S. f. (Médecine) plénitude, en Médecine, signifie surabondance de sang et d'humeurs. La pléthore est une quantité de sang louable, plus grande qu'il ne faut pour pouvoir supporter les changements qui sont inévitables dans la vie, sans occasionner des maladies. C'est de la pléthore dont parle Hippocrate, lorsqu'il dit dans le troisième aphorisme de la première section, " que les personnes qui se portent le mieux sont dans un état dangereux, puisque ne pouvant demeurer dans le même état pendant longtemps, ni changer pour le mieux, il faut nécessairement qu'elles tombent dans un état pire, de sorte qu'on doit les en tirer le plus promptement qu'il est possible. "

La pléthore ne consiste point dans l'augmentation de toutes sortes d'humeurs indifféremment, mais seulement dans celle des sucs louables. Aussi Galien nous apprend-il, method. medend. lib. XIII. cap. VIe qu'on donne le nom de pléthore à l'augmentation mutuelle et uniforme des fluides ; au lieu que lorsque le sang abonde en bîle noire ou jaune, en pituite, ou en humeurs séreuses, on appelle cette maladie une cacochimie, et non une pléthore.

La pléthore, ou la quantité augmentée des fluides, retarde leur circulation ; et les fluides languissant dans leur mouvement, tendent bientôt à produire des stases, des phlogoses, des embarras, et enfin des inflammations qui emportent en peu de temps les malades, si on n'y remédie promptement ; c'est ainsi que le sang superflu qui produit la pléthore dans les femmes et dans les hommes, et qui occasionne le flux menstruel ou hémorrhoïdal, n'est point mauvais en lui-même ; mais par son séjour et la pression qu'il fait sur les vaisseaux, il occasionne une compression, un étranglement dans les diamètres des vaisseaux collatéraux, et de-là viennent les obstructions, les congestions inflammatoires, et les maladies aiguës et chroniques.

Les anciens distinguaient deux sortes de pléthore, l'une qui affecte les vaisseaux, et l'autre qui influe sur les forces, lorsque les vaisseaux sont tellement remplis de liqueurs louables, et qu'ils sont menacés de rupture, cela s'appelle simplement une plénitude ou pléthore des vaisseaux ; mais lorsque ces vaisseaux, sans contenir une trop grande quantité d'humeurs louables, en renferment cependant plus que la force vitale n'est en état d'en faire circuler, cela s'appelle plénitude, ou pléthore ad vires. C'est ainsi que Galien, en parlant de la plénitude, ch. IIIe nous apprend qu'il y a deux sortes de pléthore, l'une qui affecte les forces et les facultés vitales, et l'autre les vaisseaux. Et dans son traité de la façon de traiter les maladies par la saignée, ch. VIe il dit " que plus une personne se sent pesante, plus la pléthore, eu égard aux forces, est considérable ; au lieu que celle des vaisseaux se manifeste par un sentiment de tension ".

On n'entend ordinairement la pléthore qu'en parlant des vaisseaux, et c'est dans ce sens que nous la considérons.

Cette espèce de pléthore devient une vraie maladie. Cette quantité trop grande de sang reconnait pour cause tout ce qui engendre beaucoup de chyle et de sang louable, et empêche en même temps l'atténuation et la dissipation de la transpiration ; car alors la recette étant plus grande que la dépense, il faut de nécessité que le sang s'amasse, qu'il stagne, qu'il croupisse, et qu'il produise la pléthore.

Les fonctions vitales et naturelles usent nécessairement les solides, et procurent la dissipation des fluides ; de sorte que l'on est obligé de les réparer tous deux par les aliments. Lorsqu'on rend tous les jours au corps autant de substance qu'il en perd, il resulte un parfait équilibre qui est le signe le plus parfait et le plus constant de la santé ; car Sanctorius a prouvé par plusieurs expériences que le corps est dans l'état le plus parfait où il puisse être lorsqu'il reprend tous les jours son poids ordinaire ; après que la digestion est faite, le corps répare ses pertes à l'aide d'un chyle louable, et d'un sang qui en est formé : lors donc qu'il s'engendre une plus grande quantité de chyle et de sang qu'il ne faut pour réparer la dissipation qui s'est faite, il arrive un amas de sucs superflus qui augmente à proportion de l'efficacité des fonctions.

Les causes de la pléthore sont la forte contraction des viscères et organes chyliferes du cœur et des artères, et en même temps le relâchement des veines et des autres petits vaisseaux ; les aliments doux qui se changent aisément en chyle, le trop long sommeil, l'inaction des muscles, le défaut des évacuations ordinaires du sang, soit naturelles ou artificielles auxquelles on est accoutumé.

Depuis que l'homme a été condamné en punition de son péché, à manger son pain à la sueur de son visage, l'exercice du corps est devenu absolument nécessaire pour la conservation de la santé ; aussi voit-on que ceux qui mènent une vie oisive sont affligés des maladies les plus terribles.

Hippocrate nous apprend, dans son traité de la diete, liv. I. que tout homme qui mange ne saurait se bien porter, s'il ne travaille à proportion de la nourriture qu'il prend ; car le travail est destiné à consumer ce qu'il y a de superflu dans le corps. Il ordonne dans le même traité, liv. III. d'examiner si la nourriture a excédé le travail, ou le travail la nourriture, ou s'ils sont l'un et l'autre dans la juste proportion ; car de leur inégalité naissent les maladies, comme la santé vient de leur équilibre et de leur égalité.

Il faut donc que l'équilibre entre la nourriture et le travail soit tel que la dissipation journalière égale la quantité d'aliments dont on use ; car si l'on prend la même quantité de nourriture en même temps qu'on fait moins d'exercice, il faut nécessairement qu'il en résulte une pléthore. Lorsqu'on nourrit des chevaux dans une écurie sans les faire travailler, ils s'engraissent en peu de temps, mais on ne les a pas exercés pendant quelques jours, que leur embonpoint diminue.

Les femmes ont tous les mois une évacuation naturelle de sang superflu, de même que les hommes qui sont sujets au flux hémorrhoïdal ; ces évacuations font l'effet d'autant de saignées ; or on est convaincu par expérience que plus un homme se fait saigner, pourvu que ses forces ne soient pas entièrement affoiblies, plus ses vaisseaux se remplissent ; et les personnes accoutumées à des saignées réitérées, sont affligées vers le temps auquel elles avaient coutume d'user de la saignée, des mêmes maladies que les femmes dont les règles sont supprimées ; au moyen de quoi leurs forces dégénèrent, et ils acquièrent une habitude aussi lâche et aussi faible que celle des femmes.

Symptomes. Tous les phénomènes de la pléthore dépendent de la plénitude des vaisseaux, ou de la raréfaction qu'elle cause dans le sang ; ce qui provient surtout de l'augmentation de sa vélocité et de la chaleur qui en résulte, ou d'autres causes que l'on peut reconnaître par l'observation : de-là vient la force, la grandeur et la plénitude du pouls, la dilatation des vaisseaux tant sanguins que lymphatiques, le dérangement des secrétions, la compression des veines sanguines et lymphatiques, l'interruption de la circulation, l'inflammation et la rupture des vaisseaux, la suppuration, la gangrene et la mort.

Diagnostic. On est assuré de la présence de la pléthore, si les causes qui engendrent une trop grande quantité de sang louable, et dont on a parlé ci-devant, ont précédé ; si l'on aperçoit une grande rougeur par tout le corps, surtout dans les parties où les vaisseaux sont comme à découvert ; comme dans les coins des yeux, sur la conjonctive, dans la face interne des paupières, des narines, de la bouche, de la gorge et des lèvres ; si l'on sent une grande chaleur même dans les extrémités du corps ; si les veines sont gonflées, et le pouls fort et plein ; si après un exercice violent, des chaleurs excessives, l'usage du vin ou d'autre liqueur chaude ou spiritueuse, les malades aperçoivent dans tous leurs muscles une tumeur molle, pleine et distensive, accompagnée d'une certaine immobilité qui les empêche de pouvoir fermer les poings ; s'ils commencent à apercevoir en eux une certaine paresse et un assoupissement accompagné de larmes.

Prognostic. Tous les symptômes déjà décrits pourront être prédits, et on pourra même annoncer que les fonctions du cerveau seront lésées, à cause qu'il y a une plénitude naturelle dans toutes les parties de la tête ; de-là vient que lorsque les gros vaisseaux remplis de sang rouge sont distendus, les vaisseaux les plus petits souffrent une compression, parce que les vaisseaux du crâne ne peuvent point céder ; de sorte que toutes les maladies du cerveau, depuis le vertige le plus léger jusqu'à l'apoplexie la plus funeste, peuvent venir d'une pléthore.

La curabilité de la pléthore dépend de son degré, de la violence et du nombre de ses symptômes.

Curation. La cure de la pléthore consiste dans la saignée, le travail et les veilles, à se nourrir d'aliments âcres après les évacuations convenables, et à cesser ou omettre peu-à-peu ces mêmes évacuations.

1°. La saignée est nécessaire, elle évacue la trop grande abondance de sang louable qui est la cause de tous les accidents dont on vient de parler ; d'où il suit que tout ce qui est capable de la diminuer, doit être salutaire et nécessaire ; mais rien n'est plus propre pour cet effet que la saignée, qui apaise immédiatement tous les symptômes. En effet, le médecin ne peut mieux faire que de suivre la méthode que la nature suit et indique elle-même dans la pléthore. Or on sait que dans toutes les maladies qui proviennent de la raréfaction et de la pléthore, rien ne guérit plus surement et plus efficacement que les hémorrhagies salutaires, surtout par le nez ; de là vient que les médecins égyptiens font des scarifications dans la plupart des maladies.

La diete aide et acheve ce que la saignée a commencé ; aussi voit-on que les gens qui joignent la diete à l'exercice sont moins pléthoriques et plus sains.

Mais quoique la saignée diminue la redondance du sang, non-seulement elle laisse le corps aussi sujet qu'auparavant à la réplétion, mais elle le dispose encore davantage à la génération d'une nouvelle pléthore, ainsi que nous l'avons déjà observé. D'où il suit qu'il faut tellement le fortifier, qu'il ne puisse plus amasser à l'avenir une si grande quantité de sang.

L'exercice non-seulement dissipe le trop de sang qui s'était amassé dans le corps, mais il fortifie encore les solides à un tel point, qu'ils ne cedent plus avec la même facilité aux fluides qu'ils contiennent ; aussi voit-on rarement les personnes accoutumées à un travail pénible, sujettes à la pléthore, bien qu'elles prennent beaucoup de nourriture : mais un pareil exercice ne convient qu'après avoir dégagé les vaisseaux par le moyen de la saignée ; car sans cette précaution, ils ne manqueraient pas de se distendre et de se rompre en très-peu de temps.

Les veilles sont un grand remède contre la plénitude, si le sommeil est une cause de cette même plénitude ; aussi voit-on que ceux qui dorment peu sont rarement pléthoriques.

L'usage des aliments âcres ordonné après la saignée et la purgation est sagement indiqué ; car comme les aliments doux sont une cause de notre accroissement, et même de la pléthore, comme il le parait par la nutrition et la formation du foetus qui n'est nourri que de lait et d'autres nourritures douces et humectantes, il suit que la diete opposée à celle des enfants, sera salutaire dans le cas de pléthore ; les aliments les plus durs à digérer, les substances âcres, aromatiques et irritantes sont les plus salutaires, parce qu'ils fournissent moins de chyle et de sang, et que les humeurs sont plus fouettées à l'aide de ces sortes de substances ; elles ne peuvent d'ailleurs s'accumuler dans les vaisseaux à cause du ressort de ceux-ci qui se trouve augmenté.

Les évacuations doivent être omises ou cessées par degré, leur continuation augmenterait la pléthore, de même que leur cessation subite ; il faut les diminuer peu-à-peu, quant à leur quantité, et mettre un plus grand intervalle entr'elles pour pouvoir y renoncer insensiblement sans danger ; en prenant ces mesures on imite la méthode salutaire dont la nature se sert vers le temps que les règles commencent à cesser dans les femmes ; car cette évacuation devient successivement moins abondante, et ses retours sont moins fréquents jusqu'à ce qu'elle ait entièrement cessé ; mais lorsque les règles viennent à cesser tout-d'un-coup, cet accident a pour l'ordinaire des suites très-fâcheuses.

La purgation est un remède aussi sur que la saignée ; car elle diminue les humeurs des premières voies, elle évacue le chyle surabondant, il s'en porte moins dans le sang, et celui-ci est nécessairement diminué dans sa source ; la purgation répétée occasionne moins la pléthore par elle-même, que la saignée, car elle ne désemplit pas spécialement les vaisseaux.

Les sudorifiques et les diurétiques sont aussi des remèdes assurés, car ils augmentent les secrétions, diminuent la masse totale des liqueurs. Quelques gens même n'emploient que ces remèdes.

Pléthore fausse est une maladie où le sang, sans être augmenté dans la masse, l'est dans son volume ; de façon que vingt-cinq livres de sang équivalent en volume à trente livres ; c'est cet état que l'on nomme raréfaction des fluides.

La cause de cette pléthore est différente de celle de la vraie, elle dépend de la raréfaction même du sang ; les soufres et les autres fluides étant fort développés et divisés présentent plus de surface, ils emplissent davantage les vaisseaux, ceux-ci sont plus dilatés, plus tendus, plus vibratifs, le pouls est plus plein, plus fréquent : mais les causes de ces raréfactions sont les aliments âcres et de haut goût ; les remèdes chauds et atténuans ordonnés dans l'épaississement ou dans la pléthore même, la pléthore elle-même occasionnée par la suppression des évacuations ordinaires, et surtout de la transpiration, le défaut d'exercice, l'usage des liqueurs spiritueuses, et enfin tout ce qui peut augmenter l'acrimonie, la chaleur et l'expansion des liqueurs.

Dans la pléthore fausse le sang est plus fouetté, plus divisé et atténué, aussi le pouls est plus plein, mais plus tendu et plus fréquent ; la chaleur y est plus marquée que dans la pléthore vraie, où le sang est plus étouffé, mais moins âcre et moins expansible. Les veilles continuelles, l'excès des passions et l'alkalescence des humeurs sont les vraies causes de cette maladie, qui est plus dangereuse que la pléthore vraie.

Curation. Les indications sont de condenser, d'adoucir et de resserrer la masse et le volume du sang.

Les remèdes convenables sont la saignée moins copieuse et moins souvent répétée que dans les pléthores vraies.

Les adoucissants sont le petit-lait, les tisanes d'orge, de gruau, de riz et de semoule, les crêmes faites avec ces graines, les bains et les demi-bains.

Les rafraichissants, les émulsions avec les semences froides majeures et mineures.

L'air frais, les aliments doux et balsamiques, les viandes des jeunes animaux, les bouillons et les gelées préparées de ces viandes.

L'eau simple pour boisson, ou le vin vieux fort trempé, l'exercice modéré, le repos ou le sommeil prolongé et pris dans un lieu temperé, où l'air ne soit ni trop chaud ni trop froid.

Tout ce que nous avons dit sur la pléthore suffit pour faire comprendre que cette cause des maladies est la plus générale et la plus ordinaire, et qu'on ne pourra les traiter ni les guérir sans combattre cette cause générale.

Les remèdes anti-pléthoriques sont en général les diurétiques, les sudorifiques, les apéritifs, les cephaliques, les emmenagogues, les hépatiques, les splenétiques. Voyez tous ces articles. Voyez MEDICAMENS.