S. f. (Médecine) femme qui donne à teter à un enfant, et qui a soin de l'élever dans ses premières années.

Les conditions nécessaires à une bonne nourrice se tirent ordinairement de son âge, du temps qu'elle est accouchée, de la constitution de son corps, particulièrement de ses mamelles, de la nature de son lait, et enfin de ses mœurs.

L'âge le plus convenable d'une nourrice est depuis vingt à vingt-cinq ans jusqu'à trente-cinq à quarante. Pour le temps dans lequel elle est accouchée, on doit préférer un lait nouveau de quinze ou vingt jours à celui de trois ou quatre mois. La bonne constitution de son corps est une chose des plus essentielles. Il faut nécessairement qu'elle soit saine, d'une santé ferme et d'un bon tempérament ; ni trop grasse, ni trop maigre. Ses mamelles doivent être entières, sans cicatrices, médiocrement fermes et charnues, assez amples pour contenir une suffisante quantité de lait, sans être néanmoins grosses avec excès. Les bouts des mamelles ne doivent point être trop gros, durs, calleux, enfoncés ; il faut au contraire qu'ils soient un peu élevés, de grosseur et fermeté médiocre, bien percés de plusieurs trous afin que l'enfant n'ait point trop de peine en les suçant et les pressant avec sa bouche. Son lait ne doit être ni trop aqueux, ni trop épais, s'épanchant doucement à proportion qu'on incline la main, laissant la place d'où il s'écoule un peu teinte. Il doit être très-blanc de couleur, de saveur douce et sucrée, sans aucun goût étrange à celui du lait. Enfin, outre les mœurs requises dans la nourrice, il faut qu'elle soit vigilante, sage, prudente, douce, joyeuse, gaie, sobre, et modérée dans son penchant à l'amour.

La nourrice qui aura toutes ou la plus grande partie des conditions dont nous venons de parler, sera très-capable de donner une excellente nourriture à l'enfant qui lui sera confié. Il est surtout important qu'elle soit exempte de toutes tristes maladies qui peuvent se communiquer à l'enfant. On ne voit que trop d'exemples de la communication de ces maladies de la nourrice à l'enfant. On a Ve des villages entiers infectés du virus vénérien que quelques nourrices malades avaient communiqué en donnant à d'autres femmes leurs enfants à alaiter.

Si les mères nourrissaient leurs enfants, il y a apparence qu'ils en seraient plus forts et plus vigoureux : le lait de leur mère doit leur convenir mieux que le lait d'une autre femme ; car le foetus se nourrit dans la matrice d'une liqueur laiteuse, qui est fort semblable au lait qui se forme dans les mamelles : l'enfant est donc déjà, pour ainsi dire, accoutumé au lait de sa mère, au lieu que le lait d'une autre nourrice est une nourriture nouvelle pour lui, et qui est quelquefois assez différente de la première pour qu'il ne puisse pas s'y accoutumer ; car on voit des enfants qui ne peuvent s'accommoder du lait de certaines femmes, ils maigrissent, ils deviennent languissants et malades : dès qu'on s'en aperçoit, il faut prendre une autre nourrice. Si l'on n'a pas cette attention, ils périssent en fort peu de temps.

Indépendamment du rapport ordinaire du tempérament de l'enfant à celui de la mère, celle-ci est bien plus propre à prendre un tendre soin de son enfant, qu'une femme empruntée qui n'est animée que par la récompense d'un loyer mercenaire, souvent fort modique. Concluons que la mère d'un enfant, quoique moins bonne nourrice, est encore préférable à une étrangère. Plutarque et Aulu-Gelle ont autrefois prouvé qu'il était fort rare qu'une mère ne put pas nourrir son fruit. Je ne dirai point avec les pères de l'Eglise, que toute mère qui refuse d'alaiter son enfant, est une marâtre barbare, mais je crois qu'en se laissant entraîner aux exemples de luxe, elle prend le parti le moins avantageux au bien de son enfant. Est-ce donc que les dames romaines, disait Jules-César à son retour des Gaules, n'ont plus d'enfants à nourrir, ni à porter entre leurs bras ; je n'y vois que des chiens et des singes ? Cette raillerie prouve assez que l'abandon de ses enfants à des nourrices étrangères, ne doit son origine qu'à la corruption des mœurs.

En Turquie, après la mort d'un père de famille, on lève trois pour cent de tous les biens du défunt ; on fait sept lots du reste, dont il y en a deux pour la veuve, trois pour les enfants mâles, et deux pour les filles ; mais si la veuve a alaité ses enfants elle-même, elle tire encore le tiers des cinq lots. Voilà une loi très-bonne à adopter dans nos pays policés.