S. f. (Médecine) accouchement difficile, laborieux, ou absolument impossible. Tout cela s'exprime par le seul mot grec dystochie, fort connu en Médecine. Voyez ACCOUCHEMENT.

Nous employons avec raison pour faire nos articles, les termes d'Arts et de Sciences ; et quoi qu'en puissent dire les gens du monde, si ces sortes de termes sont barbares pour eux, ce n'est pas notre faute : il y a quantité de mots de Cuisine, de Blason, de Manège, de Chasse, de Fauconnerie, d'Escrime, consacrés par l'usage, inconnus aux Médecins, sans qu'ils accusent ceux qui s'en servent de parler un jargon inintelligible.

On dit qu'un accouchement est laborieux, lorsque l'enfant met plus de temps à venir au monde que de coutume. Un travail ordinaire est d'une heure ou deux, souvent beaucoup moins ; mais des causes particulières le rendent quelquefois beaucoup plus long. Alors ce n'est pas sans danger pour la femme grosse et pour son enfant, ni sans beaucoup d'attention, d'adresse, et de lumières de la part de l'accoucheur, que la délivrance finit heureusement.

Quelque nombreuses que soient les causes des accouchements laborieux, on peut assez commodément les ranger sous trois classes, en les rapportant ou à la femme en couche, ou à l'enfant, ou au délivre, ou à ces trois choses réunies ; et l'accouchement sera d'autant plus fâcheux, qu'un plus grand nombre de causes concouraient à le rendre tel. Je commence par celles qui peuvent de la part de la mère, rendre son accouchement pénible, ou même impossible.

1°. Il ne paraitra pas étonnant que le premier accouchement d'une femme trop jeune, ou trop âgée, soit laborieux. On peut aussi le présager d'une femme faible, délicate, hystérique, fort pléthorique, très-maigre ou très-grasse, agitée de craintes ou d'autres passions dans le temps du travail, et tombant dans de fréquentes syncopes.

2°. L'inexpérience de la femme, à qui l'habitude d'accoucher n'a point encore appris à aider ses douleurs par des efforts à-propos ; ou la femme qui se refuse aux sollicitations que la nature et l'accoucheur lui présentent dans les moments favorables, doit rendre son accouchement plus pénible.

3°. Les défauts de conformation essentielle dans les os du bassin, l'os coccyx, et particulièrement l'os sacrum, forment des accouchements laborieux, ou impossibles, qui demandent l'opération césarienne. Il peut même arriver dans ces différents cas, que le bassin soit si étroit qu'il y ait impossibilité d'y introduire la main ; cependant quand l'os coccyx se porte trop intérieurement, on tâchera de le presser en-bas avec la main dans le temps des efforts de la mère pour sa délivrance.

4°. Les parties naturelles extrêmement gonflées, séchées, endurcies, calleuses, hydropiques, enflammées, contusées, excoriées, ulcérées, mortifiées, présagent un accouchement difficile. La descente, la chute de matrice, l'hernie inguinale et ombilicale d'une femme grosse, doivent être réduites suivant les règles de l'art avant l'accouchement. La rupture de la matrice qui laisse couler le foetus dans la cavité du bas-ventre, exige l'opération césarienne faite à temps.

5°. La situation oblique de la matrice, qui se découvre par le toucher, annonce une délivrance très-pénible, et demande les lumières de l'accoucheur. Si l'orifice de la matrice est fort distant du vagin ; si cet orifice se ferme exactement dans le temps des douleurs ; s'il n'est que peu ou point dilaté ; s'il est prominent, épais et dur ; s'il est si ferme et si solide qu'il ne s'ouvre qu'avec beaucoup de peine, malgré le repos, les anti-spasmodiques, et les oignements d'huîle et de graisse, on a lieu d'apprehender un accouchement long et laborieux. S'il y a quelque membrane, quelque tumeur fongueuse, ou quelque excroissance contre-nature qui obstrue et ferme le vagin, il en faut faire l'opération avec les instruments convenables, pour éviter les efforts inutiles et le danger de l'accouchement. Passons au foetus.

1°. Un enfant trop gros, monstrueux, mal conformé, attaqué d'hydrocéphale, faible, ou mort, cause un accouchement laborieux. Le même cas est à craindre lors de la naissance de deux jumeaux ; mais le foetus tombé dans le bas-ventre, dans la capacité de l'hypogastre, ou contenu dans les trompes, dans les ovaires, ne peut venir au monde que par la section césarienne.

2°. L'enfant qui sort de l'utérus dans la posture la plus naturelle, c'est-à-dire la tête la première, promet un travail facile, pourvu que sa tête avancée au passage n'y demeure pas fixement arrêtée, car dans ce cas, pour éviter un événement funeste, il faut faire l'extraction prompte de l'enfant, soit avec les mains, soit avec les instruments convenables.

3°. L'enfant qui est placé transversalement, et qui présente le visage, les épaules, le dos, le ventre, la poitrine, etc. formerait un accouchement laborieux ou impossible, s'il n'était pas changé de posture et mis dans celle qui répond à la naturelle, ou plutôt si l'on n'a soin de le tirer par les pieds ; car c'est-là la meilleure méthode pour presque toutes les situations contre-nature, représentées dans les figures de Scipio Mercuri, de Welschius, de Guillemeau, de Mauriceau, de Voelterus, de Peu, de Viardel, de Sigemandin, de Deventer, de Mellius, de Chapman, et autres ; alors, dis-je, la pratique qu'on vient de recommander vaut mieux que de perdre du temps à retourner le foetus, parce que les moments sont chers.

4°. L'enfant qui présente d'abord l'une ou l'autre main hors de la matrice, ou même toutes les deux, offre un des plus difficiles accouchements. Il faut repousser les parties qui sortent, retourner l'enfant, chercher les pieds, et le tirer tout de suite par cette partie. Disons un mot des accouchements laborieux en conséquence des eaux, du délivre, etc.

1°. La retention trop longue, ou la perte précoce des eaux, contribue beaucoup à augmenter le travail d'une femme en couche : en effet, s'il arrive que ces eaux qui sont destinées à arroser et à graisser, pour ainsi dire, le passage de l'enfant, sortent trop tôt ou s'écoulent peu-à-peu, le travail devient plus difficîle et plus long, les parties ayant eu le temps de se sécher, surtout si les douleurs sont légères, et si dans l'intervalle la femme est plus faible que le travail avancé.

2°. Si les eaux sortent épaisses et noires ; ce symptôme indiquant que le méconium y est délayé, que l'enfant est placé dans quelque situation contrainte, annonce un accouchement difficile.

3°. Quand le foetus sort enfermé dans ses membranes, il faut les ouvrir pour empêcher sa suffocation et faciliter l'accouchement.

4°. Le placenta qui sort d'abord, indique sa séparation de l'utérus, l'hémorrhagie en est la suite, de sorte que l'extraction manuelle du foetus est la seule ressource pour sauver la mère et l'enfant.

5°. Un accouchement facîle par rapport à la bonne situation de l'enfant, deviendra difficîle lorsque la femme n'aura point été aidée à-propos, qu'il y aura longtemps que les eaux seront écoulées, et que les douleurs seront très-languissantes, ou même entièrement cessées.

6°. Enfin pour terminer ici les pronostics sur ce sujet, le premier accouchement laborieux, et qui a causé le déchirement des parties naturelles, du vagin, du périné, leur contusion, leur mortification, etc. fait craindre la difficulté des autres accouchements.

Telles sont les principales causes immédiates et directes, qui tantôt de la part de la mère, tantôt par le foetus, par le délivre, ou par toutes ces choses réunies, rendent les accouchements difficiles, laborieux, ou impossibles, et requièrent pour y remédier les connaissances, la main, et les instruments d'un homme consommé dans cette science.

Cependant que l'assemblage de ces phénomènes cesse de nous alarmer ! le nombre infini d'accouchements naturels et favorables comparé à ceux qui ne le sont pas ; les exemples de tant de personnes qui sortent tous les jours heureusement des couches les plus dangereuses ; l'expérience de tous les lieux et de tous les temps ; les secours d'un art éclairé sur cette matière dans les cas de péril, et d'un art dont on peut étendre les progrès : toutes ces réflexions doivent consoler le beau sexe, ou du moins calmer ses frayeurs. En un mot les femmes sont faites pour accoucher, et la Nature toujours attentive à la conservation de l'espèce, sait les porter par des lois invariables et par une force invincible, à concourir à ses fins. Article de M. le Chevalier DE JAUCOURT.