? Non, vous dira quelqu'un. Il se peut que les Arabes aient poli leur langue, qu'ils aient été habiles à deviner et à interprêter les songes, qu'ils aient réussi dans la composition et dans la solution des énigmes, qu'ils aient même eu quelque connaissance du cours des astres, sans que pour cela on puisse les regarder comme des philosophes ; car tous ces Arts, si cependant ils en méritent le nom, tendent plus à nourrir et à fomenter la superstition, qu'à faire connaître la vérité, et qu'à purger l'âme des passions qui sont ses tyrants. Pour ce qui regarde Pythagore, rien n'est moins certain que son voyage dans l'Orient ; et quand même nous en conviendrions, qu'en résulterait-il, sinon que cet imposteur apprit des Arabes toutes ces niaiseries, ouvrage de la superstition, et dont il était fort amoureux ? Il est inutîle de citer ici Moyse. Si ce saint homme passa dans l'Arabie, et s'il s'y établit en épousant une des filles de Jétro, ce n'était pas assurément dans le dessein de méditer chez les Arabes, et de nourrir leur folle curiosité de systèmes philosophiques. La Providence n'avait permis cette retraite de Moyse chez les Arabes, que pour y porter la connaissance du vrai Dieu et de sa religion. La philosophie d'Abraham, dont ils se glorifient de descendre, ne prouve pas mieux qu'ils aient cultivé cette science. Abraham pourrait avoir été un grand philosophe et avoir été leur père, sans que cela tirât à conséquence pour leur philosophie. S'ils ont laissé perdre le fil des vérités les plus précieuses, qu'ils avaient apprises d'Abraham ; si leur religion a dégénéré en une grossière idolatrie, pourquoi leurs connaissances philosophiques, supposé qu'Abraham leur en eut communique quelques-unes, ne se seraient-elles pas aussi perdues dans la suite des temps ? Au reste, il n'est pas trop sur que ces peuples descendent d'Abraham. C'est une histoire qui parait avoir pris naissance avec le Mahométisme. Les Arabes ainsi que les Mahométans, pour donner plus d'autorité à leurs erreurs, en font remonter l'origine jusqu'au père des croyans. Une chose encore qui renverse la supposition de Ludewig, c'est que la philosophie d'Abraham n'est qu'une pure imagination des Juifs, qui veulent à toute force trouver chez eux l'origine et les commencements des Arts et des Sciences. Ce que l'on nous oppose de cette reine du midi, qui vint trouver Salomon sur la grande réputation de sa sagesse, et des Mages qui partirent de l'orient pour se rendre à Jérusalem, ne tiendra pas davantage. Nous voulons que cette reine soit née en Arabie : mais est-il bien décidé qu'elle fût de la secte des Zabiens ? On ne peut nier sans doute, qu'elle n'ait été parmi les femmes d'orient une des plus instruites, des plus ingénieuses, qu'elle n'ait souvent exercé l'esprit des rois de l'orient par les énigmes qu'elle leur envoyait ; c'est-là l'idée que nous en donne l'historien sacré. Mais quel rapport cela a-t-il avec la philosophie des Arabes ? Nous accordons aussi volontiers que les Mages venus d'orient étaient des Arabes, qu'ils avaient quelque connaissance du cours des astres ; nous ne refusons point absolument cette science aux Arabes ; nous voulons même qu'ils aient assez bien parlé leur langue, qu'ils aient réussi dans les choses d'imagination, comme l'Eloquence et la Poésie : mais on n'en conclurra jamais, qu'ils aient été pour cela des philosophes, et qu'ils aient fort cultivé cette partie de la Littérature.

La seconde raison, qu'on fait valoir en faveur de la philosophie des anciens Arabes, c'est l'histoire du Zabianisme, qui passe pour avoir pris naissance chez eux, et qui suppose nécessairement des connaissances philosophiques. Mais quand même tout ce que l'on en raconte serait vrai, on n'en pourrait rien conclure pour la philosophie des Arabes ; puisque le Zabianisme, étant de lui-même une idolatrie honteuse et une superstition ridicule, est plutôt l'extinction de toute raison qu'une vraie philosophie. D'ailleurs, il n'est pas bien décidé dans quel temps cette secte a pris naissance ; car les hommes les plus habiles, qui ont travaillé pour éclaircir ce point d'histoire, comme Hottinger, Pocock, Hyde, et surtout le docte Spencer, avouent que ni les Grecs, ni les Latins ne font aucune mention de cette secte. Il ne faut pas confondre cette secte de Zabiens Arabes avec ces autres Zabiens dont il est parlé dans les annales de l'ancienne église orientale, lesquels étaient moitié Juifs et moitié Chrétiens, qui se vantaient d'être les disciples de Jean-Baptiste, et qui se trouvent encore aujourd'hui en grand nombre dans la ville de Bassore, près des bords du Tigre, et dans le voisinage de la mer de Perse. Le fameux Moyse Maimonides a tiré des auteurs Arabes tout ce qu'il a dit de cette secte ; et c'est en examinant d'un oeil curieux et attentif toutes les cérémonies extravagantes et superstitieuses, qu'il justifie très-ingénieusement la plupart des lois de Moyse, qui blesseraient au premier coup d'oeil notre délicatesse, si la sagesse de ces lois n'était marquée par leur opposition avec les lois des Zabiens, pour lesquelles Dieu voulait inspirer aux Juifs une grande aversion. On ne pouvait mettre entre les Juifs et les Zabiens qui étaient leurs voisins une plus forte barrière. On peut lire sur cela l'ouvrage de Spencer sur l'économie Mosayque. On n'est pas moins partagé sur le nom de cette secte que sur son âge. Pocock prétend que les Zabiens ont été ainsi nommés de , qui, en hébreu, signifie les astres ou l'armée céleste ; parce que la religion des Zabiens consistait principalement dans l'adoration des astres. Mais Scaliger pense que c'est originairement le nom des Chaldéens ainsi appelés, parce qu'ils étaient orientaux. Il a été suivi en cela par plusieurs savants, et entr'autres par Spencer. Cette signification du nom de Zabiens est d'autant plus plausible, que les Zabiens rapportent leur origine aux Chaldéens, et qu'ils font auteur de leur secte Sabius fils de Seth. Pour nous, nous ne croyons pas devoir prendre parti sur une chose, qui déjà par elle-même est assez peu intéressante. Si par les Zabiens on entend tous ceux, qui parmi les peuples de l'orient adoraient les astres, sentiment qui parait être celui de quelques Arabes et de quelques auteurs Chrétiens, ce nom ne serait plus alors le nom d'une secte particulière, mais celui de l'idolatrie universelle. Mais il parait qu'on a toujours regardé ce nom comme étant propre à une secte particulière. Nous ne voyons point qu'on le donnât à tous les peuples, qui à l'adoration des astres joignaient le culte du feu. Si pourtant au milieu des ténèbres, où est enveloppée toute l'histoire des Zabiens, on peut à force de conjectures en tirer quelques rayons de lumière, il nous parait probable que la secte des Zabiens n'est qu'un mélange du Judaïsme et du Paganisme ; qu'elle a été chez les Arabes une religion particulière et distinguée de toutes les autres ; que pour s'élever au dessus de toutes celles qui fleurissaient de son temps, elle avait non-seulement affecté de se dire très-ancienne, mais même qu'elle rapportait son origine jusqu'à Sabius, fils de Seth : en quoi elle croyait l'emporter pour l'antiquité sur les Juifs mêmes, qui ne peuvent remonter au-delà d'Abraham. On ne se persuadera jamais que le nom de Zabiens leur ait été donné, parce qu'ils étaient orientaux, puisqu'on n'a jamais appelé de ce nom les Mages et les Mahométans, qui habitent les provinces de l'Asie situées à l'orient. Quoi qu'il en soit de l'origine des Zabiens, il est certain qu'elle n'est pas aussi ancienne que le prétendent les Arabes. Ils sont même sur cela partagés de sentiments ; car si les uns veulent la faire remonter jusqu'à Seth, d'autres se contentent de la fixer à Noé, et même à Abraham. Eutychius, auteur Arabe, s'appuyant sur les traditions de son pays, trouve l'auteur de cette secte dans Zoroastre, lequel était né en Perse, si vous n'aimez mieux en Chaldée. Cependant Eutychius observe qu'il y en avait quelques-uns de son temps qui en faisaient honneur à Juvan ; il a voulu sans doute dire Javan ; que les Grecs avaient embrassé avidement ce sentiment, parce qu'il flattait leur orgueil, Javan ayant été un de leurs rois ; et que pour donner cours à cette opinion, ils avaient composé plusieurs livres sur la science des astres et sur le mouvement des corps célestes. Il y en a même qui croient que celui qui fonda la secte des Zabiens était un de ceux qui travaillèrent à la construction de la tour de Babel. Mais sur quoi tout cela est-il appuyé ? Si la secte des Zabiens était aussi ancienne qu'elle s'en vante, pourquoi les anciens auteurs Grecs n'en ont-ils point parlé ? Pourquoi ne lisons-nous rien dans l'Ecriture qui nous en donne la moindre idée ? Pour répondre à cette difficulté, Spencer croit qu'il suffit que le Zabaïsme, pris matériellement, c'est-à-dire pour une religion dans laquelle on rend un culte au soleil et aux astres, ait tiré son origine des anciens Chaldéens et des Babyloniens, et qu'il ait précédé de plusieurs années le temps où a vécu Abraham. C'est ce qu'il prouve par les témoignages des Arabes, qui s'accordent tous à dire que la religion des Zabiens est très-ancienne, et par la ressemblance de doctrine qui se trouve entre les Zabiens et les Chaldéens. Mais il n'est pas question de savoir si le culte des étoiles et des planètes est très-ancien. C'est ce qu'on ne peut contester ; et c'est ce que nous montrerons nous-mêmes à l'article des CHALDEENS. Toute la difficulté consiste donc à savoir si les Zabiens ont tellement reçu ce culte des Chaldéens et des Babyloniens, qu'on puisse assurer à juste titre que c'est chez ces peuples que le Zabaïsme a pris naissance. Si l'on fait attention que le Zabaïsme ne se bornait pas seulement à adorer le soleil, les étoiles et les planètes, mais qu'il s'était fait à lui-même un plan de cérémonies qui lui étaient particulières, et qui le distinguaient de toute autre forme de religion, on m'avouera qu'un tel sentiment ne peut se soutenir. Spencer lui-même, tout subtil qu'il est, a été forcé de convenir que le Zabaïsme considéré formellement, c'est-à-dire autant qu'il fait une religion à part et distinguée par la forme de son culte, est beaucoup plus récent que les anciens Chaldéens et les anciens Babyloniens. C'est pourtant cela même qu'il aurait dû prouver dans ses principes ; car si le Zabaïsme pris formellement n'a pas cette grande antiquité qui pourrait le faire remonter au-delà d'Abraham, comment prouvera-t-il que plusieurs lois de Moyse n'ont été divinement établies, que pour faire un contraste parfait avec les cérémonies superstitieuses du Zabaïsme ? Tout nous porte à croire que le Zabaïsme est assez récent, qu'il n'est pas même antérieur au Mahométisme. En effet, nous ne voyons dans aucun auteur, soit Grec, soit Latin, la moindre trace de cette secte ; elle ne commence à lever la tête que depuis la naissance du Mahométisme, etc. Nous croyons cependant qu'elle est un peu plus ancienne, puisque l'alcoran parle des Zabiens comme étant déjà connus sous ce nom.

Il n'y a point de secte sans livres ; elle en a besoin pour appuyer les dogmes qui lui sont particuliers. Aussi voyons-nous que les Zabiens en avaient, que quelques-uns attribuaient à Hermès et à Aristote, et d'autres à Seth et à Abraham. Ces livres, au rapport de Maimonides, contenaient sur les anciens patriarches, Adam, Seth, Noé, Abraham, des histoires ridicules, et pour tout dire, comparables aux fables de l'alcoran. On y traitait au long des démons, des idoles, des étoiles et des planètes ; de la manière de cultiver la vigne et d'ensemencer les champs ; en un mot on n'y omettait rien de tout ce qui concernait le culte qu'on rendait au soleil, au feu, aux étoiles, et aux planètes. Si l'on est curieux d'apprendre toutes ces belles choses, on peut consulter Maimonides. Ce serait abuser de la patience du lecteur, que de lui présenter ici les fables dont fourmillent ces livres. Je ne veux que cette seule raison pour les décrier comme des livres apocryphes et indignes de toute créance. Je crois que ces livres ont été composés vers la naissance de Mahomet, et encore par des auteurs qui n'étaient point guéris, ni de l'idolatrie, ni des folies du Platonisme moderne. Il nous suffira, pour faire connaître le génie des Zabiens, de rapporter ici quelques-uns de leurs dogmes. Ils croyaient que les étoiles étaient autant de dieux, et que le soleil tenait parmi elles le premier rang. Ils les honoraient d'un double culte, savoir d'un culte qui était de tous les jours, et d'un autre qui ne se renouvellait que tous les mois. Ils adoraient les démons sous la forme de boucs ; ils se nourrissaient du sang des victimes, qu'ils avaient cependant en abomination ; ils croyaient par-là s'unir plus intimement avec les démons. Ils rendaient leurs hommages au soleil levant, et ils observaient scrupuleusement toutes les cérémonies, dont nous voyons le contraste frappant dans la plupart des lois de Moyse ; car Dieu, selon plusieurs savants, n'a affecté de donner aux Juifs des lois qui se trouvaient en opposition avec celles des Zabiens, que pour détourner les premiers de la superstition extravagante des autres. Si nous lisons Pocock, Hyde, Prideaux, et les auteurs arabes, nous trouverons que tout leur système de religion se réduit à ces différents articles que nous allons détailler. 1°. Il y avait deux sectes de Zabiens ; le fondement de la croyance de l'une et de l'autre était, que les hommes ont besoin de médiateurs qui soient placés entr'eux et la Divinité ; que ces médiateurs sont des substances pures, spirituelles et invisibles ; que ces substances, par cela même qu'elles ne peuvent être vues, ne peuvent se communiquer aux hommes, si l'on ne suppose entr'elles et les hommes d'autres médiateurs qui soient visibles ; que ces médiateurs visibles étaient pour les uns des chapelles, et pour les autres des simulachres ; que les chapelles étaient pour ceux qui adoraient les sept planètes, lesquelles étaient animées par autant d'intelligences, qui gouvernaient tous leurs mouvements, à-peu-près comme notre corps est animé par une âme qui on conduit et gouverne tous les ressorts ; que ces astres étaient des dieux, et qu'ils présidaient au destin des hommes, mais qu'ils étaient soumis eux-mêmes à l'Etre suprême ; qu'il fallait observer le lever et le coucher des planètes, leurs différentes conjonctions, ce qui formait autant de positions plus ou moins régulières ; qu'il fallait assigner à ces planètes leurs jours, leurs nuits, leurs heures pour diviser le temps de leur révolution, leurs formes, leurs personnes, et les régions où elles roulent ; que moyennant toutes ces observations on pouvait faire des talismants, des enchantements, des évocations qui réussissaient toujours ; qu'à l'égard de ceux qui se portaient pour adorateurs des simulachres, ces simulachres leur étaient nécessaires, d'autant plus qu'ils avaient besoin d'un médiateur toujours visible, ce qu'ils ne pouvaient trouver dans les astres, dont le lever et le coucher qui se succedent régulièrement, les dérobent aux regards des mortels ; qu'il fallait donc leur substituer des simulachres, moyennant lesquels ils pussent s'élever jusqu'aux corps des planètes, des planètes aux intelligences qui les animent, et de ces intelligences jusqu'au Dieu suprême ; que ces simulachres devaient être faits du métal qui est consacré à chaque planète, et avoir chacun la figure de l'astre qu'ils représentent ; mais qu'il fallait surtout observer avec attention les jours, les heures, les degrés, les minutes, et les autres circonstances propres à attirer de bénignes influences, et se servir des évocations, des enchantements, et des talismants qui étaient agréables à la planète ; que ces simulachres tenaient la place de ces dieux célestes, et qu'ils étaient entre eux et nous autant de médiateurs. Leurs pratiques n'étaient pas moins ridicules que leur croyance. Abulfeda rapporte qu'ils avaient coutume de prier la face tournée vers le pôle arctique, trois fois par jour ; avant le lever du soleil, à midi, et au soir ; qu'ils avaient trois jeunes, l'un de trente jours, l'autre de neuf, et l'autre de sept ; qu'ils s'abstenaient de manger des fèves et de l'ail ; qu'ils faisaient bruler entièrement les victimes, et qu'ils ne s'en réservaient rien pour manger.

Voilà tout ce que les Arabes nous ont appris du système de religion des Zabiens. Plusieurs traces de l'Astrologie chaldaïque, telle que nous la donnerons à l'article CHALDEENS, s'y laissent apercevoir. C'est elle sans doute qui aura été la première pierre de l'édifice de religion que les Zabiens ont bâti. On y voit encore quelques autres traits de ressemblance, comme cette âme du monde qui se distribue dans toutes ses différentes parties, et qui anime les corps célestes, surtout les planètes, dont l'influence sur les choses d'ici-bas est si marquée et si incontestable dans tous les vieux systèmes des religions orientales. Mais ce qui y domine surtout, c'est la doctrine d'un médiateur ; doctrine qu'ils auront dérobée, soit aux Juifs, soit aux Chrétiens ; la doctrine des génies médiateurs, laquelle a eu un si grand cours dans tout l'Orient, d'où elle a passé chez les cabalistes et les philosophes d'Alexandrie, pour revivre chez quelques Chrétiens hérétiques, qui en prirent occasion d'imaginer divers ordres d'aeones. Il est aisé de voir par-là que le Zabaïsme n'est qu'un composé monstrueux et un mélange embarrassant de tout ce que l'idolatrie, la superstition et l'hérésie ont pu imaginer dans tous les temps de plus ridicule et de plus extravagant. Voilà pourquoi, comme le remarque fort bien Spencer, il n'y a rien de suivi ni de lié dans les différentes parties qui composent le Zabaïsme. On y retrouve quelque chose de toutes les religions, malgré la diversité qui les sépare les unes des autres. Cette seule remarque suffit pour faire voir que le Zabaïsme n'est pas aussi ancien qu'on le croit ordinairement ; et combien s'abusent ceux qui en donnent le nom à cette idolatrie universellement répandue des premiers siècles, laquelle adorait le soleil et les astres. Le culte religieux que les Zabiens rendaient aux astres, les jeta, par cet enchainement fatal que les erreurs ont entr'elles, dans l'Astrologie, science vaine et ridicule, mais qui flatte les deux passions favorites de l'homme ; sa crédulité, en lui promettant qu'il percera dans l'avenir ; et son orgueil, en lui insinuant que sa destinée est écrite dans le ciel. Ceux qui d'entr'eux s'y sont le plus distingués, sont Thebet Ibn Korra, Albategnius, etc.