au sing. ou CENDRES au plur. s. f. (Chimie) Ce corps terreux, sec, et pulvérulent, que tout le monde connait sous le nom de cendre, est le résidu, ou la partie fixe des matières détruites par la combustion à l'air libre, ou par l'inflammation. Voyez CALCINATION.

Les cendres sont donc toujours des débris d'une substance à la formation de laquelle concourait le phlogistique, ou le feu, et ordinairement d'un corps organisé, ou de ceux que nous connaissons, dans la doctrine de Stahl, sous le nom de tissu, textum, c'est-à-dire d'un végétal, ou d'un animal. Voyez TISSU.

On a rangé aussi sous le nom générique de cendre ; les substances métalliques privées de phlogistique, c'est ainsi qu'on a dit cendre d'étain, cendre de plomb, etc. et qu'on trouve, surtout dans les anciens auteurs, diverses calcinations de substances métalliques désignées par le nom d'incinération ou cinération : mais les chaux métalliques diffèrent assez essentiellement des cendres végétales et animales, pour qu'il soit plus exact de ne pas confondre les unes et les autres sous la même dénomination. Voyez CHAUX METALLIQUE.

Un végétal ou un animal n'est, pour un chimiste, qu'une espèce d'édifice terreux cimenté par un mastic ou gluten inflammable, et distribué en différentes loges ou vaisseaux de diverses capacités, qui contiennent des composés de plusieurs espèces, tous inflammables : car nous ne considérons ni dans les végétaux, ni dans les animaux, relativement à leur analyse ou décomposition réelle ; nous ne considérons point, dis-je, le véhicule aqueux, qui étend et distribue (dans le vivant) la matière de la nutrition et des secrétions. Voyez VEGETALE. (Analyse)

C'est aux ruines de cet édifice, de la base terreuse, du soutien (hypostasis) de nos tissus, qu'est dû. la portion la plus considérable de la matière propre, de la terre de leurs cendres. L'autre portion (infiniment moindre) de cette terre, est fournie par les composés terreux détruits par l'inflammation, et même par quelques mixtes qui n'ont pu échapper à son action. Voyez VEGETALE. (Analyse)

Outre la terre dont nous venons de parler, les cendres végétales contiennent presque toutes (on a dit toutes, mais on peut raisonnablement douter que ce produit de l'analyse des végétaux soit absolument général, je dis des végétaux même non épuisés par des extractions) du sel fixe, alkali fixe ou lixiviel, et ordinairement des sels neutres. Le tartre vitriolé et le sel marin sont les seuls que l'on ait observés jusqu'à présent.

Les sels fixes des cendres animales ne sont point encore, malgré l'autorité de plusieurs chimistes respectables, des êtres dont l'existence soit généralement admise en chimie. Ces sels, s'ils existaient, seraient sans-doute fort analogues à ceux qu'on a tant cherchés dans la chaux ; ou, pour mieux dire, seraient de vrais sels de chaux, sur lesquels il s'en faut bien qu'on ait jusqu'à présent des notions assez claires.

Les cendres, tant les végétales que les animales, contiennent assez généralement du fer. M. Geoffroi a proposé dans les Mém. de l'acad. royale des Sc. en 1705 le problème suivant : trouver des cendres qui ne contiennent aucunes parcelles de fer ; ce n'est que des cendres végétales dont il parle. Ce problème n'a pas encore été résolu, que je sache ; plusieurs Chimistes illustres, entr'autres M. Henckel, et M. Lemery le fils, ont confirmé, au contraire, le sentiment qui en suppose dans tous les végétaux. Le bleu de Prusse, qu'on peut retirer de presque toutes les cendres, que les soudes surtout fournissent ordinairement en très-grande abondance, est un signe certain de la présence de ce métal, du fer dans les cendres.

La cendre ne diffère du charbon que par le phlogistique qui lie les parties de ce dernier, au lieu du gluten dont nous avons parlé plus haut. Voyez CHARBON. Les cendres paraissent avoir toujours passé par l'état de charbon, en sorte que tout composé qui ne donnera que peu ou point de charbon dans les vaisseaux fermés, comme la résine pure, ne donnera que peu ou point de cendres par l'ustion à l'air libre.

La cendre ou la terre qui reste de la destruction des végétaux et des animaux, est une portion peu considérable de leur tout. Cent livres de différents bois neufs, très-secs, brulés avec le soin nécessaire, pour ne perdre que la terre qui est inévitablement entrainée dans la fumée, n'ont laissé que trois livres dix onces de cendres calcinées, à peu-près un trentième de leur poids. Ce produit doit varier considérablement selon que le corps qui le fournit est plus ou moins terreux, plus ou moins dense, plus ou moins épuisé de ses sucs, etc. C'est ainsi que les écorces en général, et surtout les écorces des vieux troncs, doivent en fournir beaucoup plus qu'une plante aqueuse ou un fruit pulpeux ; les plantes abondantes en extrait amer, beaucoup plus que les plantes résineuses ; un os beaucoup plus qu'un viscère, etc. Il est telle plante aqueuse dont on peut séparer par la simple dessication, jusqu'à 98/100 de son poids, qui par conséquent dans cet état de sécheresse, étant supposée, toutes choses d'ailleurs égales, d'une densité pareille à celle du bois dont nous avons parlé, ne donnerait que le 1/1500 de son poids de cendre. Ceux qui seront curieux de connaître avec le détail le rapport du produit dont il s'agit, au corps dont il faisait partie, peuvent consulter les analyses des premiers chimistes de l'académie royale des sciences, et celles de la matière médicale de M. Geoffroy.

La cendre ou la terre végétale et la terre animale conservent chacune inaltérablement un caractère, et comme le sceau de leur règne respectif. La terre végétale, selon l'observation de Becker, porte toujours dans le verre à la composition duquel on l'emploie, une couleur verte, ou tirant faiblement sur le bleu. " Viridis vel subcoeruleus, indelebilem sui regni asteriscum servants, nempè vegetabilem viriditatem expriments ". Et la terre animale une couleur de blanc de lait. C'est à la suite de cette observation que le même Becker forme très-sérieusement ce souhait singulier : " O utinam it a consuetum foret, et amicos haberem qui ultimam istam opellam, siccis et multis laboribus exhaustis ossibus meis, aliquando praestarent ; qui, inquam, eam in diaphanam illam, nullis saeculis corruptibilem substantiam redigèrent, suavissimum sui generis colorem, non quidem vegetabilium virorem, tremuli tamen narcissuli ideam lacteam praesentantem ; quod paucis quidem horis fieri posset... Plut à Dieu que ce fût un usage reçu, et que j'eusse des amis qui me rendissent ce dernier devoir ; qui, dis-je, convertissent un jour mes os secs, et épuisés par de longs travaux, en cette substance diaphane, que la plus longue suite de siècles ne saurait altérer, et qui conserve sa couleur générique, non la verdure des végétaux, mais cependant la couleur de lait du tremblant narcisse ; ce qui pourrait être exécuté en peu d'heures ".

M. Pott observe dans sa Lithogeognosie, des différences réelles et caractéristiques dans les terres calcaires et alkalines tirées des trois règnes, et même parmi les différentes terres du même règne, comme entre la craie et la marne, entre l'ivoire, la corne de cerf, les écailles d'huitres, etc. soit pour le degré de fusibilité, soit pour le plus ou le moins de facilité à être portées à la transparence. Apparemment qu'on trouverait aussi des différences essentielles entre les cendres lessivées de divers végétaux.

Ces observations prouvent suffisamment que les terres des cendres végétales ou animales ne sont pas des corps simples, ou qu'on n'est pas encore parvenu à les réduire à la simplicité élémentaire, pas même à la simplicité générique des terres alkalines ou calcaires, dans la classe desquelles on les range ; classe dont, pour le dire en passant, le caractère propre n'existe seul dans aucun sujet connu, ou qui est toujours modifié dans chacun de ces sujets par des qualités particulières ; qualités qui, dans la doctrine chimique, sont toujours des substances ou des êtres physiques (Voyez CHIMIE) si intimément inhérentes, qu'on n'a jamais pu jusqu'à present simplifier les différentes terres calcaires, au point de les rendre exactement semblables, comme on peut amener à cette ressemblance parfaite les eaux tirées de différentes plantes, ou même celles qu'on tire de différents règnes, les phlogistiques des trois règnes, etc. Voyez TERRE.

La fameuse opinion de la résurrection des plantes et des animaux de leurs cendres, qui a tant exercé les savants sur la fin du dernier siècle, et au commencement de celui-ci, ne trouverait à present sans-doute des partisans que très-difficilement. Voyez PALINGENESIE.

La terre des cendres entre très-bien en fusion, et se vitrifie avec différents mélanges, mais surtout avec les terres vitrifiables et les alkalis fixes. C'est par cette propriété que les cendres végétales non lessivées, comme les cendres de fougère, les cendres de Moscovie, celles du varec, la soude, etc. sont propres aux travaux de la Verrerie. Voyez VERRE.

Les cendres lessivées fournissent aux Chimistes des intermèdes et des instruments, tels que le bain de cendre, et la matière la plus usitée des coupelles. Voyez INTER MEDE et COUPELLE.

Le sel lixiviel ou alkali fixe retiré des cendres des végétaux, est d'un usage très-étendu dans la Chimie physique, et dans différents arts chimiques. Voyez SEL LIXIVIEL.

C'est à ce dernier sel que les cendres doivent leur propriété de blanchir le linge, de dégraisser les étoffes, les laines, etc. Voyez BLANCHISSAGE, SEL LIXIVIEL, NSTRUETRUE. C'est parce que la plus grande partie, ou au moins la partie la plus saline de la matière qui fournit ce sel dans l'ustion, a été enlevée par l'eau, au bois flotté, que les cendres de ce bois sont presque inutiles aux blanchisseuses. Voyez EXTRAIT.

Les cendres non lessivées sont employées aussi dans la fabrication du nitre, mais apparemment ne lui fournissent rien le plus souvent, contre l'opinion commune. Voyez NITRE. Cet article est de M. VENEL.

* CENDRES, (Agriculture) les cendres sont un fort bon amendement, de quelque matière et de quelque endroit qu'elles viennent, soit du foyer, soit de lessive, du four à pain, à charbon, à tuile, à chaux, et d'étain ; elles conviennent assez à toutes sortes de terre. On les mêle avec le fumier, pour qu'il s'en perde moins. Quand un champ est maigre, il est assez ordinaire d'y mettre le feu, et de l'engraisser des cendres mêmes des mauvaises herbes qu'il produit, si elles sont abondantes ; on le laboure aussi-tôt. On en use de même quand on a des prés stériles et usés ; ou bien on en enlève la surface qu'on transporte par pièces de gasons dans d'autres terres, où on les brule. Voyez ENGRAIS DES TERRES et AGRICULTURE.

CENDRE, pluie de cendres, (Physique) Dans les Transactions philosophiques il est fait mention d'une ondée ou pluie de cendres dans l'Archipel, qui dura plusieurs heures, et qui s'étendit à plus de cent lieues. Voyez PLUIE. Ce phénomène n'a rien de surprenant, puisqu'il est très-possible que lorsqu'il y a quelque part un grand incendie, ou un volcan, le vent pousse les cendres ou peut-être la poussière de cet endroit, dans un autre, même assez éloigné. (O)

* CENDRE de cuivre, (Métallurgie) c'est une espèce de vapeur de grains menus que le cuivre jette en l'air dans l'opération du raffinage. On peut recevoir cette vapeur en retombant, en passant une pelle de fer, à un pied ou environ au-dessus de la surface du cuivre qui est alors dans un état de fluidité très-subtile. Voyez l'article CUIVRE.

CENDRES GRAVELEES, (Chimie) elles se font avec de la lie de vin : voici suivant M. Lemery la façon dont on s'y prend. Les Vinaigriers séparent par expression la partie la plus liquide de la lie de vin, dont ils se servent pour faire le vinaigre ; du marc qui leur reste, ils forment des pains ou gâteaux qu'ils font sécher, cette lie ainsi séchée se nomme gravelle ou gravelée : ils la brulent ou calcinent à feu découvert dans des creux qu'ils font en terre, et pour lors on lui donne le nom de cendres gravelées. Pour qu'elles soient bonnes, elles doivent être d'un blanc verdâtre, en morceaux, avoir été nouvellement faites, et être d'un goût fort acre et fort caustique. L'on s'en sert dans les teintures pour préparer les laines ou les étoffes à recevoir la couleur qu'on veut leur donner. Voyez TEINTURE. On les emploie aussi à cause de leur causticité dans la composition de la pierre à cautère, qui se fait avec une partie de chaux vive, et deux parties de cendres gravelées. Voyez CAUTERE.

Suivant M. Lemery, la cendre gravelée contient un sel alkali qui ressemble fort au tartre calciné : mais il est chargé de plus de parties terrestres que le tartre, et ne contient point autant de sel volatil que lui ; ce qui ne parait point s'accorder avec ce que le même auteur dit dans un autre endroit, que le sel qui se tire des cendres gravelées, est beaucoup plus pénétrant que l'autre tartre, et par conséquent plus propre à faire des caustiques.

La plupart des auteurs s'accordent à dire que les cendres gravelées s'appellent en latin cineres clavellati ; sur quoi l'on a cru devoir avertir que le célèbre Stahl, et généralement tous les Chimistes Allemands, par cineres clavellati, ont voulu désigner la potasse, qui n'est point de la lie de vin brulée comme les cendres gravelées que l'on vient de décrire dans cet article. Il est vrai que la potasse et la cendre gravelée ont beaucoup de propriétés qui leur sont communes ; l'une et l'autre contiennent du sel alkali, et peuvent s'employer à peu de chose près aux mêmes usages ; mais ces raisons ne paraissent point suffisantes pour autoriser à confondre ces deux substances.

Si l'on a raison de distinguer la cendre gravelée, qui est produite par l'ustion de la lie de vin, d'avec le vrai tartre calciné ; doit-on mettre moins de différence entre cette même lie de vin brulée, et des cendres d'arbres telle qu'est la potasse ? Voyez POTASSE. Le Miscellanea chimica leydensia appelle cineres clavellati, les cendres de serments de vigne brulés en plein air. Autrefois l'on donnait aussi ce nom aux cendres de barrils ou tonneaux que l'on brulait : mais comme il était difficîle d'en retirer de cette manière autant que l'on en avait besoin, on a préféré de se servir de la potasse que l'on pouvait avoir en plus grande abondance. (-)

CENDRE BLEUE. Voyez BLEU.

CENDRES VERTES, (Histoire naturelle et Minéralogie) le nom de cendres a été donné fort improprement à cette substance, qui est une vraie mine de cuivre, d'une consistance terreuse, dont la couleur est d'un verd tantôt clair, tantôt foncé ; on l'appelle en latin aerugo nativa terrea. Voyez l'article VERD DE MONTAGNE. (-)

CENDRES de roquette, (Chimie et Art de la Verrerie) on les nomme aussi poudre de roquette, cendres de Sirie ou du Levant. Neri dit dans son Art de la Verrerie, que la roquette est la cendre d'une plante qui croit abondamment en Egypte et en Syrie, surtout près des bords de la mer. Cette plante n'est autre chose que le kali ; on la coupe vers le milieu de l'été lorsqu'elle est dans sa plus grande force ; on la fait sécher au soleil ; on la met en gerbes que l'on entasse les unes sur les autres, et que l'on brule ensuite pour en avoir les cendres : ce sont ces cendres que l'on nous envoye du Levant, et surtout de S. Jean d'Acre et de Tripoli ; les Verriers et les Savonniers s'en servent, elles sont chargées d'un sel très-acre et très-fixe que l'on en retire par la méthode ordinaire des lessives et des crystallisations, ou en en faisant évaporer la lessive à siccité. On faisait autrefois un très-grand cas du sel tiré de ces cendres ; soit qu'on lui attribuât plus de force qu'à d'autre, à cause du climat chaud qui le produit, soit que l'éloignement du pays d'où l'on tirait cette marchandise contribuât à en rehausser le prix : mais Kunckel nous avertit dans ses notes sur l'Art de la Verrerie de Neri, que la soude, la potasse, ou toutes sortes de cendres fournissent un sel aussi bon pour les usages de l'art de la Verrerie, que celui que l'on peut tirer de la roquette, pourvu que ce sel ait été convenablement purifié par de fréquentes solutions, évaporations, et calcinations. (-)

* CENDRES, (Histoire ancienne) reste des corps morts brulés, selon l'usage des anciens Grecs et Romains : on comprend aisément qu'ils pouvaient reconnaître les ossements ; mais comment séparaient-ils les cendres du corps d'avec celles du bucher ? Ils avaient dit le savant père Montfaucon, plusieurs manières d'empêcher qu'elles ne se confondissent ; l'une desquelles était d'envelopper le cadavre dans la toîle d'amiante ou lin incombustible, que les Grecs appellent asbestos. On découvrit à Rome en 1702 dans une vigne, à un mille de la porte majeure, une grande urne de marbre, dans laquelle était une toîle d'amiante : cette toîle avait neuf palmes romaines de longueur, et sept palmes de largeur ; c'est environ cinq pieds de large, sur plus de six et demi de long. Elle était tissue comme nos toiles, ses fils étaient gros comme ceux de la toîle de chanvre ; elle était usée et sale comme une vieille nappe de cuisine ; mais plus douce à manier et plus pliable qu'une étoffe de soie. On trouva dans cette toîle des ossements, avec un crane à demi-brulé. On avait mis sans-doute dans cette toîle le corps du défunt, afin que ses cendres ne s'écartassent point, et ne se mêlassent pas avec celles du bucher, d'où on les retira pour les transporter dans la grande tombe. On jeta cette toîle dans le feu, où elle resta longtemps sans être brulée ni endommagée. Le Père Montfaucon qui semble promettre plusieurs manières de séparer les cendres du mort de celles du bucher, n'indique pourtant que celle-ci. On rapportait les cendres de ceux qui mouraient au loin, dans leur pays ; et il n'était pas rare d'enfermer les cendres de plusieurs personnes dans une même urne. Voyez BUCHER, FUNERAILLES, URNE, TOMBEAU, etc.