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Catégorie parente: Physique particulière
Catégorie : Minéralogie & Métallurgie
S. m. (Histoire naturelle, Minéralogie et Métallurgie) en latin, plumbum, saturnus, plumbum nigrum. C'est un métal très-imparfait, d'un blanc bleuâtre fort brillant, lorsqu'il a été fraichement coupé, mais qui devient d'un gris mat lorsqu'il est resté longtemps exposé à l'air ; il est très-mou, et si tendre, qu'on peut aisément le tailler ; c'est après l'or, le mercure et la platine, le corps le plus pesant de la nature ; il n'est ni sonore ni élastique ; il s'étend aisément sous le marteau, mais ses parties ont très-peu de ténacité ; il se fond avec beaucoup de promptitude à un feu médiocre, et sa surface se couvre d'une espèce de crasse ou de chaux ; il se vitrifie avec beaucoup de facilité, et il a la propriété de changer pareillement en verre les autres métaux, à l'exception de l'or et de l'argent ; il change aussi en verre les terres et les pierres avec qui on le mêle ; l'air, l'eau, les huiles, les sels, en un mot, tous les dissolvants agissent sur lui.


Le plomb se trouve en différents états dans le sein de la terre. Les Minéralogistes ne sont point encore d'accord, pour savoir s'il se trouve du plomb vierge ou natif dans la nature, c'est-à-dire, si l'on rencontre ce métal tout pur et sans être minéralisé. On trouve à Massel, en Silésie, des grains et des masses de plomb, ductiles et malléables ; ces grains sont recouverts d'une substance blanche, semblable à de la céruse, mais on soupçonne que ce plomb a été porté par accident dans l'endroit où on le rencontre.

Quant aux mines de plomb, elles sont très-communes, et très-universellement répandues dans toutes les parties du monde. On les trouve ordinairement par filons suivis, qui sont plus riches à mesure qu'ils s'enfoncent plus profondément en terre ; cependant on en rencontre aussi par masses détachées. La mine de plomb la plus ordinaire, est ;

1°. La galene ; c'est une mine de plomb composée d'un assemblage de cubes qui ont la couleur brillante du métal qu'ils renferment lorsqu'il est fraichement coupé. Ces cubes sont composés de lames ou de feuillets luisans, placés les uns sur les autres, et faciles à distinguer lorsque les cubes sont grands. En effet, ces cubes varient pour la grandeur, et quelquefois ils sont si petits, que l'oeil ne peut point distinguer leur figure. Il y a même des mines de plomb composées de particules si fines, qu'elles ressemblent à du fer ou à de l'acier dans l'endroit de la fracture. Dans d'autres ces particules sont disposées, de manière que la mine parait striée, ou par aiguilles. Les cubes dont la galene est composée, sont quelquefois si abondants en plomb, qu'on peut les couper avec un couteau. Dans toutes ces mines, le plomb est minéralisé avec le soufre ; il y en a qui sont si riches, qu'elles donnent jusqu'à 50, 60, et même 75 livres de plomb par quintal, mais elles ne sont point toutes, à beaucoup près, si chargées de métal. Ces mines de plomb ou galenes, contiennent plus ou moins d'argent. On a observé que celles qui sont composées de gros cubes, sont moins riches en argent, que celles qui sont en petites particules déliées ; les premières n'en donnent guère qu'une ou deux onces d'argent par quintal, tandis que les dernières en donnent souvent le double, et même davantage. Parmi les mines de plomb d'Europe, on ne connait que celle de Villach en Esclavonie qui ne contienne point d'argent.

2°. De la mine de plomb, qui n'affecte point de figure régulière, sa couleur est souvent la même que celle du plomb pur, et quelquefois elle est si tendre, qu'on peut la couper avec un couteau. Cette mine est composée de plomb minéralisé avec du soufre et de l'arsenic ; elle est quelquefois très-riche, au point que, selon M. de Justi, on en a trouvé dans les mines du Hartz, qui donnait 82, et jusqu'à 84 livres de plomb au quintal. Les Allemands appellent cette mine pleyschweif.

3°. La mine de plomb crystallisée ; elle est ou verte, ou blanche ; elle forme des grouppes de crystaux oblongs, et prismatiques comme des sels ; c'est l'arsenic qui met le plomb dans l'état où il est dans ces sortes de mines ; elles contiennent une grande quantité de ce métal, et quelquefois jusqu'à 70 et 80 livres par quintal. M. de Justi croit que cette mine est une espèce de sucre de saturne naturel, c'est-à-dire un plomb qui a été dissout par un acide, et crystallisé à la manière des sels. Il conjecture que quelques-unes de ces mines ont pu aussi se former comme le plomb corné, c'est-à-dire, par une dissolution de plomb précipitée par le sel marin. Quoi qu'il en soit de ce sentiment, la mine de plomb crystallisée verte, est d'un verd plus ou moins vif ; ses crystaux sont tantôt des prismes très-bien formés, tantôt ils sont moins apparents, et ressemblent à la mousse fine qui s'attache au pied des arbres ; quelquefois elle est poreuse et remplie de creux comme une scorie. Cette mine est communément accompagnée d'une terre rougeâtre ou jaune, semblable à de l'ochre. A l'égard de la mine de plomb crystallisée blanche, elle est aussi formée par un assemblage de prismes blancs et luisans comme le gypse strié, ou comme l'asbeste. On trouve quelquefois ces crystaux blancs, mêlés avec les crystaux verts dont on vient de parler. Ces deux sortes de mines de plomb sont assez rares, et plus propres à orner les cabinets des curieux, qu'à être traitées pour en tirer le métal. Cependant on en trouve à Zschoppau et à Freyberg en Saxe, ainsi que dans quelques mines de Bohème et du Hartz. Quant à la mine de plomb verte, il y en a une grande quantité dans les mines du Brisgau, qui sont à peu de distance de Fribourg. Les Directeurs vendent cette mine aux potiers-de-terre, qui ne font que l'écraser pour en vernisser leurs poteries.

4°. La mine de plomb spathique ; c'est une mine de plomb composée de lames ou de feuillets opaques, comme le spath, à qui elle ressemble beaucoup. Cependant elle en diffère, en ce qu'elle ne fait point effervescence avec l'eau forte, comme fait le spath, qui est une pierre calcaire. Cette mine est ou blanche ou grise, ou jaunâtre ; elle varie pour la figure et l'arrangement de ses feuillets ; elle est plus pesante que le spath ordinaire.

5°. La terre de plomb, que l'on pourrait appeler céruse fossile. Elle ressemble à de la craie ou à de la marne ; il y en a de blanche, de jaune, et de rouge ; ces couleurs sont dû.s vraisemblablement à de l'ochre avec qui cette terre est mêlée ; on peut la reconnaître à son poids. Ces sortes de terres sont prodigieusement rares ; on en a cependant trouvé à Johann-Georgen-Stadt en Misnie, ainsi qu'en Pologne et dans la basse Autriche. M. de Justi conjecture qu'elles ont été précipitées des eaux qui tenaient le plomb en dissolution par un sel alkali, Ve que ces terres font effervescence avec les acides, mais cela pourrait venir des autres terres avec qui elles sont mêlées. Il parait certain qu'elles ont été charriées et transportées par des eaux.

Outre cela la mine de plomb cubique ou la galene se trouve mêlée avec presque toutes les mines des autres métaux, dans lesquelles on voit souvent très-sensiblement que la première est répandue. Quant aux pierres qui lui servent de matrice ou de minière, c'est tantôt du quartz, tantôt du spath. Lazare Ercker parle d'un grais qui contenait du plomb, ce qui parait fort extraordinaire ; peut-être était-ce une pierre de la nature du spath composée de petits grains.

A l'égard du traitement des mines de plomb, on commence par les piler et les laver ; celles qui sont pures peuvent être portées au fourneau de fusion sans avoir été grillées ; d'autres, surtout celles qui sont arsénicales et chargées de beaucoup de soufre, ou mêlées de substances étrangères, exigent d'être grillées, et même quelquefois à plusieurs reprises, avant que d'être mises en fusion. Lorsque les mines de plomb ont été ainsi préparées, on les porte au fourneau de fusion. Ce fourneau est plus étroit que ceux qui servent à la fonte des mines de cuivre ; on le dispose à l'ordinaire en le garnissant d'une brasque, c'est-à-dire d'un enduit de terre et de charbon pilés. Il est essentiel que ce fourneau soit construit de pierres solides et qui résistent au feu, parce que le plomb vitrifie aisément toutes les pierres. On échauffe pendant quelques heures le fourneau avec des charbons, pour achever de secher l'enduit dont il a été revêtu intérieurement. On arrange la tuyere de manière qu'elle dirige le vent des soufflets horizontalement. Les choses ainsi disposées, on commence par charger le fourneau avec du charbon, ensuite on met alternativement des couches de minerai et de charbon ; on y joint des scories fraiches des dernières opérations, de la litharge, de la chaux de plomb, et des crasses qui ont été produites dans les fusions précédentes. Quand le fourneau est rempli, on l'allume et l'on fond durant neuf heures la première fais, et ensuite pendant six heures pour les fontes subséquentes ; au bout de ce temps on laisse couler la matière fondue par l'oeil du fourneau, c'est-à-dire par une ouverture qui est au bas de la partie antérieure du fourneau, et que l'on a tenue bouchée avec de la glaise pendant la fonte ; cette matière fondue est reçue dans le bassin concave qui est au pied du fourneau, et cette matière est ce qu'on appelle la matte de plomb ; c'est un mélange de plomb, de soufre, d'arsenic, d'argent, etc. en un mot de toutes les substances qui étaient contenues dans la mine qui a été fondue, et que le grillage n'a point pu entièrement débarrasser. On prend une portion de cette matte pour en faire l'essai en petit, afin de s'assurer de ce qu'elle contient. A Freyberg on fait trente-six fontes en une semaine. Les différentes mattes qui résultent de ces fontes se grillent de nouveau, pour achever d'en dégager le soufre et l'arsenic ; on est obligé pour cela de les faire passer par trois ou quatre feux de grillage différents, après quoi on les remet de nouveau en fusion dans un fourneau semblable au premier.

On donne alors de l'inclinaison à la tuyere qui dirige le vent du soufflet. On joint à ces mattes grillées de la nouvelle mine de plomb grillée, des scories chargées de plomb, de la litharge et des crasses, etc. et l'on procede à une nouvelle fonte en faisant des couches alternatives de différentes matières avec du charbon ; on laisse fondre le tout pendant quinze heures la première fais, et pendant huit heures seulement pour les fontes suivantes. Au bout de ce temps on laisse couler le plomb fondu dans le bassin qui est au-bas du fourneau. On referme l'oeil ou le trou aussitôt qu'on s'aperçoit qu'il se forme de la matte ou du laitier au-dessus du plomb qui a coulé ; on enlève cette substance avec un crochet de fer ; pour lors on verse le plomb fondu qui est chargé d'argent, et que l'on nomme plomb d'œuvre, dans des bassines de fer enduites d'un mélange de glaise et de charbon ; alors l'essayeur prend des échantillons de ce plomb d'œuvre pour en faire l'essai et pour savoir combien il contient d'argent. Pour enrichir encore davantage ce plomb d'œuvre, on le remet de nouveau en fonte au fourneau à manche ; on y joint des mattes de plomb grillées, des scories encore chargées de métal, et des scories vitrifiées ou du laitier, de la litharge, etc. et on fait fondre ce mélange de la manière qui a été décrite en dernier lieu. Lorsque le plomb est suffisamment enrichi, c'est-à-dire chargé d'argent, on le sépare au fourneau de grande coupelle, où l'on réduit le plomb en litharge, et l'argent reste pur et dégagé de toute substance étrangère. Voyez COUPELLE. Comme par cette opération le plomb a perdu sa force métallique, on est obligé de le faire fondre de nouveau par les charbons dans le fourneau de fusion, par ce moyen la litharge qui s'était faite dans l'opération de la grande coupelle se réduit en plomb ; mais comme ce métal n'est point parfaitement pur, Ve qu'il s'est chargé des substances métalliques qui étaient jointes à l'argent qui a été coupellé, on le refond de nouveau. Cette fonte se fait à l'air libre dans un foyer entouré de murs peu élevés ; on y forme des lits avec des fagots, et l'on y jette le plomb qui se fond suffisamment et Ve couler dans le bassin destiné à le recevoir ; c'est dans ce bassin qu'on le puise avec des cuilleres de fer, et on le verse dans des moules de fer, pour lui donner la forme de masses ou de saumons qui sont alors propres au débit. Voilà la manière dont se traite le plomb à Freyberg en Misnie. La facilité avec laquelle le feu dissipe ce métal est cause qu'il souffre du déchet dans chaque opération par laquelle il passe ; cette perte est inévitable, c'est à l'intelligence du métallurgiste à faire en sorte que cette perte soit la moindre qu'il est possible.

Lorsque la mine de plomb se trouve jointe avec de la mine de cuivre assez riche en métal pour qu'on veuille le retirer, le plomb uni avec l'argent, se séparera du cuivre par la liquation. Si la mine de cuivre ne contenait point de plomb par elle-même, on serait obligé de lui en joindre, afin qu'il se charge de l'argent qui peut y être contenu. Voyez LIQUATION et RAFRAICHIR. Voyez nos Pl. de Métallurgie.

Examinons actuellement les propriétés que les expériences chimiques font découvrir dans le plomb. Ce métal se fond très-promptement et avant que d'avoir rougi ; il n'y a que l'étain qui entre en fusion plus promptement que lui ; il se calcine avec beaucoup de facilité, pour cet effet on n'a qu'à le faire fondre, il se formera perpétuellement une pellicule grise à sa surface, qui se reproduit aussi-tôt qu'on l'a enlevée ; c'est une vraie chaux de plomb, mais elle n'est que faiblement privée de son phlogistique ; cette chaux est sous la forme d'une poudre grise ; si on l'expose à un feu plus violent elle devient d'un beau jaune, et forme la couleur que les Peintres nomment massicot. Si on calcine cette chaux au feu de reverbere, elle devient d'un rouge très-vif tirant un peu sur le jaune ; c'est ce qu'on appelle le minium ou le vermillon.

Le plomb mis dans un creuset avec partie égale de soufre, se réduit en une poudre noire, que l'on nomme plomb brulé, plumbum ustum. Par cette opération le plomb loin d'être réduit en chaux, comme quelques-uns se l'imaginent, devient plus difficîle à calciner, car alors ce métal est dans le même état que la matte qui résulte de la première fonte des mines de ce métal.

En faisant fondre de la chaux de plomb dans un creuset à grand feu, on obtient une matière semblable à du verre d'une couleur jaune par écailles, et qui a peu de liaison, c'est ce qu'on nomme de la litharge ; on obtient aussi cette matière par l'opération de la coupelle.

Si on mêle trois parties de chaux de plomb avec une partie de sable ou de caillou calciné et pulvérisé, et qu'on mette ce mélange en fusion dans un creuset, on aura un verre jaune et transparent, que l'on appelle verre de plomb. Le plomb est un des plus puissants fondants de la Chimie ; non-seulement il entre très-aisément en fusion lui-même, mais encore il vitrifie et fait entrer en fusion les autres substances auxquelles on le joint ; c'est à cause de cette propriété du plomb qu'on le fait entrer dans les couvertes ou les émaux dont on couvre les poteries et la fayance. Voyez FAYANCE et POTERIE. Mais la grande fusibilité du plomb fait qu'il perce très-aisément les creusets dans lesquels on le traite dans les fourneaux.

Lorsque le plomb a été mis dans l'état d'une chaux, on peut lui rendre sa forme métallique, ou réduire cette chaux, en lui joignant une matière inflammable quelconque, telle que de la poudre de charbon, de la limaille de fer, du suif, du flux noir. etc.

Le plomb se dissout à l'air ; il y perd son éclat et se ronge peu à peu ; il s'y réduit en une poudre grisâtre ; la même chose lui arrive dans l'eau. Si on fait bouillir ce métal dans de l'huile, il se fait une effervescence, et l'huîle le dissout ; cette résolution se fait plus promptement, si au lieu de plomb on prend de la litharge ou du minium, ou quelque autre chaux de ce métal ; par ce moyen l'huîle prend une consistance épaisse, qui sert de base à tous les emplâtres de la Pharmacie. Cette huîle est aussi d'un grand usage dans la peinture, où l'on emploie de l'huîle de lin épaissie par l'ébullition avec la litharge.

Le plomb se dissout dans le vinaigre. Si on fait bouillir du vinaigre, et que l'on y jette de la litharge, elle s'y dissout avec effervescence, et il se précipite une poudre blanche, qui est un sel insoluble, et suivant M. Rouelle, demande 800 parties d'eau pour être mis en dissolution. Si on filtre la liqueur qui surnage à cette poudre, et qu'on la fasse évaporer, on aura un sel en crystaux que l'on appelle sucre de Saturne.

Des lames de plomb exposées à la vapeur acide du vin aigri que l'on a mis sur des grappes de raisin, se convertissent en une poudre blanche que l'on nomme céruse. Les peintres font usage de cette substance qui est un vrai sel neutre ; mais cette couleur est sujette à varier avec le temps, et à se gâter.

Si l'on verse de l'alkali fixe sur une dissolution de sucre de saturne, il se fera un précipité que l'on nomme magistère de saturne.

C'est sur la facilité avec laquelle le plomb se dissout dans l'acide du vin, qu'est fondé le secret funeste que mettent en pratique un grand nombre de marchands de vin pour adoucir les vins qu'ils voient tirer à l'aigre ; souvent ils remédient à cet inconvénient en y mettant de la litharge. De plus les cabaretiers distribuent ordinairement le vin dans des vaisseaux d'un étain allié avec beaucoup de plomb ; ils font aussi doubler d'une lame de plomb les comptoirs sur lesquels ils mesurent leur vin ; par ce moyen ils distribuent au peuple un poison lent, qui peu à peu détruit entièrement sa santé. Ces sortes de pratiques devraient être rigoureusement défendues ; et les contrevenans mériteraient d'être traités comme des empoisonneurs publics contre qui le gouvernement ne saurait sévir avec assez de rigueur. En Allemagne, et surtout sur les bords du Rhin où il croit des vins assez acides, il y a peine de mort contre ceux qui adoucissent et falsifient les vins avec du plomb et de la litharge. En effet le plomb, surtout quand il est dissout, est un poison très-vif, et aucunes de ses préparations ne peuvent être prises innocemment ; elles occasionnent des coliques très-dangereuses et très-douloureuses, des tremblements dans les nerfs, et souvent la mort. Pour reconnaître si du vin a été falsifié par du plomb ou par de la litharge, on n'a qu'à y verser quelques gouttes de la dissolution du foie de soufre arsénical, ou ce qu'on appelle de l'ancre de sympathie. C'est une liqueur faite avec une partie d'orpiment et deux parties de chaux vive sur lesquels on verse cinq ou six parties d'eau bouillante. Voyez ORPIMENT. Pour peu qu'on verse de cette liqueur dans du vin qui a été frelaté avec de la litharge ou du plomb, il deviendra noir ; s'il n'en contient point, il restera rouge, et ne fera que se troubler.

L'acide nitreux agit aussi sur le plomb ; mais il faut que cet acide soit étendu dans beaucoup d'eau ; on fait chauffer le mélange ; il se fait une légère effervescence ; en faisant évaporer cette dissolution, on obtient des crystaux en pyramides tronquées. Ces crystaux distillés à grand feu dans des vaisseaux fermés font une détonation très-vive et très-dangereuse pour celui qui opere, comme Kunckel l'a éprouvé. Quelques chimistes ont prétendu que ce sel formé par la combinaison de l'acide nitreux et du plomb, fournit un moyen de tirer le mercure de ce métal. Glauber fait cette mercurification, en joignant beaucoup de sel alkali et de la chaux vive à ce sel nitreux uni au plomb ; il distille ensuite, et dit avoir obtenu de cette façon quelques gouttes de mercure coulant. M. Grosse de l'académie des Sciences a prétendu tirer le mercure du plomb par un autre moyen ; mais M. Rouelle regarde avec raison son procédé comme suspect.

L'acide du sel marin versé sur du plomb divisé en petits morceaux le dissout avec effervescence, et il s'élève beaucoup de vapeurs blanches. Si on met ce mélange en distillation dans une cornue au bain de sable, l'acide du sel marin s'élévera, et entraînera avec lui le plomb, sous la forme d'une matière épaisse que l'on appelle le plomb corné ou le beurre de saturne. C'est un vrai sel qui, si on le fait fondre, se change en une matière semblable à de la corne.

En faisant bouillir du plomb dans de l'acide vitriolique, ce métal en sera dissout. On peut aussi combiner le plomb avec l'acide vitriolique d'une manière plus simple ; il n'y a pour cela qu'à verser cet acide sur du sel ou du sucre de saturne, il chassera l'acide du vinaigre, et s'unira en sa place avec le plomb.

Le plomb s'unit très-aisément avec le mercure. C'est pour cette raison que quelques marchands se servent de plomb pour falsifier le mercure ; si l'on joint du bismuth à cet amalgame, il devient plus fluide, au point de passer avec le mercure au-travers d'une peau de chamoi. Voyez MERCURE. On sent que le mercure ainsi falsifié peut avoir des mauvaises qualités que le plomb lui communique.

Telles sont les propriétés que la Chimie découvre dans le plomb ; de toutes ces qualités M. Rouelle en conclud avec beaucoup de vraisemblance que ce métal approche beaucoup de la nature des sels, par la facilité avec laquelle il se dissout, par sa fusibilité, par sa volatilité et par sa vitrification.

Plusieurs chimistes ont regardé le plomb comme de l'argent qui n'était point encore parvenu à maturité ; ils se sont fondés sur l'affinité singulière qui se trouve entre ces deux métaux ; en effet il y a presque toujours de l'argent dans les mines de plomb ; et d'ailleurs le plomb se charge dans la fusion de l'argent qui est joint à d'autres métaux ; mais ce qui semble encore plus fortifier cette conjecture, c'est que toutes les fois qu'on passe du plomb à la coupelle, on en obtient de nouvel argent : phénomène qui est constaté par une infinité d'expériences.

Quant à l'idée de ceux qui prétendent que le plomb dont quelques édifices et quelques églises sont couverts, se convertit à la fin en argent, après avoir été longtemps exposé à l'air, elle n'est nullement fondée : ce qui peut y avoir donné lieu, c'est que dans les temps auxquels on a employé ce plomb, l'on ne savait point dégager l'argent de ce métal avec autant d'exactitude qu'aujourd'hui, et l'on y laissait celui qui y était contenu, soit parce qu'on ignorait qu'il en contint, soit parce qu'on ne savait pas la manière de l'en séparer.

On a déjà fait remarquer dans le cours de cet article, que le plomb était un poison très-violent. Il fait sentir ses mauvaises qualités non-seulement quand il est mis en dissolution dans quelque acide, mais encore sa vapeur est très-nuisible, comme on peut en juger par les maladies auxquelles sont exposés ceux qui travaillent ce métal. En effet les ouvriers qui travaillent dans les fonderies de plomb, sont sujets à des coliques spasmodiques très-violentes, et accompagnées de douleurs insupportables. Les Allemands nomment cette maladie hutten-katse, ce qui signifie le chat des fonderies. Les plombiers qui fondent du plomb, et les peintres qui emploient beaucoup de ceruse parmi leurs couleurs, sont sujets à la même maladie que l'on nomme en France colique des plombiers ou colique des peintres. Les Anglais nomment cette maladie millreek. En voici les symptômes ; elle commence par une pesanteur sur l'estomac, et quelquefois par une colique vive dans les intestins ; les malades sentent un goût douçâtre dans la bouche, leur pouls est faible, leurs jambes s'affoiblissent et sont comme engourdies, ils éprouvent des lassitudes par tout le corps ; l'appétit se perd, les digestions se font mal ; quelquefois il survient une diarrhée qui peut soulager le malade, pourvu qu'elle ne dure point trop longtemps. Si l'on ne remédie à ces premiers symptômes, le mal augmente ; on sent une douleur fixe dans l'estomac et les intestins, surtout dans la partie inférieure de l'abdomen. On est fortement resserré, on sent ses entrailles comme déchirées, le pouls devient très-vif, la peau est brulante, il survient un grand mal de tête accompagné d'un délire qui est suivi de tremblements, de convulsions et d'une espèce de fureur qui fait que les malades se déchirent et se mordent aux bras et aux mains ; le pouls devient intermittent, et ils meurent dans une espèce de coma ou d'apoplexie.

On attribue avec raison cette funeste maladie à la fumée du plomb que le feu en dégage ; c'est une vraie chaux de plomb que les ouvriers respirent perpétuellement, et qui est portée dans l'estomac et les intestins, où elle ne trouve que trop d'acides propres à la dissoudre et à lui donner de l'activité. On assure que cette vapeur n'est pas moins funeste aux animaux. On dit que les oiseaux qui traversent la fumée des fonderies de plomb, tombent morts ; les bestiaux et les troupeaux ne peuvent paitre sans danger dans les prairies du voisinage sur lesquelles retombe cette fumée pernicieuse ; les eaux mêmes des environs en sont empoisonnées, et les chiens qui en boivent ont des symptômes de la rage.

Pour se garantir d'une maladie si terrible, il faut surtout que les ouvriers qui s'occupent de ces travaux dangereux, s'abstiennent soigneusement de nourritures acides et vinaigrées, de salines, etc. ainsi que d'excès dans le vin et dans les liqueurs fortes. Il est à propos qu'ils ne travaillent jamais à jeun, qu'ils fassent usage de beurre, de laitage, et d'aliments gras.

Lorsqu'ils seront attaqués de cette maladie, il faudra sans délai leur faire prendre des vomitifs très-violents pour évacuer les premières voies. On pourra encore apaiser les coliques des intestins en leur appliquant des fomentations sur le ventre. Il reste quelquefois longtemps après la cure, des douleurs dans les jambes semblables à celles que causent les rhumatismes ; on pourra les faire passer au moyen de l'exercice du cheval.

C'est vraisemblablement au plomb qu'il faut attribuer beaucoup de coliques et de maladies dont souvent on se trouve attaqué, sans en deviner la cause. En effet la plupart de nos aliments sont préparés dans des casseroles de cuivre qui sont déjà dangereuses par elles-mêmes. Voyez CUIVRE. Pour se garantir de ces dangers, on les étame, c'est-à-dire, qu'on double le cuivre avec de l'étain, qui est communément falsifié et mêlé avec une grande quantité de plomb. Les graisses, les sels, le vinaigre, etc. agissent sur ce plomb, et font qu'il s'en mêle une portion dans nos aliments. Le même danger subsiste pour les poteries de terre vernissées ; en effet le vernis ou la couverte dont on les enduit par dedans et par dehors, est un véritable verre de plomb, sur lequel le vin, le vinaigre et les acides peuvent agir ; par là on travaille peu-à-peu à se détruire. (-)

PLOMB, (Pharmac. et Mat. médic.) la première considération médicale sur ce métal doit se déduire d'une de ses propriétés chimiques ; savoir, de sa dissolubilité par les acides, par les alkalis et par les huiles, voyez PLOMB, Chimie ; en sorte que toutes les substances salines, à l'exception des sels parfaitement neutres, et les substances huileuses qui ont été enfermées dans des vaisseaux de plomb, doivent toujours être soupçonnées contenir quelques particules de ce métal. Cependant il ne faudrait pas en inférer que l'eau de fontaine ou de rivière qu'on garde dans des réservoirs de plomb, ou qui coule à-travers des conduits de ce métal pour servir aux usages économiques, soit altérée par cette imprégnation ; car l'eau commune ne contient aucun acide, aucun alkali salin nud ; et en supposant même qu'elle fût chargée d'un pareil menstrue, la croute de terre seleniteuse qui ne tarderait pas à se former dans l'intérieur de ces conduits ou réservoirs, préserverait l'eau contre un pareil accident.

Les sels parfaitement neutres qu'on prépare dans des chaudières de plomb, comme l'alun, dont la préparation est la même dans presque tous les pays, la cuite du sel marin qui se fait au feu artificiel sur les côtes de la Bretagne et autres contrées maritimes, où l'air est humide et le ciel ordinairement nébuleux, les sels d'Ebsum et de Seidlitz, tous ces sels, dis-je, parfaitement neutres n'empruntent aucune qualité malfaisante de ces chaudières de plomb, n'en détachent et n'en entraînent rien.

Les différents produits du plomb employés le plus communément en Médecine, sont la chaux jaunâtre de plomb ou massicot, la chaux rouge ou minium, la chaux à-demi vitrifiée ou la litarge, qu'on divise mal-à-propos en litarge d'or et litarge d'argent, attendu que la première n'est pas un produit de l'affinage de l'or, ni la seconde un produit constant de l'affinage de l'argent, et qu'enfin elles ne diffèrent point essentiellement entr'elles ; le verre de plomb, les sels neutres préparés avec les acides végétaux et le plomb, le sel imparfait qui provient de l'acide du vinaigre, et qu'on appelle céruse, ou suivant quelques auteurs, et comme on le trouve dans la pharmacopée de Paris, plomb blanc, dénomination équivoque, puisqu'elle désigne ordinairement l'étain ; le sel neutre parfait, autrement appelé sucre ou sel de Saturne, qu'on retire des acides végétaux quelconques fermentés, et dont la propriété spéciale, de même que celle du sel formé du plomb et de l'acide nitreux, est d'avoir une saveur douce singulière, suivie d'un arrière goût austere-stiptique ; les magistères ou précipités de ces divers sels, un baume résultant d'une dissolution dans les huiles éthérées du plomb, soit dans son intégrité, soit calciné, ou du sucre de Saturne, enfin différentes chaux de plomb unies par une véritable mixtion à des huiles grasses, fournissent à la Médecine des emplâtres simples, et les bases de plusieurs emplâtres composés : on peut mettre encore au nombre des médicaments retirés du plomb, le blanc rhasis, qui est un composé de cire et d'huîle par expression, et de céruse, et le nutritum commun, qui se prépare avec du vinaigre de Saturne et l'huîle d'olive.

Les remèdes qu'on tire du plomb pour les employer à l'extérieur, sont vantés par les vertus suivantes : ceux qui sont sous forme de poudre, entr'autres le minium et la céruse, et les emplâtres préparés avec ces dernières substances, ont une vertu dessicative, vulnéraire, discussive, absorbante ; l'acide ou le sucre de Saturne, soit en lotion, soit employé dans les onguents, a une qualité repercussive, tonique, rafraichissante, antiphlogistique, sédative ou calmante ; il est particulièrement recommandé dans les ophtalmies, les brulures, les dartres ulcérées, avec suppuration et démangeaison considérable : à l'égard du baume, il passe pour un bon mondificatif et un léger astringent ; néanmoins les médecins sages et expérimentés redoutent non-seulement cette qualité repercussive qui est commune à tous les remèdes tirés du plomb ; mais ils font encore à ces remèdes le reproche de renfermer un venin particulier, au point que l'application des lames ou plaques de plomb sur le pubis, à titre de ceinture de chasteté, si ridiculement vanté par quelques auteurs, n'est pas même sans danger, si l'on en croit ces médecins, qui désapprouvent à plus forte raison les gargarismes dans les angines, et les injections dans la gonorrhée, préparées avec le sel de Saturne ; mais il parait que cette exclusion que ces médecins veulent donner aux préparations du plomb pour les usages externes, est trop générale et trop absolue ; on a constamment éprouvé au contraire que l'administration de ces remèdes faite avec art et avec soin dans les cas énoncés, n'est non-seulement pas dangereuse, mais encore qu'elle a ses utilités ; nous en exceptons cependant les gargarismes et les injections déjà mentionnées, comme approchant trop d'une application intérieure de ces remèdes.

Les préparations de plomb destinées à l'usage intérieur sont, 1°. le vinaigre, l'huîle et le sucre de Saturne, qui ne diffèrent entr'eux qu'en consistance, attendu que le vinaigre est une lessive d'une dissolution de sel de Saturne ; l'huile, la même liqueur concentrée, et le sucre un sel concret provenant des mêmes liqueurs, lequel doit presque être regardé comme étant toujours un ou le même, soit qu'on le prépare avec le vinaigre non distillé, soit avec le vinaigre distillé, soit enfin avec le tartre. A ces derniers remèdes on peut joindre, comme leur étant très-analogue, la teinture anti-physique de Germanus, qui a été longtemps en vogue en Allemagne, et qui est une solution ou extraction par l'esprit-de-vin, du sel de plomb vitriolique et du sel de Mars acéteux : tous ces remèdes sont, au rapport de Boerhaave, très-salutaires dans l'hémopthisie, les hémorragies proprement dites, le pissement de sang, les gonorrhées, les fleurs blanches et autres maladies de cette espèce ; cependant, de l'aveu de Boerhaave lui-même ; et de plusieurs autres médecins très-célébres, ils doivent être proscrits de l'art, comme dangereux, infidèles, et bien éloignés d'ailleurs de tenir ce qu'ils promettent. Nous rapporterons, à l'appui de cette assertion, une remarque de Juncker, qui, à notre avis, n'est pas des moins graves. Voici ce que dit ce fameux auteur : " Les différents accidents funestes, dont nous avons fait mention, dissuadent de l'usage intérieur du plomb ; et il est surprenant qu'après la sévérité des défenses qu'on a faites de la dulcification des vins par la litharge, et qu'on a porté jusqu'à faire punir de mort il y a quelques années, un marchand de vin convaincu d'une pareille fraude, malgré ces défenses, dis-je, le sucre de Saturne soit regardé comme un remède salutaire dans plusieurs maladies, tandis qu'il n'est point de chimiste intelligent, pas même d'apprenti, qui ne s'aperçoive, d'après une juste analogie, qu'il doit y avoir un danger égal à employer des remèdes qui proviennent de la même source ". Ferales casus passim notati internum ejus (plumbi scilicet) usum dissuadent, et mirum est cum vina lithargyrio dulcificata adeo damnata sint, ut quidam doliarius ob hanc fraudem supplicio capitis ante aliquot annos afficeretur, tamen saccharum Saturni multis in morbis salubre remedium praedicari, cum quivis industrius chimicus (& quidem vel rudissimus tiro) facîle pervideat ex eodem fonte hic juxta comparatione parem noxam expectari oportère. Voyez Juncker, Conspect. therap. gener. Quant aux accidents que désigne l'auteur, il n'est personne qui ait fait quelque séjour dans les pays où l'on fait des vins verts, ou qui tirent des pareils vins des contrées voisines, qui n'ait été à portée de les observer : on accuse les marchands de vin allemands d'être dans l'usage de masquer par une manœuvre vraiment punissable cette acidité désagréable qui annonce dans le vin une disposition à tourner au vinaigre. Cette manœuvre consiste à mêler dans ces vins de la litharge ou du minium, qui en se mariant à l'acide du vin, déguise non-seulement sa saveur propre, mais lui donne encore un goût sucré, en faisant avec cet acide un véritable sel de Saturne. L'observation journalière démontre que les terribles symptômes qui accompagnent la colique du Poitou, sont dû. bien souvent à la boisson de ces vins lithargirés. Il est fort commun de voir dans les hôpitaux de Paris de ces coliques dont la plupart sont occasionnées par une pareille boisson.

Après avoir parlé de la manière de sophistiquer les vins par la litharge, il ne sera pas inutîle d'indiquer les moyens chimiques qu'on peut employer à découvrir cette fraude. 1°. Le goût seul chez les personnes qui ont les organes tant-sait-peu exercés par l'habitude des expériences chimiques, découvre cette douceur particulière aux vins lithargirés ; cependant quoique ce témoignage des sens soit quelquefois d'une certitude qui Ve jusqu'au prodige, il ne saurait former dans de pareilles occurrences un témoignage légal ; ainsi pour s'assurer de la manière la moins équivoque de cette introduction du plomb dans les vins, on n'a qu'à y verser du foie d'arsenic préparé avec l'eau de chaux ; pour lors si les vins sont réellement lithargirés, ils se troubleront par l'apparition d'un précipité noirâtre. On a le complément de cette démonstration en décantant avec soin, ou en séparant par le filtre ce précipité, et le convertissant en plomb par le moyen d'un léger phlogistique, comme par exemple, le suif, etc. Voyez ENCRE SYMPATHIQUE.

Revenons maintenant à l'usage médicinal interne des sels retirés du plomb. Nous pensons, malgré les déclamations des auteurs contre l'administration de ces remèdes, qu'ils pourront être employés comme secours externes dans certaines maladies rebelles, malo nodo, malus cuneus, toutes les fois qu'un maître de l'art, après une expérience raisonnée, suivie et variée de ces remèdes, aura donné la manière de les employer à d'autres observateurs prudents et circonspects comme lui, c'est-à-dire aux vrais médecins, qui seuls peuvent légitimement constater et évaluer l'utilité de pareilles observations, ou enfin, après que ces préparations de plomb auront été unanimement déclarées d'un usage sur, et qu'on pourra les regarder sur le pied des remèdes uniques, spécifiques, et qui méritent la préférence sur les vulgaires ; mais en attendant que des expériences de cette légitimité et autorité viennent enrichir l'art et rassurer l'artiste, il est d'un médecin raisonnable, et qui a l'âme honnête, de s'abstenir religieusement de l'administration d'un remède qui de sa nature est manifestement veneneux, ou tout-au-moins suspect, et qu'aucun succès, dumoins d'une évidence reconnue, n'a jusqu'ici pu sauver du reproche d'être dangereux.

Nous finirons par considérer le plomb comme compris dans la classe des choses appelées non naturelles, c'est-à-dire, à l'influence desquelles plusieurs personnes sont exposées, soit fortuitement, soit habituellement ou par état. Nous avons déjà touché quelque chose des qualités mal-faisantes du vin lithargiré, ou dans lesquels on a dissout du sucre de Saturne, et des dangers d'une pareille boisson ; le plomb entier et ses produits quelconques, introduits sous forme de vapeurs ou de poussière très-fine, très-volatile, dans le poumon ou dans l'estomac, ainsi que les particules grossières des chaux de plomb qu'on détache imprudemment, soit en léchant des corps peints infectés de ces sels, soit en mordant sur les corps, et qu'on avale avec la salive, comme cela est ordinaire aux fondeurs des mines et aux essayeurs qui travaillent le plomb, ou qui s'occupent à l'affinage de l'or ou de l'argent, les plombiers, les potiers d'étain, les ouvriers qui préparent les dragées de plomb, les broyeurs des couleurs, les barbouilleurs qui emploient une grande quantité de couleurs liquides qu'ils broyent eux-mêmes, tous ceux enfin qui sont dans la dangereuse habitude d'affiler ou nettoyer du bout des lèvres ou de la langue l'extrémité des pinceaux, les apothicaires imprudents, les potiers de terre, les lapidaires, les polisseurs de glaces de miroir et de verre, les cordonniers qui blanchissent les talons des souliers de femme avec une préparation de céruse, ou qui tirent avec les dents les peaux colorées avec du minium ou du massicot ; tous ces ouvriers, en un mot, dont le dénombrement exact est nécessaire pour mettre un médecin appelé par quelqu'un de ces ouvriers qui se plaint actuellement de quelque maladie extraordinaire, sur la voie de soupçonner l'origine de la maladie dans cet ouvrier, d'en découvrir la cause qui devient pour lui évidente, etc. et de fonder sur toutes ces notions un traitement méthodique et suivi d'un heureux succès ; tous ces ouvriers, dis-je, sont quelquefois attaqués d'asthmes terribles et incurables provenant de cette cause, et tombent plus ou moins vite dans la colique appelée des Peintres, des Potiers, des Poitevins, colique minérale, et qu'on appelle plus convenablement encore colique des Plombiers ou de plomb. Voyez COLIQUE DU POITOU au mot général COLIQUE. Cet article est extrait des leçons de Matière médicale de M. VENEL, professeur en Médecine de la faculté de Montpellier, et l'un des auteurs de ce Dictionnaire, par M. H. FOUQUET, docteur en Médecine de la même faculté.

PLOMB, (Géométrie) ligne à plomb, est la même chose que ligne verticale ou perpendiculaire à l'horizon. Voyez VERTICALE et HORISON, voyez aussi NIVEAU et NIVELER. (O)

PLOMB, avec son fouet et son chat, c'est dans l'Artillerie un petit morceau de plomb pendu à une ficelle ou cordelette, qui sert aux mineurs pour prendre les hauteurs dans les galeries et les rameaux des mines. (Q)

PLOMB, (Architecture) les Menuisiers, Charpentiers, Maçons et autres artisans qui sont obligés de placer leurs ouvrages d'à-plomb, c'est-à-dire perpendiculairement sur l'horizon, ont diverses sortes d'instruments qu'ils appellent plomb, à cause d'un petit morceau de ce métal qui en fait partie, quoique pourtant on y mette le plus souvent du cuivre ou du fer.

Le plomb des Maçons et des Menuisiers est ordinairement de cuivre, en forme de petit cylindre, de six ou sept lignes de diamètre, et d'un pouce de hauteur. Il pend à une ficelle qui se nomme la corde ou cordeau, qui passe à-travers une petite platine aussi de cuivre, carrée et très-mince, appelée le chat. Cette plaque qui n'a que la largeur du cylindre, monte et descend à volonté le long du cordeau, et sert à appuyer contre l'ouvrage qu'on veut mettre d'à-plomb.

Le plomb des Charpentiers n'a point de chat, il est plat en forme de rose à jour, de 2 pouces environ de diamètre : on le fait de plomb, de fer ou de cuivre. Il est ainsi percé pour donner passage à la vue, et que l'ouvrier puisse mieux adresser à l'endroit où il veut piquer le bois, c'est-à-dire le marquer.

Le plomb à niveau, qui est un véritable niveau, est un plomb dont la corde descend le long d'une règle ou de bois ou de cuivre, dressée perpendiculairement sur une autre.

Le plomb à talus, n'est autre chose que le niveau plein, dont la corde se déplace.

Le plomb à règle, est une simple règle qui a une échancrure à sa base, et une ligne perpendiculaire tracée du haut en bas, laquelle tient la corde où est attaché le plomb. (D.J.)

PLOMB, arrestier de, (Architecture) c'est un bout de table de plomb au bas de l'arrestier de la croupe d'un comble couvert d'ardoise. Dans les grands bâtiments sur les combles en dômes, ces arrestiers revêtent toute l'encoignure, et sont faits de diverses figures, ou en manière de pilastre, comme au château de Clagny, ou en manière de chaîne de bossages, ou pierres de refend, comme on en voit au gros pavillon du Louvre.

PLOMB D'ENFAITEMENT, c'est le plomb qui couvre le faite d'un comble d'ardoise. Il doit avoir une ligne ou une ligne et demie d'épaisseur, sur 18 à 20 pouces de largeur. Le plomb des lucarnes a une ligne d'épaisseur, sur 15 pouces de largeur.

Plomb de revêtement, c'est le plomb dont on couvre la charpente des lucarnes-demoiselles. Il ne doit avoir qu'une ligne d'épaisseur, pour former le contour des moulures. Daviler. (D.J.)

PLOMB, (bas au métier) plomb à aiguilles, plomb à platine, moule de plomb, à platine et à aiguilles, instruments ou parties du métier à bas. Voyez cet article.

PLOMBS, s. m. pl. terme de Coèffeuse, elles appelaient plombs, dans le siècle dernier, des pyramides ou cônes de plomb, d'argent ou d'autre métal, dont elles se servaient pour coèffer. Ces plombs de toilette tenaient par la cime à un ruban que les femmes attachaient à leur bonnet, pour le maintenir pendant qu'on ajustait le reste de la coiffure.

PLOMB, (Commerce) en terme de Fabrique, est un cachet de plomb qu'on appose aux étoffes après qu'elles ont été visitées et examinées par les jurés gardes ou esgards, lequel vaut certificat qu'elles sont bien et duement fabriquées.

PLOMB, est enfin un morceau de plomb fondu exprès, de figure ronde et plate, marqué de quelqu'empreinte qui s'applique sur les étoffes d'or, d'argent, de soie, de laine, etc. même sur les balles, ballots, caisses, paquets de marchandises dont les droits de douanne ont été payés. Voyez MARQUE.

PLOMB D'ARRETS, (Police de manufac.) se dit des plombs ou marques que l'on appose sur les étoffes de laine défectueuses, que les maîtres et gardes, jurés ou esgards, arrêtent lors de leurs visites dans les bureaux, halles et foires. Savary.

PLOMB D'AUNAGE, (Pratiq. de commerce) c'est un plomb que les jurés Auneurs, les Presseurs, les Marchands fabriquans, etc. appliquent aux étoffes pour faire connaître le nombre d'aunes qu'elles contiennent, suivant l'aunage qui en a été fait. Savary. (D.J.)

PLOMB DE LOYAUTE, (Commerce) c'est le nom qu'on donne dans la manufacture de la sayetterie d'Amiens, aux plombs qui s'appliquent sur les étoffes apprêtées, que les jurés Sayetteurs ou Hautelissiers trouvent loyales et marchandes.

PLOMB DE VISITE, (Police de manufac.) ou plomb forain, c'est un plomb apposé sur les étoffes après que la visite en a été faite par les maîtres et gardes, dans les foires, halles et bureaux des villes et lieux où elles ont été envoyées ou apportées par les marchands forains ou manufacturiers, pour y être vendues ou débitées. Savary.

PLOMB DE CHEF-D'OEUVRE, terme de jurande, on appelle plomb de chef-d'œuvre, le plomb le plus étroit et le plus propre, qui sert pour les pièces d'expériences et les chefs-d'œuvres.

PLOMB DE CONTROLE, (Police de commerce) c'est un plomb qui s'appose aux étoffes de laine dans les foires et marchés, ou lieux de fabrique, par ceux qui ont droit de les contrôler, et de percevoir quelques droits sur chaque pièce.

PLOMB, (Coutelier) les maîtres Couteliers appellent le plomb, une masse de ce métal sur laquelle ils coupent avec le rosettier, ces petites rosettes dont ils se servent pour monter les lancettes et les rasoirs. (D.J.)

PLOMB A LA MAIN, terme des Graveurs en médailles, c'est une manière de tirer l'épreuve du coin qu'ils gravent. Pour cet effet ils font fondre du plomb qu'ils versent sur un morceau de papier, et sur lequel avant qu'il ait cessé d'être coulant, ils appliquent le carré du côté de la gravure, ils frappent en même temps avec la paume de la main sur le côté opposé, le coin s'enfonce facilement dans le plomb fondu, que l'on laisse prendre en cet état ; on ôte ensuite le coin, et on a une épreuve fidèle de la gravure.

PLOMB, (Monnaie) ce mot est pris bien souvent pour signifier toute la sonde, parce que la principale partie est de ce métal : on dit, les côtes de Hollande sont si dangereuses, qu'il faut toujours avoir le plomb à la main. Voyez SONDE.

PLOMB DE SONDE, c'est un plomb fait en cône, et attaché à une corde nommée ligne, avec lequel on sonde à la mer, pour savoir combien il y a de brasses d'eau, et de quelle qualité est le fond, s'il est de roche, de vase ou de sable, etc. Plomb de 6, de 12, de 25, de 36, etc.

PLOMB, terme de Miroitiers. L'on appelle plomb, parmi les ouvriers de ce métier qui mettent les glaces au teint, des plaques de plomb longues d'un pied, larges de cinq à six pouces, et de trois à quatre lignes d'épaisseur, avec une poignée de fer par-dessus pour les prendre et manier commodément.

Ces plombs servent à charger la glace quand elle a été placée sur le vif-argent, après néanmoins avoir pris la précaution de la couvrir de revêche ou de moleton, de crainte qu'ils ne la raient ou ne la gâtent. Quelques-uns mettent des boulets de canons posés dans des espèces de sébilles de bois, à la place des plombs ; mais les bons ouvriers ne se servent de boulets que pour arrêter les glaces, et non pour les charger. Savary. (D.J.)

PLOMB, en terme de Marchand de modes, est une espèce de coffret de bois garni d'un tiroir, couvert d'une étoffe quelconque, et terminé en dos-d'âne en dessus, lequel est chargé de plomb pour l'appesantir, de son pour y piquer les épingles ou aiguilles, et d'un cordon attaché à chaque bout, devant et derrière le plomb, qui sert de poignée pour le prendre et le transporter. Ces sortes de plombs servent à retenir l'ouvrage qu'on travaille, soit en les plaçant dessus, soit en attachant des ouvrages creux.

PLOMB de Monoyage, sert à l'affinage de l'argent, et cet affinage s'exécute dans une grande coupelle que l'on fait dans un fourneau, couvert d'un chapiteau de brique pour déterminer la flamme à réverbérer sur les matières, ce qu'on appelle feu de réverbere. On chauffe ce fourneau par un grand feu de bois, et l'on met du plomb dans la coupelle, à proportion de la quantité et de la qualité des matières à affiner. Quand le plomb a bouilli quelque temps, on jette les matières dans la coupelle, ce qu'on appelle charger la coupelle ; et quand elles ont bouilli, on se sert d'un gros soufflet pour souffler la surface des matières, afin de les faire tourner et circuler, et qu'en circulant elles chassent la litharge ou l'impureté des métaux qui vient en écume au bord de la coupelle ; cette écume coule par un conduit que l'on fait au bord de la coupelle, et l'échancrant en un endroit, on continue le vent du soufflet jusqu'à ce que l'argent ait paru de couleur d'opale, ce qui fait connaître que tout l'impur en a été chassé, et que l'argent est pur, c'est-à-dire, à onze deniers dix-neuf à vingt grains.

PLOMB MINERAL, (Potier). Il y en a de diverses sortes ; celui que l'on nomme ordinairement alquifoux, n'a autre usage en France que pour les Potiers-de-terre qui s'en servent, après l'avoir pulvérisé, à vernir leur poterie. (D.J.)

PLOMB BLANCHI (Plombier). Les Plombiers appellent du plomb blanchi, les tables de plomb qu'ils ont étamées ou colorées avec de l'étain, de même que le fer blanc. Dans les bâtiments neufs, les Plombiers sont obligés, suivant l'article 33 de leurs nouveaux statuts, d'employer du plomb blanchi sur les enfaitures, énusures et amortissements, chesneaux, cuvettes, tuyaux de descente, et autres endroits qui sont en vue.

Le plomb en culot est du vieux plomb qui a servi, et qu'on a fait refondre et épurer dans une poêle de fer. On lui donne le nom de plomb en culot, à cause de la forme ronde de culot, que le fond ou cul de la poêle lui a donnée, ou pour le distinguer du plomb neuf, qui s'appelle du plomb en saumon, ou navette. Il est défendu en France à toutes personnes autres que les maîtres Plombiers, d'acheter, fondre, et mettre en culot les vieux plombs.

PLOMB EN POUDRE, (Arts mécaniques) Les Potiers-de-terre s'en servent au lieu de l'alquifoux, ou plomb minéral pour vernir leurs ouvrages. Il se fait en jetant du charbon pilé dans du plomb bien fondu, et en les remuant longtemps. Pour en séparer le charbon, l'on n'a qu'à le laver dans l'eau, et le faire sécher. Les Potiers se servent aussi de la cendre ou écume de plomb, qui n'est autre chose que les scories du plomb que l'on a purifié pour quelque usage, ou qu'on a employé pour faire du même plomb, et de la dragée. Dict. du Comm.

PLOMB EN TABLE, (Plombier) plomb fondu et coulé de plat sur une longue table couverte de sable bien uni. Sa largeur ordinaire est depuis quinze pouces de roi, jusqu'à soixante et douze, et son épaisseur plus ou moins forte, suivant les choses à quoi il peut être destiné.

Les maîtres Plombiers sont tenus, suivant l'article 35 de leurs statuts, de jeter le plomb en table avec telle égalité, que tous les bouts, endroits et côtés soient d'une épaisseur pareille, sans qu'ils en puissent vendre, ni mettre en œuvre, qu'elles ne soient débordées, c'est-à-dire, que les deux côtés ou bords des tables n'aient été coupés, et unis avec la plane, qui est un outil tranchant, propre à cet usage. Savary. (D.J.)

PLOMB, terme de Saline, espèce de chaudière plate et carrée, et faite de plomb, dans laquelle on travaille au sel blanc dans les salines de Normandie. Chaque plomb est environ de trois pieds de long, de deux de large, et de six pouces de profondeur ; quatre plombs font une saline. (D.J.)

PLOMB qui sert à rouler les étoffes de soie. Ce qu'on appelle communément plomb à rouler, est une caisse de bois très-forte, de huit pouces de large sur deux pieds de long, de la hauteur de quatre pouces, dans laquelle on met environ cent livres de plomb ; cette caisse bien apée, est enveloppée de peau de veau, et bien rembourrée. Il y a d'un côté deux fers, au bout desquels il y a deux roulettes, et de l'autre deux poignées, avec lesquels on soulève cette machine ; et au moyen desdites roulettes, une personne seule la fait mouvoir d'un bout d'une banque à l'autre, et ensuite on la laisse aller sur l'étoffe qui est étendue sur cette banque ; ensuite on roule l'étoffe à l'autre bout de banque sur un plateau, et à mesure que l'étoffe se roule sur le plateau, le plomb avance du bout de la banque à l'autre, et au moyen des roulettes, on le transporte facilement, et jusqu'à la fin de la pièce.

PLOMBS, terme de Tondeur. Les Tondeurs de draps et autres étoffes de laine, appellent plombs, certaines masses de plomb, ordinairement du poids de cinq, dix et vingt livres, dont ils se servent pour charger plus ou moins les forces dont ils tondent les étoffes. Plus la force est chargée de ces plombs, et plus elle tond de près. (D.J.)

PLOMB DE VITRES, (Vitrerie). Plomb fondu par petits lingots ou bandes dans une lingotière, et ensuite étiré par verges à deux rainures dans un tire plomb, pour servir à entretenir et former les panneaux des vitres ; ou à une rainure pour les grands carreaux ; mais on ne s'en sert presque plus, parce qu'il ne défend pas du vent coulis.

La meilleure manière d'employer le plomb, est d'arrêter ces carreaux avec une espèce de mastic qui s'endurcit à l'air, et qui couvre la vitre de deux ou trois lignes au circuit, comme on le pratique dans la plupart des grands hôtels, ou bien avec des pointes et des bandes de papier.

Un tire-plomb est la machine avec laquelle les Vitriers forment le plomb qu'ils emploient pour assembler les vitres ensemble. Cette machine est composée des piéces qui suivent ; savoir, de deux jumelles de fer, A B C D, de deux arbres ou axes, E F à un bout de chacun de ses pignons I K, et à l'autre bout de l'arbre de dessous, de la manivelle N, qui sert à faire tourner ledit arbre, lequel fait mouvoir celui de dessus par le moyen de l'engrenement des deux pignons, de deux étoquiaux L M, ayant vis à écroux à chaque bout, servant à assembler lesdites deux jumelles de deux coussinets d'acier O P : entre lesdits coussinets sont les deux roues R Q, qui servent à former les fentes et cœur du plomb, elles sont montées sur lesdits arbres E F.