Avant que l'usage des armes-à-feu fût introduit en Europe, une partie de l'infanterie était armée d'arcs, et l'on nommait archers les soldats qui s'en servaient. Les habitants des villes étaient même obligés de s'exercer à tirer de l'arc ; c'est l'origine des compagnies bourgeoises, des compagnies de l'arc, qui subsistent encore dans plusieurs villes de France. Louis XI. abolit en 1481 l'usage de l'arc et de la flèche, et leur substitua les armes des Suisses, la halebarde, la pique, et le sabre.

En Angleterre on fait grand usage de l'arc, et il y a eu même des lois et des règlements pour encourager les peuples à se perfectionner dans l'art d'en tirer. Sous le règne de Henri VIII. le parlement se plaignit que les peuples négligeaient un exercice qui avait rendu les troupes Anglaises redoutables à leurs ennemis ; et en effet, elles dû.ent en partie à leurs archers le gain des batailles de Créci, de Poitiers, et d'Azincour. Par un règlement d'Henri VIII. chaque tireur d'arc de Londres est obligé d'en faire un d'if et deux d'orme, de coudrier, de frêne, ou d'autre bois : ordre aux tireurs de la campagne d'en faire trois. Par le huitième règlement d'Elisabeth, chap. Xe les uns et les autres furent obligés d'avoir toujours chez eux cinquante arcs d'orme, de coudrier, ou de frêne, bien conditionnés. Par le douzième règlement d'Edouard, chap. IIe il est ordonné de multiplier les arcs, et défendu de les vendre trop cher. Les meilleurs ne pouvaient pas valoir plus de six sous huit deniers. Chaque commerçant qui trafique à Venise ou aux autres endroits d'où l'on tire les bâtons propres à faire des arcs, doit en apporter quatre pour chaque tonneau de marchandise, sous peine de six sous huit deniers d'amende pour chaque bâton manquant ; et par le premier règlement de Richard III. chap. XIe il leur est ordonné d'apporter dix bâtons à faire des arcs, pour chaque botte ou tonneau de malvoisie, à peine de treize sous quatre deniers d'amende. L'arc n'est plus guère en usage dans la Grande-Bretagne, que parmi les montagnards d'Ecosse et les sauvages des îles Orcades : quelques corps de troupes Turques ou Russiennes en font aussi usage. (G)

ARC, sub. m. en Géométrie, c'est une portion de courbe, par exemple, d'un cercle, d'une ellipse, ou d'une autre courbe. Voyez COURBE.

Arc de cercle, est une portion de circonférence, moindre que la circonférence entière du cercle. Tel est A E B, Planche de Géom. fig. 6. Voyez CERCLE et CIRCONFERENCE. La droite A B qui joint les extrémités d'un arc s'appelle corde ; et la perpendiculaire D E tirée sur le milieu de la corde, s'appelle flèche. Voyez CORDE, FLECHE. Tous les angles sont mesurés par des arcs. Pour avoir la valeur d'un angle, on décrit un arc de cercle, dont le centre soit au sommet de l'angle. Voyez ANGLE. Tout cercle est supposé divisé en 360d. Un arc est plus ou moins grand, selon qu'il contient un plus grand ou un plus petit nombre de ces degrés. Ainsi l'on dit un arc de 30, de 80, de 100d. Voyez DEGRE. La mesure des angles par les arcs de cercle est fondée sur ce que la courbure du cercle est uniforme. Les arcs d'une autre courbe ne pourraient y servir.

Arcs concentriques, sont ceux qui ont le même centre : ainsi dans la figure 80. les arcs b H, e K, sont des arcs concentriques. Voyez CONCENTRIQUE.

Arcs égaux, ce sont ceux qui contiennent le même nombre de degrés d'un même cercle ou de cercles égaux ; d'où il s'ensuit que dans le même cercle ou que dans des cercles égaux, les cordes égales soutiennent des arcs égaux. Un rayon C E (fig. 6.) qui coupe en deux parties égales en D une corde A B, coupe aussi en E l'arc A E B en deux parties égales, et est perpendiculaire à la corde, et vice versâ. Le problème de couper un arc en deux parties égales sera donc résolu, en tirant une ligne C E perpendiculaire sur le milieu D de la corde.

Arcs semblables, ce sont ceux qui contiennent le même nombre de degrés de cercles inégaux. Tels sont les arcs A B et D E, figure 87. Si deux rayons partent du centre de deux cercles concentriques, les arcs compris entre les deux rayons ont le même rapport à leurs circonférences entières ; et les deux secteurs, le même rapport à la surface entière de leurs cercles.

La distance du centre de gravité d'un arc de cercle au centre du cercle, est une troisième proportionnelle à cet arc, à sa corde, et au rayon. Voyez CENTRE de gravité. Quant aux sinus, tangentes, sécantes, etc. des arcs, voyez SINUS, TANGENTE, et ARC en Astronomie. L'arc diurne du Soleil est la portion d'un cercle parallèle à l'équateur, décrite par le Soleil dans son mouvement apparent d'orient en occident depuis son lever jusqu'à son coucher. Voyez DIURNE, JOUR, etc.

L'arc nocturne est la même chose, excepté qu'il est décrit depuis le coucher jusqu'au lever. Voyez NUIT, LEVER, etc. Voyez aussi NOCTURNE.

La latitude et l'élévation du pôle sont mesurées par un arc du méridien. La longitude est mesurée par un arc de l'équateur. Voyez ELEVATION, LATITUDE, LONGITUDE, etc.

L'arc de progression ou de direction, est un arc de l'écliptique qu'une planète semble parcourir, en suivant l'ordre des signes. Voyez DIRECTION.

L'arc de rétrogradation est un arc de l'écliptique qu'une planète semble décrire, en se mouvant contre l'ordre des signes. Voyez RETROGRADATION.

Arc de station. Voyez STATION et STATIONNAIRE.

L'arc entre les centres dans les éclipses, est un arc tel que A I (Planc. d'Astronomie fig. 35.), qui Ve du centre de la terre A perpendiculairement à l'orbite lunaire O B. Voyez ECLIPSE.

Si la somme de l'arc entre les centres A I et du demi-diamètre apparent de la lune, est égale au demi-diamètre de l'ombre, l'éclipse sera totale sans aucune durée ; si cette somme est moindre, elle sera totale avec quelque durée ; et si elle est plus grande, et toutefois moindre que la somme des demi-diamètres de la lune et de l'ombre, elle sera partiale.

L'arc de vision est celui qui mesure la distance à laquelle le soleil est au-dessus de l'horizon, lorsqu'une étoîle que ses rayons dérobaient, commence à reparaitre. Voyez LEVER. (O)

ARC se dit, en Architecture, d'une structure concave qui a la forme de l'arc d'une courbe, et qui sert comme de support intérieur à tout ce qui pose dessus. M. Henri Wotton dit qu'un arc n'est rien autre chose qu'une voute étroite ou resserrée, et qu'une voute n'est qu'un arc dilaté. Voyez VOUTE.

On se sert d'arcs dans les grandes intercolumnations des vastes bâtiments, dans les portiques, au-dedans comme au-dehors des temples, dans les salles publiques, dans les cours des palais, dans les cloitres, aux théâtres et amphithéâtres. Voyez PORTIQUE, THEATRE, LAMBRIS, etc. On s'en sert aussi comme d'éperons et de contreforts pour soutenir de fortes murailles qui s'enfoncent profondément en terre, de même que pour les fondations des ponts, des aqueducs, des arcs de triomphe, des portes, des fenêtres. Voyez ÉPERON, ARC-BOUTANT, etc.

Les arcs sont aussi soutenus par des piliers ou pieds droits, des impostes, etc. Voyez PILIER ou PIE DROIT, IMPOSTE, etc.

Il y a des arcs circulaires, elliptiques, droits.

Les arcs circulaires sont de trois espèces ; à savoir, les arcs demi-circulaires, qui sont exactement un demi-cercle, et qui ont leur centre au milieu de la corde de l'arc ; les Architectes François les appellent aussi des arcs parfaits ou des arcs en plein cintre.

Les arcs diminués ou bombés sont plus petits qu'un demi-cercle, et par conséquent ces arcs sont plus plats : quelques-uns contiennent 90 degrés, d'autres 70, et d'autres seulement 60 : on les appelle aussi arcs imparfaits.

Les arcs en tiers et quart-point, comme s'expriment quelques ouvriers d'Angleterre, quoique les Italiens les appellent di terzo et quarto acuto, parce qu'à leur sommet ils font toujours un angle aigu, sont deux arcs de cercle qui se rencontrent en formant un angle par le haut, et qui se tirent de la division de la corde en trois ou quatre parties à volonté. Il y a un grand nombre d'arcs de cette espèce dans les anciens bâtiments gothiques : mais M. Henri Wotton veut qu'on ne s'en serve jamais dans la construction des édifices, tant à cause de leur faiblesse, que du mauvais effet qu'ils produisent aux yeux.

Les arcs elliptiques consistent en une demi-ellipse ; ils étaient autrefois fort usités au lieu des manteaux de cheminée ; ils ont communément une clé de voute et des impostes.

Les arcs droits sont ceux dont les côtés supérieurs et inférieurs sont droits, comme ils sont courbes dans les autres ; et ces deux côtés sont aussi parallèles, les extrémités et les jointures toutes dirigées ou tendantes à un centre. On en fait principalement usage au-dessus des fenêtres, des portes, etc.

La doctrine et l'usage des arcs sont très-bien exposés par M. Henri Wotton, dans les théorèmes suivants.

1°. Supposons différentes matières solides, telles que les briques, les pierres, qui aient une forme rectangulaire : si on en dispose plusieurs les unes à côté des autres, dans un même rang et de niveau, et que celles qui sont aux extrémités soient soutenues entre deux supports ; il arrivera nécessairement que celles du milieu s'affaisseront, même par leur propre pesanteur, mais beaucoup plus si quelque poids pose dessus ; c'est pourquoi, afin de leur donner plus de solidité, il faut changer leur figure ou leur position.

2°. Si l'on donne une forme de coin aux pierres ou autres matériaux, qu'ils soient plus larges en-dessus qu'en-dessous, et disposés dans un même rang de niveau avec leurs extrémités, soutenues comme dans le précédent théorème ; il n'y en a aucun qui puisse s'affaisser, à moins que les supports ne s'écartent ou s'inclinent ; parce que dans cette situation il n'y a pas lieu à une descente perpendiculaire : mais ce n'est qu'une construction faible, attendu que les supports sont sujets à une trop grande impulsion, particulièrement quand la ligne est longue : ainsi l'on fait rarement usage des arcs droits, excepté au-dessus des portes et des fenêtres où la ligne est courte : c'est pourquoi, afin de rendre l'ouvrage plus solide, il faut non-seulement changer la figure des matériaux, mais encore leur position.

3°. Si les matériaux sont taillés en forme de coin, disposés en arc circulaire, et dirigés au même centre, en ce cas aucune des pièces de l'arc ne pourra s'affaisser, puisqu'elles n'ont aucun moyen de descendre perpendiculairement, et que les supports n'ont pas à soutenir un aussi grand effort que dans le cas de la forme précédente ; car la convexité fera toujours que le poids qui pese dessus, portera plutôt sur les supports qu'il ne les poussera en-dehors ; ainsi l'on peut tirer de-là ce corollaire, que le plus avantageux de tous les arcs dont on vient de parler, est l'arc demi-circulaire, et que de toutes les voutes l'hémisphérique est préférable.

4°. Comme les voutes faites d'un demi-cercle entier sont les plus fortes et les plus solides, de même celles-là sont les plus agréables, qui s'élevant à la même hauteur, sont néanmoins allongées d'une quatorzième partie du diamètre : cette augmentation de largeur contribuera beaucoup à leur beauté, sans aucune diminution considérable de leur force. On doit néanmoins observer que suivant la rigueur géométrique, les arcs qui sont des portions de cercle ne sont pas absolument les plus forts ; les arcs qui ont cette propriété appartiennent à une autre courbe appelée chaînette, dont la nature est telle, qu'un nombre de sphères dont les centres sont disposés suivant cette courbe, se soutiendront les unes les autres, et formeront un arc. Voyez CHAINETTE.

M. Grégory fait voir même que les arcs qui ont une autre forme que cette courbe, ne se soutiennent qu'en vertu de la chaînette qui est dans leur épaisseur ; de sorte que s'ils étaient infiniment minces, ils tomberaient d'eux-mêmes, ou naturellement ; au lieu que la chaînette, quoiqu'infiniment mince, peut se soutenir, parce qu'aucun de ses points ne tend en bas plus que l'autre. Transact. philos. n°. 231. Voyez une plus ample théorie des arc à l'article VOUTE. (P)

ARC, ou ligne courbe de l'éperon, (Marine) c'est en longueur la distance qu'il y a du bout de l'éperon à l'avant du vaisseau par-dessus l'éperon ; cette courbe est formée principalement par les aiguilles, ou plutôt par l'aiguille inférieure et la gorgère. On donne aujourd'hui beaucoup d'arc à l'éperon. Voyez la figure de l'éperon, tom. I. Marine, Pl. IV. (Z)

ARC, s. m. partie de la ferrure d'un carrosse. Ce sont les Maréchaux grossiers qui forgent les arcs. Voici la manière de forger l'arc, et son emploi dans le carrosse. On a une barre de fer que l'on étire toujours un peu en diminuant, dont on arrondit le milieu, qu'on équarrit par les deux bouts, et qu'on coude par le plus gros bout équarri : après cette première façon de forge, la barre a la figure qu'on lui voit, Pl. du Maréch. gross. fig. 2. On prépare ensuite trois viroles, telles qu'on les voit figures 3. et 4. les deux viroles, telles que celles de la fig. 3. et dont on en voit une appliquée sur l'arc ébauché, fig. 2. servent à faire les poires de l'arc ; et la virole de la figure 4. sert à faire la pomme. On applique la virole destinée à faire la pomme sur l'arc ébauché, entre les viroles destinées à faire les poires ; on soude ces parties avec le corps de l'arc ; on les modèle ; on perce ensuite les parties B et A de plusieurs trous ; et l'on a par cette seconde façon l'arc tel qu'on le voit figure 5. la partie A s'appelle le patin ; la partie B la queue ; C la pomme ; D D les poires : cambrez l'arc de manière que sa courbure soit dans le plan des trous pratiqués aux extrémités, et perpendiculaire au patin, et qu'il ait la forme de la fig. 1. alors il sera forge, et prêt à recevoir les façons de lime ; elles consistent à enlever les gros traits de forge. Quant à l'usage de l'arc, le voici : le patin A s'encastre dans le lissoire de devant et dans les fourchettes de dessus ; la queue B s'encastre dans la flèche qui passe sous le corps du carrosse : cette pièce est retenue par des chevilles qui passent dans les trous du patin et de la queue de l'arc, et du bois où ces parties sont encastrées ; le patin est tourné extérieurement. Au reste on ne se sert plus guère d'arcs aujourd'hui.

* ARC, rivière de Savoie qui a sa source à la partie septentrionale du grand mont-Cenis, aux confins du duché d'Aoste, traverse le comté de Maurienne, et Ve se jeter dans l'Isere.

* ARC EN BARROIS, (Géographie) petite ville de France en Bourgogne, sur la rivière d'Anjou. Long. 22. 37. lat. 47. 55.

ARC-BOUTANT, et mieux ARC-BUTANT, en Architecture, est un arc ou portion d'un arc rampant qui bute contre un mur ou contre les reins d'une voute, pour en empêcher l'écartement et la poussée, comme on le voit aux églises gothiques. Ce mot est français, et est formé d'arc et de buter.

On appelle aussi assez mal-à-propos arc-butant, tout pilier ou masse de maçonnerie qui servent à contretenir un mur, ou de terrasse, ou autre. Voyez PILIER-BATTANT, CONTREFORT, ERONERON. Ce mot d'arc-butant ne convient qu'à un corps qui s'élève et s'incline en portion de cercle contre le corps qu'il soutient. (D)

ARCS-BOUTANS, en Marine, ce sont des pièces de bois entaillées sur les baux ou barots, et servant à soutenir les barotins. Voyez les fig. Marine, Pl. IV. fig. 1. le n°. 73. marque les arcs boutants et leur situation. On peut les voir encore dans la Planche V. fig. 1. sous le n°. 73. Voyez BAUX, BAROTS, ROTINSTINS.

Arcs-boutants se dit encore d'une espèce de petit mât de 25 à 30 pieds de long, ferré par un bout avec un fer à trois pointes de 6 à huit pouces de longueur, dont l'usage est de tenir les écoutes des bonnettes en état, et de repousser un autre vaisseau s'il venait à l'abordage. Voyez ECOUTES, BONNETTES. (Z)

ARCS-BOUTANS, ou étais des jumelles, ce sont, dans un grand nombre de machines, des pièces de bois E E (figure 1. et 6. Pl. de l'Imprimerie en taille douce.) qui assemblent et soutiennent les jumelles C D sur les pieds des patins A B. Voyez PRESSE d'Imprimerie en taille douce.

ARC-BUTER, Ve act. en Architecture, c'est contretenir la poussée d'une voute ou d'une plate-bande avec un arc-butant : mais contre-buter, c'est contretenir avec un pilier butant ou un étai. Voyez CONTREBUTER. (P)

ARC-EN-CIEL, iris, s. m. (Physique) météore en forme d'arc de diverses couleurs, qui parait lorsque le temps est pluvieux, dans une partie du ciel opposée au soleil, et qui est formé par la réfraction des rayons de cet astre, au-travers des gouttes sphériques d'eau dont l'air est alors rempli. Voyez METEORE, PLUIE, FRACTIONTION.

On voit pour l'ordinaire un second arc-en-ciel qui entoure le premier à une certaine distance. Ce second arc-en-ciel s'appelle arc-en-ciel extérieur, pour le distinguer de celui qu'il renferme, et qu'on nomme arc-en-ciel intérieur. L'arc intérieur a les plus vives couleurs, et s'appelle pour cela l'arc principal. Les couleurs de l'arc extérieur sont plus faibles, et de-là vient qu'il porte le nom de second arc. S'il parait un troisième arc, ce qui arrive fort rarement, ses couleurs sont encore moins vives que les précédentes. Les couleurs sont renversées dans les deux arcs ; celles de l'arc principal sont dans l'ordre suivant à compter du dedans en-dehors, violet, indigo, bleu, verd, jaune, orangé, rouge : elles sont arrangées au contraire dans le second arc en cet ordre, rouge, orangé, jaune, verd, bleu, indigo, violet : ce sont les mêmes couleurs que l'on voit dans les rayons du soleil qui traversent un prisme de verre. Voyez PRISME. Les Physiciens font aussi mention d'un arc-en-ciel lunaire et d'un arc-enciel marin, dont nous parlerons plus bas.

L'arc-en-ciel, comme l'observe M. Newton, ne parait jamais que dans les endroits où il pleut et où le soleil luit en même temps ; et l'on peut le former par art en tournant le dos au soleil et en faisant jaillir de l'eau, qui poussée en l'air et dispersée en gouttes, vienne tomber en forme de pluie ; car le soleil donnant sur ces gouttes, fait voir un arc-enciel à tout spectateur qui se trouve dans une juste position à l'égard de cette pluie et du soleil, surtout si l'on met un corps noir derrière les gouttes d'eau.

Antoine de Dominis montre dans son livre de radius visus et lucis, imprimé à Venise en 1611, que l'arc-en-ciel est produit dans des gouttes rondes de pluie par deux réfractions de la lumière solaire, et une réflexion entre deux ; et il confirme cette explication par des expériences qu'il a faites avec une phiole et des boules de verre pleines d'eau, exposées au soleil. Il faut cependant reconnaître que quelques anciens avaient avancé antérieurement à Antoine de Dominis, que l'arc-en-ciel était formé par la réfraction des rayons du soleil dans des gouttes d'eau. Kepler avait eu la même pensée, comme on le voit par les lettres qu'il écrivit à Brenger en 1605, et Harriot en 1606. Descartes qui a suivi dans ses météores l'explication d'Antoine de Dominis, a corrigé celle de l'arc extérieur. Mais comme ces deux savants hommes n'entendaient point la véritable origine des couleurs, l'explication qu'ils ont donnée de ce météore est défectueuse à quelques égards ; car Antoine de Dominis a cru que l'arc-en-ciel extérieur était formé par les rayons qui rasaient les extrémités des gouttes de pluie, et qui venaient à l'oeil après deux réfractions et une réflexion. Or on trouve par le calcul, que ces rayons dans leur seconde réfraction doivent faire un angle beaucoup plus petit avec le rayon du soleil qui passe par l'oeil, que l'angle sous lequel on voit l'arc-en-ciel intérieur ; et cependant l'angle sous lequel on voit l'arc-en-ciel extérieur, est beaucoup plus grand que celui sous lequel on voit l'arc-en-ciel intérieur : de plus, les rayons qui tombent fort obliquement sur une goutte d'eau, ne font point de couleurs sensibles dans leur seconde réfraction ; comme on le verra aisément par ce que nous dirons dans la suite. A l'égard de M. Descartes, qui a le premier expliqué l'arc-enciel extérieur par deux réflexions et deux réfractions, il n'a pas remarqué que les rayons extrêmes qui font le rouge, ont leur réfraction beaucoup moindre que selon la proportion de 3 à 4, et que ceux qui font le violet, l'ont beaucoup plus grande : de plus, il s'est contenté de dire qu'il venait plus de lumière à l'oeil sous les angles de 41 et de 42d, que sous les autres angles, sans prouver que cette lumière doit être colorée ; et ainsi il n'a pas suffisamment démontré d'où vient qu'il parait des couleurs sous un angle d'environ 42d, et qu'il n'en parait point sous ceux qui sont au-dessous de 40d, et au-dessus de 44 dans l'arc-enciel intérieur. Ce célèbre auteur n'a donc pas suffisamment expliqué l'arc-en-ciel, quoiqu'il ait fort avancé cette explication. Newton l'a achevée par le moyen de sa doctrine des couleurs.

Théorie de l'arc-en-ciel. Pour concevoir l'origine de l'arc-en-ciel, examinons d'abord ce qui arrive lorsqu'un rayon de lumière qui vient d'un corps éloigné, tel que le soleil, tombe sur une goutte d'eau sphérique, comme sont celles de la pluie. Sait donc une goutte d'eau A D K N, (Tab. Opt. fig. 45. n°. 2.) et les lignes E F, B A, etc. des rayons lumineux qui partent du centre du soleil, et que nous pouvons concevoir comme parallèles entre eux à cause de l'éloignement immense de cet astre, le rayon B A étant le seul qui tombe perpendiculairement sur la surface de l'eau, et tous les autres étant obliques, il est aisé de concevoir que tous ceux-ci souffriront une réfraction et s'approcheront de la perpendiculaire ; c'est-à-dire que le rayon E F, par exemple, au lieu de continuer son chemin suivant F G, se rompra au point F, et s'approchera de la ligne H F I perpendiculaire à la goutte en F, pour prendre le chemin F K. Il en est de même de tous les autres rayons proches du rayon E F, lesquels se détourneront d'F vers K, où il y en aura vraisemblablement quelques-uns qui s'échapperont dans l'air, tandis que les autres se réfléchiront sur la ligne K N, pour faire des angles d'incidence et de réflexion égaux entre eux. Voyez REFLEXION.

De plus, comme le rayon K N et ceux qui le suivent, tombent obliquement sur la surface de ce globule, ils ne peuvent repasser dans l'air sans se rompre de nouveau et s'éloigner de la perpendiculaire M N L ; de sorte qu'ils ne peuvent aller directement vers Y, et sont obligés de se détourner vers P. Il faut encore observer ici que quelques-uns des rayons, après qu'ils sont arrivés en N, ne passent point dans l'air, mais se réfléchissent de nouveau vers Q, où souffrant une réfraction comme tous les autres, ils ne vont point en droite ligne vers Z, mais vers R, en s'éloignant de la perpendiculaire T V : mais comme on ne doit avoir égard ici qu'aux rayons qui peuvent affecter l'oeil que nous supposons placé un peu au-dessous de la goutte, au point P par exemple, nous laissons ceux qui se réfléchissent de N vers Q comme inutiles, à cause qu'ils ne parviennent jamais à l'oeil du spectateur. Cependant il faut observer qu'il y a d'autres rayons, comme 2, 3, qui se rompant de 3 vers 4, de-là se réfléchissant vers 5, et de 5 vers 6, puis se rompant suivant 6, 7, peuvent enfin arriver à l'oeil qui est placé au-dessous de la goutte.

Ce que l'on a dit jusqu'ici est très-évident : mais pour déterminer précisément les degrés de réfraction de chaque rayon de lumière, il faut recourir à un calcul par lequel il parait que les rayons qui tombent sur le quart cercle A D, continuent leur chemin suivant les lignes que l'on voit tirées dans la goutte A D K N, où il y a trois choses extrêmement importantes à observer. En premier lieu, les deux réfractions des rayons à leur entrée et à leur sortie sont telles, que la plupart des rayons qui étaient entrés parallèles sur la surface A F, sortent divergens, c'est-à-dire s'écartent les uns des autres, et n'arrivent point jusqu'à l'oeil ; en second lieu, du faisceau de rayons parallèles qui tombent sur la partie A D de la goutte, il y en a une petite partie qui ayant été rompus par la goutte, viennent se réunir au fond de la goutte dans le même point, et qui étant réfléchis de ce point, sortent de la goutte parallèles entre eux comme ils y étaient entrés. Comme ces rayons sont proches les uns des autres, ils peuvent agir avec force sur l'oeil en cas qu'ils puissent y entrer, et c'est pour cela qu'on les a nommés rayons efficaces ; au lieu que les autres s'écartent trop pour produire un effet sensible, ou du moins pour produire des couleurs aussi vives que celles de l'arc-en-ciel. En troisième lieu, le rayon N P a une ombre ou obscurité sous lui ; car puisqu'il ne sort aucun rayon de la surface N 4, c'est la même chose que si cette partie était couverte d'un corps opaque. On peut ajouter à ce que l'on vient de dire, que le même rayon N P a de l'ombre au-dessus de l'oeil, puisque les rayons qui sont dans cet endroit n'ont pas plus d'effet que s'ils n'existaient point du tout.

De-là il s'ensuit que pour trouver les rayons efficaces, il faut trouver les rayons qui ont le même point de réflexion, c'est-à-dire, qu'il faut trouver quels sont les rayons parallèles et contigus, qui après la réfraction se rencontrent dans le même point de la circonférence de la goutte, et se réfléchissent de là vers l'oeil.

Or supposons que N P soit le rayon efficace, et que E F soit le rayon incident qui correspond à N P, c'est-à-dire que F soit le point où il tombe un petit faisceau de rayons parallèles, qui après s'être rompus viennent se réunir en K pour se réfléchir de là en N, et sortir suivant N P, et nous trouverons par le calcul que l'angle O N P, compris entre le rayon N P et la ligne O N tirée du centre du soleil, est de 41d 30'. On enseignera ci-après la méthode de le déterminer.

Mais comme outre les rayons qui viennent du centre du soleil à la goutte d'eau, il en part une infinité d'autres des différents points de sa surface, il nous reste à examiner plusieurs autres rayons efficaces, surtout ceux qui partent de la partie supérieure et de la partie inférieure de son disque.

Le diamètre apparent du soleil étant d'environ 32', il s'ensuit que si le rayon E F passe par le centre du soleil, un rayon efficace qui partira de la partie supérieure du soleil, tombera plus haut que le rayon E F de 16', c'est-à-dire fera avec ce rayon E F un angle d'environ 16'. C'est ce que fait le rayon G H (fig. 46.) qui souffrant la même réfraction que E F, se détourne vers I et de-là vers L, jusqu'à ce que sortant avec la même réfraction que N P, il parvienne en M pour former un angle de 41d 14' avec la ligne O N.

De même le rayon Q R qui part de la partie inférieure du soleil, tombe sur le point R 16' plus bas, c'est-à-dire fait un angle de 16' en-dessous avec le rayon E F ; et souffrant une réfraction, il se détourne vers S, et de-là vers T, où passant dans l'air il parvient jusqu'à V ; de sorte que la ligne T V et le rayon O T forment un angle de 41d 46'.

A l'égard des rayons qui viennent à l'oeil après deux réflexions et deux réfractions, on doit regarder comme efficaces ceux qui, après ces deux reflexions et ces deux réfractions, sortent de la goutte parallèles entre eux.

Supputant donc les réflexions des rayons qui viennent, comme 23, (fig. 45. n°. 2.) du centre du soleil, et qui pénétrant dans la partie inférieure de la goutte, souffrent, ainsi que nous l'avons supposé, deux réflexions et deux réfractions, et entrent dans l'oeil par des lignes pareilles à celle qui est marquée par 67, (fig. 47.) nous trouvons que les rayons que l'on peut regarder comme efficaces, par exemple 67, forment avec la ligne 86 tirée du centre du soleil, un angle 867 d'environ 52d : d'où il s'ensuit que le rayon efficace qui part de la partie la plus élevée du soleil, fait avec la même ligne 86 un angle moindre de 16' ; et celui qui vient de la partie inférieure, un angle plus grand de 16'.

Imaginons donc que A B C D E F soit la route du rayon efficace depuis la partie la plus élevée du soleil jusqu'à l'oeil F, l'angle 86 F sera d'environ 51d et 44'. De même, si G H I K L M est la route d'un rayon efficace qui part de la partie inférieure du soleil et aboutit à l'oeil, l'angle 86 M approche de 52d et 16'.

Comme il y a plusieurs rayons efficaces outre ceux qui partent du centre du soleil, ce que nous avons dit de l'ombre souffre quelque exception ; car des trois rayons qui sont tracés (fig. 45. n°. 2. et 46.) il n'y a que les deux extrêmes qui aient de l'ombre à leur côté extérieur.

A l'égard de la quantité de lumière, c'est-à-dire du faisceau de rayons qui se réunissent dans un certain point, par exemple, dans le point de réflexion des rayons efficaces, on peut le regarder comme un corps lumineux terminé par l'ombre. Au reste il faut remarquer que jusqu'ici nous avons supposé que tous les rayons de lumière se rompaient également ; ce qui nous a fait trouver les angles de 41d 30' et de 52'. Mais les différents rayons qui parviennent ainsi jusqu'à l'oeil, sont de diverses couleurs, c'est-à-dire propres à exciter en nous l'idée de différentes couleurs ; et par conséquent ces rayons sont différemment rompus de l'eau dans l'air, quoiqu'ils tombent de la même manière sur une surface refrangible : car on sait que les rayons rouges, par exemple, souffrent moins de réfraction que les rayons jaunes, ceux-ci moins que les bleus, les bleus moins que les violets, et ainsi des autres. Voyez COULEUR.

Il suit de ce qu'on vient de dire, que les rayons différents ou hétérogènes se séparent les uns des autres et prennent différentes routes, et que ceux qui sont homogènes se réunissent et aboutissent au même endroit. Les angles de 41d 30' et de 52d, ne sont que pour les rayons d'une moyenne refrangibilité, c'est-à-dire qui en se rompant s'approchent de la perpendiculaire plus que les rayons rouges, mais moins que les rayons violets : et de-là vient que le point lumineux de la goutte où se fait la réfraction, parait bordé de différentes couleurs, c'est-à-dire que le rouge, le verd et le bleu, naissent des différents rayons rouges, verts et bleus du soleil, que les différentes gouttes transmettent à l'oeil, comme il arrive lorsqu'on regarde des objets éclairés à-travers un prisme. Voyez PRISME.

Telles sont les couleurs qu'un seul globule de pluie doit représenter à l'oeil : d'où il s'ensuit qu'un grand nombre de ces petits globules venant à se répandre dans l'air, y fera apercevoir différentes couleurs, pourvu qu'ils soient tellement disposés que les rayons efficaces puissent affecter l'oeil ; car ces rayons ainsi disposés, formeront un arc-en-ciel.

Pour déterminer maintenant quelle doit être cette disposition, supposons une ligne droite tirée du centre du soleil à l'oeil du spectateur, telle que V X (fig. 46.) que nous appellerons ligne d'aspect : comme elle part d'un point extrêmement éloigné, on peut la supposer parallèle aux autres lignes tirées du même point ; or on sait qu'une ligne droite qui coupe deux parallèles, forme des angles alternes égaux. Voyez ALTERNE.

Imaginons donc un nombre indéfini de lignes tirées de l'oeil du spectateur à l'endroit opposé au soleil où sont des gouttes de pluie, lesquelles forment différents angles avec la ligne d'aspect, égaux aux angles de réfraction des différents rayons refrangibles, par exemple, des angles de 41d 46', et de 41d 30', et de 41d 40', ces lignes tombant sur des gouttes de pluie éclairées du soleil, formeront des angles de même grandeur avec les rayons tirés du centre du soleil aux mêmes gouttes ; de sorte que les lignes ainsi tirées de l'oeil représenteront les rayons qui occasionnent la sensation de différentes couleurs.

Celle, par exemple, qui forme un angle de 41d 46', représentera les rayons les moins refrangibles ou rouges, des différentes gouttes ; et celle de 41d 40', les rayons violets qui sont les moins refrangibles. On trouvera les couleurs intermédiaires et leurs refrangibilités dans l'espace intermédiaire. Voyez ROUGE.

On sait que l'oeil étant placé au sommet d'un cone, voit les objets sur sa surface comme s'ils étaient dans un cercle, au moins lorsque ces objets sont assez éloignés de lui : car quand différents objets sont à une distance assez considérable de l'oeil, ils paraissent être à la même distance. Nous en avons donné la raison dans l'article APPARENT ; d'où il s'ensuit qu'un grand nombre d'objets ainsi disposés, paraitront rangés dans un cercle sur la surface du cone. Or l'oeil de notre spectateur est ici au sommet commun de plusieurs cones formés par les différentes espèces de rayons efficaces et la ligne d'aspect. Sur la surface de celui dont l'angle au sommet est le plus grand, et qui contient tous les autres, sont ces gouttes ou parties de gouttes qui paraissent rouges ; les gouttes de couleur de pourpre sont sur la superficie du cone qui forme le plus petit angle à son sommet ; et le bleu, le verd, etc. sont dans les cones intermédiaires. Il s'ensuit donc que les différentes espèces de gouttes doivent paraitre comme si elles étaient disposées dans autant de bandes ou arcs colorés, comme on le voit dans l'arc-enciel.

M. Newton explique cela d'une manière plus scientifique, et donne aux angles des valeurs un peu différentes. Supposons, dit-il, que O (fig. 48.) soit l'oeil du spectateur, et O P une ligne parallèle aux rayons du soleil ; et soient P O E, P O F des angles de 46d 17', de 42d 2', que l'on suppose tourner autour de leur côté commun O P : ils décriront par les extrémités E, F, de leurs autres côtés O E et O F, les bords de l'arc-en-ciel.

Car si E, F sont des gouttes placées en quelque endroit que ce soit des surfaces coniques décrites par O E, O F, et qu'elles soient éclairées par les rayons du soleil S E, S F ; comme l'angle S E O est égal à l'angle P O E qui est de 40d 17', ce sera le plus grand angle qui puisse être fait par la ligne S E et par les rayons les plus refrangibles qui sont rompus vers l'oeil après une seule réflexion ; et par conséquent toutes les gouttes qui se trouvent sur la ligne O E, enverront à l'oeil dans la plus grande abondance possible les rayons les plus refrangibles, et par ce moyen feront sentir le violet le plus foncé vers la région où elles sont placées.

De même l'angle S F O étant égal à l'angle P O F qui est de 42d 2', sera le plus grand angle selon lequel les rayons les moins refrangibles puissent sortir des gouttes après une seule réflexion ; et par conséquent ces rayons seront envoyés à l'oeil dans la plus grande quantité possible par les gouttes qui se trouvent sur la ligne O F, et qui produiront la sensation du rouge le plus foncé en cet endroit.

Par la même raison les rayons qui ont des degrés intermédiaires de réfrangibilité, viendront dans la plus grande abondance possible des gouttes placées entre E et F, et feront sentir les couleurs intermédiaires dans l'ordre qu'exigent leurs degrés de réfrangibilité, c'est-à-dire en avançant de E en F, on de la partie intérieure de l'arc à l'extérieure dans cet ordre, le violet, l'indigo, le bleu, le verd, le jaune, l'orangé et le rouge : mais le violet étant mêlé avec la lumière blanche des nuées, ce mélange le fera paraitre faible, et tirant sur le pourpre.

Comme les lignes O E, O F peuvent être situées indifféremment dans tout autre endroit des surfaces coniques dont nous avons parlé ci-dessus, ce que l'on a dit des gouttes et des couleurs placées dans ces lignes, doit s'entendre des gouttes et des couleurs distribuées en tout autre endroit de ces surfaces ; par conséquent le violet sera répandu dans tout le cercle décrit par l'extrémité E du rayon O E autour de O P ; le rouge dans tout le cercle décrit par F, et les autres couleurs dans les cercles décrits par les points qui sont entre E et F. Voilà quelle est la manière dont se forme l'arc-en-ciel intérieur.

Arc-en-ciel extérieur. Quant au second arc-en-ciel qui entoure ordinairement le premier, en assignant les gouttes qui doivent paraitre colorées, nous excluons celles qui partant de l'oeil, font des angles un peu au-dessous de 42d 2', mais non pas celles qui en font de plus grands.

Car si l'on tire de l'oeil du spectateur une infinité de pareilles lignes, dont quelques-unes fassent des angles de 50d 57' avec la ligne d'aspect, par exemple O G ; d'autres des angles de 54d 7', par exemple O H, il faut de toute nécessité que les gouttes sur lesquelles tomberont ces lignes, fassent voir des couleurs, surtout celles qui forment l'angle de 50d 57'.

Par exemple, la goutte G paraitra rouge, la ligne G O étant la même qu'un rayon efficace, qui après deux réflexions et deux réfractions, donne le rouge ; de même les gouttes sur lesquelles tombent les lignes qui font avec O P des angles de 54d 7', par exemple la goutte H paraitra couleur de pourpre ; la ligne O H étant la même qu'un rayon efficace, qui après deux réflexions et deux réfractions donne la couleur pourpre.

Or s'il y a un nombre suffisant de ces gouttes, et que la lumière du soleil soit assez forte pour n'être point trop affoiblie par deux réflexions et réfractions consécutives, il est évident que ces gouttes doivent former un second arc semblable au premier. Dans les rayons les moins réfrangibles, le moindre angle sous lequel une goutte peut envoyer des rayons efficaces après deux réflexions, a été trouvé par le calcul, de 50d 57', et dans les plus réfrangibles, de 54d 7'.

Supposons l'oeil placé au point O, comme ci-devant, et que P O G, P O H soient des angles de 50d 57', et de 54d 7' : si ces angles tournent autour de leur côté commun O P, avec leurs autres côtés O G, O H, ils décriront les bords de l'arc-enciel C H D G, qu'il faut imaginer, non pas dans le même plan que la ligne O P, ainsi que la figure le présente, mais dans un plan perpendiculaire à cette ligne.

Car si G O sont des gouttes placées en quelques endroits que ce soit des surfaces coniques décrites par O G, O H, et qu'elles soient éclairées par les rayons du soleil ; comme l'angle S G O est égal à l'angle P O G de 50d 57', ce sera le plus petit angle qui puisse être fait par les rayons les moins réfrangibles après deux réflexions ; et par conséquent toutes les gouttes qui se trouvent sur la ligne O G, enverront à l'oeil dans la plus grande abondance possible, les rayons les moins réfrangibles, et feront sentir par ce moyen le rouge le plus foncé vers la région où elles sont placées.

De même l'angle S H O étant égal à l'angle P O H, qui est de 54d 7', sera le plus petit angle sous lequel les rayons les plus réfrangibles puissent sortir des gouttes après deux réflexions ; et par conséquent ces rayons seront envoyés à l'oeil dans la plus grande quantité qu'il soit possible par les gouttes qui sont placées dans la ligne O H, et produiront la sensation du violet le plus foncé dans cet endroit.

Par la même raison les rayons qui ont des degrés intermédiaires de réfrangibilité, viendront dans la plus grande abondance possible des gouttes entre G et H, et feront sentir les couleurs intermédiaires dans l'ordre qu'exigent leurs degrés de réfrangibilité, c'est-à-dire en avançant de G en H, ou de la partie intérieure de l'arc à l'extérieure, dans cet ordre, le rouge, l'orangé, le jaune, le verd, le bleu, l'indigo, et le violet.

Et comme les lignes O G, O H peuvent être situées indifféremment en quelqu'endroit que ce soit des surfaces coniques, ce qui vient d'être dit des gouttes et des couleurs qui sont sur ces lignes, doit être appliqué aux gouttes et aux couleurs qui sont en tout autre endroit de ces surfaces.

C'est ainsi que seront formés deux arcs colorés ; l'un intérieur, et composé de couleurs plus vives par une seule réflexion ; et l'autre extérieur, et composé de couleurs plus faibles par deux réflexions.

Les couleurs de ces deux arcs seront dans un ordre opposé l'une à l'égard de l'autre ; le premier ayant le rouge en-dedans et le pourpre au-dehors ; et le second le pourpre en-dehors et le rouge en-dedans, et ainsi du reste.

Arc-en-ciel artificiel. Cette explication de l'arc-enciel est confirmée par une expérience facîle : elle consiste à suspendre une boule de verre pleine d'eau en quelqu'endroit où elle soit exposée au soleil, et d'y jeter les yeux, en se plaçant de telle manière que les rayons qui viennent de la boule à l'oeil, puissent faire avec les rayons du soleil un angle de 42 ou de 50d ; car si l'angle est d'environ 42 ou 43d, le spectateur (supposé en O) verra un rouge fort vif sur le côté de la boule opposé au soleil, comme en F ; et si cet angle devient plus petit, comme il arrivera en faisant descendre la boule jusqu'en E, d'autres couleurs paraitront successivement sur le même côté de la boule, savoir, le jaune, le verd, et le bleu.

Mais si l'on fait l'angle d'environ 50d, en haussant la boule jusqu'en G, il paraitra du rouge sur le côté de la boule qui est vers le soleil, quoiqu'un peu faible ; et si l'on fait l'angle encore plus grand, en haussant la boule jusqu'en H, le rouge se changera successivement en d'autres couleurs, en jaune, verd et bleu. On observe la même chose lorsque sans faire changer de place à la boule, on hausse ou on baisse l'oeil pour donner à l'angle une grandeur convenable.

On produit encore, comme nous l'avons dit, un arc-en-ciel artificiel, en se tournant le dos au soleil, et en jetant en haut de l'eau dont on aura rempli sa bouche ; car on verra dans cette eau les couleurs de l'arc-en-ciel, pourvu que les gouttes soient poussées assez haut pour que les rayons tirés de ces gouttes à l'oeil du spectateur, fassent des angles de plus de 41d avec le rayon O P.

Dimension de l'arc-en-ciel. Descartes a le premier déterminé son diamètre par une méthode indirecte, avançant que sa grandeur dépend du degré de réfraction du fluide, et que le sinus d'incidence est à celui de réfraction dans l'eau, comme 250 à 187. Voyez REFRACTION.

M. Halley a depuis donné, dans les Transactions philosophiques, une méthode simple et directe de déterminer le diamètre de l'arc-en-ciel, en supposant donné le degré de réfraction du fluide, ou réciproquement de déterminer la réfraction du fluide par la connaissance que l'on a du diamètre de l'arc-en-ciel. Voici en quoi consiste sa méthode. 1°. Le rapport de la réfraction, c'est-à-dire des sinus d'incidence et de réfraction, étant connu, il cherche les angles d'incidence et de réfraction d'un rayon, qu'on suppose devenir efficace après un nombre déterminé de réflexions ; c'est-à-dire il cherche les angles d'incidence et de réfraction d'un faisceau de rayons infiniment proches, qui tombant parallèles sur la goutte, sortent parallèles après avoir souffert au-dedans de la goutte un certain nombre de réflexions déterminé. Voici la règle qu'il donne pour cela. Sait une ligne donnée A C (Pl. d'Opt. fig. 49.) on la divisera en D, en sorte que D C soit à A C en raison du sinus de réfraction au sinus d'incidence ; ensuite on la divisera de nouveau en E, en sorte que A C soit à A E comme le nombre donné de réflexions augmenté de l'unité est à cette même unité ; on décrira après cela sur le diamètre A E le demi-cercle A B E ; puis du centre C et du rayon C D on tracera un arc D B, qui coupe le demi-cercle au point B : on menera les lignes A B, C B ; A B C, ou son complément à deux droits, sera l'angle d'incidence, et C A B l'angle de réfraction qu'on demande.

2°. Le rapport de la réfraction et l'angle d'incidence étant donné, on trouvera ainsi l'angle qu'un rayon de lumière qui sort d'une boule après un nombre donné de réflexions, fait avec la ligne d'aspect, et par conséquent la hauteur et la largeur de l'arc-enciel. L'angle d'incidence et le rapport de réfraction étant donnés, l'angle de réfraction l'est aussi. Or si on multiplie ce dernier par le double du nombre des réflexions augmenté de 2, et qu'on retranche du produit le double de l'angle d'incidence, l'angle restant sera celui que l'on cherche.

Supposons avec M. Newton, que le rapport de la réfraction soit comme 108 à 81 pour les rayons rouges, comme 109 à 81 pour les bleus, etc. le problème précédent donnera les angles sous lesquels on voit les couleurs.

Si l'on demande l'angle formé par un rayon après trois ou quatre réflexions, et par conséquent la hauteur à laquelle on devrait apercevoir le troisième et le quatrième arc-en-ciel, qui sont très-rarement et très-peu sensibles, à cause de la diminution que souffrent les rayons par tant de réflexions réitérées, on aura

Il est aisé sur ce principe de trouver la largeur de l'arc-en-ciel ; car le plus grand demi-diamètre du premier arc-en-ciel, c'est-à-dire de sa partie extérieure, étant de 42d 11', et le moindre, savoir, de la partie intérieure, de 40d 16', la largeur de la bande mesurée du rouge au violet sera de 1d 55' ; et le plus grand diamètre du second arc étant de 54d 9', et le moindre de 50d 58', la largeur de la bande sera de 3d 11', et la distance entre les deux arcs-en-ciel de 8d 47'.

On regarde dans ces mesures le soleil comme un point ; c'est pourquoi comme son diamètre est d'environ 30', et qu'on a pris jusqu'ici les rayons qui passent par le centre du soleil, on doit ajouter ces 30' à la largeur de chaque bande ou arc du rouge ou violet ; savoir, 15' en-dessous au violet à l'arc intérieur, et 15' en-dessus au rouge dans le même arc ; et pour l'arc-en-ciel extérieur, 15' en-dessus au violet, et 15' en-dessous au rouge ; et il faudra retrancher 30' de la distance qui est entre les deux arcs.

La largeur de l'arc-en-ciel intérieur sera donc de 2d 25', et celle du second de 3d 41', et leur distance de 8d 17'. Ce sont-là les dimensions de l'arc-en-ciel, et elles sont conformes à très-peu près à celles qu'on trouve en mesurant un arc-en-ciel avec des instruments.

Phénomènes particuliers de l'arc-en-ciel Il est aisé de déduire de cette théorie tous les phénomènes particuliers de l'arc-en-ciel : 1°. par exemple, pourquoi l'arc-en-ciel est toujours de même largeur : c'est parce que les degrés de réfrangibilité des rayons rouges et violets qui forment ses couleurs extrêmes, sont toujours les mêmes.

2°. Pourquoi on voit quelquefois les jambes de l'arc-en-ciel contiguès à la surface de la terre, et pourquoi d'autres fois ces jambes ne viennent pas jusqu'à terre : c'est parce qu'on ne voit l'arc-en-ciel que dans les endroits où il pleut : or si la pluie est assez étendue pour occuper un espace plus grand que la portion visible du cercle que décrit le point E, on verra un arc-en-ciel qui ira jusqu'à terre, sinon on ne verra d'arc-en-ciel que dans la partie du cercle occupée par la pluie.

3°. Pourquoi l'arc-en-ciel change de situation à mesure que l'oeil en change ; et pourquoi, pour parler comme le vulgaire, il fuit ceux qui le suivent, et suit ceux qui le fuient : c'est que les gouttes colorées sont disposées sous un certain angle autour de la ligne d'aspect, qui varie à mesure qu'on change de place. De-là vient aussi que chaque spectateur voit un arc-en-ciel différent.

Au reste ce changement de l'arc-en-ciel pour chaque spectateur, n'est vrai que rigoureusement parlant ; car les rayons du soleil étant censés parallèles, deux spectateurs voisins l'un de l'autre ont assez sensiblement le même arc-en-ciel.

4°. D'où vient que l'arc-en-ciel forme une portion de cercle tantôt plus grande et tantôt plus petite : c'est que sa grandeur dépend du plus ou moins d'étendue de la partie de la superficie conique qui est au-dessus de la surface de la terre dans le temps qu'il parait ; et cette partie est plus grande ou plus petite, suivant que la ligne d'aspect est plus inclinée ou oblique à la surface de la terre ? cette obliquitté augmentant à proportion que le soleil est plus élevé, ce qui fait que l'arc-en-ciel diminue à proportion que le soleil s'éleve.

5°. Pourquoi l'arc-en-ciel ne parait jamais lorsque le soleil est élevé d'une certaine hauteur : c'est que la surface conique sur laquelle il doit paraitre, est cachée sous terre lorsque le soleil est élevé de plus de 42d ; car alors la ligne O P, parallèle aux rayons du soleil, fait avec l'horizon en-dessous un angle de plus de 42d, et par conséquent la ligne O E, qui doit faire un angle de 42d avec O P, est au-dessous de l'horizon, de sorte que le rayon E O rencontre la surface de la terre, et ne saurait arriver à l'oeil. On voit aussi que si le soleil est plus élevé que 42d, mais moins que 54, on verra l'arc-en-ciel extérieur, sans l'arc-enciel intérieur.

6°. Pourquoi l'arc-en-ciel ne parait jamais plus grand qu'un demi-cercle : le soleil n'est jamais visible au-dessous de l'horizon, et le centre de l'arc-en-ciel est toujours dans la ligne d'aspect ; or dans le cas où le soleil est à l'horizon, cette ligne rase la terre : donc elle ne s'élève jamais au-dessus de la surface de la terre.

Mais si le spectateur est placé sur une éminence considérable, et que le soleil soit dans ou sous l'horizon, alors la ligne d'aspect dans laquelle est le centre de l'arc-en-ciel, sera considérablement élevée au-dessus de l'horizon, et l'arc-en-ciel fera pour lors plus d'un demi-cercle ; et même si le lieu est extrêmement élevé, et que la pluie soit proche du spectateur, il peut arriver que l'arc-en-ciel forme un cercle entier.

7°. Comment l'arc-en-ciel peut paraitre interrompu et tronqué à sa partie supérieure : rien n'est plus simple à expliquer. Il ne faut pour cela qu'un nuage qui intercepte les rayons, et les empêche de venir de la partie supérieure de l'arc à l'oeil du spectateur ; car dans ce cas n'y ayant que la partie inférieure qui soit vue, l'arc-en-ciel paraitra tronqué à sa partie supérieure. Il peut encore arriver qu'on ne voie que les deux jambes de l'arc-en-ciel, parce qu'il ne pleut point à l'endroit où devrait paraitre la partie supérieure de l'arc-en-ciel.

8°. Par quelle raison l'arc-en-ciel peut paraitre quelquefois renversé : si le soleil étant élevé de 41d 46', ses rayons tombent sur la surface de quelque lac spacieux dans le milieu duquel le spectateur soit placé, et qu'en même temps il pleuve, les rayons venant à se réfléchir dans les gouttes de pluie, produiront le même effet que si le soleil était sous l'horizon, et que les rayons vinssent de bas en-haut ; ainsi la surface du cone sur laquelle les gouttes colorées doivent être placées, sera tout à fait au-dessus de la surface de la terre. Or dans ce cas si sa partie supérieure est couverte par des nuages, et qu'il n'y ait que sa partie inférieure sur laquelle les gouttes de pluie tombent, l'arc sera renversé.

9°. Pourquoi l'arc-en-ciel ne parait pas toujours exactement rond, et qu'il est quelquefois incliné : c'est que la rondeur exacte de l'arc-en-ciel dépend de son éloignement, qui nous empêche d'en juger : or si la pluie qui le forme est près de nous, on apercevra ses irrégularités ; et si le vent chasse la pluie, en sorte que sa partie supérieure soit plus sensiblement éloignée de l'oeil que l'inférieure, l'arc paraitra incliné ; en ce cas l'arc-en-ciel pourra paraitre oval, comme le parait un cercle incliné Ve d'assez loin.

10°. Pourquoi les jambes de l'arc-en-ciel paraissent quelquefois inégalement éloignées : si la pluie se termine du côté du spectateur dans un plan tellement incliné à la ligne d'aspect, que le plan de la pluie forme avec cette ligne un angle aigu du côté du spectateur, et un angle obtus de l'autre côté, la surface du cone sur laquelle sont placées les gouttes qui doivent faire paraitre l'arc-en-ciel, sera tellement disposée, que la partie de cet arc qui sera du côté gauche, paraitra plus proche de l'oeil que celle du côté droit.

C'est un phénomène fort rare de voir en même temps trois arcs-en-ciel ; les rayons colorés du troisième sont toujours fort faibles, à cause de leurs triples réflexions : aussi ne peut-on jamais voir un troisième arc-en-ciel, à moins que l'air ne soit entièrement noir pardevant et fort clair par-derrière.

M. Halley a Ve en 1698 à Chester trois arcs-en-ciel en même temps, dont deux étaient les mêmes que l'arc-en-ciel intérieur et l'extérieur qui paraissait ordinairement. Le troisième était presqu'aussi vif que le second, et ses couleurs étaient arrangées comme celles du premier arc-en-ciel ; ses deux jambes reposaient à terre au même endroit où reposaient celles du premier arc-en-ciel, et il coupait en-haut le second arc-en-ciel, divisant à-peu-près cet arc en trois parties égales. D'abord on ne voyait pas la partie de cet arc qui était à gauche ; mais elle parut ensuite fort éclatante : les points où cet arc coupait l'arc extérieur parurent ensuite se rapprocher, et bientôt la partie supérieure du troisième arc-en-ciel se confondit avec l'arc-en-ciel extérieur. Alors l'arc-en-ciel extérieur perdit sa couleur en cet endroit, comme cela arrive lorsque les couleurs se confondent et tombent les unes sur les autres ; mais aux endroits où les deux couleurs rouges tombèrent l'une sur l'autre en se coupant, la couleur rouge parut avec plus d'éclat que celle du premier arc-en-ciel. M. Senguerd a Ve en 1685 un phénomène semblable, dont il fait mention dans sa Physique. M. Halley faisant attention à la manière dont le soleil luisait, et à la position du terrain qui recevait ses rayons, croit que ce troisième arc-en-ciel était causé par la réflexion des rayons du soleil qui tombaient sur la rivière Dée qui passe à Chester.

M. Celsius a observé en Dalécarlie, province de Suède, très-coupée de lacs et de rivières, un phénomène à-peu-près semblable, le 8 Aout 1743, vers les 6 à 7 heures du soir, le soleil étant à 11d 30' de hauteur ; et le premier qui en ait observé de pareils, a été M. Etienne, chanoine de Chartres, le 10 Aout 1665. Voyez le Journ. des Sav. et les Transact. phil. de 1666, et l'Histoire acad. des Sc. an. 1743.

Vitellion dit avoir Ve à Padoue quatre arcs-en-ciel en même temps ; ce qui peut fort bien arriver, quoique Vicomercatus soutienne le contraire.

M. Langwith a Ve en Angleterre un arc-en-ciel solaire avec ses couleurs ordinaires ; et sous ce premier arc-en-ciel on en voyait un autre dans lequel il y avait tant de verd, qu'on ne pouvait distinguer ni le jaune ni le bleu. Dans un autre temps il parut encore un arc-en-ciel avec ses couleurs ordinaires, au-dessus duquel on remarquait un arc bleu, d'un jaune clair en-haut, et d'un verd foncé en-bas. On voyait de temps en temps au-dessous deux arcs de pourpre rouge, et deux de pourpre verd. Le plus bas de tous ces arcs était de couleur de pourpre, mais fort faible, et il paraissait et disparaissait à diverses reprises. M. Musschenbroeck explique ces différentes apparences par les observations de M. Newton sur la lumière. Voyez l'Essai de Phys. de cet auteur, art. 1611.

Arc-en-ciel lunaire. La lune forme aussi quelquefois un arc-en-ciel par la réfraction que souffrent ses rayons dans les gouttes de pluie qui tombent la nuit. Voyez LUNE. Aristote dit qu'on ne l'avait point remarqué avant lui, et qu'on ne l'aperçoit qu'à la pleine lune. Sa lumière dans d'autres temps est trop faible pour frapper la vue après deux réfractions et une réflexion.

Ce philosophe nous apprend qu'on vit paraitre de son temps un arc-en-ciel lunaire dont les couleurs étaient blanches. Gemma Frisius dit aussi qu'il en a Ve un coloré ; ce qui est encore confirmé par M. Verdries, et par Dan ; Sennert, qui en a observé un semblable en 1599. Snellius dit en avoir Ve deux en deux ans de temps, et R. Plot en a remarqué un en 1675. En 1711 il en parut un dans la province de Darbyshire en Angleterre.

L'arc-en-ciel lunaire a toutes les mêmes couleurs que le solaire, excepté qu'elles sont presque toujours plus faibles, tant à cause de la différente intensité des rayons, qu'à cause de la différente disposition du milieu. M. Thoresby, qui a donné la description d'un arc-en-ciel lunaire dans les Trants. phil. n°. 331. dit que cet arc était admirable par la beauté et l'éclat de ses couleurs ; il dura environ dix minutes, après quoi un nuage en déroba la vue.

M. Weidler a Ve en 1719 un arc-en-ciel lunaire lorsque la lune était à demi-pleine, dans un temps calme, et où il pleuvait un peu ; mais à peine put-il reconnaître les couleurs ; les supérieures étaient un peu plus distinctes que les inférieures : l'arc disparut aussitôt que la pluie vint à cesser. M. Musschenbroeck dit en avoir observé un le premier d'Octobre 1729, vers les 10 heures du soir : il pleuvait très-fort à l'endroit où il voyait l'arc-en-ciel, mais il ne put distinguer aucune couleur, quoique la lune eut alors beaucoup d'éclat. Le même auteur rapporte que le 27 Aout 1736, à la même heure, on vit à Ysselstein un arc-enciel lunaire fort grand, fort éclatant ; mais cet arc-enciel n'était par-tout que de couleur jaune.

Arc-en-ciel-marin. L'arc-en-ciel-marin est un phénomène qui parait quelquefois lorsque la mer est extrêmement tourmentée, et que le vent agitant la superficie des vagues, fait que les rayons du soleil qui tombent dessus, s'y rompent, et y peignent les mêmes couleurs que dans les gouttes de pluie ordinaires. M. Bowrzes observe dans les Transactions philosophiques, que les couleurs de l'arc-en-ciel-marin sont moins vives, moins distinctes, et de moindre durée que celles de l'arc-en-ciel ordinaire, et qu'on y distingue à peine plus de deux couleurs ; savoir du jaune du côté du soleil, et un verd pâle du côté opposé.

Mais ces arcs sont plus nombreux, car on en voit souvent 20 ou 30 à-la-fais ; ils paraissent à midi, et dans une position contraire à celle de l'arc-en-ciel, c'est-à-dire renversés ; ce qui est une suite nécessaire de ce que nous avons dit en expliquant les phénomènes de l'arc-en-ciel solaire.

On peut encore rapporter à cette classe une espèce d'arc-en-ciel blanc que Mentzelius et d'autres disent avoir observé à l'heure de midi. M. Mariotte, dans son essai de Physique, dit que ces arcs-en-ciel sans couleur se forment dans les brouillards, comme les autres se font dans la pluie ; et il assure en avoir Ve à trois diverses fais, tant le matin après le lever du soleil, que la nuit à la clarté de la lune.

Le jour qu'il vit le premier, il avait fait un grand brouillard au lever du soleil ; une heure après le brouillard se sépara par intervalle. Un vent qui venait du levant ayant poussé un de ces brouillards séparés à deux ou trois cens pas de l'observateur, et le soleil dardant ses rayons dessus, il parut un arc-en-ciel semblable pour la figure, la grandeur et la situation, à l'arc-en-ciel ordinaire. Il était tout blanc, hors un peu d'obscurité qui le terminait à l'extérieur ; la blancheur du milieu était très-éclatante, et surpassait de beaucoup celle qui paraissait sur le reste du brouillard : l'arc n'avait qu'environ un degré et demi de largeur. Un autre brouillard ayant été poussé de même, l'observateur vit un autre arc-en-ciel semblable au premier. Ces brouillards étaient si épais, qu'il ne voyait rien au-delà.

Il attribue ce défaut de couleurs à la petitesse des vapeurs imperceptibles qui composent les brouillards : d'autres croient plutôt qu'il vient de la ténuité excessive des petites vésicules de la vapeur, qui n'étant en effet que de petites pellicules aqueuses remplies d'air, ne rompent point assez les rayons de lumière, outre qu'elles sont trop petites pour séparer les différents rayons colorés. De-là vient qu'elles réfléchissent les rayons aussi composés qu'elles les ont reçus, c'est-à-dire blancs.

Rohault parle d'un arc-en-ciel qui se forme dans les prairies par la réfraction des rayons du soleil dans les gouttes de rosée. Traité de Physique.

Nous ne nous arrêterons pas ici à rapporter les sentiments ridicules des anciens philosophes sur l'arc en ciel. Pline et Plutarque rapportent que les prêtres dans leurs offrandes se servaient par préférence du bois sur lequel l'arc-en-ciel avait reposé, et qui en avait été mouillé, parce qu'ils s'imaginaient, on ne sait pourquoi, que ce bois rendait une odeur bien plus agréable que les autres. Voyez l'essai de Phys. de Mussch. d'où nous avons tiré une partie de cet article. Voyez aussi le traité des Météores de Descartes, l'optique de Newton, les lectiones opticae de Barrow, et le quatrième volume des œuvres de M. Bernoulli, imprimées à Geneve, 1743. On trouve dans ces différents ouvrages, et dans plusieurs autres, la théorie de l'arc-en-ciel.

Finissons cet article par une réflexion philosophique. On ne sait pas pourquoi une pierre tombe, et on sait la cause des couleurs de l'arc-en-ciel, quoique ce dernier phénomène soit beaucoup plus surprenant que le premier pour la multitude. Il semble que l'étude de la nature soit propre à nous enorgueillir d'une part, et à nous humilier de l'autre. (O)

ARC DE CLOITRE, (Architecture et Coupe des pierres.) On appelle ainsi une voute composée de deux, trois, quatre, ou plusieurs portions de berceaux qui se rencontrent en angle rentrant dans leur concavité, comme les portions A B C, fig. 3. Coupe des pierres, en sorte que leurs côtés forment le contour de la voute en polygone. Si les berceaux cylindriques se rencontraient au contraire en angle saillant sur la concavité, la voute changerait de nom, elle s'appellerait voute d'arête. Voyez ARETE. (D)

ARC-DOUBLAU, c'est une arcade en saillie sur la douille d'une voute.

ARC-DROIT, (Coupe des pierres) c'est la section d'une voute cylindrique perpendiculairement à son axe.

ARC-RAMPANT, (Coupe des pierres) c'est celui dont les impostes ne sont pas de niveau. Voyez la fig. 2. Coupe des pierres.

* ARCS DE TRIOMPHE, (Histoire ancienne et moderne) grands portiques ou édifices élevés à l'entrée des villes ou sur des passages publics, en l'honneur d'un vainqueur à qui l'on avait accordé le triomphe, ou en mémoire de quelqu'évenement important. On élevait aussi des arcs de triomphe aux dieux. Une inscription conservée dans les registres de l'hôtel de ville de Langres, montre que dans ces monuments on associait même quelquefois les hommes aux dieux. Voici cette inscription :

Quintus Sedulius fils ainé d'un autre Sedulius, à dédié aux dieux de la mer et à Auguste l'arc de triomphe et les statues.

Ces édifices étaient ordinairement décorés de statues et de bas-reliefs, relatifs à la gloire des dieux et des heros, et à la nature de l'évenement qui en avait occasionné la construction. Plusieurs arcs de triomphe des anciens sont encore sur pied : celui d'Orange, qui fait une des portes de cette ville, fut érigé, à ce qu'on croit, à l'occasion de la victoire de Caius Marius et de Catullus sur les Teutons, les Cimbres et les Ambrons. On en peut voir dans les antiquités du savant père Montfaucon, un dessein fort exact. Cet arc a environ onze taises de long sur dix taises en sa plus grande hauteur. Il est composé de trois arcades embellies en-dedans de compartiments, de feuillages, de fleurons et de fruits, et filetées avec soin. Sur l'arcade du milieu est une longue table d'attente, et la représentation d'une bataille de gens de pied et de cheval, les uns armés et couverts, les autres nuds. Sur les petites portes des côtés des quatre avenues sont des amas de boucliers, de dagues, coutelas, pieux, thrombes, heaumes et habits, avec quelques signes militaires relevés en bosse. On y voit aussi d'autres tables d'attente, avec des trophées d'actions navales, des rostres, des acrostyles, des ancres, des proues, des aplustes, des rames et des tridents. Sur les trophées du côté du levant est un soleil rayonnant dans un petit arc semé d'étoiles ; au haut de l'arc, sur la petite porte gauche du septentrion, sont des instruments de sacrifices ; à la même hauteur, du côté du midi, est une demi-figure de vieille femme, entourée d'un grand voîle comme l'éternité. Les frises principales sont parsemées de soldats combattants à pied. Il résulte de cette description, que cet arc triomphal a été construit à l'occasion de deux victoires, l'une sur mer et l'autre sur terre, et qu'il y a tout lieu de douter que ce soit celui de Caïus Marius et de Catullus.

Il y a à Cavaillon les ruines d'un arc de triomphe ; à Carpentras les vestiges d'un autre ; à Rome celui de Tite est le plus ancien et le moins grand de ceux qui subsistent dans cette ville. Celui qu'on appelait de Portugal, arco di Portogallo, a excité de grandes contestations entre les antiquaires ; les uns prétendant que c'était l'arc de Domitien, d'autres celui de Marc-Aurele : mais Alexandre VII. se proposant d'embellir la rue qu'on appelle il corso, fit examiner cet arc qui la coupait en deux. On reconnut que la structure en était irrégulière dans toutes ses parties ; que les ornements n'en avaient entr'eux aucun rapport, et que le plan et le terrain sur lequel il était construit ne s'accordaient point avec les anciens ; d'où l'on conclut que cet édifice était moderne, qu'on l'avait formé de bas-reliefs, de marbres antiques, et d'autres morceaux rassemblés au hasard ; et il fut détruit.

Il y a deux arcs de Sevère, le grand et le petit : le grand est au-bas du capitole. Le Serlio a prétendu que c'était aussi un amas de ruines différentes rapportées : mais la conjecture de cet architecte est hasardée. Voyez cet arc et ses ruines fig. 3. et 4. Pl. III. de nos Antiquit. Il est à trois arcades. Dans les bas-reliefs qui sont au-dessus des petites arcades de côté, on voit Rome assise, tenant en sa main un globe, et relevant un Parthe suppliant. Viennent des soldats, dont les uns mènent un captif et les autres une captive, les mains liées. Sur le milieu est une femme assise, qu'on prendrait aisément pour une province. Suivent des chariots chargés de dépouilles, les uns tirés par des chevaux, les autres par des bœufs. Ce bas-relief sert, pour ainsi dire, de base à un autre, où l'on voit Septime Sevère triomphant et accueilli du peuple, avec les acclamations et les cérémonies ordinaires.

Le petit arc de Sevère qui est auprès de S. George in velabro, à Rome, a quelques morceaux d'architecture remarquables. On voit sur un des petits côtés Sevère qui sacrifie en versant sa patère sur le foyer d'un trépié : ce prince est voilé. On croit que la femme voilée qui est à ses côtés, est ou sa femme Julia, ou la paix avec son caducée. Il y avait derrière une troisième figure qui a été enlevée au ciseau : c'était Geta, spectateur du sacrifice. Après que Caracalla son frère l'eut tué, il fit ôter sa figure et son nom des monuments publics. Au-dessous de ce sacrifice sont des instruments sacrés, comme le bâton augural, le préféricule, l'albogalerus, etc. Plus bas encore est l'immolation du taureau ; deux victimaires le tiennent, un autre le frappe. Le tibicen joue des deux flutes. Camille tient un petit coffre. Vient ensuite le sacrificateur voilé avec une patère ; ce sacrificateur sans barbe pourrait bien être Caracalla. Le grand morceau qui suit est entre deux pilastres d'ordre composite. Sur la corniche entre les chapiteaux il y a deux hommes, dont l'un verse de son vase dans le vase de l'autre. Deux autres plus près des chapiteaux tiennent, l'un un préféricule, et l'autre un acerre. Plus bas sont deux captifs les mains liées derrière le dos, et conduits par deux soldats. Au dessous sont des trophées d'armes ; et plus bas un homme qui chasse des bœufs C'est tout ce qu'on aperçoit dans la planche du P. de Montfaucon.

L'arc de Galien se ressent un peu des malheurs du temps de cet empereur. L'empire était en combustion. Les finances étaient épuisées. Les particuliers avaient enterré leurs richesses. Marc-Aurele Victor fit élever ce monument en l'honneur de Galien et de Salonine sa femme. L'inscription est, cujus invicta virtus sola pietate superata est ; ce qui ne convient guère à Galien, qui vit avec joie Valerien son père tomber entre les mains des Parthes. Les chapiteaux sont d'ordre corinthien d'un goût fort médiocre. On s'aperçoit-là que les arts tombaient, et suivaient le sort de l'empire.

L'arc de Constantin est un des plus considérables ; on y voit les batailles de Constantin, et il est orné de monuments transportés du forum Trajani ; c'est celui de notre Pl. III. d'Antiq. fig. 1. et 2. Les têtes et les mains qui manquent aux statues posées sur le haut de l'arc, ont été enlevées furtivement.

L'arc de Saint-Remi en Provence n'a qu'une porte large, au-dessus de laquelle et sur chaque côté, on a placé une victoire. Il y a à côté de la porte, entre deux colonnes cannelées, deux figures d'hommes maltraitées par le temps.

Outre ces arcs de triomphe anciens, les médaillons en offrent un grand nombre d'autres. Ceux qui seront curieux d'en savoir davantage, n'auront qu'à parcourir le quatrième volume d'Antiq. expliquée.

Mais les modernes ont aussi leurs arcs de triomphe ; car on ne peut donner un autre nom à la porte de Peyro à Montpellier, aux portes de saint Denys, de saint Martin, et de saint Antoine à Paris. Outre les arcs de triomphe en pierre, il y a des arcs de triomphe d'eau ; tel est celui de Versailles, du dessein de M. le Nautre. Ce morceau d'architecture est un portique de fer ou de bronze à jour, où les nuds des pilastres, des faces et des autres parties renfermées entre des ornements, sont garnis par des nappes d'eau.