S. m. (Anatomie) Le frein qu’on nomme vulgairement le filet de la langue, est ce ligament élastique et même musculeux qui parait d’abord sous la langue, pour peu qu’on en lève la pointe en ouvrant la bouche.

Le point fixe du filet de la langue est aux petites éminences osseuses qui sont au milieu de la partie interne de ce qu'on appelle symphise du menton ; delà il s'attache au-dessous et dans le milieu de la partie saillante et isolée de la langue jusqu'à son extrémité, de manière que la volubilité des mouvements de la langue est modérée par ce lien.

Aux deux côtés du frein ou filet se trouvent les veines et les artères que l'on appelle ranules, avec des nerfs et autres vaisseaux pour les fonctions de cette partie : le tout est couvert de la membrane qui tapisse l'intérieur de la bouche. Cette membrane qui est fort adhérente au palais, aux joues et aux parties supérieures et latérales de la langue, est mobîle dans tout le dessous de la langue : le tissu cellulaire qui la lie en cet endroit est si extensible, qu'il obéit et se prête à tous les mouvements que fait la langue ; cette membrane est cependant un peu adhérante dans l'endroit où elle fait le pli qui enveloppe le filet. Ce pli couvre la courbure antérieure des muscles génio-glosses, depuis la pointe de la langue jusqu'au dessous de l'intervalle mitoyen des dents incisives inférieures ; ainsi le repli de la membrane dont la cavité inférieure de la bouche est recouverte, n'est pas le filet même, comme on se le persuade, il n'en est que l'enveloppe.

Le principal usage du frein de la langue, est de modérer les mouvements trop vifs de cette partie ; de la conduire et de la retenir lorsqu'on la pousse enavant pour la tirer hors de la bouche, ou qu'on la retire en-arrière et au fond du gosier pour faire la déglutition. Il sert en même temps à la parole, en donnant à la langue la liberté de se promener dans toute la bouche, et d'exécuter tous les mouvements nécessaires à la prononciation.

Ce ligament de la langue est sujet à plusieurs vices de conformation, et entr'autres à être trop court à différents degrés ; accident que l'usage abusif a nommé le filet, et dont il faut chercher la connaissance et le remède dans l'art chirurgical. Voyez FILET, (Chirurgie) Article de M(D.J.)

FILET, (Opération du) Chirurg. Cette partie est quelquefois si longue aux enfants nouveau-nés, qu'elle empêche de remuer la langue avec liberté, et de teter facilement. Pour y remédier il faut couper le filet avec la pointe des ciseaux. La bouche de l'enfant étant ouverte, le chirurgien tient de sa main gauche une sonde cannelée, dont le manche fendu forme une fourchette avec laquelle il bande le filet et soutient la langue. Voyez Pl. II. de Chirurgie, fig. 5. La figure 6. représente un instrument particulier pour cette opération. On coupe ensuite le frein avec des ciseaux droits qui doivent être très-mousses, pour ne pas risquer d'ouvrir les veines ranules. On a Ve des enfants qui sont morts de l'hémorrhagie de ces veines, sans qu'on s'en soit aperçu, parce qu'ils avalaient leur sang à mesure qu'il sortait des vaisseaux. Ces malheurs prescrivent l'attention qu'on doit avoir en pareil cas, afin de remédier à l'accident de l'hémorrhagie par différents moyens connus, parmi lesquels l'eau très-froide, ou même un morceau de glace, sont très-efficaces.

Feu M. Petit le chirurgien a donné à l'académie royale des Sciences un mémoire inséré dans le recueil de l'année 1742, dans lequel il fait voir que l'opération du filet, qui parait une des moins importantes de la Chirurgie, mérite toute l'attention possible. Il a observé que cette opération faite sans nécessité au-delà de ses justes bornes, laisse à la langue la dangereuse liberté de se recourber en arrière. En facilitant ainsi à l'enfant un mouvement de déglutition auquel il tend sans-cesse, et qu'excite encore le sang épanché dans sa bouche, il Ve enfin jusqu'à avaler sa langue, c'est-à-dire à l'engager si avant dans le gosier, qu'il en est bientôt étouffé. Il ne faut donc pas quitter les enfants un seul moment de vue pendant vingt-quatre heures, après qu'on leur a coupé le filet. Instruit par l'expérience de pareils malheurs, M. Petit a sauvé la vie à plusieurs enfants par cette précaution, ayant dégagé promptement la langue qui bouchait la respiration. C'est par la considération de cet accident, qu'il donne pour précepte qu'il ne faut jamais couper le filet quand l'enfant peut teter, et il faut toujours avoir une nourrice pour lui donner la mammelle après que l'opération est faite.

M. Petit a imaginé un instrument particulier pour couper le filet : ce sont des ciseaux dont les pointes sont armées d'une plaque repliée et fendue pour recevoir le filet. Voyez Pl. XIX. de Chirurgie, fig. 4. n°. 1. Une des branches de ces ciseaux est dormante ; elle est fixée par une vis à la plaque, sur un des bords de la fente qui reçoit le filet, n°. 2. L'autre branche est mobile, et elle est éloignée de la première par un ressort qui en écarte le manche, n°. 3. Le n°. 4. montre la vis qui forme l'union des deux branches, et qui fixe la plaque repliée, n°. 5. Cet instrument met les vaisseaux à couvert, et évite surement le danger d'une hémorrhagie, à moins que par quelques variations assez communes dans la distribution des vaisseaux en général, et néanmoins fort rares dans le cas dont il s'agit, il n'entre dans la structure du filet une branche d'artère assez considérable. Dans ce cas il faudrait avoir recours, suivant la pratique ordinaire, à l'application du cautère actuel. Voyez FEU. On peut réussir en contenant un morceau d'amadou ou d'agaric de chêne assez longtemps sur l'endroit d'où le sang sort. M. Faure, maître en Chirurgie à Lyon, et qui est fort distingué dans notre art par ses connaissances et son habileté, vient de se servir avec succès de ce moyen dans plusieurs opérations qui ont du rapport à l'opération du filet. Il a remarqué que plusieurs enfants apportaient en naissant une conformation vicieuse sur la langue, qui consiste en un bourrelet charnu qui est quelquefois si gros et si étendu, qu'il parait former une double langue. Ce bourrelet empêche l'action de la langue de l'enfant sur le mamelon de sa nourrice ; ce qui l'expose à une mort certaine, si l'on ne connait pas la cause qui empêche la succion, et qu'on n'y remédie point.

Ce bourrelet qui enveloppe le filet, et qui s'étend plus ou moins des deux côtés, a été observé plusieurs fois par M. Faure, qui en a donné des relations détaillées à l'académie royale de Chirurgie. Il a été obligé quelquefois d'emporter avec des ciseaux cette excroissance charnue, pour donner à l'enfant la facilité de teter. Dans d'autres cas il s'est contenté de faire dégorger cette excroissance au moyen de quelques scarifications, et le succès de ce secours l'a dispensé de faire l'extirpation. Le mémoire de M. Faure donne une méthode de contenir la langue, qui parait préférable à la fourchette ou au manche fendu de la sonde dont nous venons de parler pour l'opération du filet. Il n'y a aucun enfant dont il ait manqué d'assujettir la langue et le filet avec le pouce et l'indicateur de la main gauche introduits dans la bouche, observant de tourner la paume de la main du côté du nez de l'enfant. Ces deux doigts conduisent et gouvernent les branches des ciseaux, et règlent l'opération.

Il y a une autre disposition dans la langue de quelques enfants nouveau-nés, qui les empêche de teter, et que l'on sait avoir été funeste à plusieurs. On leur trouve la langue appliquée contre le palais, en sorte qu'on leur présente le téton sans qu'ils le saisissent. Le secours qu'il faut donner dans ce cas, est bien simple ; il suffit de passer le doigt entre le palais et la langue. Cette observation est très-importante, elle n'est écrite dans aucun auteur ; et depuis qu'elle a été communiquée à l'académie royale de Chirurgie par un chirurgien de province qui a sauvé la vie à son fils, après avoir été plusieurs jours dans la plus grande perplexité, parce que cet enfant ne pouvait pas teter, plusieurs membres de l'académie ont dit qu'ils avaient connaissance que quelques enfants avaient été la victime de cette mauvaise situation de la langue, à laquelle il est si aisé de remédier. (Y)