S. f. (Médecine) maladie épidémique, c'est-à-dire, qui affecte presque en même temps et dans un même lieu un grand nombre de personnes de quelque sexe, âge et qualité qu'elles soient, avec les mêmes symptômes essentiels, dont la cause réside le plus souvent dans les choses desquelles on ne peut pas éviter de faire usage pour les besoins de la vie, et dont le traitement est dirigé par une même méthode. Le mot grec επιδημία, épidémie, est formé d'επι, dans ou parmi, et δημία, peuple ; il est par conséquent employé pour signifier quelque chose qui est dans ou parmi le peuple, commun au peuple. L'usage en a fixé le sens, lorsqu'on l'emploie seul, pour énoncer une maladie populaire, que quelques auteurs, comme Boerhaave, nomment quelquefois maladie universelle, morbus epidemicus, popularis, universalis.

Les maladies épidémiques forment un genre particulier parmi les différences accidentelles des maladies en général, à l'égard du lieu où elles régnent. Les épidémies ne sont pas plus familières dans un pays que dans un autre ; en quoi elles diffèrent des endémies, qui sont des maladies d'un même caractère, qui affectent particulièrement et presque sans discontinuité les habitants d'une contrée. Voyez ENDEMIQUE. Les maladies épidémiques sont aussi distinguées des sporadiques, parce que celles-ci sont absolument particulières aux personnes qu'elles attaquent, et dépendent d'une cause qui leur est propre. Voyez SPORADIQUE.

Les maladies épidémiques ne s'établissent que dans certains temps et dans certains lieux. Elles ne sont pas d'un seul et même genre ; elles différent au contraire beaucoup, selon la différence des saisons qui ont précédé et qui subsistent, selon la différente nature des habitants d'un pays. Quelquefois elles affectent tout le corps, comme les fièvres ; d'autrefois elles ne portent que sur certaines parties, comme sont les douleurs, les fluxions catarrheuses : tantôt elles sont bénignes, et font leur cours sans causer beaucoup de désordres dans l'économie animale ; tantôt elles sont contagieuses et accompagnées de symptômes très-violents, et elles font périr beaucoup de monde. Il meurt plus de gens, et dans la vigueur de l'âge même, par l'effet des maladies épidémiques, que par toute autre sorte de maladie. Elles changent presque chaque année de caractère et de nature, dans les cas même où elles paraissent avoir les mêmes symptômes : il n'appartient qu'à un médecin très-attentif et grand observateur, de distinguer ce qu'il y a d'essentiellement différent dans ces apparences ; souvent même les plus habiles s'y trompent.

Les différentes causes des épidémies, qui sont dans l'air, dépendent quelquefois du vice de ses qualités sensibles et manifestes, telles que la chaleur, le froid, l'humidité, la sécheresse, etc. D'autres fois l'air, en pénétrant le corps humain par les différentes voies ordinaires, dont on ne peut pas lui fermer l'accès, y porte avec lui et applique à diverses parties certains miasmes d'une nature inconnue, qui produisent cependant les mêmes effets dans toutes les personnes affectées, comme on le voit dans la peste, dans la petite vérole. La différente situation des lieux, le différent aspect, l'exposition à certains vents, les exhalaisons des marais ; les grandes inondations, qui rendent les terrains marécageux, suivies d'un temps chaud, ou d'un vent de midi, qui hâte la putréfaction des eaux croupissantes, d'où il s'élève continuellement dans l'air des matières fétides, vermineuses ou acrimonieuses, qui infectent cet élément dans lequel nous vivons, et les différentes substances qui servent à nôtre nourriture, contribuent beaucoup aussi à établir les différentes espèces d'épidémies.

Les aliments, comme causes communes, sont souvent aussi, par leur nature, la cause des maladies populaires. C'est ce qu'on observe dans les villes assiégées, où les riches comme les pauvres manquant de tout pour se nourrir, sont contraints à manger des choses peu propres à cet usage et de très-mauvaise qualité ; et se trouvant ainsi pressés par la même nécessité, et reduits à la même misere, ils éprouvent les mêmes effets, ils sont affligés des mêmes maladies. On a Ve la peste faire des ravages terribles dans une place de guerre assiégée, dénuée de secours, investie par une armée abondamment pourvue de vivres, qui était entiérement exemte de cette maladie.

Il résulte de ce qui vient d'être dit des causes des épidémies, qu'elles ne se communiquent pas aussi communément qu'on le pense, d'une personne affectée à une autre qui ne l'est pas : il n'est pas nécessaire de recourir à la contagion pour rendre raison de cette communication ; il est rare qu'elle se fasse par cette cause ; il est plus naturel de l'attribuer à la cause commune qui a affecté le premier, et qui continue à produire ses effets dans les sujets qui se trouvent disposés à en recevoir les impressions.

Pour s'en préserver, on doit soigneusement éviter tout ce qui peut contribuer à arrêter l'insensible transpiration, et pour cela ne pas surtout s'exposer à l'air froid du matin ou du soir, ne se livrer à aucun exercice violent, ne vivre que d'aliments de facîle digestion, et user des choses propres à fortifier, à entretenir la fluidité des humeurs, favoriser les secrétions et excrétions.

A l'égard des pays en général, on peut tenter quelquefois avec succès d'empêcher qu'ils ne soient infectés des maladies épidémiques, ou de les en délivrer, en purifiant l'air par le moyen des feux allumés fréquemment, dans les lieux habités, avec des bois résineux, dont on forme des buchers nombreux à certaines distances les uns des autres. Hippocrate ne balance pas à proposer d'après l'expérience qu'il en avait faite, l'effet de ces feux comme un préservatif contre la peste, et même comme un moyen de corriger l'infection de l'air qui la cause. On a remarqué, selon Hoffman, que les lieux, les villes surtout, où l'on brule du charbon de pierre plus qu'on ne faisait autrefois, sont moins sujets aux maladies épidémiques, et plus sains, généralement parlant, qu'ils n'étaient avant cet usage ; la fumée de ces matières fossiles ayant la propriété de changer les qualités des mauvaises exhalaisons qui pouvaient produire des maladies de toute espèce. Il est encore un autre moyen très-propre à prévenir les infections de l'air, et à en arrêter les effets, lorsqu'elles ont lieu ; c'est de dessécher les marais ; de donner un cours aux eaux croupissantes ; d'empêcher qu'il ne s'en ramasse de nouvelles ; de tenir les égouts, les fossés des villes, des campagnes, bien nettoyés et bien libres.

On doit beaucoup espérer, pendant les maladies épidémiques, ou lorsqu'on craint qu'elles ne s'établissent, du bon effet des vents du septentrion et du levant, comme étant très-propres à purifier l'air, ou à empêcher qu'il ne s'y mêle des exhalaisons qui pourraient le corrompre. Ils ont aussi la propriété de rendre le corps humain moins susceptible des mauvaises impressions qu'elles peuvent faire, en lui donnant de la vigueur par l'augmentation du ressort de ses fibres, et en conservant par ce moyen l'exercice libre de toutes les fonctions. Les pluies sont aussi très-salutaires dans le temps d'épidémie causée par l'infection de l'air ; elles entraînent et précipitent avec elles toutes les matières hétérogènes qui formaient la corruption de cet élément.

Lorsqu'il survient une maladie épidémique, dont le caractère n'est pas bien connu, ce qui arrive souvent ; les médecins doivent, selon le conseil de Boerhaave, s'appliquer à en bien observer tous les symptômes dans le temps des équinoxes, où elles sont ordinairement le plus en vigueur. Pour en découvrir la cause, par comparaison avec l'espèce de maladie connue à laquelle l'épidémique ressemble le plus, ils doivent éviter d'employer des remèdes qui soient propres à produire de grands changements dans l'économie animale, dans la crainte qu'ils ne déguisent le caractère de la maladie, et qu'ils n'empêchent d'observer les phénomènes que la nature du mal peut produire constamment dans les différents temps qui précèdent le rétablissement de la santé ou de la mort, qui annoncent un meilleur ou un plus mauvais état. Ils doivent observer avec une grande attention ce que la nature fait ou tente de faire dans le cours de la maladie, ensuite des différentes choses que les malades prennent, soit aliments, soit remèdes, ce qui fait de bons ou de mauvais effets, les évacuations qui sont salutaires ou nuisibles. Ils doivent enfin comparer ce qui se passe dans les maladies de la même espèce de plusieurs personnes affectées en même temps, en ayant égard à la différence de sexe, d'âge, et de tempérament.

C'est de ces recherches faites avec soin, qu'on peut tirer les indications convenables pour déterminer la méthode que l'on doit suivre dans le traitement des maladies épidémiques. Si l'on avait un recueil d'observations exactes sur toutes celles qui ont paru jusqu'à présent, on serait peut-être assez instruit de leur differente nature et des remèdes qui ont été employés avec succès dans chaque espèce, pour pouvoir par analogie appliquer une curation presque sure à chacune de celles qui paraitraient dans la suite ; car il est très-vraisemblable qu'il ne s'en établit pas toujours qui soient absolument nouvelles par rapport au passé ; leur variété est peut-être épuisée. Il est donc très-important pour le genre humain qu'on travaille à suppléer à ce qui manque à cet égard. On ne saurait assez exhorter tous les Médecins, qui ont à cœur l'avancement de leur art, à faire l'histoire de toutes les maladies épidémiques qu'ils ont occasion de traiter ; à les décrire avec exactitude et sincérité ; à en bien observer toutes les circonstances ; à ne pas négliger de faire mention des lieux, des climats où ils pratiquent, des accidents qui ont pu faire naître l'épidémie, de la saison où elle régne, de la constitution de l'air, et de ses variétés déterminées par l'inspection du baromètre, du thermomètre, et de l'hygromètre, autant que faire se peut, et en un mot de prendre pour modèles, dans ces sortes d'observations, celles du plus ancien et du plus grand médecin connu, du sage Hippocrate, qui a le premier senti la nécessité de les faire, et qui nous a laissé sur ce sujet des écrits immortels ; celles de l'Hippocrate moderne, Sydenham, qui est presque le seul, dans un si long espace de temps, qui ait marché à cet égard sur les traces du père de la Médecine, et qui a donné un exemple, que l'on doit se faire un devoir de suivre dans tous les siècles ; celles de la société d'Edimbourg, etc. Voyez l'article AIR, et ce qui est dit de cet élement comme cause des maladies épidémiques. (d)

* EPIDEMIES, adj. pris subst. fêtes instituées dans Argos en l'honneur de Junon, et dans les villes de Milet et de Délos, en l'honneur d'Apollon. Les épidémies étaient comme les fêtes de la présence du dieu. Les payens croyaient que leurs divinités, sensibles aux cérémonies de l'évocation, se transportaient au milieu d'eux ; et ils les honoraient par des fêtes et des sacrifices.