S. f. (Médecine thérapeutique) la saignée est une ouverture faite à un vaisseau sanguin, pour en tirer le fluide qui y est contenu. C'est un des plus grands et des plus prompts moyens de guérison que la Médecine connaisse.

Le vaisseau ouvert est artériel ou veineux, d'où nait la division de la saignée, en artériotomie et en phlébotomie. Voyez ces deux mots.

On verra ci-après la manière de pratiquer cette opération, nous allons en examiner l'histoire, les effets et l'usage.

Histoire de la saignée. Laissant à part l'origine fabuleuse que Pline attribue à la saignée, dont il dit qu'on est redevable à l'instinct de l'hippopotame, qui se frottait les jambes contre les joncs du Nil, pour en faire sortir le sang ; nous dirons que les hommes durent apercevoir de bonne heure les avantages que procuraient les hémorragies excitées par les efforts critiques de la nature, ou même occasionnées par des plaies accidentelles ; qu'il a dû nécessairement tomber dans leur idée d'imiter la nature ou le hazard, dans les cas qui leur paraitraient semblables. La saignée a donc été un des premiers secours que tous les peuples ont mis en usage contre les maladies.

Le premier exemple que nous en ayons, remonte à la guerre de Troie. Podalire en revenant, fut jeté sur les côtes de Carie, où il guérit Syrna, fille du roi Damaethus, tombée du haut d'une maison, en la saignant des deux bras ; elle l'épousa en reconnaissance. Ce trait conservé par Etienne de Byzance, est le seul que nous trouvions avant Hippocrate, qui vivait environ 700 ans après la prise de Troie..

Ce père de la Médecine parle souvent de la saignée, et d'une manière qui fait connaître que depuis très-longtemps on la pratiquait non-seulement sur la plupart des veines, mais encore sur quelques artères. Dans l'opinion où il était que chaque veine correspondait à un viscère différent, il en faisait un très-grand choix : cependant en général, il ouvrait la plus voisine du mal. Ce principe le déterminait à ouvrir les veines supérieures dans les maladies au-dessus du foie ; et les inférieures dans les maladies qui avaient leur siege au-dessous. Il le conduisait à saigner sous la langue et sous les mammelles dans l'esquinancie ; les veines du front et du nez, dans les douleurs de tête et les vertiges ; la basilique du côté malade dans la pleurésie. Il laissait couler le sang jusqu'à ce qu'il changeât de couleur. Il craignait d'autant plus la saignée dans les femmes grosses, qu'elles étaient plus avancées. Le printemps lui paraissait la saison la plus favorable pour cette opération. Il croyait que la saignée faite derrière les oreilles rendait les hommes inféconds. Il la prescrit dans les grandes douleurs, l'épilepsie, les inflammations, les fièvres aiguës véhémentes, quand l'âge et les forces le permettent. Lorsque tout concourait à la conseiller, il attendait une légère défaillance pour fermer la veine. Il n'en parle nulle part contre les hémorragies ; il parait par les épidémiques qu'il en faisait très-peu d'usage.

En recherchant dans tous les ouvrages attribués à Hippocrate, ce qu'il est dit sur la saignée, et dont on s'est servi pour soutenir les plus grossières erreurs ; on lit dans le livre des affections que la saignée est utîle contre l'hydropisie. Mais lorsqu'on s'en tient à ceux qui sont reconnus pour légitimes, on voit une liaison dans tous les principes, dans les conséquences, qui met le sceau à sa gloire. C'est dans ces livres que nous avons puisé l'extrait que nous venons d'en donner.

Dioclès de Caryste, chef de la secte dogmatique, qui mérite le titre de second Hippocrate, suivit à-peu-près les maximes de ce grand homme. Il faisait usage de la saignée, au rapport de Caelius Aurélianus, dans les inflammations de la poitrine, de la gorge et du bas-ventre, dans les hémorragies, l'épilepsie, la phrénésie ; pourvu que ce fût avant le sept ou huitième jour, que le sujet fût jeune et robuste, et que l'ivresse n'en fût pas cause. On sera cependant surpris de voir qu'il la prescrivait contre les skirrhes du foie, et pour guérir ceux que Caelius appelle lieneux, dont les symptômes ne nous paraissent point différer de ceux du scorbut.

Chrysippe, médecin de Gnide, voulant se frayer une nouvelle route qui put illustrer son nom, chercha à renverser ce que l'autorité et l'expérience des siècles précédents avaient appris en faveur de la saignée. Il soutint ses maximes par une éloquence toujours séduisante pour le peuple ; il forma des disciples qui prêchèrent la même doctrine, entre lesquels on doit donner le premier rang à Erasistrate. Ce médecin, fameux par la guérison d'Antiochus, et par les découvertes qu'il fit en anatomie, proscrivait la saignée de sa pratique (si on excepte les hémorragies), dans le cas même, où de tout temps on s'en était fait une loi. Il y suppléait par les ligatures des extrémités, la sévérité de la diete, et un grand nombre de relâchants et d'évacuans par les selles, ou par le vomissement. On connait peu la pratique d'Hérophîle son contemporain, et son émule en anatomie ; mais on sait que ses principes poussés trop loin, portèrent Sérapion et Philinus à croire que l'expérience seule devait être la règle des médecins. Ils devinrent parlà les chefs de la secte des empiriques, qui saignaient leurs malades dans le cas d'inflammation, spécialement dans celle de la gorge. Ils étaient cependant en général avares de sang ; aussi avaient-ils succédé à Chrysippe et à Erasistrate. Héraclide Tarentin, le plus recommandable des empiriques, s'éloigna encore plus que les précédents du sentiment des fondateurs de sa secte ; non-seulement il faisait saigner les épileptiques, les cynanciques, les phrénétiques, etc. mais encore les goutteux, et ceux qui étaient en syncope (les cardiaques), ce que nous qui ne sommes attachés à aucune secte n'oserions faire. On voit par-là que la prétendue expérience peut conduire dans des excès bien opposés.

Les erreurs d'Asclépiade, qui exerça la médecine à Rome avec un succès exagéré, furent encore plus grandes au sujet de la saignée. Ce médecin ne suivait d'autre règle pour tirer du sang, que la douleur, les convulsions et les hémorragies. Il s'interdisait la saignée dans la phrénésie et la péripneumonie, lorsqu'il ne trouvait que des douleurs faibles. En revanche, il la pratiquait, à l'imitation d'Héraclide, dans ceux qui étaient en syncope. Il observa que la saignée était plus avantageuse contre la pleurésie dans l'Hellespont et l'île de Paros, qu'à Rome et à Athènes. Ses principes conduisirent Thémison son disciple à être le chef de sa secte des méthodiques. Ce médecin fatigué, sans-doute, de la multitude des causes de maladie, des remèdes que les dogmatiques et les empiriques mettaient en pratique, voulut reduire la médecine à une simplicité plus dangereuse que vraie. Toutes les maladies furent divisées en trois classes ; celles du genre resserré, celles du genre relâché, et celles du genre moyen. Il n'existait point selon eux, de maladies de fluides. Les solides seuls par leur relâchement ou leur resserrement, produisaient toutes les maladies. Le siege faisait la différence des symptômes. On sent déjà qu'ils ne saignaient que pour relâcher ; c'était en effet leur unique vue : ces maximes trouvèrent des partisans pendant trois ou quatre siècles ; mais enfin leur insuffisance fit qu'on ne les admit plus que pour ce qu'elles valaient. Gariopontus fit des efforts inutiles en leur faveur au milieu du XIe siècle. On n'en parlait plus qu'historiquement, jusqu'à ce que Prosper Alpin voulut, mais inutilement, rétablir cette ancienne doctrine.

Pour juger de la pratique des anciens méthodiques par rapport à la saignée, il nous reste le peu qu'en ont dit Celse, Pline, Galien, et enfin l'ouvrage de Caelius Aurelianus, qui rassemble ce que Thémison, Thessalus, et surtout Soranus son maître avaient dit. Il en fit un corps de doctrine estimable par la description des maladies, et la critique qu'on y trouve des maximes de plusieurs médecins, dont on chercherait en vain des traces autre part. Cette secte, qui réprouvait les purgatifs, les diurétiques, et en général les médicaments évacuans, quoiqu'elle mit souvent en usage les vomitifs ; qui accablait les malades de ventouses, de scarifications, de sangsues, de fomentations, de bains, d'épispastiques, de liniments, de cataplasmes ; qui extenuait d'abord ses malades par un jeune sévère de trois ou au moins de deux jours ; qui avait par rapport à l'air, au sommeil, à l'exercice, à la situation du malade, des attentions dignes d'être imitées, saignait peu, jamais jusqu'à défaillance, rarement avant le troisième jour, et après le quatrième, elle faisait toujours attention aux forces pour s'y décider : si elles étaient affoiblies, les ventouses y suppléaient : du reste, quoiqu'ils choisissaient peu les veines, ils préferaient celles qui étaient opposées à la partie malade. Ils désapprouvaient la saignée des ranines, &, ce qu'on doit louer, ils faisaient moins d'attention à l'âge, qu'aux forces du malade. On voit aussi avec surprise que peu amis de la saignée, ils l'accordaient contre la paralysie, et la cachexie.

Celse qui vivait à-peu-près dans le temps des premiers méthodiques, trouva la saignée si commune, qu'il était peu de maladies contre lesquelles on ne l'employât ; en se conformant aux règles établies par Themison, il en rendit l'usage moins fréquent. Il ne veut pas qu'on la pratique, lorsque les humeurs sont émues, mais qu'on attende le second ou le troisième jour, et qu'on s'en défende après le quatrième, dans la crainte de la faiblesse. Cette même crainte l'empêchait de saigner jusqu'à défaillance. Il reconnaissait que l'enfance, la grossesse, et la vieillesse étaient des contre-indications à la saignée, sans qu'on dû. se l'interdire entièrement dans ces cas. La douleur, les hémorrhagies, les convulsions, les inflammations, l'ardeur de la fièvre, la cachexie, et la paralysie étaient auprès de lui, comme chez les méthodiques, les indications. C'était, selon lui, égorger un homme que de le saigner dans le redoublement. Il faisait fermer la veine, lorsque le sang sortait beau. Il reconnaissait deux sortes d'apoplexies, dans l'une desquelles la saignée était mortelle, pendant qu'elle était salutaire dans l'autre, et cependant il ne donne aucune règle pour les distinguer.

Galien fut plus libéral que lui du sang de ses malades. Il saignait quelquefois jusqu'à défaillance, ce qu'il regarde néanmoins comme dangereux. Il répétait souvent la saignée, et il était peu de maladies où il ne la pratiquât pas. L'âge au-dessus de quatorze, la force du pouls, la grandeur de la fièvre, etc. étaient les guides qu'il suivait pour la saignée. Toutes les veines apparentes, et quelques artères, étaient soumises à son cautère et à sa lancette. Il choisissait le relâche que donne la fièvre, les vaisseaux du côté malade, et ceux qu'il croyait, selon la fausse théorie de son temps, correspondre avec la partie affectée. Il est le premier, suivant la remarque de M. Leclerc, qui ait déterminé la quantité de sang qu'il avait tiré. Jusques à lui aucun des médecins dont les ouvrages nous sont parvenus, n'avait versé le sang avec autant de profusion ; c'est peut-être à cette époque que nous devons le funeste changement qu'introduisit dans la pratique de la médecine le raisonnement poussé trop loin.

Aretée contemporain de Galien, prescrivait la saignée presque aussi fréquemment. Il saignait dans les inflammations des viscères, les hémorrhagies, les douleurs, la mélancolie, l'épilepsie, l'éléphantiasis, l'ulcère de la vessie, la néphrétique, l'apoplexie, et dans les fièvres ardentes plusieurs fais, par une large ouverture, jusques au point d'affoiblir le pouls, mais non pas de faire évanouir le malade. Dans le choix des veines, il se conduisait comme Hippocrate et Galien, en préférant la plus voisine du mal ; c'est ainsi qu'il ouvrait les veines du pubis dans les inflammations de la matrice, celles du front dans les douleurs de tête, les ranines dans les inflammations de la gorge ; il pratiquait aussi l'artériotomie.

Oribase, compilateur de Galien, suivit à-peu-près les mêmes règles dans sa pratique. Il interdisait, comme lui, la saignée avant la puberté. Il préférait d'y revenir plusieurs fais, à tirer tout le sang nécessaire dans une seule, surtout lorsque le malade était faible. Il voulait que le médecin tint le pouls, pendant que le sang coulait, crainte qu'il ne périt dans la défaillance que causerait une trop grande évacuation. Il voulait encore que l'on saignât pendant que l'humeur est mue. Il se servait plus souvent qu'aucun de ses prédécesseurs, de la saignée prophylactique, dans ceux qui sont sujets aux maladies qui l'exigent ; c'était surtout à l'entrée du printemps que ces saignées avaient lieu. Il porta la quantité de sang qu'on doit tirer la première fois à une hémine (dix ou douze onces) au plus ; si les forces le permettent, on peut l'augmenter à la seconde. Il ne s'est cependant pas tellement attaché à ces mesures, qu'il ne recommande plusieurs attentions très-sages. Il ouvrait toutes les veines du corps, et quoiqu'il fit, comme Galien, certain choix des veines, dont notre théorie ne s'accommode pas, il recommande expressément d'ouvrir la plus voisine de la partie affectée, ou sur la partie même. Spécialement dans les inflammations invétérées on peut, selon lui, saigner à toute heure du jour ou de la nuit, mais il faut attendre le déclin de la fièvre ; et si la saignée n'est que de précaution, on la fera le matin. Il parle de l'artériotomie en médecin qui ne l'a jamais pratiqué ni Ve faire. Antyllus, Hérodote, et surtout Galien, sont ses guides, dans tout ce qu'il dit au sujet de la saignée ; il n'a paru même à plusieurs médecins, qu'un copiste de ce dernier.

Aètius a mérité, à plus juste titre encore, d'être appelé le copiste d'Oribase et des auteurs précédents. Nous n'avons pas trouvé dans les ouvrages de ce médecin, un seul mot au sujet de la saignée, qui nous ait paru lui être propre ; ce qui nous force de passer rapidement sur sa pratique.

Alexandre de Tralles employait la saignée contre toutes les inflammations, et contre la syncope que produit dans les fièvres, la plénitude d'humeurs crues, à-moins que cette humeur ne fût bilieuse ; car dans ce cas il préférait la purgation. Il saignait les veines les plus voisines du mal, la jugulaire et les ranines dans l'esquinancie. Il parle de la dérivation qu'il pratiquait en ouvrant la saphene, pour procurer le flux menstruel aux femmes.

Paul d'Aegine est le premier qui ait divisé la pléthore en celle qui est ad vires, et celle qui est ad vasa. Il donne les signes pour connaître l'une et l'autre, et veut qu'on saigne dans toutes les deux jusques après le septième jour. Avant de saigner il faut vider les premières voies par un lavement, s'il y a de la pourriture dans les intestins. Quant au temps de la pratiquer, il préfère le matin, et défend, comme la plupart de ses prédécesseurs, la saignée dans l'ardeur du redoublement. Il observe qu'elle est utile, non-seulement pour desemplir les vaisseaux, mais encore pour diminuer la grandeur de la maladie. Si le malade tombe en défaillance, et que cependant il soit dans le cas de perdre beaucoup de sang, on y reviendra plusieurs fais, plutôt que de tout tirer dans une ; tout ce qu'il dit d'ailleurs est copié, ou contient des préceptes sur le choix des veines, et la manière de pratiquer la saignée en différentes parties du corps.

Après Paul d'Aegine, la Médecine parait abandonnée par les Grecs, pour passer entre les mains des Arabes, qui faisaient plus d'une conquête sur eux. Ils joignirent quelques remèdes ou des méthodes qui leur étaient propres, à la doctrine des Grecs qu'ils compilèrent. C'est ainsi qu'ils crurent reconnaître avec eux dans la veine céphalique une communication avec le cerveau ; dans la basilique, avec le bas-ventre. C'est ainsi qu'ils ouvrirent presque toutes les veines extérieures du corps, dans les différentes affections ; qu'ils saignaient au pied, pour exciter les règles et les hémorrhoïdes. Ils s'en écartèrent cependant dans un point qui a paru essentiel à Brissot et à Moreau. Loin de faire saigner comme les Grecs, le plus près du mal qu'il était possible, ils saignaient du côté opposé, dans l'idée où ils étaient qu'on n'ouvrait point une veine, sans attirer sur la partie saignée une plus grande quantité de sang, qu'il n'en sortait. Isaac-Israèlite, Avenzoar, Rhazis pensaient ainsi. Ce dernier s'autorisait de Galien, qui suivant la remarque de Jacchinus son commentateur, dit précisément le contraire.

Avicenne, le prince des médecins arabes, avait adopté ce sentiment, il y avait joint tant d'inconséquences au sujet de la saignée, qu'il recommande l'ouverture de la veine sciatique (rameau de la saphene placé à côté du talon), contre les douleurs de la cuisse ; celle de la veine du front et du sinciput, de l'artère temporale dans les pesanteurs de tête, les migraines, etc. qu'il défend la saignée dans l'hydropisie, et qu'il ordonne l'ouverture de certaines veines du bas-ventre contre l'ascite. Pour composer son chapitre de la saignée, il avait mis à contribution Hippocrate, Rhasis, et Galien ; il mérite peu d'être lu.

Albucasis compte trente veines ou artères qui peuvent être ouvertes, il s'occupe principalement de la manière de les ouvrir ; attaché à la doctrine d'Avicenne, il ne parait pas s'en écarter. Copiste comme lui des Grecs, il répète beaucoup de choses que nous trouvons dans leurs ouvrages. Quoiqu'il paraisse dans l'opinion que la saignée attire toujours le sang dans la veine ouverte, cependant il recommande souvent des saignées locales, contre les inflammations graves et les vives douleurs.

Pendant les quatre siècles qui suivirent Avicenne, sa doctrine fut suivie dans la plus grande partie de l'Europe, où on cultivait la Médecine. Son nom était alors aussi respectable, que l'est de nos jours celui d'Hippocrate. On le regardait comme un homme qui avait porté la science médicinale beaucoup au-delà de ses prédécesseurs ; on tâchait de méconnaître dans ses ouvrages que, si on excepte la matière médicale, il avait presque tout copié des Grecs. Le plus grand effort que purent faire Gordon, Guy de Chauliac, Valescus de Tarenta, Savonarole, etc. fut de chercher à concilier, dans le choix des veines, la doctrine des Arabes et celle des Grecs. Ces derniers saignaient en conséquence du côté opposé, quand il y avait pléthore, et du côté malade quand elle avait diminué par les saignées, comme si le mécanisme de l'économie animale, et les lois de l'hydraulique pouvaient changer. Ces médecins suivaient pour la quantité de sang, le temps, les indications, et les contre - indications, les maximes que nous avons trouvées dans Galien et ses copistes grecs et arabes.

Les ouvrages des auteurs grecs étant traduits et devenus communs au commencement du seizième siècle, il était juste que les pères de la Médecine, ses vrais législateurs rentrassent dans leurs droits. Par la comparaison qu'on fit d'Hippocrate et de Galien avec les Arabes, on sentit l'infériorité de ces derniers ; bien - tôt leur étude fut négligée. Galien plus facîle à entendre, fut lu et enseigné par-tout ; les éditions s'en multiplièrent avec une rapidité qui prouve que le bon goût et la saine philosophie commençaient à naître.

Le choix des veines occupa alors les Médecins avec une ardeur que leur zèle rendait louable, dans un temps où la circulation du sang était ignorée ; c'était spécialement dans les inflammations de poitrine, qu'il paraissait intéressant de décider la question. Brissot, célèbre médecin de Paris, comparant le sentiment des Grecs avec celui des Arabes, trouva le premier plus conforme à la raison, le suivit dans sa pratique, le publia dans ses leçons et dans ses consultations. Ses maximes furent goutées et suivies de plusieurs médecins. Etant allé en Portugal, il y souffrit une persécution qu'il ne méritait pas. Il y mourut, laissant une apologie de son sentiment, à laquelle René Moreau a ajouté, cent ans après, un tableau chronologique des Médecins, et un précis de leurs sentiments à ce sujet.

Ce siècle vit les médecins partagés en six opinions différentes, au sujet de la saignée dans la pleurésie. Les uns saignaient toujours du côté malade ; les autres du côté opposé ; les troisiemes suivaient d'abord la seconde méthode, ensuite la première, et entre-mêlaient les saignées du pied ; les quatriemes ouvraient toujours la veine du pied. Vésale conclut de la situation de la veine azygos, qui sortant du côté droit, fournit le sang à toutes les côtes, si on excepte les trois supérieures gauches, qu'on devait toujours saigner du bras droit, excepté dans le cas où ces dernières seraient le siège de la douleur. Il eut pour sectateurs Léonard Fuchs et Cardan. Un très-petit nombre embrassa le sentiment de Nicolas le Florentin, qui vivait au quatorzième siècle ; il crut qu'il était indifférent d'ouvrir l'une ou l'autre veine ; l'évacuation seule lui paraissait mériter l'attention des Médecins.

L'étude des Grecs devenant toujours plus familière, les Arabes tombant dans le discrédit, le plus grand nombre des médecins se rangea du parti des premiers. Brissot remporta une victoire presque complete après sa mort. Rondelet, Craton, Valais, Argentier, Fernel, Hollier, Duret, toute l'école de Paris qui l'avait persécuté, lui rendit les armes. Il y eut même des partisans outrés. Martin Akakia soutint dans la chaleur de l'enthousiasme, que l'opinion des Arabes avait tué plusieurs milliers d'hommes ; celui-ci trouva cependant encore d'illustres défenseurs.

Scaliger voulant parer les coups, accablans pour-lors, de l'autorité, chercha le premier à prouver par les lois de l'hydraulique, qu'on devait saigner du côté opposé à celui qui était affecté. Toutes ces sectes montraient, comme il n'est que trop ordinaire aux disciples des grands hommes, plus d'opiniâtreté dans le sentiment de leurs maîtres, que de raison et de bonne foi. Jamais Hippocrate et Avicenne n'auraient disputé avec tant de chaleur, sur un point qui nous parait à présent peu important. Il était bien plus essentiel de déterminer les cas où on devait tirer du sang, et jusqu'à quel point.

L'ouvrage de Botal donna l'alarme à ce sujet. Il poussa dans son traité de curatione per sanguinis missionem, imprimé pour la première fois en 1582, l'abus de la saignée à un excès qu'on ne peut se persuader. En voulant trop prouver, il ne prouva qu'une chose, c'est que l'esprit et l'éloquence peuvent en imposer à ceux, qui destitués de l'expérience, ne font pas un usage assez grand de leur raison. Il avança que dans la cacochimie, l'hydropisie, les fièvres quartes invétérées, les indigestions, les diarrhées, les suppurations intérieures, etc. la saignée était le grand remède. Il osa s'étayer des passages d'Hippocrate tronqués, choisis dans ses œuvres supposées. Il comparait les veines à un puits, dont l'eau était d'autant meilleure, qu'elle était plus souvent renouvellée. Bonaventure Grangier, médecin de la faculté de Paris, s'éleva avec un grand succès contre Botal. Cette faculté le condamna authentiquement, lorsque son traité parut ; et cependant il l'entraina après sa mort dans la plus grande partie de ses idées. Elle oublia les lois qu'Hippocrate, que Celse, Galien même, etc. avaient établies, auxquels les Fernel, les Hollier, les Duret s'étaient soumis (Ce dernier disait familièrement qu'il était petit seigneur). On la pratiqua avec une fureur qui n'est pas encore éteinte, contre laquelle on a Ve successivement s'élever de bons ouvrages, et faire des efforts impuissants. La saignée qu'on n'osait faire, au rapport de Pasquier, une seule fois qu'avec de grandes circonspections, fut prodiguée. La saine partie a su conserver ce milieu qui est le siège de la vérité ; mais plusieurs ont resté entrainés par le préjugé et le mauvais exemple.

La découverte de la circulation du sang, publiée en 1628 par Harvée, semblait devoir apporter un nouveau jour sur une matière qui y avait autant de rapport ; mais elle ne servit qu'à aigrir, qu'à augmenter les disputes. Il y eut de grands débats à ce sujet, au milieu du siècle dernier, qui produisirent une foule d'ouvrages, la plupart trop médiocres pour n'être pas tombés dans l'oubli : on donna des deux côtés dans des excès opposés. Il en fut qui soutinrent qu'on pouvait perdre le sang comme une liqueur inutile, tel fut Valerius Martinius ; pendant que d'autres, tels que van-Helmont, Bontekoè, Gehema et Vulpin, prétendaient qu'il n'était aucun cas où on dû. saigner : thèse renouvellée de nos jours.

Ces excès n'étaient point faits pour entraîner les vrais observateurs ; Sennert, Pison, Rivière, Bonet, Sydenham, suivirent l'ancienne méthode, et furent modérés ; quoiqu'on puisse reprocher au dernier quelques choses à cet égard, et notamment lorsqu'il conseille la saignée dans l'asthme, les fleurs blanches, la passion hystérique, la diarrhée en général, et spécialement celle qui survient après la rougeole, où il parait la pratiquer plutôt par routine, que par raison ou par expérience.

On voit avec peine Willis, cet homme de génie fait pour prescrire des lois en Médecine, fait pour découvrir, se soumettre aveuglément aux leçons de Botal, conseiller la saignée contre presque toutes les maladies : fère totam Pathologiam, de phleb. p. 173. Il fut repris vivement peu de temps après sa mort, par Luc-Antoine Portius, qui combattit à Rome, en 1682, ce sentiment des galénistes, trop répandus dans cette ville, par quatre dialogues où il faisait entrer en lice Erasistrate et van-Helmont, contre Galien et Willis. Quoique ce genre d'ouvrage soit peu fait pour les savants, par le tas de mots dont on est forcé de noyer les choses, ils méritent d'être lus par ceux en qui la fureur de verser du sang n'a pu être éteinte par l'observation et les malheurs. On y trouve beaucoup de jugement de la part de l'auteur, qui appuie son sentiment par une apologie de Galien, dans laquelle il excuse ingénieusement ce grand homme, en combattant ses sectateurs avec des armes d'autant plus fortes, qu'il démontre que ceux-ci ont outré la doctrine de leur maître, et d'autant plus raisonnables, qu'il prend pour son principe cette vérité appliquable à tous les moyens de guérison, qu'il vaut beaucoup mieux pécher par défaut que par excès, et que ceux qui s'interdisent absolument la saignée, font une faute bien au-dessous de celle que commettent ceux qui la pratiquent contre tous les maux.

On vit au milieu de ces disputes, s'élever un homme savant, plein de génie, Bellini, qui voulant à l'exemple de Scaliger, appliquer les mathématiques à la Médecine, tomba par des erreurs de calcul, ou des fausses suppositions, dans les paradoxes les plus étranges. Il mit au jour, en 1683, son Traité de la saignée, qui contient onze propositions, avec la réponse et les preuves. Nous ferions tort à l'histoire de la saignée, si nous passions sous silence ces maximes qui ont entrainé le suffrage d'un grand nombre de savants médecins, et donné lieu aux disputes les plus vives.

Le sang, selon Bellini, coule avec plus de rapidité pendant la saignée dans l'artère qui correspond à la veine ouverte, et en s'y portant, ce qu'il appelle dérivation, il quitte les vaisseaux éloignés, ce qu'il nomme révulsion. Après la saignée, la dérivation et la révulsion sont moindres que pendant l'écoulement du sang, et enfin s'évanouissent. On doit saigner dans les inflammations, les rameaux qui ont la communication la plus éloignée avec la partie malade, pour ne point attirer le sang sur celle-ci. La saignée rafraichit et humecte par l'évacuation qu'elle produit ; elle échauffe et desseche au contraire, lorsqu'elle rend au sang trop géné un mouvement rapide. Elle doit être mise en usage dans toutes les maladies où le sang est trop abondant, où il faut en augmenter la vélocité, rafraichir, humecter, résoudre les obstructions, ou changer la nature du sang ; la saignée en augmente la vélocité. Il serait plus avantageux d'ouvrir les artères, que les veines dans les cas où la saignée est indiquée ; la crainte des accidents doit y faire suppléer par tous les autres moyens que la Médecine a en son pouvoir, tels que les scarifications, les sangsues, les ligatures, etc. les évacuans quelconques peuvent tenir lieu de la saignée. Le temps le plus sur pour tirer du sang est le déclin de la maladie. On voit dans tout cet ouvrage un grand homme, prévenu de certains sentiments, qu'il soutient avec la vraisemblance que le génie sait donner aux maximes les plus fausses. Quelques erronées que paraissent la plupart de ces propositions, elles ont eu, comme nous l'avons dit, d'illustres défenseurs, parmi lesquels on doit compter Pitcarn, ce célèbre médecin, dont il serait à souhaiter que les éléments de médecine fussent physicopratiques, au lieu d'être physico-mathématiques ; il était trop lié avec Bellini de cœur et de gout, pour ne pas l'être de sentiment.

De Heyde fut un adversaire redoutable de Bellini, il opposa l'expérience aux calculs, il s'attacha ainsi à combattre sa doctrine par les armes les plus fortes. Le recueil de ses expériences parut trois ans après le traité de ce dernier, c'est-à-dire en 1686, et fut sans réplique. M. de Haller a publié 70 ans après des expériences qui confirment celles de de Heyde.

L'histoire du XVIIIe siècle présente des faits d'autant plus intéressants, qu'ils sont le terme auquel on est parvenu, que de grands hommes, se faisant gloire de secouer tout préjugé, ont cherché la vérité par l'expérience sur des animaux vivants, l'observation sur les malades, le raisonnement et le calcul ; ce qui n'a point empêché un grand nombre de tomber dans des écarts entièrement semblables à ceux des siècles précédents : la circulation des sentiments est un spectacle vraiment philosophique. On voit dans la suite des temps les mêmes opinions tomber et renaître tour-à tour, se faire place mutuellement, et accuser par cette révolution, le peu d'étendue et de certitude des connaissances humaines. La vérité trop difficîle à saisir, ne présente le plus souvent qu'un de ses côtés ; elle voîle les autres, et ne marche jamais sans l'erreur qui vient au-devant des hommes, pendant que celle-la semble les éviter. Toutes les anciennes disputes sur le choix des veines, la quantité de sang qu'on devait tirer, les cas où on devait saigner, revinrent et repassèrent dans l'espace de 30 ans, par les mains des plus savants médecins français et étrangers. Celui qui y joua un des principaux rôles, fut M. Hecquet. Une thèse à laquelle il présida en 1704, dans laquelle il soutenait que la saignée remédie au défaut de la transpiration insensible, fut le principe de la querelle. M. Andry en rendit compte dans le journal des savants, d'une manière ironique, à laquelle le premier repliqua. Il le fit d'une manière si aigre et si vive, qu'il ne put obtenir la permission de faire imprimer son ouvrage. Ce fut secrétement qu'il parut, sous le titre d'explication physique et mécanique des effets de la saignée, et de la boisson dans la cure des maladies ; avec une réponse aux mauvaises plaisanteries que le journaliste de Paris a faites sur cette explication de la saignée. Il donna en même temps au public une traduction de sa thèse. M. Andry dupliqua en 1710, par des remarques de médecine sur différents sujets ; spécialement sur ce qui regarde la saignée, la purgation et la boisson. Par ce dernier ouvrage la querelle resta éteinte.

Il n'avait été question entre MM. Hecquet et Andry, que des cas où on devait pratiquer la saignée ; le premier excita une nouvelle dispute avec M. Sylva. Ils aimaient trop tous les deux à verser du sang, pour être en différend sur la quantité ; ils combattirent sur le choix des veines. M. Hecquet publia en 1724, ses observations sur la saignée du pied, qu'il désapprouvait au commencement de la petite vérole, des fièvres malignes, et des autres grandes maladies. M. Sylva voulant justifier cette pratique, et expliquer la doctrine de la dérivation et de la révulsion, entendues à sa manière, donna en 1727, son grand traité sur l'usage des saignées, muni des approbations les plus respectables. Le premier volume est dogmatique ; l'auteur y développe son système, et combat celui de M. Bianchi, qui huit années auparavant, avait soutenu dans une lettre adressée à M. Bimi, sur les obstacles que le sang trouve dans son cours : 1°. que la circulation du sang étant empêchée dans une partie, toute la masse s'en ressent : 2°. qu'on doit saigner dans la partie la plus éloignée du mal, à-moins qu'il ne soit avantageux d'y exciter une inflammation plus forte ; ce qui excuse et explique le bon effet des saignées locales. L'autorité d'Hippocrate mal entendue, et de Tulpius, une pratique vague, l'expression des propositions précédentes, étaient les preuves dont M. Bianchi se servait. M. Sylva se montra par-tout un partisan zélé de la saignée du pied, un ennemi déclaré des saignées faites sur la partie malade, qu'il appelle dérivatives. Forcé de convenir des avantages de la saignée de la jugulaire, il fit les plus grands efforts pour la faire quadrer avec ses calculs. Son second volume répond à M. Hecquet, qui vivement attaqué, fit à son tour imprimer trois années après, son Traité de la digestion, dont le discours préliminaire et trois lettres, servent à défendre son sentiment. Il composa dans sa retraite, une apologie de la saignée dans les maladies des yeux, et celles des vieillards, des femmes et des enfants. Il s'éleva de nouveau contre la saignée du pied, dans son Brigandage de la Médecine. Il n'était pas homme à revenir de ses idées ; il les soutenait dans sa médecine naturelle, qu'on imprimait en 1736, lorsqu'il fut lui-même la dupe de son gout, nous dirions volontiers de sa fureur pour la saignée. On ne peut voir sans étonnement, qu'un homme de 76 ans, cassé, affoibli par les travaux du corps et de l'esprit, autant que par une longue et pieuse abstinence, ayant des éblouissements, dont sa faiblesse nous parait avoir été la cause, fût saigné quatre fais, et notamment quatre heures avant sa mort, dans une maladie d'un mois.

Pour en revenir à M. Sylva, nous dirons que s'il trouva des partisans dans M. Winslou, plusieurs autres membres célèbres de la faculté de Paris, et quelques médecins étrangers, M. Hecquet ne fut pas le seul à s'élever contre lui. M. Chevalier, dans ses Recherches sur la saignée ; M. Sénac, dans ses lettres sur le choix des saignées, qu'il donna sous le nom de Julien Morisson ; dans les essais physiques, qu'il a ajoutés à l'anatomie d'Heister, et dans son Traité du cœur ; M. Quesnay, dans son excellent ouvrage sur les effets et l'usage de la saignée, qu'il publia d'abord en 1730, sous le titre d'observations ; M. Buttler, dans l'essai sur la saignée, imprimé en anglais ; ainsi que la théorie et pratique de M. Langrish ; M. Martin, dans son Traité de la Phlébotomie et de l'Artériotomie ; M. Jackson, dans sa Théorie de la Phlébotomie, le combattirent dans tous les points de sa doctrine. M. Oeder prouva en 1749, dans une thèse inaugurale, que le sang qui acquiert plus de vitesse dans le vaisseau ouvert, entraîne dans son mouvement celui des vaisseaux voisins, d'autant plus fortement, qu'ils sont plus près de lui ; ce qui est directement opposé au sentiment de Bellini et de ses sectateurs. M. Hamberger prétendit que les expériences qu'il avait faites avec un tube, auquel il avait donné à-peu-près la forme de l'aorte, démontraient la fausseté de la dérivation et de la révulsion. D'où il concluait que le choix des veines était indifférent, et que l'effet des saignées se bornait à l'évacuation. Il renouvella par-là les opinions de Nicolas Florentin, Botal, Pétronius, Pechlin et Bohnius. M. Wats se joignit aux adversaires de M. Sylva, dans son Traité de la dérivation et de la révulsion, imprimé en anglais. M. de Haller a publié en 1756, un recueil d'expériences sur les effets de la saignée, qui confirment (comme nous l'avons dit), celles de Heyde, qui contredisent en plusieurs points celles de M. Hamberger, les calculs de MM. Hecquet, Sylva, etc. Nous appuierons nos idées sur l'effet de la saignée, par ces expériences mêmes, qui portent avec elles toute l'autorité dont elles ont jamais pu être revêtues.

M. Tralles écrivit en 1735, sur la saignée à la jugulaire et à l'artère temporale, dont il rendit les avantages évidents. Il s'appuya par un post - scriptum, du sentiment de M. Sylva, quoiqu'il en désapprouvât les calculs, et plusieurs des conséquences qui excluaient l'Artériotomie.

M. Kloeckhof examina dans une dissertation imprimée en 1747, cette question intéressante : quel doit être le terme de la saignée dans les fièvres aiguës. Quoique le plus grand nombre des médecins, dont il rapporte les maximes, l'interdise en général après le trois, quatre ou cinquième jour ; il conclut cependant avec raison, muni de leurs suffrages mêmes, qu'il est des cas (rares à la vérité), où on peut la pratiquer le dixième jour.

Un anonyme a publié en 1759, un ouvrage sur l'abus de la saignée, auquel on doit des éloges. S'appuyant sur l'autorité des grands maîtres, il réduit l'usage de ce remède dans les bornes où l'ont maintenu le plus grand nombre de ceux dont la gloire a couronné les succès.

Il est temps que nous rendions compte de la doctrine des trois grandes lumières de ce siècle : Stahl, Hoffman et Boerhaave. Aucun d'eux n'a traité ex professo du choix des veines ; ils paraissent cependant avoir tous pensé que la saignée déterminait le sang à couler du côté de la veine ouverte. Ils ont au-moins posé ce système, comme un principe dont ils tiraient des conséquences.

On est surpris quand on voit Stahl, qui regardait la plupart des maladies, comme des efforts salutaires de l'âme, qui tend à se débarrasser de la matière morbifique ; qui est d'après ce principe, très-avare de remèdes, prescrire la saignée dans un grand nombre de cas, où les Médecins la regardent comme dangereuse et même nuisible. Telles sont la phtisie, la passion hypocondriaque, les fleurs blanches, la vomique, l'empyeme et quelques autres maladies chroniques ; tandis qu'il en faisait un très-petit usage dans la pleurésie, les convulsions et les maladies analogues, qu'il l'interdisait dans toutes les fièvres aiguës où la pléthore n'est pas évidemment grave, surtout après le 3 ou 4e. jour, et dans les fièvres pétéchiales ; s'il l'abandonnait dans ces cas, il s'en servait au contraire fréquemment pour prévenir un grand nombre de maladies tant aiguës que chroniques, telles que la goutte, la colique néphrétique, le rhumatisme, les hémorragies. La saignée du pied n'est point, selon lui, contre-indiquée par la grossesse. Il s'élève contre les médecins qui font trop d'attention à l'âge du malade. Il la défend au milieu de l'été, et veut qu'on ait égard aux phases de la lune. Il s'était soumis lui-même à cette loi. Il raconte (dans ses commentaires sur le traité de l'expectation de Gédeon Harvée) qu'à l'âge de soixante-neuf ans, il venait d'éprouver la cent-deuxième saignée, depuis celui de dix-sept : et qu'aucune d'elles n'avait été faite sans un soulagement évident.

Hoffman est encore plus prodigue de sang que Stahl ; il place la saignée au-dessus de tous les autres remèdes ; il la reconnait comme un grand préservatif des maladies, qu'il conseille presque à tout le monde, deux, trois ou quatre fois par an, dans les solstices et les équinoxes. A peine reconnait-il qu'elle affoiblit l'estomac, et qu'elle ralentit la transpiration. Presque toutes les maladies aiguës et chroniques exigent, selon lui, la saignée. L'hydropisie même en reçoit dans bien des cas, un grand soulagement ; et à ce sujet il appuie son expérience de l'autorité d'Hippocrate, d'Alexandre de Tralles, de Paul d'Aegine, et de Spon qui rapporte dans ses nouveaux aphorismes d'Hippocrate, qu'il a Ve un hydropique guéri par vingt saignées, auquel tous les diurétiques et les hydragogues avaient été nuisibles. Il l'exclut à peine dans l'ascite et la tympanite. Il serait trop long de rapporter toutes les maladies où il la conseille ; il suffit de dire qu'il en fait une panacée, contre laquelle il trouve très-peu de contre-indications.

Nous voici parvenus au célèbre auteur qui a su allier la théorie la plus saine et la plus lumineuse, à l'expérience et aux succès les plus décidés : la médecine moderne à l'hippocratique. Boerhaave, sans se prévenir pour aucun remède, les a tous connus, les a tous appréciés, et nous a laissé dans ses aphorismes et ses instituts, les règles les plus sures qu'on connaisse jusqu'à présent, dans un art où nous venons de rencontrer autant de contradicteurs que d'auteurs. Ce grand homme met des sages bornes à la saignée. La pléthore, l'épaississement inflammatoire du sang, sa raréfaction, et toutes les maladies qui en sont la suite, les inflammations tant internes qu'externes, les délires phrénetiques, les hémorragies qui ne viennent point de la dissolution du sang, la trop grande force, la roideur des solides, le mouvement accéléré des fluides, les douleurs vives, les contusions indiquent, selon lui, la saignée, tandis que le défaut de partie rouge dans le sang, les oedemes, les engorgements sereux, l'âge trop ou trop peu avancé, les fièvres intermittentes, la transpiration arrêtée, la faiblesse du corps, la lenteur de la circulation, en sont les principales contre-indications. Il veut qu'on saigne dans les grandes inflammations internes, avant la résolution commencée, avant le troisième jour fini, par une large ouverture faite à un gros vaisseau ; qu'on laisse couler le sang jusqu'à une légère défaillance, et qu'on la répète jusqu'à ce que la croute inflammatoire soit dissipée. Il soupçonne que les saignées abondantes pourraient écarter la petite vérole, ou dissiper la matière varioleuse sous une forme plus avantageuse que l'éruption. Quant au choix des veines, il conseille la saignée du pied dans le délire fébrîle et la phrénésie, celle de la veine du front et de la jugulaire dans les mêmes maladies et dans l'apoplexie.

Ayant commencé ce précis des sentiments que les célèbres médecins ont eu sur la saignée par Hippocrate, nous ne pouvions mieux le finir que par Boerhaave. L'accord qui se trouve entre ces grands hommes, prouve en même temps que la vérité n'est qu'une, et qu'ils l'ont tous les deux connue et enseignée.

Effets de la saignée. Pour donner une idée exacte des effets de la saignée, il faut d'abord les considérer dans l'état le plus simple, dans un adulte sain, et bien constitué. Nous les examinerons ensuite dans les différentes maladies, lorsque nous parlerons de son usage.

L'expérience faite sur l'homme ou les animaux vivants, peut seule être notre guide ; toute autre nous conduirait à l'erreur. Nous voudrions en vain appliquer l'hydraulique au mécanisme animal, l'erreur qui en naitrait, serait d'autant plus dangereuse, que nous nous croirions fondés sur le calcul, que nous établirions peut-être, comme tant d'autres, notre édifice sur de fausses suppositions, que nous oublierions que tous les problêmes de cette science n'ont pas été résolus, et que la plupart des causes particulières qui meuvent les fluides dans l'animal vivant, nous est inconnue.

Le long détail historique que nous avons donné, nous dispense de l'ennui des citations ; après avoir Ve les Médecins perpétuellement en contradiction entr'eux, ou avec eux-mêmes, leur autorité toujours balancée ne saurait être pour nous d'aucun poids, lorsqu'ils n'apporteront pas des expériences claires, précises, concluantes. Nous faisant gloire de secouer à cet égard tout préjugé, c'est à cette même expérience et au raisonnement le plus simple, à nous conduire, et à amener les conséquences pratiques que nous verrons dans la dernière partie.

Si j'ouvre un vaisseau sanguin, veineux ou artériel, peu importe, dans lequel la circulation ne soit gênée par aucune ligature, le sang qui (conformément au mécanisme de tous les animaux) est resserré dans ses vaisseaux, qui est toujours prêt à s'échapper, profite de ce nouveau passage, et s'écoule dans une quantité proportionnée à la pression, au mouvement qu'il essuie, à sa fluidité, et à l'ouverture, au calibre du vaisseau. Le jet sera soutenu avec la même force, ou diminuera insensiblement, si le vaisseau est veineux : il ira par bonds, s'il est artériel. On conçoit aisément, d'après les lois de la circulation, que l'un et l'autre jets suivent le mouvement imprimé par le cœur, immédiatement dans les artères, et modifié par l'action des muscles et des vaisseaux capillaires dans les veines ; on sent aussi que la plus grande partie du sang qui sort par l'ouverture, est fournie dans les artères par le courant qui est entre cette ouverture et le cœur, dans les veines entr'elle et les extrémités.

Lorsque le vaisseau ouvert est mince, jusqu'à un certain point, le sang ne peut sortir que goutte-à-goutte ; la même chose arrivera à un gros vaisseau, si l'ouverture est très - petite ; mais si elle est aussi grande que le calibre de ce gros vaisseau, la colomne de sang qui se présente à la circulation, se partagera en deux portions inégales ; l'une suivra le cours naturel, l'autre s'échappera par la plaie. Cette seconde sera plus considérable que la première, parce que le sang n'aura point à vaincre la résistance que présente la colomne de sang contenue dans les veines entre le cœur et la plaie, dans les artères, entre cette dernière et les extrémités. Si au contraire cette ouverture est plus grande que le calibre du vaisseau, le sang resserré, comme nous l'avons vu, cherchant à s'échapper, se jetant avec précipitation dans l'endroit où il trouve le moins d'obstacles, accourra des deux côtés de la veine ou de l'artère, les deux colomnes de sang se heurteront par des mouvements directs et rétrogrades, pour sortir par la plaie. Quoique le mouvement direct soit toujours le plus fort, il n'empêchera pas que la colomne retrograde ne fournisse à l'évacuation, plus ou moins, suivant la grandeur de l'ouverture. C'est cette expérience faite par de Heyde contre Bellini, que M. de Haller a répétée une multitude de fais, de différentes manières, qui sert de base à la théorie que ce dernier donne de la saignée.

Pendant que le sang s'écoule, il arrive que la colomne de sang qui vient immédiatement du cœur dans les artères, qui est obligée de traverser les vaisseaux capillaires pour remplir les veines, rencontrant moins d'obstacles, à raison de l'augmentation des orifices par lesquels elle doit s'échapper, accélere son mouvement. Les vaisseaux collatéraux, en comprimant le sang qu'ils contiennent, en cherchant à rétablir l'équilibre, envoyent une partie de ce sang dans le vaisseau où il éprouve le moins de résistance. Mais (ce qu'il est très-important de remarquer) le vaisseau ouvert contient moins de sang, ses parois sont plus rapprochés qu'ils n'étaient avant la saignée ; et quoique dans un temps donné, il s'écoule à-travers le vaisseau, une plus grande quantité de sang, l'augmentation, loin d'être supérieure à la perte, lui est toujours inférieure, par le frottement qui y met un obstacle, la force d'inertie, et le temps nécessaire pour qu'il parcoure l'espace compris entre le lieu d'où il part, et l'ouverture du vaisseau. Bientôt ce mouvement se communique des vaisseaux collatéraux, successivement à tous ceux qui parcourent le corps, sanguins, séreux, bilieux, etc. mais d'autant plus faiblement, dans un espace de temps d'autant plus long, qu'ils sont plus éloignés, plus petits, et plus hors du courant de la circulation du sang contenu dans les vaisseaux qu'on évacue, ou dans ceux qui y correspondent immédiatement.

Cet afflux de sang augmenté pendant la saignée dans le vaisseau ouvert, a été appelé par les Médecins dérivation ; cette diminution de la quantité de sang contenu dans les vaisseaux les plus éloignés, qui vient se rendre au lieu ouvert, ou qui coule en moindre quantité dans cette partie éloignée, parce qu'il faut que le cœur fournisse davantage au vaisseau le plus vide, parce que le sang se jette toujours du côté de la moindre résistance, s'appelle révulsion. Jusque-là tous les Médecins sont d'accord entr'eux de cet effet pendant la saignée sans ligature ; mais s'ils apprecient la quantité de la dérivation et celle de la révulsion, on les voit se partager. Les uns avec Bellini et Sylva, prétendent que le vaisseau ouvert est plus plein pendant la saignée, qu'il ne l'était avant ; que la révulsion est d'autant plus grande que le vaisseau est plus éloigné. Les autres, avec MM. Senac et Quesnay, appelans à leur appui toutes les lois de l'hydraulique, toutes les lumières de la raison et l'expérience médicinale, conviennent que dans un temps donné, il circule une plus grande quantité de sang dans le vaisseau ouvert, pendant la saignée, qu'avant ou après ; mais que le vaisseau resserré contient réellement une moindre quantité de sang, qui circule plus vite. Ils insistent et prouvent que la révulsion est d'autant moindre, qu'elle se fait dans une partie plus éloignée. Ils se rient de ceux qui voulant ralentir et diminuer l'eau qui s'écoule par un canal qui répond à un bassin commun, vont chercher le point le plus éloigné, pour y faire une ouverture, et craignent qu'en doublant le diamètre de ce canal, dont l'entrée ne varie point, ils n'y attirent un débordement.

Voilà (si nous ne nous trompons) le fond de ces disputes vives et intéressantes, agitées entre de grands hommes armés de calculs les uns et les autres sur la dérivation et la révulsion, dans lesquelles on est étonné que la préoccupation ait étouffé la raison la plus simple et la plus naturelle, au point de voir des hommes respectables recourir à des explications forcées, admettre sans-cesse de fausses suppositions, pour accommoder et expliquer par leurs systèmes, des expériences qu'ils ne pouvaient revoquer en doute, et qui les accablaient : telles que l'avantage de la saignée à la jugulaire dans les pléthores particulières de la tête, qui causent des céphalalgies. Nous aurons lieu d'examiner cet objet plus en détail ; passons aux autres effets de la saignée.

Si le sang coule goutte-à-goutte, il se formera peu-à-peu sur les bords de la plaie un caillot, par l'application et la coalition successive de la partie rouge du sang épaissie, desséchée par le défaut de mouvement, et le contact de l'air. Ce caillot observé si constamment par M. de Haller, arrêtera l'hémorrhagie, collera les bords de la plaie, et enfin laissera voir la cicatrice par sa chute. Cette cicatrice resserrera le vaisseau, en diminuera le diamètre dans l'endroit où elle se trouvera placée, à moins qu'il ne survienne à l'artère un anevrisme auquel la force et l'inégalité du jet donneront lieu, en dilatant les membranes affoiblies par la plaie, en empêchant la réunion de la plus intérieure : ce qu'on peut prévenir par les moyens détaillés, lorsqu'il a été question des accidents qui peuvent suivre la saignée. Voyez ANEVRISME.

Si on enlève le caillot avant la réunion de la plaie, et que le vaisseau soit considérable, les symptômes précédents se renouvelleront, le saigné tombera en défaillance, la circulation sera interrompue dans tout le corps, et l'hémorrhagie arrêtée par ce nouvel accident. Ce dernier effet sera d'autant plus prompt, que le sang coulera en plus grande quantité dans un temps donné. Il sera dû à l'état des vaisseaux sanguins et du cœur, qui n'étant pas remplis au point nécessaire pour la propagation du mouvement, suspendront leur action, jusque à ce que la nature effrayée ranimant ses forces, fasse resserrer le calibre de tous les vaisseaux, et soutienne cette compression du sang nécessaire à la vie. Si alors le sang s'échappe de nouveau, le caillot à la formation duquel la défaillance donne lieu, ne s'étant point formé par la dissolution du sang, ou par la force avec laquelle il est poussé, la compression étant détruite aussi-tôt que formée, les défaillances répétées améneront la mort.

Si au contraire l'hémorrhagie est arrêtée naturellement ou artificiellement, le resserrement général et proportionné de tous les vaisseaux, et la loi posée que le sang en mouvement se tourne toujours du côté où il trouve moins d'obstacles, feront que l'équilibre se rétablira bientôt dans les vaisseaux sanguins ; de manière que chacun d'eux éprouvera une perte proportionnelle à son calibre. Cette perte se propagera successivement dans les vaisseaux séreux, etc. qui enverront leurs sucs remplacer en partie le sang évacué, ou qui en sépareront une moindre quantité.

Par l'augmentation de ces liqueurs blanches avec le sang, et par la diminution des secrétions, il résultera une proportion différente entre la partie rouge du sang et sa partie blanche : le trombus diminuera. Voyez SANG. Rien n'est plus constant que cet effet de la saignée, observé avec soin, et démontré avec clarté par M. Quesnay, sous le nom de spoliation. Pour la rendre sensible, il suppose un homme bien constitué, pesant 120 livres ; il calcule qu'il contient environ 20 livres de solides, et 100 livres de fluides, parmi lesquels il trouve 27 livres de sang ; il évalue la partie rouge qui forme le trombus dans la palette à 5 livres. Ces principes posés, si on tire par la saignée une livre de sang, on ôte 1/95 des humeurs blanches ou séreuses, pendant qu'on enlève 1/27 de la partie rouge. Mais comme les humeurs blanches sont bientôt réparées par la boisson et les aliments, en sorte que le corps retourne à un poids égal, comme la partie rouge est la plus difficîle à régénérer, on diminue évidemment la proportion de cette dernière par la saignée. Cet effet augmentera suivant la quantité du sang évacué : si elle est grande, le sang étant plus mobile, circulant plus aisément, éprouvant moins de frottement, la nature étant affoiblie par les efforts qu'elle aura faits pour rétablir cet équilibre nécessaire ; les forces, les sécretions, les couleurs, la chaleur diminueront, pendant que la facilité à prendre la fièvre, et la sensibilité croitront.

Si on saigne un grand nombre de fois répétées coup sur coup avant que la régénération du sang ait pu se faire, l'homme le plus sain et le plus vigoureux, on enlève une si grande quantité de cette partie rouge, que l'assimilation du chyle ne pouvant s'exécuter, les forces, les secrétions et les excrétions étant languissantes, tout ce qui était destiné à l'évacuation étant retenu dans les vaisseaux sanguins, séreux, etc. des sucs mal digérés stagnant dans le corps, ne pouvant être préparés, corrigés, nettoyés ; cet homme, dis-je, deviendra pâle, bouffi, hydropique, anasarque ; il pourra même arriver que ces maux deviennent mortels ; ils influeront au moins sur tout le reste de sa vie. Il faut une certaine quantité de partie rouge pour qu'elle puisse s'assimiler le chyle.

Le mal que produit une évacuation de quelques onces sera bien-tôt réparé ; il aura été à peine sensible dans un homme robuste et adulte. Il n'en est pas ainsi dans un enfant chez qui la saignée et les hémorrhagies enlèvent l'élément des fibres nécessaires à la bonne conformation intérieure et extérieure. Elles sont donc en général nuisibles, ou du-moins très-dangereuses avant l'âge de puberté. Après ce temps, les hémorrhagies régulières des femmes rassurent un peu contre les maux que produit la saignée ; cependant la faiblesse de leur corps, de leur santé, de leur esprit, le tissu lâche de leur peau, les infirmités, les vapeurs auxquelles elles sont sujettes, paraissent être la suite de ces évacuations, quelques naturelles et nécessaires qu'elles soient.

Tel est le tableau des effets des hémorrhagies et de la saignée faite sans ligature dans un adulte sain ; passons à l'examen de ce que cette dernière produit dans le même homme avec une ligature telle qu'on la pratique communément.

La ligature qu'on applique au bras lorsqu'on veut ouvrir les veines du pli du coude, sert en arrêtant le cours du sang dans ces veines, à les remplir davantage, à en faciliter l'ouverture et l'évacuation. La compression ne se fait pas seulement sentir aux veines extérieures, les artères les plus profondes en sentent communément l'effort ; mais d'autant moins qu'elles sont plus cachées, fortes, élastiques et à l'abri ; que le sang y circule avec plus de vélocité. Le cours du sang n'étant jamais subitement et totalement arrêté par aucune ligature dans toutes les artères d'un membre, il arrive toujours un engorgement sanguin au-dessous de la ligature, qui pour être bien faite, doit être serrée de manière à interrompre la circulation dans les veines, et à ne la ralentir que faiblement dans les artères : dans cet état les veines s'enflent. Si alors on fait une ouverture plus large que le diamètre du vaisseau, comme il est ordinaire, tout le sang qui aurait dû retourner au cœur par la veine ouverte, s'écoule par la plaie ; il s'y joint une partie de celui qui cherche inutilement un passage par les autres veines, et qui se débouche par l'endroit où il rencontre le moins d'obstacles.

La quantité de sang qui sort dans un temps donné d'une veine du pli du coude, ouverte avec une ligature au-dessus, est donc supérieure à celle qui coulerait pendant le même temps dans le vaisseau ouvert. On peut l'évaluer au double, si l'ouverture de la veine est égale à son diamètre ; mais elle est de beaucoup inférieure à celle du même sang, qui s'écoulerait par la somme de toutes les veines du bras. Il arrive donc alors qu'il circule moins de sang dans les artères brachiales, dont le diamètre est diminué par la compression de la ligature, dont le sang rencontre plus d'obstacles dans son cours, et moins d'écoulements ; ce qui est contraire à ce que nous avons observé dans l'effet des saignées sans ligature. Le sang ne viendra pas non plus par un mouvement retrograde, se présenter à l'écoulement ; mais la veine ouverte recevant toujours du sang, n'en renvoyant jamais au cœur, laissera desemplir tous les vaisseaux veineux qui sont placés entre la plaie et le cœur. La défaillance que produira leur affaissement, s'il est poussé trop loin, exigera de la nature et de l'art les mêmes efforts, que nous avons Ve nécessaires dans les saignées sans ligature. Cette défaillance survient communément après la perte de dix ou quinze onces de sang. Quelquefois cependant la frayeur la produit plus tôt. Si elle survient aux premières onces, sans que les causes morales y aient aucune part, on peut assurer qu'elle a été faite mal-à-propos.

Par les règles que nous avons établies, que le seul bon sens nous paraitrait démontrer, quand même le calcul et l'expérience ne s'y joindraient pas, il est aisé de conclure que la saignée et la ligature produisent deux effets opposés ; que l'une accélere le cours du sang, que l'autre le retarde. Que la première détruit en partie l'engorgement auquel la dernière a donné lieu ; et que comme les saignées se font presque toutes avec une ligature, comme l'accélération du sang produite par la saignée est inférieure au retard que celle-ci y met, il en résulte un effet opposé à celui que soutenaient Bellini et Sylva, que les artères apportent moins de sang pendant la saignée à l'avant-bras, et conséquemment à toutes les parties voisines avec lesquelles il est lié par la circulation, qu'elles n'en apportaient avant, qu'elles n'en apporteront, lorsque la ligature ôtée, le cours du sang étant devenu libre et égal, chaque vaisseau verra passer une quantité de sang proportionnée à son diamètre, et aux forces qui le font circuler dans son centre.

Les effets de la saignée du pied sont à-peu-près les mêmes par rapport à cette partie, que ceux de la saignée du bras, par rapport à la main et à l'avant-bras. Les artères ont l'avantage d'être plus à l'abri de la compression ; mais le lave-pié en fait la plus grande différence. Ce lave-pié qui mérite une place distinguée parmi les remèdes les plus efficaces, qui est nécessaire dans quelques cas pour augmenter l'afflux du sang dans les extrémités inférieures, en remplir les veines, et porter un relâchement humide dans tout le corps, souvent plus avantageux que la perte d'une livre de sang, a fait attribuer à la révulsion l'utilité de la saignée du pied dans les maladies de la tête, et a été le principe de toutes les erreurs, de toutes les contradictions qui ont été publiées à ce sujet. Nous avons Ve ce lave-pié guérir dans un quart d'heure, comme par enchantement, un homme robuste, au milieu de son âge sanguin, accablé par une violente douleur de tête, sans fièvre, à qui on avait tiré, sans le moindre soulagement, une livre de sang du bras ; il lui survint immédiatement après ce lave-pié, une multitude de furoncles aux jambes, l'épiderme de tout le corps se leva par écailles, et le malade fut guéri sans autre remède, sans rechute. Si la saphéne avait été ouverte, on n'aurait pas manqué d'attribuer à la révulsion un effet aussi prompt et avantageux.

La ligature qu'on applique au col, lorsqu'on veut saigner la jugulaire externe, ne produit dans le cerveau qu'un engorgement léger, insensible, par la facilité que le sang trouve à sortir par la jugulaire externe opposée, et par les internes, parce que les carotides sont presque autant comprimées que ces veines, et parce qu'on n'interrompt jamais entièrement le cours du sang dans la veine même qu'on veut ouvrir. Cet engorgement est bien-tôt détruit, et même surabondamment, par l'ouverture de la veine dans laquelle le sang circule alors avec plus de vélocité, sans en être retardé dans les autres veines du cou. La circulation devient donc par-là un peu plus rapide dans le cerveau ; le sang qui monte par les carotides et les vertébrales, rencontrant moins d'obstacles ; cependant la quantité du sang qui monte est encore inférieure à celle qui est évacuée, par l'effet du frottement, de la force d'inertie, et par le temps nécessaire pour que tout se répare, comme nous l'avons déjà prouvé. La saignée de la jugulaire diminuera donc plus promptement que celle des autres veines, la pléthore du cerveau, quoiqu'elle y accélere le cours du sang. Cette accélération même sera utîle dans quelques occasions pour entraîner le sang épais, collé contre les parois des vaisseaux ; delà naitront plusieurs avantages qu'on éprouve dans les maladies du cerveau, où il y a des obstacles particuliers à la circulation ; ces obstacles se présentent assez souvent dans les différentes parties du corps : c'est alors que les saignées locales méritent la préférence et réussissent souvent.

La saignée des ranines a été abandonnée par la crainte des hémorrhagies difficiles à arrêter ; celle de la veine frontale, ou préparate, par son peu d'efficacité. On revient rarement à celle des yeux et du nez, par la difficulté d'en ouvrir les veines ; on doit cependant la surmonter dans les maladies de ces parties, où l'épaississement du sang en retarde la circulation, et attend pour être évacué un heureux effort de la nature, qui procurera une hémorrhagie que l'art doit accélérer. C'est sur ce principe que l'ouverture des hémorrhoïdes est avantageuse, lorsqu'elles sont très-douloureuses, enflammées, lorsque leur gonflement est considérable ou ancien.

On sent aisément combien peu de choix les veines du bras mériteraient, si elles étaient d'une égale grosseur, si leur situation mettait également le chirurgien à l'abri des accidents. On choisira donc la céphalique, la médiane, la basilique, la veine du poignet, la salvatelle, suivant qu'elles réuniront ces deux avantages, pour opérer plus surement, et avec une moindre perte de sang, une défaillance souvent salutaire. On renverra le choix trop scrupuleux des veines aux anciens, dont on excusera les erreurs par l'ignorance dans laquelle ils étaient des lois de la circulation.

Nous avons Ve l'artériotomie faite sans ligature, produire conformément aux expériences de de Heyde et de M. de Haller, les mêmes effets que la phlébotomie dans un sujet sain, sans ligature. Ces effets différeront, si l'artère est ouverte avec une ligature ; dans ce dernier cas la partie, loin d'être engorgée, si la compression ne porte que sur l'artère, sera évidemment moins pleine de sang, puisqu'elle en recevra moins, et qu'une partie de celui qui est contenu dans les veines s'écoulera suivant son cours ordinaire, par l'impulsion qu'il aura déjà reçu, par la contraction musculaire, et leur élasticité. Mais cette différence de la phlébotomie à l'artériotomie ne sera, eu égard à l'écoulement du sang, que momentanée, peu considérable ; puisque, comme nous l'avons déjà dit, la saignée faite, tout se rétablit dans son cours naturel et proportionné.

La crainte des hémorrhagies, difficiles à arrêter par le défaut d'une compression assez forte, celle des anevrismes, et la profondeur des artères, empêchent les Médecins de les ouvrir, si ce n'est aux tempes, où la compression est facile. Cette saignée a paru mériter à plusieurs de très - grands éloges. Nous croyons qu'elle est inférieure en tout à celle de la jugulaire ; aussi est-elle presque généralement abandonnée.

Nous venons de suivre les principaux effets de la saignée, faite avec ou sans ligature, à l'artère ou à la veine d'un homme sain, par des ouvertures plus grandes que le diamètre des vaisseaux, égales ou inférieures. Nous nous flattons de n'avoir suivi que l'expérience et le raisonnement le plus naturel ; il nous reste à examiner ses effets dans les différentes maladies. Pour ne point tomber dans des répétitions ennuyeuses, nous ne nous en occuperons, qu'en parlant de l'usage. Il nous parait aisé de tirer des principes précédents, les conséquences qui doivent conduire dans la pratique de la médecine. Nous tâcherons de le faire avec aussi peu de préjugés, et de comparer notre théorie avec l'observation-pratique, qui peut seule être notre code, et la pierre de touche propre à décider du vrai ou du faux de notre théorie ; mais pour nous conduire et entraîner notre jugement, l'observation ne doit être, ni vague, ni rare ; elle doit être constante, fixe et décidée ; tâchons de la trouver telle.

L'usage de la saignée. Il est peu de remèdes dont on fasse un usage aussi grand, que de la saignée ; il en est peu sur lequel les Médecins aient autant varié, comme nous l'avons fait voir, en traçant le sentiment de ceux même qui se sont le plus illustrés par leur science. Leurs oppositions et leurs erreurs nous font craindre un sort semblable, et de donner dans les écueils qui se présentent de toutes parts sur une mer fameuse en naufrages. Nous essayerons de suppléer par notre bonne foi, aux lumières de la plupart de ceux qui ont traité ce sujet important.

Pour développer à fond l'usage de la saignée, il faudrait descendre dans le détail de toutes les maladies, et même dans leurs différents états. Ce champ serait trop vaste : obligés de nous resserrer, nous verrons les maladies sous un autre jour, nous rechercherons ; 1°. les indications de la saignée ; 2°. les contre-indications ; 3°. le temps de la faire ; 4°. le choix du vaisseau ; 5°. la quantité de sang, 6°. le nombre des saignées qu'on doit faire. Mais avant de suivre ces points de vue ; élevons-nous contre deux abus plus nuisibles à l'humanité, que la saignée faite à propos n'a jamais pu lui être utile, abus d'autant plus répréhensibles, que quoique très-communs, ils ne sont fondés que sur une aveugle routine, hors d'état de rendre raison de ses démarches. Ces abus sont les saignées prophilactiques ou de précaution, et celles qu'on se croit indispensablement obligé de faire précéder les médicaments évacuans.

La plupart des bonnes femmes et quelques médecins, ignorant les efforts, les ressources de la nature, pour conserver l'économie animale, et en rétablir les dérangements, se flattent de trouver dans la Médecine des secours d'autant plus efficaces, qu'ils sont appliqués plus promptement. Parmi ces secours ils donnent le premier rang à la saignée. Croyant voir par-tout un sang vicié ou trop abondant, qu'il faut évacuer au moindre signal, dans la crainte de je ne sais quelles inflammations, putréfactions, etc. ils le versent avec une profusion qui prouve qu'ils sont incapables de soupçonner qu'en enlevant le sang, ils détruisent les forces nécessaires pour conserver la santé, ils donnent lieu à des stases, des obstructions ; au défaut de coction, aux maladies chroniques, et à une vieillesse prématurée. Saigner est, selon eux, une affaire de peu de conséquence, dont tout homme raisonnable peut être juge par sa propre sensation, dont il est difficîle qu'il mésarrive. On dirait que réformateurs de la nature, ils lui reprochent sans cesse d'avoir trop rempli leurs vaisseaux de sang. Tant que le saigné par précaution jouit de toutes les forces d'un âge moyen, il s'aperçoit peu de ces fautes ; mais bien-tôt un âge plus avancé l'en fait repentir, et lui interdit un remède qu'il n'aurait peut-être jamais dû mettre en usage sur lui-même. Ces maux sont encore plus évidents dans le bas âge, ou lorsque l'enfant est contenu dans le ventre de sa mère. On ne peut se dissimuler qu'un grand nombre d'enfants dont la santé est faible, doivent leur mauvais état, aux hémorrhagies, aux saignées ou autres remèdes de précaution que leurs mères ont souffert dans leur grossesse ; et cependant une femme du monde croirait faire tort à sa posterité, si elle ne faisait pendant ce temps, à la plus légère indisposition ou sans cela, une suite de remèdes. Souvent on ne s'aperçoit pas des maux que semblables soins ont produits ; nous croyons même qu'ils ont été utiles et nécessaires : mais il n'est que trop commun de voir un grand nombre de maladies, devenues plus terribles par l'abattement des forces ; et des accouchements prématurés, par l'enlevement du fluide qui donne le jeu à toute la machine. Et quand il n'y aurait d'autre inconvénient, que celui de faire quelque chose d'inutîle et de désagréable, cette raison ne serait-elle pas suffisante pour en détourner ? Vainement entasserait-on contre nous une foule d'autorités, nous les recusons toutes ; et de raisonnements bien plus spécieux que solides, nous en appelons à cette nature, dont tous les Médecins sensés se sont toujours regardés, comme les disciples et les aides, à cette véritable mère, qu'on traite souvent en marâtre. Nous demandons qu'on jette les yeux sur cette multitude de peuples plus robustes que nous, quoiqu'ils habitent pour la plupart un climat qui ne réunit point les avantages du nôtre ; sur ces hommes, ces femmes du peuple ou de la campagne, d'autant plus heureux, que soustraits à des mains trop souvent ignorantes et quelquefois meurtrières ; ils ne connaissent pour tout préservatif des maladies, que l'instinct, qui redoute plus les saignées, que tous les autres remèdes ; pour être convaincus par la comparaison, que l'homme est sorti des mains du Créateur, en état de se conserver en santé, par les seules lumières du sentiment bien entendu, par les seuls efforts de la nature, et que dans les maladies ils doivent être sans-cesse consultés. Enfin, quand même on étendrait l'usage de la médecine plus loin que nous ne pensons qu'on doive le faire, il n'en serait pas moins vrai que jamais un homme en santé, quels que soient son tempérament et sa situation, n'a besoin de saignées pour la conserver. D'ailleurs, c'est ici une affaire d'habitude : il est démontré que les saignées fréquentes sont une des plus grandes causes de la pléthore.

Le second abus se trouve dans les saignées qu'on fait précéder sous le nom de remèdes généraux, avec les purgatifs par le bas, les vomitifs, etc. aux remèdes particuliers, lorsqu'il n'y a point de contre-indication grave. Abuser ainsi de la facilité qu'on a d'ouvrir la veine, c'est regarder la saignée comme indifférente, et par conséquent inutîle ; c'est dumoins être esclave d'une mode si fort opposée à tous les principes de la Médecine, qu'elle est ridicule. Une conduite aussi erronée, fuit tous les raisonnements, parce qu'elle n'est appuyée sur aucun ; et tout médecin sensé doit rougir d'avouer, qu'il a fait saigner son malade, par cette seule raison qu'il voulait le faire vomir, le purger, lui faire prendre des sudorifiques, des bouillons, etc. et donner du large, du jeu à ces médicaments. De semblables maximes ne furent pas même enseignées par Botal. Mais les jeunes Médecins, trop dociles à suivre l'aveugle routine de leurs prédécesseurs, qui se sont distingués dans la ville où ils exercent, les copient jusque dans leurs défauts, et s'épargnent la peine de réfléchir sur les motifs de leur conduite. Ils se conforment en cela au goût des femmes, qui accoutumées à perdre un sang superflu hors de la grossesse ou de l'allaitement, s'imaginent que la plupart des maux qui les attaquent, viennent d'une diminution dans cet écoulement, quelquefois plus avantageuse, que nuisible, et le plus souvent, effet de la maladie, au lieu d'en être la cause. Un retour sur les maximes répandues dans tous les ouvrages de Médecine qui ont mérité d'être lus, et le seul bon sens, détournent d'une méthode meurtrière, qui en affoiblissant les organes, précipite inévitablement, d'un temps plus ou moin-long, la vieillesse ou la mort. Mais c'est trop discus ter une pratique aussi peu conséquente ; tâchons d'établir sur ses ruines, des principes adoptés par la plus saine partie des Médecins.

Indications de la saignée. Si nous cherchons dans les causes de maladies, les indications de la saignée, nous trouvons que la trop grande abondance de sang, la pléthore générale ou particulière, et sa consistance trop épaisse, coèneuse, inflammatoire, sont les deux seules qui exigent ce remède. La saignée agit dans le premier cas, par l'évacuation ; dans le second, par la spoliation ; les deux principaux effets qu'elle produit ; la dérivation et la révulsion devant être comptés pour des minimum momentanés, et par conséquent négligés.

Quoique nous n'admettions que ces deux indications générales pour la saignée, nous n'ignorons pas que la foule des Médecins enseigne qu'une vive douleur, l'insomnie, une fièvre commençante ou trop forte, un excès de chaleur, les convulsions, les hémorrhagies, toute inflammation, sont autant d'indications pressantes pour la saignée ; mais nous savons encore mieux, que si les maux doivent être guéris par leurs contraires, la saignée ne convient dans aucun de ces cas ; à moins qu'il n'y ait en même-temps, pléthore ou consistance inflammatoire : qu'elle n'est-là qu'un palliatif dangereux par ses suites, qu'elle est le plus souvent inutîle pour les guérir, et que ces différents symptômes doivent être apaisés par les anodins, les narcotiques, les rafraichissants, les relâchans, les astringens, les doux répercussifs et les délayans. Nous croyons que communément on juge mal des efforts de la nature, qu'on les croit excessifs, lorsqu'ils sont proportionnés à l'obstacle, et nous sommes convaincus avec Celse, que ces seuls efforts domptent souvent avec l'abstinence et le repos, de très-grandes maladies, multi magni morbi curantur abstinentiâ et quiete, Cels. après en avoir parcouru tous les temps, et effrayé mal-à-propos les assistants, et le médecin peu accoutumé à observer la marche de la nature, abandonnée à elle-même, sans le secours de la saignée, qui, loin de ralentir le mouvement du sang, l'accélere, à moins qu'on ne fasse tomber le malade en défaillance, ainsi qu'il est aisé de l'apercevoir dans les fièvres intermittentes qui se changent en continues, ou bien ont des accès plus forts et plus longs, après la saignée. Cette observation sure et constante, donnera peut-être la solution de ce problème, pourquoi les fièvres intermittentes sont-elles beaucoup plus communes à la campagne, qu'à la ville ?

Le plus grand nombre de ceux qui exercent la Médecine, croirait manquer aux lois les plus respectables, s'il s'abstenait d'ouvrir la veine, lorsqu'il est appelé au secours d'un malade en qui la fièvre se déclare ; et il accuse la maladie des faiblesses de la convalescence, tandis que les évacuations souffertes mal-à-propos n'y ont que trop souvent la plus grande part. Il croit reconnaître, ou du-moins il suppose alors des pléthores fausses, des raréfactions dans le sang. A entendre ces médecins, on croit voir tous les vaisseaux prêts à se rompre par la dilatation que quelques degrés de chaleur de plus peuvent procurer au sang ; et qui, s'ils l'avaient soumise au calcul, n'équivaudrait pas à l'augmentation de masse et de volume, qu'un verre d'eau avalé produirait. Le rouge animé qui colore presque toujours la peau des fiévreux dans le commencement de leurs maladies, leur sert de preuve. Ils ne voient pas dans l'intérieur la nature soulevée contre les obstacles et les irritations ; resserrant les vaisseaux intérieurs, et chassant sans aucun danger dans les cutanés un sang qui n'y est trop à l'étroit que pour quelque temps ; qui l'est peut-être utilement, et qui sera nécessaire dans la suite de la maladie. Ils oublient que ces efforts sont salutaires, s'ils sont modérés, et que dans peu le sang qu'on croit surabondant, se trouvera être en trop petite quantité. Les hémorrhagies critiques leur servent de preuve, et ne sont que le principe de l'illusion, parce qu'ils négligent de faire attention, que, pour que les évacuations soient salutaires, il faut qu'elles soient faites dans les lieux et dans les temps convenables ; qu'elles ne doivent pas être estimées par leur quantité, mais par leur qualité ; et qu'enfin les hémorrhagies surviennent souvent fort heureusement, malgré les saignées répétées.

Tout ce que nous avançons ici, aura l'air paradoxe pour plusieurs, jusqu'à-ce qu'ils l'aient comparé avec la doctrine d'Hippocrate, et encore mieux avec l'observation qui nous doit tous juger.

Après avoir puisé les indications de la saignée dans les causes, cherchons-les dans les symptômes qui annoncent la pléthore et la consistance inflammatoire.

La nourriture abondante et recherchée, le peu d'exercice, auquel les hommes qu'on exclut du peuple, se livrent en général, donnent fréquemment lieu chez eux à la pléthore générale, qu'on reconnait par la couleur haute des joues et de la peau, les douleurs gravatives de la tête, les éblouissements, les vertiges, l'assoupissement, la force, la dureté et le gênement du pouls. La pléthore particulière a pour signes, la tumeur, la rougeur, la douleur gravative, quelquefois pulsative et fixe d'une partie. La consistance inflammatoire doit être soupçonnée toutes les fois qu'avec une douleur fixe, le malade éprouve une fièvre aiguë, ce qui nous parait être un symptôme commun à toutes les inflammations extérieures. On n'en doutera plus, si les symptômes sont graves et le sujet pléthorique. Dans ces deux cas, la partie rouge surabonde, la nature, lorsqu'il y a pléthore, se débarrasse de la portion du sang la plus tenue, du serum qui peut plus aisément enfiler les couloirs excréteurs ; pendant que la plus épaisse est continuellement fournie, accrue par les aliments trop nourrissants, trop abondants, ou que faute d'exercice, elle n'est pas décomposée et évacuée.

Lorsque la pléthore est légère, l'abstinence, la nourriture végétale et l'exercice en sont un remède bien préférable à la saignée ; mais parvenue à un certain point, elle exige qu'on diminue subitement la trop grande proportion de la partie rouge avec la sérosité, dans la crainte de voir survenir des hémorrhagies, des stases, des épanchements mortels ou du-moins dangereux, des anevrismes, des apoplexies et des inflammations se former dans les parties du corps dont les vaisseaux sanguins sont le moins perméables. Cette pléthore exige qu'on tire du sang par une large ouverture ; du bras si elle est générale, de la partie malade si elle est devenue particulière. Cependant si on ne se précautionne pas contre les retours, en en évitant les causes, on la verra revenir d'autant plus vite, d'autant plus fréquemment qu'on aura davantage accoutumé le malade à la saignée. La nature se prête à tout, elle suit en général le mouvement qu'on lui imprime. Tirer souvent du sang, c'est lui en demander une réparation plus prompte ; mais qu'on ne s'y trompe pas, il y a toujours à perdre ; la quantité de sang croitra par la dilatation des orifices, des veines lactées, par une moindre élaboration, par des excrétions diminuées ; ce sang ne sera donc jamais aussi pur qu'il eut été, si on en eut prévenu ou corrigé l'abondance par toute autre voie que par la saignée. Nous appelons à l'expérience de ceux qui ont eu trop de facilité à se soumettre à de fréquentes saignées ; qu'ils disent si le besoin n'a pas cru avec le remède, et si une faiblesse précipitée n'en a pas été la suite, surtout si on leur a fait perdre sans pitié un sang trop précieux, dans l'âge où le corps se développait, où les fibres attendaient l'addition de nouvelles fibres portées par le sang, pour s'écarter et donner de l'accroissement. Ménageons donc une liqueur précieuse à tout âge, mais spécialement dans le plus tendre et dans le plus avancé ; n'ayons recours à la saignée que dans les cas où le mal est inguérissable par tout autre remède, et dans ceux qui présenteraient trop de danger à tenter d'autres moyens.

Lorsque la fièvre se déclare avec la pléthore, ces dangers augmentent ; et on doit alors, dans la crainte des inflammations, des hémorrhagies symptomatiques, etc. qui ne tarderaient pas d'arriver, tirer du sang pour les prévenir. Mais sans pléthore générale ou particulière, ou sans inflammation, on ne doit faire aucune saignée. C'est une maxime qui nous parait démontrée par l'observation la plus grossière des maladies abandonnées à la nature, comparée avec celle des fièvres qu'on croit ne pouvoir apaiser qu'en versant le sang, comme si c'était une liqueur qui ne peut jamais pécher que par la quantité ; comme si la soustraction de sa plus grande partie, et l'abattement des forces qu'elle procure, étaient des moyens plus surs de le dépurer que la coction que la nature fait de sa portion viciée. Nous aurons lieu d'examiner la pléthore particulière, en parlant du choix des veines : passons aux inflammations.

Il est tellement faux que toute inflammation exige des saignées répétées dans ses différents temps, que sans parler de celles qui sont légères, superficielles, nous avançons hardiment qu'elles nuisent dans plusieurs qui sont graves et internes, et qu'il en est même dans lesquelles elle est interdite. Si vous refusez de nous en croire ; si vous croyez, qu'abandonnés à une hypothèse, nous en suivons les conséquences sans prendre garde à l'expérience des grands médecins ; consultez les ouvrages de ceux qui n'ont pas été livrés, comme Botal, avec fureur à la saignée ; ouvrez Baillou, praticien aussi sage qu'heureux et éclairé, qui exerçait la Médecine dans le pays, où la mode et les faux principes ont voulu que la saignée répétée jusqu'à vingt fais, fût le remède des inflammations ; et vous verrez qu'il est un grand nombre de pleurésies et de péripneumonies, (maladies qui exigent plus que toutes les autres la saignée) dans lesquelles elle est nuisible. Vous apprendrez par-tout que, la pléthore et le temps de l'irritation passé, on doit fuir toute perte de sang comme le poison le plus dangereux, qu'elle trouble la coction, qu'elle empêche la dépuration, et qu'elle est propre à jeter les malades dans des faiblesses et des récidives, dont la convalescence la plus longue aura peine à les tirer. Consultez les inflammations extérieures (leur marche peut plus aisément être suivie) et vous verrez si les dartres, la galle, la petite vérole, le pourpre, la rage, les bubons pestilentiels, les ulcères, les plaies enflammées peuvent être guéris par la seule saignée ; si elle n'aggrave pas ces maux, surtout lorsqu'ils portent un caractère gangréneux. Vous verrez si la nature n'en est pas le véritable médecin ; et l'excrétion d'une petite portion de matière viciée et élaborée, le remède. Vous verrez en même temps quels maux étranges peut produire la saignée en arrêtant la suppuration, en donnant lieu à des métastases, des rentrées du pus ; et vous serez convaincu de ces deux vérités, que toutes inflammations n'exigent pas la saignée, et que celles même qui l'indiquent, ne l'indiquent jamais dans tout leur cours. Mais dans les inflammations simples et graves, où il n'y a aucun vice particulier gangréneux, etc. où le malade jouit de toutes ses forces, la saignée faite dans le principe de la maladie, est le plus puissant remède qui soit au pouvoir de la Médecine, et l'antre dont un homme sage ne doit pas s'écarter.

En effet, dans ces inflammations, on trouve en même temps la pléthore et la consistance inflammatoire du sang, on trouve un resserrement spasmodique de tous les vaisseaux, un embarras général dans la circulation par la résistance que le sang oppose au cœur, particulier par l'engorgement, l'arrêt du sang épaissi dans les vaisseaux capillaires de la partie affectée, collé fortement contre leurs parais, et interdisant la circulation dans les plus ténus. Or, le vrai remède de tous ces maux est l'évacuation et la spoliation de ce sang qui, devenu plus aqueux, moins abondant, qui poussé plus fréquemment, avec plus de vélocité, détruira, entraînera avec le temps et l'action oscillatoire des vaisseaux sanguins ce fluide épais, collé contre ses parais, qui peut-être n'aurait pu, sans ces secours, se dissiper que par la suppuration, ou qui interrompant entièrement le cours du sang et de tous les autres fluides, aurait fait tomber la partie dans une gangrene mortelle, si le siege de la maladie eut été un viscère. La saignée concourra alors à procurer la résolution, cette heureuse terminaison des tumeurs inflammatoires qu'on doit hâter par les autres moyens connus. Nous verrons dans les articles suivants quelle est la quantité de sang qu'on doit tirer, dans quel temps, etc.

Nous avons avancé que les hémorrhagies, la vivacité des douleurs, les convulsions, le délire, l'excès de chaleur, une fièvre trop forte n'étaient point par eux-mêmes des indications suffisantes pour la saignée ; parce que chacun de ces maux avait des spécifiques contraires à sa nature. Retraçons-nous les effets de la saignée dans ces différents cas, pour nous en convaincre.

L'hémorrhagie est critique, ou symptomatique. Critique, elle ne doit être arrêtée par aucun moyen, elle ne doit être détournée par aucune voie ; la saignée ne saurait donc lui convenir. Symptomatique, elle est l'effet de la pléthore, de la dissolution du sang, de la faiblesse ou de la rupture des vaisseaux. Dans le premier cas, on n'hésitera pas de saigner ; mais ce sera à raison de la plethore, et non point de l'hémorrhagie. Dans les autres, on portera du secours par les astringens, les roborants, les topiques répercussifs, absorbans, tous très-différents de la saignée. La défaillance que procure une saignée faite par une large ouverture, facilite à la vérité quelquefois la formation du caillot qui doit fermer l'orifice des vaisseaux rompus ou dilatés ; mais si la prudence ne tient pas les rênes, si elle n'est pas éclairée par la raison, on en hâte les progrès par la dissolution du sang que cause la spoliation.

Les douleurs modérées sont souvent un remède, quoique triste au mal. Telle est la théorie reçue dans la goutte, qui a passé en proverbe, telle elle doit être dans toutes les maladies : car tout se meut par les mêmes principes dans l'économie animale. Si elles sont immodérées, elles demandent l'usage des relâchans, des anodins et des narcotiques. La saignée procurera bien un relâchement, si on la pratique ; mais lorsque nous avons sans-cesse sous la main des remèdes qui peuvent produire un effet plus sur, plus durable, plus salutaire, plus local, qui n'emporte avec lui aucun des inconvénients de la saignée, pourquoi n'y aurions - nous pas recours préférablement ? Nous disons de même des convulsions et du délire, en en appelant toujours sur ces objets, à l'expérience de tous les vrais praticiens.

L'excès de chaleur trouvera bien plus de soulagement, s'il n'y a ni pléthore, ni inflammation, dans les rafraichissants acidules, aqueux, dans les bains généraux ou particuliers, le renouvellement de l'air, les vapeurs aqueuses végetales, l'évaporation de l'eau, le froid réel, l'éloignement de la cause, que dans une saignée qui, comme nous l'avons déjà prouvé, entraîne avec elle tant d'inconvéniens.

Si la saignée peut changer les fièvres intermittentes en continues, par la vélocité que le sang acquiert après qu'elle a été faite, en conséquence de l'augmentation des forces respectives du cœur ; on sent déjà qu'il n'est qu'une saignée jusqu'à défaillance qui puisse faire tomber la fièvre, qui se renouvellera même bientôt ; on sent aisément tous les maux que de semblables saignées peuvent causer ; abstenons-nous en donc, jusqu'à-ce que nous ne trouvions dans les remèdes proposés contre l'excès de chaleur, aucune ressource suffisante, ou que nous ayons reconnu la pléthore et l'inflammation. S'il restait encore quelque scrupule sur cet objet, nous demandons qu'on examine combien de médecins trompés par la règle qu'il faut saigner dans les fièvres véhémentes, ont fait saigner leurs malades dans le paroxisme qui devait terminer leur vie, lorsque la nature faisait ses derniers efforts, et en hâtant leur faiblesse, en ont accéléré le terme fatal.

Après avoir parcouru les cas où on peut, où on doit s'abstenir de la saignée, passons à ceux où elle est si nuisible, qu'elle est souvent mortelle.

Contre-indication de la saignée. Si la saignée est indiquée dans la pléthore, et la consistance inflammatoire du sang, il est évident qu'elle doit être défendue dans les cas opposés, lorsque les forces sont abattues, comme après de longs travaux de corps ou d'esprit, un usage immodéré du mariage, lorsque le sang est dissous, et la partie rouge dans une petite proportion avec la sérosité. C'est ainsi que l'âge trop ou trop peu avancé, les tempéraments bilieux ou phlegmatiques, la longueur de la maladie, la cachexie, l'oedeme et toutes les hydropisies, les hémorrhagies qui ont précédé, les évacuations critiques quelconques, et toutes celles qui sont trop abondantes, les vices gangréneux, sont des contre - indications pour la saignée.

Lorsqu'on admet un usage immodéré de ce remède dans la plupart des maladies, on est forcé d'établir une longue suite de contre-indications pour en empêcher les tristes effets dans un grand nombre de cas ; mais lorsqu'on la réduit dans ses vraies bornes, on se trouve bien moins embarrassé par cette combinaison de causes et d'effets, d'indications et de contre-indications, qu'il est bien difficîle d'apprécier.

La modération dans l'usage des remèdes, la crainte de tomber dans un abus trop commun, la confiance dans les efforts de la nature, feront que, indépendamment des contre-indications, si le mal est leger, si on peut raisonnablement compter que la nature sera victorieuse, on la laissera agir, on exercera du moins le grand art de l'expectation, en se bornant aux soins et au régime, pour ne pas faire du mal, dans la fureur de vouloir agir, lorsqu'on devrait n'être que spectateur.

Temps de faire la saignée. Nous avons rejeté toutes les saignées prophylactiques, ainsi nous n'avons aucun égard aux phases de la lune, ni même au cours du soleil, pour conseiller des saignées toujours nuisibles, lorsqu'il n'y a pas dans le mal une raison suffisante pour le faire ; lorsqu'il y a pléthore sans fièvre, le temps le plus propre pour la saignée, est le plus prochain, en ayant cependant le soin d'attendre que la digestion du repas précédent soit faite. Mais dans les fièvres aiguës avec pléthore, ou dans les inflammatoires qui exigent la saignée, nous devons examiner dans quel jour de la maladie, son commencement, son milieu, ou sa fin, à quelle heure du jour, avant, pendant, ou après le paroxysme et l'accès, il est plus avantageux de faire la saignée.

Le temps de l'irritation, qui est celui de l'accroissement de la maladie, est le seul où la saignée doive être pratiquée ; alors les efforts de la nature peuvent être extrêmes, les forces du malade n'ont point été épuisées par l'abstinence, les évacuations et la maladie ; la circulation se fait avec force, les vaisseaux resserrés gênent le sang de toutes parts, la consistance inflammatoire, si elle existe, et l'obstacle, croissent ; la suppuration se fait craindre, et la résolution peut être hâtée. S'il y a pléthore, on doit appréhender les hémorrhagies symptomatiques, la rupture des vaisseaux, les épanchements sanguins, ce sont ces moments qu'il faut saisir ; mais lorsque la maladie est dans son état, que la coction s'opere, (car quoique la nature commence à la faire dès le principe de la maladie, il est un temps où elle la fait avec plus de rapidité) elle ne convient plus : l'inflammation ne peut être resoute alors que par une coction purulente, qui serait troublée par la saignée ; dans le temps du déclin ou de la dépuration, ôter du sang, ce serait détruire le peu de forces qui restent, ce serait donner lieu à des métastases, ou tout au moins empêcher que cette matière nuisible, préparée pour l'évacuation, soit évacuée ; ce serait troubler des fonctions qu'il est important de conserver dans toute leur intégrité ; ces maximes sont si vraies, les médecins les ont de tout temps tellement connues, que si quelqu'un d'eux s'est conduit différemment, aucun n'a osé le publier comme principe ; la seule difficulté a roulé sur la fixation des jours où s'opérait la coction ; les uns ont cru la voir commencer au quatrième, et ont interdit les saignées après le troisième ; les autres ont été plus loin, mais aucun n'a passé le dixième ou le douzième. Il est mal aisé de fixer un terme précis, dans des maladies qui sont de natures si différentes, dont les symptômes et les circonstances sont si variés, qui suivent leur cours dans un temps plus ou moins long ; on sent aisément que plus la maladie est aiguë, plus le temps de l'irritation est court, plus on doit se hâter de faire les saignées nécessaires, plutôt on doit s'arrêter ; c'est au médecin à prévoir sa durée. Nous pouvons ajouter que ce temps expire communément dans les fièvres proprement dites et les inflammations au cinquième jour ; mais nous répeterons sans-cesse que le temps qui précède la coction, ou l'état de la maladie, est celui où on doit borner la saignée.

Les paroxysmes ou les accès ayant toujours été considerés par les médecins, comme des branches de la maladie, qui semblables au tronc, ont comme lui un cours régulier, un accroissement, un état et un déclin ; ce que nous avons dit de l'un, doit s'étendre aux autres ; c'est après le frisson, lorsque la fièvre est dans son plus grand feu, qu'on doit saigner.

L'interdiction de la saignée dans le frisson, nous conduit à remarquer qu'on tomberait précisément dans la même faute, si on saignait dans le principe de la maladie, des inflammations, avant que la nature soit soulevée et ses premiers efforts développés.

Choix du vaisseau. L'histoire de la saignée nous a presenté sur le choix des vaisseaux, une multitude de sentiments si opposés, que quoiqu'on puisse en général les réduire à trois, les révulseurs, les locaux, et les indifférents, il est peu d'auteurs qui n'aient apporté quelques modifications à ces systèmes. Appliquons à l'usage de la saignée, les maximes que nous avons établies en parlant de ses effets.

La pléthore est générale ou particulière ; générale, elle suppose une égalité dans le cours de la circulation, un équilibre entre les vaisseaux et le sang, qui sera détruit si on ouvre une veine, pendant tout le temps que le sang coulera, mais qui se rétablira bientôt lorsque le vaisseau sera fermé ; tous les révulseurs conviennent de ce principe avec les indifférents et les locaux ; il est donc égal, dans ce cas, d'ouvrir la veine du bras, du pied, du col, etc. avec ou sans ligature : il n'est qu'une règle à observer, c'est d'ouvrir la veine la plus grosse et la plus facîle à piquer ; la plus grosse, parce qu'en fournissant dans un même espace de temps, une plus grande quantité de sang, elle produira avec une moindre perte, l'effet souvent désiré, de causer une légère défaillance.

Mais lorsque la pléthore est particulière, il en est tout différemment, et nous nous hâtons en ce cas, de nous ranger du parti des locaux. Pour concevoir la pléthore particulière, il faut connaître ou se rappeler qu'il peut se former dans les veines d'une partie, ou dans les artérioles, des obstacles au cours de la circulation, qui seront l'effet d'une contraction spasmodique de ces vaisseaux, ou des parties voisines, d'une compression extérieure ou interne, d'un épaississement inflammatoire particulier du sang, ou des autres humeurs ; d'un séjour trop long du sang accumulé dans une partie relâchée, dans une suite de petits sacs variqueux, qui circulant plus lentement, s'épaissira, se collera contre les parois des vaisseaux, ce qui forme une pléthore particulière, dont l'existence est démontrée par l'évacuation périodique des femmes, par les hémorrhagies critiques, certaines douleurs fixes, les hémorrhoïdes, les inflammations, les épanchements, etc.

Dans tous ces cas la saignée doit être faite dans le siege du mal, ou du moins aussi près qu'il est possible, pour imiter la nature dans ses hémorrhagies critiques, et pour se conformer aux lois de mouvement les plus simples ; c'est ainsi qu'on ouvre les hémorrhoïdes, et les varices quelconques, qu'on scarifie les yeux enflammés et les plaies engorgées, qu'on saigne au-dessous d'une compression forte qui est la cause d'un engorgement, qu'on ouvre les veines jugulaires dans plusieurs maladies de la tête avec succès, et qu'on éprouve continuellement par ces saignées locales des effets avantageux. Qui ne rirait d'un médecin qui ouvrirait la basilique pour guérir des tumeurs hémorrhoïdales extérieures enflammées ? Ici l'expérience vient constamment à l'appui de la raison, l'un et l'autre veulent qu'on attaque le mal dans son siege, et qu'on vide le canal, part une ouverture faite au canal lui-même, sans recourir aux branches les plus éloignées.

Quantité du sang. La quantité du sang qu'on doit tirer, est bien inférieure à celle qu'on peut perdre ; les funestes expériences de ceux qui ont cru trouver dans la saignée le remède à tous les maux, et les hémorrhagies énormes que quelques malades ont essuyées, ont appris qu'un homme pouvait perdre dans une seule maladie aiguë, vingt ou trente livres de sang, s'il était évacué en différentes saignées, ou si l'hémorrhagie durait plusieurs jours. Cette quantité est bien plus considérable dans les maladies chroniques ; on a Ve verser dans un an, par des centaines de saignées, chacune au-moins de six ou huit onces, autant de sang qu'il en faudrait pour rendre la vie à une douzaine d'hommes. Nous avons honte de rapporter de semblables observations, pour l'honneur de la médecine ; mais elles tendent à prouver toutes les ressources que la nature a en son pouvoir contre les maladies et les fautes des médecins, et nous ajoutons, pour détourner ceux qui seraient tentés de suivre de pareils exemples, que la faiblesse de tous les organes et même de l'esprit, quelquefois incurable, au-moins très-longue à se dissiper, en est inévitablement la suite.

Lorsqu'on tire une grande quantité de sang, le dépouillement de la partie rouge devient de plus en plus considérable, surtout si les saignées ont été copieuses, ou se sont suivies rapidement, parce qu'alors la perte de la partie rouge est plus grande proportionnellement ; bien-tôt on ne trouve plus que de la sérosité dans les veines ; ce qu'on appelle saigner jusqu'au blanc ; dans cet état, le sang est devenu si fluide, qu'il est presque incapable de concourir à la coction, qu'il ne peut qu'à la longue assimiler le chyle qui lui est présenté ; ce défaut de coction laisse subsister les engorgements qui formaient la maladie ; ce qui arrive spécialement dans les fièvres exacerbantes, ou d'accès. On sent déjà qu'il est des bornes plus étroites qu'on ne le pense vulgairement, à la quantité du sang qu'on doit tirer.

Réduire les efforts de la nature dans leur vrai point de force, dissiper la pléthore, rendre au sang la fluidité qui lui est nécessaire pour circuler librement, en lui conservant la proportion de partie rouge nécessaire à la coction, est l'art dont il faut qu'un praticien soit instruit pour atteindre avec précision la quantité de sang qu'il doit répandre dans les maladies qui exigent la saignée.

L'affoiblissement du jet du sang, est le terme auquel on doit s'arrêter dans chaque saignée. Lorsqu'il est produit par la défaillance que les malades pusillanimes éprouvent en voyant couler leur sang, (défaillance quelquefois plus utîle que la saignée même) et que le médecin juge qu'on doit continuer de le laisser couler, on mettra le doigt sur la plaie, on lui laissera reprendre courage, on ranimera le mouvement du cœur par les secours ordinaires, pour donner après cela de nouveau cours au sang qu'on doit évacuer.

Cet affoiblissement du jet doit être attendu dans presque toutes les saignées, surtout dans les maladies inflammatoires, et les hémorrhagies, à moins que déjà la saignée ne passe seize ou dix-huit onces, que le tempérament du malade se refuse à la saignée, ou que la nature de la maladie le mette dans le cas de n'éprouver que très-tard du ralentissement dans la circulation (comme dans les fous.) On doit s'arrêter alors ; mais communément à la huitième ou dixième once, on voit le jet baisser ; nous l'avons Ve tomber entièrement à la seconde dans un jeune malade d'un tempérament sanguin, accoutumé à la saignée, qui éprouvait le second jour d'une fièvre bilieuse, un redoublement violent, avec une douleur de tête très-vive, en qui une défaillance presque syncopale survint.

La quantité du sang qu'on peut tirer par différentes saignées, sans nuire au malade dans l'inflammation la plus grave dans l'homme le plus robuste, avec la pléthore la plus décidée, n'a jamais paru aux médecins éclairés, dont nous avons tâché de saisir l'esprit, devoir excéder soixante onces ; ce qui fait environ un cinquième de la masse totale du sang. Dans les inflammations où la consistance inflammatoire, et la pléthore ne se présentent pas avec des caractères aussi violents, lorsque l'âge ou quelques autres contre-indications viennent mettre des obstacles, il faut rester beaucoup au-dessous, et douze, vingt, ou trente onces tirées en une seule ou différentes fais, suffisent dans les adultes, pour les cas courants.

Nombre des saignées. Nous avons Ve qu'on ne doit saigner en général que dans les quatre ou cinq premiers jours de la maladie, jamais excéder soixante onces de sang ; que dans les cas ordinaires, il faut rester beaucoup au-dessous ; qu'il faut fermer la veine dans chaque saignée, lorsque le pouls s'affoiblit ; que le temps le plus favorable pour la faire, est après le frisson, des accès ou redoublements. En suivant ces maximes, on se trouve borné à faire quatre ou cinq saignées dans les inflammations les plus rares ; une ou deux dans les plus communes ; c'est aussi ce que nous voyons observer par les praticiens les plus judicieux, qui n'étouffent point l'expérience sous les sophismes et les hypothèses dont nous avons fait tous nos efforts pour nous garantir.

SAIGNEE, s. f. terme de Chirurgie ; c'est une opération qui consiste dans l'ouverture d'une veine ou d'une artère avec une lancette, afin de diminuer la quantité du sang. L'ouverture de l'artère se nomme artériotomie (voyez ARTERIOTOMIE) ; et celle de la veine se nomme phlébotomie. Voyez PHLEBOTOMIE. Plusieurs médecins regardent la saignée comme le meilleur et le plus sur évacuant ; mais néanmoins son usage était très-rare parmi les anciens, quoiqu'il soit devenu présentement très-fréquent. Voyez EVACUANT et EVACUATION. On dit que l'hippopotame a appris le premier aux hommes l'usage de la saignée. Car quand cet animal est trop rempli de sang, il se frotte lui-même contre un jonc pointu, et s'ouvre une veine ; jusqu'à-ce que se sentant déchargé il se veautre dans la boue pour étancher son sang.

Il est peu important de savoir à qui l'on doit l'invention d'une opération si utile, et dont les effets admirables étaient connus dès les premiers temps de la Médecine. Nous avons parlé de l'ouverture de l'artère à l'article ARTERIOTOMIE ; et nous avons dit qu'elle n'était pratiquable qu'à l'artère temporale. Il n'en est pas de même de la phlébotomie ; on peut ouvrir toutes les veines que l'on juge pouvoir fournir une suffisante quantité de sang. Les anciens saignaient à la tête ; 1°. la veine frontale ou préparate, dont Hippocrate recommandait l'ouverture dans les douleurs de la partie postérieure de la tête ; 2°. la veine temporale, dans les douleurs vives et chroniques de la tête ; 3°. l'angulaire, pour guérir les ophtalmies ; 4°. la nasale, dans les maladies de la peau du visage, comme dans la goutte-rose ; 5°. enfin la ranule, dans l'esquinancie.

Toutes ces veines portent le sang dans les jugulaires ; ainsi en ouvrant la jugulaire, on produit le même effet qu'on produirait en ouvrant une de ces autres veines, et on le produit plus facilement et plus promptement, parce que les jugulaires étant plus grosses, elles fournissent par l'ouverture qu'on y fait une bien plus grande quantité de sang. Voyez RANULE.

On ouvre au cou les veines jugulaires externes.

Au bras il y a quatre veines qu'on a coutume d'ouvrir ; savoir, la céphalique, la médiane, la basilique et la cubitale : on pique ordinairement les veines au pli du bras ; mais on peut les ouvrir à l'avant-bras, au poignet et sur le dos de la main, lorsqu'on ne peut le faire au pli du bras.

On peut ouvrir deux veines au pied ; la saphene interne et la saphene externe : on ouvre ces vaisseaux sur la malléole interne ou externe ; et si on ne peut ouvrir ces veines sur les malléoles, et surtout l'interne qui est la plus considérable, on peut en ouvrir les rameaux qui s'etendent sur le pied.

On ouvre les veines en-long, en-travers et obliquement ; les grosses veines s'ouvrent en-long ; les petites et profondes, en-travers ; et les médiocres, obliquement.

On distingue deux temps dans l'ouverture des veines, celui de la ponction et celui de l'élévation ; le premier est celui qu'il faut pour faire le chemin de dehors en-dedans le vaisseau ; le second est le temps qu'il faut employer pour faire le chemin de dedans en-dehors, en retirant la lancette. Pendant le premier temps, on fait la ponction avec la pointe et les deux tranchants ; et pendant le second, on agrandit l'ouverture du vaisseau et des téguments avec le tranchant supérieur de la lancette.

Avant l'opération, il faut préparer toutes les choses convenables pour la pratiquer, une bougie ou une chandelle allumée, en cas qu'on ne puisse pas profiter de la lumière naturelle, une compresse, une bande, et un vaisseau pour recevoir le sang ; il faut en outre pour la saignée du pied avoir un chauderon, ou un seau de fayence plein d'eau d'une chaleur supportable, pour raréfier le sang et gonfler les veines. On est quelquefois obligé de s'en servir lorsqu'on saigne au bras, et que les vaisseaux ne se manifestent pas assez. Le chirurgien doit avoir une personne au-moins pour éclairer, tenir le vaisseau qui est destiné à recevoir le sang, et donner quelque secours au malade, en cas de faiblesse ou d'autre accident.

Pendant l'opération, le malade doit être placé dans une situation commode ; il doit être couché, s'il est sujet à se trouver mal. On cherche l'endroit où est l'artère et le tendon ; on pose la ligature à la distance de trois ou quatre travers de doigt du lieu où l'on doit piquer. Voyez LIGATURE. On fait sur l'avant-bras quelques frictions avec le doigt indice et du milieu. Après avoir choisi le vaisseau qu'on doit ouvrir, on tire une lancette, on l'ouvre à angle droit, et on met à la bouche l'extrémité de la châsse, de façon que la pointe de l'instrument soit tournée du côté du vaisseau qu'on doit saigner. On donne encore quelques frictions, et l'on assujettit le vaisseau en mettant le pouce dessus, à la distance de trois ou quatre travers de doigt au-dessous de l'endroit où l'on doit piquer. On prend ensuite la lancette par son talon, avec le doigt indicateur et le pouce ; on fléchit ces deux doigts ; on pose les extrémités des autres sur la partie, pour s'assurer la main ; on porte la lancette doucement, et plus ou moins à-plomb, jusque dans le vaisseau ; on agrandit l'ouverture en retirant la lancette ; le sang rejaillit aussi-tôt. La personne chargée du vaisseau qui doit recevoir le sang, le présente, et on fait tourner le lancetier dans la main du bras piqué, pour faire passer plus vite le sang par le mouvement des muscles. Pendant que le sang sort, on pose la main dessous l'avant-bras pour le soutenir. Quand le sang ne sort point en arcade, on lâche médiocrement la ligature ; on met l'ouverture des téguments vis-à-vis celle de la veine, où l'on fait prendre différentes situations à cette ouverture.

Après l'opération, quand on a tiré la quantité suffisante de sang, on ôte la ligature ; on approche les deux lèvres de la plaie, en tirant un peu les téguments avec le doigt ; on nettoie les endroits que le sang a tachés ; on met la compresse sur l'ouverture, et on applique la bande. Voyez le bras droit de la fig. 1. Pl. XXX.

Outre ce qui vient d'être dit, il y a plusieurs remarques à faire sur cette opération, suivant le lieu où on la pratique.

Dans la saignée du bras ; 1°. le vaisseau qu'on doit ouvrir est quelquefois posé directement sur le tendon du muscle biceps, qui fait dans certains sujets une saillie. Il faut alors mettre en pronation le bras de la personne que l'on saigne ; et ce tendon qui a son attache derrière la petite apophyse du radius, se cache, pour ainsi dire, et s'enfonce.

2°. Il ne faut jamais piquer, à moins que le vaisseau ne soit sensible au tact, quand même quelques cicatrices l'indiqueraient ; car il serait imprudent de piquer au hasard. Il y a des vaisseaux qui ne se font sentir que quelque temps après que la ligature est faite, et d'autres qu'il est nécessaire de faire gonfler en faisant mettre le bras dans l'eau tiede.

3°. Si la proximité du tendon ou de l'artère jointe à la petitesse du vaisseau, fait entrevoir quelque risque à saigner au pli du bras, il faut ouvrir la veine à l'avant-bras, au poignet, et même à la main.

4°. Quand les vaisseaux sont roulants, il faut bien prendre ses mesures pour les assujettir, en mettant le pouce dessus, ou en embrassant avec la main l'avant-bras par-derrière : cette dernière méthode les contient avec plus de fermeté.

5°. Une des règles les plus importantes de l'art de saigner est de porter la lancette plus ou moins perpendiculairement sur la peau, à proportion que le vaisseau est plus ou moins enfoncé. S'il est très-enfoncé, il faut porter la pointe de la lancette presque à plomb ; si on la portait obliquement, elle pourrait passer pardessus ; si le vaisseau est si enfoncé qu'on ne le puisse apercevoir que par le tact, il ne faut point perdre de vue l'endroit sous lequel on l'a senti ; on peut le marquer avec le bout de l'ongle ; on y porte la pointe de la lancette, on l'enfonce doucement jusqu'à ce qu'elle soit entrée dans le vaisseau ; ce qu'une légère résistance et quelques gouttes de sang font connaître ; alors on agrandit l'ouverture avec le tranchant supérieur de la lancette en la retirant. Comme ce sont ordinairement les personnes grasses qui ont les vaisseaux très-enfoncés, ils sont presque toujours entourés de beaucoup de graisse qui les éloigne de l'artère, du tendon et de l'aponévrose.

6°. Lorsque les vaisseaux sont apparents, ils sont quelquefois collés sur le tendon, sur l'aponévrose, ou sur l'artère. Pour les ouvrir, il faut porter la pointe de la lancette presque horizontalement : lorsqu'elle est dans la cavité du vaisseau, on élève le poignet afin d'augmenter l'ouverture avec son tranchant. On évite d'atteindre des parties qu'il est dangereux de piquer, en portant ainsi sa lancette horizontalement.

Pour la saignée de la jugulaire, on observe quelques particularités. On met le malade sur son séant, et on lui garnit l'épaule et la poitrine avec une serviette en plusieurs doubles. On pose la ligature comme il a été dit au mot LIGATURE. On applique le pouce sur la ligature, et l'autre sur la veine pour l'assujettir ; on fait l'ouverture comme dans la saignée du bras. Si le sang ne sort pas bien, on fait mâcher au malade un morceau de papier ; et s'il coule le long de la peau, on se sert d'une carte en forme de gouttière, qui s'applique au-dessous de l'ouverture par un bout, et qui de l'autre conduit le sang dans la palette. Après l'opération, on applique une compresse et un bandage circulaire autour du cou.

Pour faire la saignée du pied, on fait tremper les deux pieds dans l'eau chaude ; on en prend un qu'on pose sur un genou qu'on a garni de linge en plusieurs doubles : on applique la ligature au-dessus des malléoles ; on remet le pied dans l'eau pendant qu'on prépare la lancette qu'on met à la bouche. On retire le pied, on en applique la plante contre le genou ; on cherche un vaisseau, on l'assujettit après avoir fait quelques frictions, et on l'ouvre en évitant de piquer le périoste sur la malléole, ou les tendons sur le pied. L'on remet le pied dans l'eau ; et lorsqu'on juge avoir tiré la quantité suffisante de sang, on ôte la ligature, on essuie le pied, on applique la compresse, et on fait le bandage appelé étrier. Voyez ETRIER. On doit saigner de la main gauche au bras et au pied gauches, et de la main droite au bras et au pied droits.

Les accidents de la saignée sont légers ou graves. Les légers sont la saignée blanche, lorsqu'on manque d'ouvrir le vaisseau faute des attentions que nous avons prescrites, ou parce que le malade retire son bras ; le trombus (voyez TROMBUS) ; l'échymose (voyez ÉCHYMOSE) ; la douleur et l'engourdissement par la piquure de quelques nerfs (voyez PLAIES DES NERFS). Les accidents graves sont les piquures de l'aponévrose et du périoste, qui sont quelquefois suivis de douleurs et d'abscès (voyez PLAIES DES APONEVROSES ET DU PERIOSTE) ; la piquure du tendon (voyez PLAIES DES TENDONS), et enfin l'ouverture de l'artère. Voyez ANEVRISME.

M. Quesnay a fait un excellent traité de Chirurgie, sur l'art de guérir par la saignée. Il y a un traité particulier sur l'art de saigner par Meurisse, chirurgien de Paris. Et un autre qui est plus à la portée des élèves, dans les Principes de Chirurgie par M. de la Faye. (Y)

SAIGNEE, s. f. (Architecture) petite rigole qu'on fait pour étancher l'eau d'une fondation ou d'un fossé, quand le fond en est plus haut que le terrain le plus prochain, et que par conséquent il y a de la pente. (D.J.)

SAIGNEE DE SAUCISSON, (Art militaire) c'est dans les mines la coupure que l'on fait au saucisson, pour mettre le feu à la mine. Voyez TRAINEE DE POUDRE.

SAIGNEE d'un fossé, (Art militaire) c'est l'écoulement des eaux qui le remplissent. Quand on a saigné un fossé, on jette sur la bourbe qui y reste des claies couvertes de terre ou des ponts de joncs, pour en affermir le passage. Dict. milit. (D.J.)