S. m. (Anatomie) organe de la vue, et qu'on peut regarder comme le miroir de l'âme, puisque les passions se peignent d'ordinaire dans cet organe nerveux, voisin du cerveau et abondant en esprits qui ne peuvent manquer d'y exprimer les états divers qui les agitent. Mais il ne s'agit ici que de décrire l'oeil et ses appartenances en simple anatomiste. Nous espérons de dévoiler ailleurs les merveilles du sens de la vue.

Les yeux sont situés au bas du front, un à chaque côté de la racine du nez. Ils sont composés en général de parties dures et de parties molles. Les parties dures sont les os du crâne et de la face qui forment les deux cavités coniques, comme deux entonnoirs appelés orbites. Voyez ORBITES.

Les parties molles sont de plusieurs sortes. La principale et la plus essentielle desdites parties molles, est celle qu'on nomme le globe de l'oeil. Des autres parties molles, les unes sont externes, les autres sont internes. Les externes sont les sourcils, les paupières, la caroncule lacrymale, les points lacrymaux dont il faut voir les articles en particulier. Les internes sont les muscles, la graisse, la glande lacrymale, les nerfs, les vaisseaux sanguins.

Le globe de l'oeil est de toutes les parties molles qui appartiennent à l'organe de la vue, la plus essentielle, et celle dont on est obligé de faire mention presque toutes les fois qu'on parle de ses autres parties ; ainsi nous commencerons par en faire l'exposition.

Ce globe est composé de plusieurs parties qui lui sont propres, dont les unes sont plus ou moins fermes, et représentent une espèce de coque, formée par l'assemblage et l'union de différentes couches membraneuses, appelées tuniques du globe de l'oeil. Les autres parties sont plus ou moins fluides, et renfermées dans des capsules membraneuses propres, ou dans les intervalles des autres tuniques, sous le nom d'humeurs du globe de l'oeil. On donne aussi le nom de tuniques à ces capsules.

Les tuniques du globe de l'oeil sont de trois sortes ; il y en a qui forment principalement la coque du globe ; il y en a qui sont accessoires, et ne sont attachées qu'à une portion du globe ; il y en a enfin qui sont particulièrement capsulaires, et renferment les humeurs.

Les tuniques qui forment la coque sont au nombre de trois. La plus externe et qui seule fait toute la convexité du globe, est appelée sclérotique ou cornée. La moyenne est nommée choroïde ; la troisième ou interne porte le nom de rétine. Les tuniques accessoires sont deux, la tendineuse ou albuginée, qui fait le blanc de l'oeil ; et la conjonctive. Les tuniques capsulaires sont deux ; savoir la vitrée et la crystalline.

Le globe de l'oeil formé porte en arrière une espèce de queue ou pédicule d'une grosseur médiocre, qui est la continuation du nerf optique. Il est situé environ au milieu du pavillon de l'orbite, et il est attaché à l'orbite par le nerf optique, par six muscles, par la tunique conjonctive, et enfin par les paupières. Le derrière du globe, le nerf optique et les muscles sont environnés et enveloppés d'une graisse mollasse qui occupe tout le reste du fond de l'orbite.

Les humeurs sont au nombre de trois ; savoir l'aqueuse, la vitrée et la crystalline. La première est assez proprement appelée humeur. Elle est contenue dans un espace formé par le seul intervalle de la portion antérieure des tuniques. La seconde ou l'humeur vitrée, est renfermée dans une capsule membraneuse particulière, et occupe plus que les trois quarts de la coque ou capacité du globe de l'oeil ; on la nomme humeur vitrée, parce qu'elle ressemble en quelque façon à une masse de verre fondu : elle ressemble plutôt au blanc d'un œuf frais.

L'humeur crystalline est ainsi nommée à cause de sa ressemblance avec le crystal : on l'appelle aussi simplement le crystallin. C'est plutôt une masse gommeuse qu'une humeur. Elle est lenticulaire, plus convexe à la face postérieure qu'à la face antérieure, et revêtue d'une membrane très-fine, appelée de même la membrane ou capsule crystalline.

La tunique la plus interne, la plus épaisse et la plus forte du globe de l'oeil, est la sclérotique ou cornée : elle renferme toutes les autres parties dont ce globe est composé. On la divise en deux portions ; une grande appelée cornée opaque, et une petite nommée cornée transparente, qui n'est qu'un petit segment de sphère, et situé antérieurement.

La cornée opaque est composée de plusieurs couches étroitement collées ensemble. Son tissu est fort dur et compacte, semblable à une espèce de parchemin. Elle est comme percée vers le milieu de la portion postérieure de sa convexité, où elle porte le nerf optique. Elle est fort épaisse à cet endroit, et son épaisseur diminue par degrés vers la portion opposée. Cette épaisseur est percée d'espace en espace et très-obliquement par de petits vaisseaux sanguins. Elle est encore traversée d'une manière particulière par des filets de nerfs, qui entrant dans sa convexité à quelque distance du nerf optique, se glissent dans l'épaisseur de la tunique, et percent sa concavité vers la cornée transparente.

La cornée transparente est percée d'un grand nombre de pores imperceptibles, par lesquels suinte continuellement une rosée très-fine qui s'évapore à mesure qu'elle en sort. C'est cette rosée qui produit sur les yeux des moribonds une espèce de pellicule glaireuse, qui quelquefois se fend peu de temps après.

La seconde tunique du globe de l'oeil est la choroïde. Elle est noirâtre, tirant plus ou moins sur le rouge ; elle adhere à la cornée opaque par le moyen de quantité de petits vaisseaux, depuis l'insertion du nerf optique jusqu'à l'union des deux cornées, où elle forme une cloison percée, qui sépare ce petit segment du globe d'avec le grand segment : cette portion est communément appelée uvée.

La lame externe de la choroïde est plus forte que la lame interne. Elle parait noire ou noirâtre comme l'interne, à cause de sa transparence. Elle est intérieurement abreuvée de vaisseaux nommés par Stenon vasa vorticosa, vaisseaux tournoyans. La lame interne de la choroïde est plus mince que la lame externe : elle est appelée lame Ruyschienne.

On donne particulièrement à la portion antérieure, ou cloison percée de la choroïde, le nom d'uvée, et celui de prunelle ou pupille au trou dont à-peu-près le centre de cette cloison est percé. On donne le nom d'iris à la lame antérieure de la même cloison, et enfin celui de procès ciliaires à des plis rayonnés de la lame postérieure. On découvre dans la duplicature de chaque procès ciliaire un réseau vasculaire très-fin.

L'espace qui est entre la cornée transparente et l'uvée renferme la plus grande partie de l'humeur aqueuse, et il communique par la prunelle avec un espace fort étroit qui est derrière l'uvée, ou entre l'uvée et le crystallin : on appelle ces deux espaces les chambres de l'humeur aqueuse.

La troisième tunique du globe de l'oeil est blanchâtre, mollasse, tendre, comme médullaire, ou semblable à une espèce de colle farineuse étendue sur une toîle circulaire extrêmement fine. Elle parait plus épaisse que la choroïde, et elle s'étend depuis l'insertion du nerf optique, jusqu'aux extrémités des rayons ciliaires. Elle est dans tout ce trajet également collée à la choroïde.

L'insertion du nerf optique dans le globe de l'oeil devient un peu retrecie, et sa première enveloppe est une vraie continuation de la dure-mère. Cette insertion du nerf optique dans le globe de l'oeil, est le plus souvent trouvée n'être pas directement à l'opposite de la prunelle ; de sorte que la distance de ces deux endroits n'est pas la même tout autour du globe. La plus grande de ces distances est le plus souvent du côté des tempes, et la plus petite du côté du nez.

L'humeur vitrée est une liqueur gélatineuse très-claire et très-limpide, renfermée dans une capsule membraneuse très-fine et transparente, qu'on appelle tunique vitrée, et avec laquelle elle forme une masse à-peu-près de la consistance d'un blanc d'œuf. Elle occupe la plus grande partie de la capacité du globe de l'oeil, savoir presque tout l'espace qui répond à l'étendue de la rétine, excepté un petit endroit derrière l'uvée, où elle forme une fossette dans laquelle le crystallin est logé. Cette humeur étant tirée hors du globe avec adresse, se soutient dans sa capsule pendant quelque temps en masse, à-peu-près comme le blanc d'œuf ; mais peu-à-peu elle en découle, et se perd à la fin tout à fait.

Le crystallin est un petit corps inégalement lenticulaire, d'une consistance médiocrement ferme, et d'une transparence à-peu-près semblable à celle du crystal. Je viens de dire qu'il est renfermé dans une capsule membraneuse transparente, et logée dans la fossette de la partie antérieure de l'humeur vitrée. On ne le peut compter parmi les humeurs que très-improprement, et seulement par rapport à sa grande facilité de se laisser manier, paitrir, et quelquefois même presque dissoudre par de différentes compressions réiterées entre les doigts, surtout après l'avoir tiré hors de sa capsule. La structure interne de la masse du crystallin n'est pas encore assez développée pour en parler avec assurance, surtout dans l'homme où l'on ne découvre point un certain arrangement de tuyaux crystallins entortillés en manière de pelotons, qu'on prétend avoir vus dans les yeux des grands animaux.

La couleur et la consistance du crystallin varient naturellement suivant les différents âges. C'est l'observation de M. Petit médecin, démontrée par lui-même à l'académie des Sciences, sur un grand nombre d'yeux humains, et insérée dans les Mémoires de 1726. Il est fort transparent et comme sans couleur jusque vers l'âge de 30 ans, où il commence à devenir jaunâtre, et devient ensuite de plus en plus jaune. La consistance suit à-peu-près les mêmes degrés. Il parait également mollasse jusqu'à l'âge de 25 ans, et acquiert après cela plus de consistance dans le milieu de la masse. Cela varie comme on le peut voir dans les Mémoires de l'académie des Sciences de 1727.

L'humeur aqueuse est une liqueur très-limpide, très-coulante et comme une espèce de lymphe ou sérosité très-peu visqueuse. Elle n'a point de capsule particulière comme la vitrée et le crystallin ; elle occupe et remplit l'espace qui est entre la cornée transparente et l'uvée, ainsi que l'espace qui est entre l'uvée et le crystallin, de même que le trou de la prunelle. On donne le nom de chambres de l'humeur aqueuse à ces deux espaces, et on les distingue par rapport à la situation, en chambre antérieure et en chambre postérieure.

Ces deux chambres ou capsules communes de l'humeur aqueuse diffèrent en étendue. L'antérieure qui est assez visible à tout le monde, entre la cornée transparente et l'uvée, est la plus grande des deux. La postérieure qui est cachée entre l'uvée et le crystallin est fort étroite, surtout vers la prunelle où l'uvée touche presque au crystallin. Cette proportion des deux chambres a été assez prouvée et démontrée contre l'opinion de plusieurs anciens, par MM. Heister, Morgagni et Petit.

La tunique albuginée, qu'on appelle communément le blanc de l'oeil, est principalement formée par l'expansion tendineuse de quatre muscles. Cette expansion est très-adhérente à la sclérotique, et la fait paraitre là tout à fait blanche et luisante ; au lieu qu'ailleurs elle n'est que blanchâtre et terne. Elle est très-mince vers le bord de la cornée, où elle se termine uniformément, et devient comme effacée par la cornée.

Il y a pour l'ordinaire six muscles attachés à la convexité du globe de l'oeil dans l'homme. On les divise selon leur direction en quatre droits et en deux obliques. On distingue ensuite les muscles droits selon leur situation, en supérieur, inférieur, interne, externe, et selon leurs fonctions particulières, en releveur, abaisseur, adducteur, abducteur. Les deux obliques sont nommés selon leur situation et leur étendue, l'un oblique supérieur ou grand oblique, et l'autre oblique inférieur ou petit oblique. Le grand oblique est aussi appelé trochléateur, du latin trochlea, c'est-à-dire poulie, parce qu'il passe par un petit anneau cartilagineux, comme autour d'une poulie.

Les muscles droits ne répondent pas tout à fait à leurs noms, car dans leurs places naturelles ils n'ont pas tous les quatre cette situation droite qu'on leur fait avoir hors de leurs places dans un oeil détaché ; le seul interne des quatre muscles est situé directement, la situation des trois autres est oblique. Ces divers muscles lèvent les yeux, les abaissent, les tournent vers le nez ou vers la tempe. Quand les quatre muscles droits agissent successivement les uns après les autres, ils font mouvoir la partie antérieure du globe en rond : c'est ce qu'on appelle rouler les yeux.

L'usage des muscles obliques est principalement de contrebalancer l'action des muscles droits, et de servir d'appui au globe de l'oeil dans tous ses mouvements.

Les paupières sont une espèce de voiles ou rideaux, placés transversalement au-dessus et au-dessous de la convexité antérieure du globe de l'oeil. Il y a deux paupières à chaque oeil, une supérieure et une inférieure. La paupière supérieure est la plus grande, et la plus mobîle des deux dans l'homme. La paupière inférieure est la plus petite, et la moins mobîle des deux. Les deux paupières de chaque oeil s'unissent sur les deux côtés du globe. On donne aux endroits de leur union le nom d'angles, et on appelle angle interne ou grand angle, celui qui est du côté du nez, et angle externe ou petit angle, celui qui est du côté des tempes.

Les paupières sont composées de parties communes et de parties propres. Les parties communes sont la peau, l'épiderme, la membrane cellulaire ou adipeuse. Les parties propres sont les muscles, les tarses, les cils, les points ou trous ciliaires, les points ou trous lacrymaux, la caroncule lacrymale, la membrane conjonctive, la glande lacrymale, et enfin les ligaments particuliers qui soutiennent les tarses. De toutes ces parties des paupières les tarses et leurs ligaments en sont comme la base. Voyez tous ces mots.

La membrane conjonctive est mise dans l'histoire des tuniques du globe de l'oeil. C'est une membrane très-mince, dont une portion couvre la surface interne des paupières, ou pour m'exprimer plus précisément, la surface interne des tarses et de leurs ligaments larges. Elle se replie vers le bord de l'orbite, et par l'autre portion se continue sur la moitié antérieure du globe de l'oeil, où elle est adhérente à la tunique albuginée ; ainsi ce n'est qu'une même membrane repliée qui revêt les paupières et le devant du globe de l'oeil. Dans l'endroit qui tapisse les paupières, elle est parsemée de vaisseaux capillaires sanguins, et est percée de quantité de pores imperceptibles dont il transsude continuellement une sérosité.

La conjonctive de l'oeil n'est adhérente que par un tissu cellulaire qui la rend lâche et comme mobile. Elle est blanchâtre et forme avec la tunique albuginée ce qu'on appelle le blanc de l'oeil. La plupart des vaisseaux dont elle est parsemée en grande quantité, ne contiennent dans leur état naturel que la portion séreuse du sang, et par conséquent ne sont visibles que par des injections anatomiques, des inflammations, des obstructions, etc.

La glande lacrymale est blanchâtre et du nombre de celles qu'on appelle glandes conglomerées. Elle est située sous l'enfoncement qu'on voit dans la voute de l'orbite vers le côté des tempes, et latéralement au-dessus du globe de l'oeil. Elle est fort adhérente à la graisse qui environne les muscles, et la convexité postérieure de l'oeil ; on la nommait autrefois glande innominée.

Vers l'angle interne de l'oeil ou l'angle nasal, est une espèce de mamelon percé obliquement d'un petit trou dans l'épaisseur du bord de chaque paupière ; ces deux petits trous sont assez visibles, et se nomment communément points lacrymaux. Ce sont les orifices des deux petits conduits qui vont s'ouvrir par-delà l'angle de l'oeil dans un réservoir particulier, appelé sac lacrymal.

La caroncule lacrymale est une petite masse rougeâtre, grenue et oblongue, située précisément entre l'angle interne des paupières et le globe de l'oeil. Elle parait toute glanduleuse étant vue par un microscope simple. On y découvre quantité de petits poils fins, qui paraissent enduits d'une matière huileuse plus ou moins jaune.

Les vaisseaux sanguins qui se distribuent d'une manière merveilleuse dans les parties internes de l'oeil, comme Hovius et Ruysch l'ont démontré, sont des branches d'artères qui procedent des carotides internes et externes, et dont un grand nombre deviennent enfin artères lymphatiques. Les veines répondent à-peu-près aux artères ; les unes se rendent au sinus de la dure-mère, et les autres aux veines jugulaires externes.

Les nerfs de l'oeil et de ses appartenances sont en très-grand nombre. 1°. les nerfs optiques forment la rétine. 2°. la troisième paire se rend aux muscles releveur, abaisseur, adducteur, oblique inférieur. 3°. le nerf pathétique se jette dans l'oblique supérieur. 4°. la cinquième paire Ve aux membranes de l'oeil, à la glande lacrymale, au sac lacrymal, aux paupières, etc. 5°. Un rameau de la sixième paire se rend au muscle abducteur.

Telle est la description anatomique, fort abrégée de l'oeil : on a taché de la démontrer en sculpture. Un médecin sicilien, nommé Mastiani, l'a assez heureusement executée, par deux pièces en bois de grandeur double de l'oeil ; elles sont dans le cabinet du Roi, et M. Daubenton en a donné la description et les figures. Ces deux pièces peuvent s'emboiter ensemble, pour montrer le rapport que les parties charnues de l'oeil ont avec les parties osseuses de l'orbite ; cependant toutes ces sortes d'imitations sont toujours très-imparfaites et très-grossières.

Le jeu de la nature le plus rare, est un sujet qui vient au monde sans yeux. Je n'en connais qu'un seul exemple, rapporté dans l'histoire de l'acad. des Sciences, année 1721. C'était un jeune garçon, né en province, sans cet organe, ni nulle apparence de cet organe. Les deux orbites, au rapport du chirurgien qui l'examina, étaient creuses ; les paupières étaient sans séparation, et par plusieurs plis qu'elles faisaient, elles couvraient un petit trou au grand coin de l'oeil.

Indiquons à-présent les usages de cet organe, et de ses appartenances.

La glande lacrymale humecte continuellement le devant du globe. Le clignotement de la paupière supérieure étend la sérosité lacrymale, d'autant mieux qu'elle est comme légérement veloutée intérieurement. La rencontre des deux paupières dirige cette sérosité vers les points lacrymaux. L'onctuosité des trous ciliaires l'empêche de s'échapper entre les deux paupières. La caroncule, par sa masse et par son onctuosité, l'empêche de passer par-dessus les points lacrymaux, et l'oblige pour ainsi dire d'y couler.

Les sourcils peuvent détourner un peu la sueur de tomber sur l'oeil. Les cils supérieurs plus longs que les inférieurs, peuvent aussi avoir cet usage. Ils peuvent encore de même que les cils inférieurs, empêcher la poussière, les insectes, etc. d'entrer dans les yeux pendant qu'on les tient seulement entr'ouverts.

Pour ce qui regarde l'oeil en particulier, les parties transparentes du globe modifient par différentes réfractions les rayons de la lumière. La rétine et la choroïde en reçoivent les impressions. Le nerf optique porte ces impressions au cerveau. La prunelle se dilate dans l'éloignement des objets et dans l'obscurité ; elle se rétrecit dans la proximité des objets et dans la clarté.

Outre que l'oeil reçoit l'impression des images, on doit le regarder comme un instrument d'optique qui donne à ces images les conditions nécessaires à une sensation parfaite. Cette double fonction est distribuée aux différentes parties de cet organe : en un mot tout le corps de l'oeil est une espèce de lorgnette qui transmet nettement les images jusqu'à son fond.

Mais pour se former une idée de la structure de l'oeil, et du mécanisme de la vision, on peut employer l'exemple de la chambre obscure dont l'oeil est une espèce.

Fermez une chambre de façon qu'elle soit totalement privée de lumière ; faites un trou au volet d'une des fenêtres ; mettez vis-à-vis de ce trou, à plusieurs pieds de distance, une toîle ou un carton blanc, et vous verrez avec étonnement que tous les objets de dehors viendront se peindre sur ce carton, avec les couleurs les plus vives et les plus naturelles, dans un sens renversé : par exemple, si c'est un homme on le voit la tête en-bas. Quand on veut rendre ces images encore plus nettes et plus vives, on met au trou de la fenêtre, une loupe, une lentille qui en rassemblant les rayons, fait une image plus petite et plus précise.

Vous pouvez faire les mêmes expériences avec une simple boète noircie en-dedans, et à l'entrée de laquelle vous ajouterez un tuyau et une lentille ; vous aurez de plus ici la commodité de pouvoir dessiner ces images à la transparence, en fermant le derrière de la boète où tombera l'image, avec un papier huilé ou un verre mat ; ou bien en plaçant dans la boète un miroir incliné qui réfléchira l'image contre la paroi supérieure, où vous aurez placé un châssis de verre. Il ne manque à cette boète pour être un oeil artificiel quant à la simple optique, que d'avoir la figure d'un globe, et que la lentille soit placée au-dedans de ce globe.

Enfin l'oeil n'est pas seulement l'organe du sens si précieux que nous nommons la vue, il est lui-même le sens de l'esprit et la langue de l'intelligence. Nos pensées, nos réflexions, nos agitations secrètes se peignent dans les yeux, on y pouvait encore lire dans un âge avancé l'histoire de mademoiselle Lenclos, à ce que prétendait l'abbé Fraguier. Il est dumoins certain que l'oeil appartient à l'âme plus qu'aucun autre organe, il en exprime, dit un physicien de beaucoup d'esprit, les passions les plus vives, et les émotions les plus tumultueuses, comme les mouvements les plus doux et les sentiments les plus délicats ; il les rend dans toute leur force, dans toute leur pureté, tels qu'ils viennent de naître ; il les transmet par des traits rapides qui portent dans une autre âme, ce feu, l'action, l'image de celle dont ils partent. L'oeil reçoit et réfléchit en même temps la lumière de la pensée et la chaleur du sentiment.

O miros oculos, animae lampades,

Et quâdam propriâ notâ loquaces,

Illic sunt sensus, hic Venus, et Amor !

De plus (dit le même physicien dont je viens de parler, l'auteur de l'histoire naturelle de l'homme), la vivacité ou la langueur du mouvement des yeux fait un des principaux caractères de la physionomie, et leur couleur contribue à rendre ce caractère plus marqué. Voici les autres observations de M. de Buffon.

" Les différentes couleurs des yeux sont l'orangé foncé, le jaune, le verd, le bleu, le gris et le gris mêlé de blanc ; la substance de l'iris est veloutée et disposée par filets et par flocons ; les filets sont dirigés vers le milieu de la prunelle comme des rayons qui tendent à un centre, les flocons remplissent les intervalles qui sont entre les filets, et quelquefois les uns et les autres sont disposés d'une manière si régulière, que le hasard a fait trouver dans les yeux de quelques personnes des figures qui semblaient avoir été copiées sur des modèles connus. Ces filets et ces flocons tiennent les uns aux autres par des ramifications très-fines et très-déliées ; aussi la couleur n'est pas si sensible dans ces ramifications, que dans le corps des filets et des flocons qui paraissent toujours être d'une teinte plus foncée.

Les couleurs les plus ordinaires dans les yeux sont l'orangé et le bleu, et le plus souvent ces couleurs se trouvent dans le même oeil. Les yeux que l'on croit être noirs, ne sont que d'un jaune brun ou d'orangé foncé ; il ne faut, pour s'en assurer, que les regarder de près, car lorsqu'on les voit à quelque distance, ou lorsqu'ils sont tournés à contre-jour, ils paraissent noirs, parce que la couleur jaune-brune tranche si fort sur le blanc de l'oeil, qu'on la juge noire par l'opposition du blanc. Les yeux qui sont d'un jaune moins brun, passent aussi pour des yeux noirs, mais on ne les trouve pas si beaux que les autres, parce que cette couleur tranche moins sur le blanc ; il y a aussi des yeux jaunes et jaune-clairs, ceux-ci ne paraissent pas noirs, parce que ces couleurs ne sont pas assez foncées pour disparaitre dans l'ombre.

On voit très-communément dans le même oeil des nuances d'orangé, de jaune, de gris et de bleu ; dès qu'il y a du bleu, quelque léger qu'il sait, il devient la couleur dominante ; cette couleur parait par filets dans toute l'étendue de l'iris, et l'orangé est par flocons autour, et à quelque petite distance de la prunelle. Le bleu efface si fort cette couleur que l'oeil parait tout bleu, et on ne s'aperçoit du mélange de l'orangé qu'en le regardant de près.

Les plus beaux yeux sont ceux qui paraissent noirs ou bleus, la vivacité et le feu qui font le principal caractère des yeux, éclatent davantage dans les couleurs foncées, que dans les demi-teintes de couleurs. Les yeux noirs ont donc plus de force d'expression et plus de vivacité, mais il y a plus de douceur, et peut-être plus de finesse dans les yeux bleus : on voit dans les premiers un feu qui brille uniformément, parce que le fond qui nous parait de couleur uniforme, renvoie par-tout les mêmes reflets, mais on distingue des modifications dans la lumière qui anime les yeux bleus, parce qu'il y a plusieurs teintes de couleur qui produisent des reflets.

Il y a des yeux qui se font remarquer sans avoir, pour ainsi dire, de couleur, ils paraissent composés différemment des autres, l'iris n'a que des nuances de bleu ou de gris, si faibles qu'elles sont presque blanches dans quelques endroits ; les nuances d'orangé qui s'y rencontrent, sont si légères qu'on les distingue à peine du gris et du blanc, malgré le contraste de ces couleurs ; le noir de la prunelle est alors trop marqué, parce que la couleur de l'iris n'est pas assez foncée ; on ne voit, pour ainsi dire, que la prunelle isolée au milieu de l'oeil ; ces yeux ne disent rien, et le regard parait être fixe ou effacé.

Il y a aussi des yeux dont la couleur de l'iris tire sur le verd ; cette couleur est plus rare que le bleu, le gris, le jaune et le jaune-brun ; il se trouve aussi des personnes dont les deux yeux ne sont pas de la même couleur. Cette variété qui se trouve dans la couleur des yeux est particulière à l'espèce humaine, à celle du cheval, etc. Dans la plupart des autres espèces d'animaux, la couleur des yeux de tous les individus est la même ; les yeux des bœufs sont bruns, ceux des moutons sont couleur d'eau, ceux des chèvres sont gris, etc. Aristote, qui fait cette remarque, prétend que dans les hommes les yeux gris sont les meilleurs, que les bleus sont les plus faibles, que ceux qui sont avancés hors de l'orbite ne voient pas d'aussi loin que ceux qui y sont enfoncés, que les yeux bruns ne voient pas si bien que les autres dans l'obscurité " La remarque d'Aristote est en partie vraie et en partie fausse. (D.J.)

OEIL, humeurs de l ', (Physiologie) voyez OEIL et HUMEURS DE L'OEIL. Je ne vais répondre ici qu'à une seule question. On demande si les humeurs de l'oeil se régénèrent : Hovius le prétend, et a fait un traité pour le prouver. Il est certain que l'humeur aqueuse se dissipe, s'évapore, et que cette évaporation est réparée, mais ce fait n'est pas de la même certitude par rapport aux autres humeurs. Il est pourtant vrai que le même mécanisme parait nécessaire pour les entretenir dans le même éclat et la même transparence. C'est Nuck qui a le premier aperçu et indiqué la manière dont la perte accidentelle de l'humeur aqueuse se répare. Il découvrit un canal particulier qui part de l'artère carotide interne, et qui, après avoir serpenté le long de la sclérotique, passe à-travers la cornée aux environs de la prunelle, se disperse en plusieurs branches autour de l'iris, s'y insere, et répare l'humeur aqueuse. Stenon a Ve le premier les canaux qui portent l'humidité qui arrose l'oeil et qui en facilitent les mouvements. (D.J.)

OEIL DES ANIMAUX, (Anatomie) il se trouve de la diversité dans les yeux des animaux à l'égard de leur couverture. Ceux qui ont les yeux durs comme les écrevisses n'ont point de paupières, non plus que la plupart des poissons, parce qu'ils n'en ont pas besoin.

Le mouvement des yeux est encore très-différent dans les différents animaux ; car ceux qui ont les yeux fort éloignés l'un de l'autre et placés aux côtés de la tête, comme les oiseaux, les poissons, les serpens, ne tournent que très-peu les yeux : au contraire ceux qui, comme l'homme, les ont devant, les tournent beaucoup davantage, et ils peuvent, sans remuer la tête, voir les choses qui sont à côté d'eux en y tournant les yeux. Cependant quoique le caméléon ait les yeux placés aux côtés de la tête, de même que les oiseaux, il ne laisse pas de les tourner de tous les côtés avec un mouvement plus manifeste qu'en aucun autre animal ; et ce qui est de plus particulier, c'est que contre l'ordinaire de tous les animaux qui tournent nécessairement les yeux d'un même côté, les tenant toujours à une même distance ; le caméléon les tourne d'une telle manière, qu'en même-temps il regarde devant et derrière lui, et lorsqu'un oeil est levé vers le ciel, l'autre est baissé vers la terre. L'extrême défiance de cet animal peut être cause de cette action, de laquelle le lièvre, animal aussi fort timide, a quelque chose, mais elle n'est pas remarquable comme dans le caméléon.

La figure du crystallin est différente dans les animaux. On remarque qu'elle est toujours sphérique aux poissons, et lenticulaire aux autres animaux ; cette différence vient de la différente nature du milieu de leur vue ; car à l'égard des poissons, tout ce qui sert de milieu à leur vue depuis l'objet jusqu'au crystallin est aqueux, savoir l'eau dans laquelle ils sont, et l'humeur aqueuse de l'oeil qui est au-devant du crystallin. Mais dans les autres animaux, ce milieu est composé de l'air et de l'eau de leur oeil, laquelle commence la réfraction que le crystallin acheve avec l'humeur vitrée : c'est pourquoi il a fallu que le crystallin des poissons fût sphérique, ayant besoin d'une réfraction plus forte, puisqu'il doit suppléer celle qui se fait aux autres animaux dans l'humeur aqueuse ; elle n'est pas capable de faire de réfraction dans les poissons, parce qu'elle est de même nature que celle du milieu. C'est aussi par cette raison que dans les animaux qui vont dans l'eau et sur la terre, comme le veau marin, le cormoran, et les autres poissons qui plongent, le crystallin a une figure moyenne entre la sphérique et la lenticulaire.

La couleur des yeux est toujours pareille aux animaux, chacun de leur espèce ; elle ne se trouve différente que dans l'homme et dans le cheval ; dans quelques-uns de ces animaux, la couleur brune, qui est ordinaire à leur espèce, se trouve bleue, mais la diversité des couleurs dans l'oeil de l'homme est bien grande, car ils sont noirs, roux, gris, bleus, verts, selon les pays, les âges, les tempéraments. Les passions même ont le pouvoir de les changer, et souvent le gris terne qu'ils ont dans la tristesse se change à un beau bleu ou un brun vif dans la joie.

L'ouverture des paupières est tantôt plus, tantôt moins ronde dans des animaux différents : elle est plus parfaitement ronde dans la plupart des poissons ; aux autres animaux, elle forme des angles qui sont presque d'une même hauteur, et comme dans une même ligne à l'homme et à l'autruche : aux autres animaux, les coins de vers le nez sont beaucoup plus bas, mais principalement dans le cormoran, dont les yeux ont une obliquitté extraordinaire.

Dans l'oeil de l'homme, les paupières laissent voir plus de blanc qu'en aucun autre animal. Il y en a, comme le caméléon, qui n'en laissent jamais rien voir du tout, à cause que la paupière unique qu'il a et qui couvre presque tout son oeil, lui est tellement adhérente, qu'elle suit toujours son mouvement.

Le poisson appelé l'ange, a l'oeil fait avec une mécanique particulière, et très-propre à rendre ses mouvements extraordinairement prompts : elle consiste en ce que l'oeil est articulé sur un genou qui est un long stylet osseux qui pose par un bout sur le fond de l'orbite, et par l'autre élargi et aplati soutient le fond du globe de l'oeil, qui est osseux en cet endroit. L'effet de cette articulation est que l'oeil étant ainsi affermi, il arrive que pour peu qu'un des muscles tire d'un côté, il y fait tourner l'oeil bien plus promptement étant posé sur le stylet qui n'obéit point, que s'il était posé sur des membranes et sur de la graisse, comme à tous les autres animaux.

Il faut à present dire un mot de l'oeil des oiseaux en particulier.

Dans l'homme et les animaux à quatre pieds, le muscle qu'on nomme le grand oblique, passe, comme on sait, par un cartilage, qu'on appelle trochlée, qui lui sert de poulie. Mais M. Petit n'a jamais trouvé ce cartilage dans aucun des oiseaux et des poissons qu'il a disséqués. Il faut encore remarquer que dans les oiseaux le petit oblique ou l'oblique inférieur est plus long, plus large et plus épais que le grand oblique, ce qui n'est pas de même dans l'homme et les animaux à quatre pieds.

On ne peut apercevoir de mouvement dans le globe de l'oeil des oiseaux. Le même M. Petit a fait passer et repasser des objets devant leurs yeux, il les a touchés avec un stylet, ces moyens n'ont produit aucun effet ; il n'a Ve de mouvement que dans les paupières, et n'a remarqué aucune fibre charnue que dans la paupière inférieure. Il croyait d'abord que le nerf optique étant très-court dans les oiseaux, ne pouvait se prêter au mouvement de l'oeil, mais ayant appuyé le doigt sur le bord externe de la sclérotique, le globe de l'oeil a roulé avec facilité dans tous les endroits du contour où il appuyait le doigt.

Les oiseaux sont doués d'une excellente vue, à cause que leur vol les éloigne ordinairement des objets qu'ils ont intérêt de connaître. Mais en outre, ils ont sous les paupières une membrane attachée à côté du crystallin, et qui est encore plus noire que l'uvée. Cette membrane est de figure rhomboïde et non pas triangulaire, comme MM. Perrault, de la Hire et Hovius l'ont cru ; elle n'a aucune cavité, elle est formée par des fibres parallèles qui tirent leur origine du nerf optique et de la choroïde. La demoiselle de Numidie (qui est, je crois, le célèbre Otus des anciens) n'a point cette membrane clignante, mais elle a l'uvée d'une noirceur extraordinaire.

Cette membrane clignante (en latin periophtalmium) des oiseaux et de quelques quadrupedes sert à nettoyer la cornée qui pourrait perdre sa faculté transparente en se séchant. Il faut savoir que dans les oiseaux le canal lacrymal pénètre jusques à la moitié de la paupière interne, et est ouvert pardessous au-dessus de l'oeil pour humecter la cornée, ce qui arrive lorsque cette paupière passe et repasse sur elle. L'artifice dont la nature se sert pour étendre et retirer cette membrane clignante, a été expliqué fort au - long dans le Recueil de l'académie des Sciences, année 1693. J'y renvoye le lecteur, ainsi que, pour le crystallin des oiseaux, au mémoire de M. Petit, qui se trouve dans le Recueil de la même académie, année 1730.

La structure de l'oeil des oiseaux et des poissons est proportionnée aux différents milieux où ils vivent, et les met en état de se prêter aux convergences et divergences des rayons qui en résultent. La choroïde dans les oiseaux a un certain ouvrage dentelé placé sur le nerf optique. La partie antérieure de la sclérotique est dure comme de la corne ; la postérieure est mince et fléxible, avec des cordelettes, par le moyen desquelles la cornée et la partie postérieure se conforment à tout le globe de l'oeil.

Le grand but de tout cet appareil est vraisemblablement, 1° afin que les oiseaux puissent voir à toutes sortes de distances, de près aussi-bien que de loin ; 2°. pour les disposer à conformer leurs yeux aux différentes réfractions du milieu où ils sont, car l'air varie dans ses réfractions, selon qu'il est plus ou moins rare, plus ou moins comprimé, comme Hawksbée l'a prouvé par ses expériences. (D.J.)

OEIL POSTICHE, (Chirurgie) on a inventé les yeux postiches ou artificiels, pour cacher la difformité que cause la perte des véritables. On les fait aujourd'hui avec des lames d'or, d'argent ou de verre, qu'on émaille de manière qu'ils imitent parfaitement les yeux naturels. Ils tiennent d'autant mieux dans les orbites qu'ils égalent davantage le volume de ceux qu'on a perdus. Il est bon de les nettoyer souvent, pour empêcher que les ordures qui s'y attachent ne les fassent reconnaître, et même d'en avoir plusieurs pour remplacer ceux qui peuvent se perdre, se rompre ou s'altérer. Le malade doit les ôter lorsqu'il Ve se coucher, les nettoyer et les remettre le matin à son lever. Mais pour qu'on puisse les ôter et les remettre sans que rien ne paraisse, il faut que le chirurgien qui fait l'opération, retranche autant de l'oeil malade qu'il est nécessaire pour faire place à l'artificiel.

L'oeil postiche exécute d'autant mieux les mouvements que lui impriment les muscles qui restent, qu'il est mieux adapté aux paupières. C'est ce qui fait qu'on ne doit retrancher de l'oeil malade que ce qu'il y a d'absolument superflu, à-moins qu'un skirrhe ou un cancer n'oblige à l'extirper totalement ; et dans ce cas, l'oeil artificiel n'a d'autre mouvement que celui qu'il reçoit des paupières.

On remarque qu'un oeil artificiel irrite souvent les parties, et occasionne des inflammations, des fluxions et autres maladies semblables, surtout lorsqu'il est mal fait, de manière qu'il enflamme et affoiblit quelquefois celui qui est sain. Dans ce cas, le malade doit en chercher un autre qui lui convienne mieux, ou même s'en passer tout à fait, plutôt que de s'exposer à perdre l'oeil qui lui reste. Voyez plus bas OEIL ARTIFICIEL. Heister. (D.J.)

OEIL, maladies de cet organe, il n'y a point de partie dans le corps humain sujette à autant de maladies que l'oeil. La structure particulière de cet organe, et la nature des parties tant solides que fluides qui le composent, peuvent être viciées de différentes manières qui n'ont que des rapports éloignés, avec les affections contre nature des autres parties du corps. Quoiqu'on soit peu propre à traiter méthodiquement les maladies de l'oeil lorsqu'on n'a point les connaissances lumineuses qui doivent conduire dans le traitement de toutes les maladies, comme nous l'avons observé au mot OCULISTE ; il faut néanmoins convenir que la pathologie des yeux mérite une attention spéciale, et que les méthodes curatives doivent être dirigées sur les principes particuliers que fournit l'étiologie particulière de chaque maladie.

Les parties extérieures de l'oeil qui ne constituent pas le globe, ont leurs maladies connues assez souvent sous différents noms qui leur sont propres. Les paupières sont sujettes à des fluxions et inflammations, comme toutes les autres parties du corps. Elles peuvent être réunies par vice de conformation ou accidentellement contre l'ordre naturel. Les paupières sont éraillées par la section ou l'érosion de leur commissure. Voyez ECTROPION et LAGOPHTHALMIE. Les cils éprouvent la chute et le dérangement. Quand ils entrent dans l'oeil et en piquent le globe, cette maladie se nomme trichiase, voyez ce mot. Quelquefois il y en a un double rang. Il survient des ulcères prurigineux le long des bords des paupières. Voyez PSOROPHTHALMIE. Les paupières peuvent être attaquées de varices, de verrues, de cancers qu'il faut extirper, de tumeurs enkystées, de concrétions lymphatiques dures comme des pierres. Voyez ORGEOLET, etc. L'abscès du grand angle de l'oeil est une maladie particulière, voyez ANCHILOPS. Les larmes retenues par l'obstruction du conduit nasal causent une tumeur au grand angle, qui finit par s'ulcerer, voyez AEGILOPS, et produire une fistule lacrymale. Voyez ce mot à l'article FISTULE. Il survient au grand angle de l'oeil des excraissances. Voyez ENCANTHIS.

Les graisses qui entourent le globe de l'oeil et qui remplissent le vide qu'il laisse dans l'orbite, sont susceptibles d'un engorgement qui chasse l'oeil sur la joue. Voyez EXOPHTHALMIE ; maladie qu'on a confondue souvent avec la dilatation du globe. Voyez HYDROPHTHALMIE.

Les muscles de l'oeil et les nerfs dont ils tirent la puissance motrice, ont leurs maladies particulières. Ces organes sont affectés dans les yeux louches. Voyez STRABISME.

La conjonctive est fort souvent attaquée d'inflammation. Voyez OPHTHALMIE. Dans les ophtalmies invétérées, les vaisseaux restent variqueux. Voyez VARICES. Cette membrane est sujette au gonflement oedémateux. Voyez OEDEMATEUX. Il y survient des ulcères. Voyez STAPHYLOME.

La cornée perd sa transparence par des pustules, des cicatrices, des engorgements lymphatiques. Voyez TAYE, LEUCOMA, ALBUGO. La cornée s'abscède. Voyez HYPOPYON. Les ulcères restent fistuleux, il se forme sur la cornée une excroissance charnue. Voyez ONGLE et PTERYGION.

Le globe de l'oeil peut être blessé et ouvert par des instruments piquans, tranchants et contondants. Voyez PLAIES DES YEUX à l'article PLAIE. Il augmente de volume par la plénitude excessive que cause la surabondance des humeurs qu'il contient. Voyez HYDROPHTHALMIE. Il souffre atrophie et diminution, le nerf optique devient paralytique. Voyez GOUTTE SEREINE. La prunelle se dilate par cette cause, ou par le gonflement du corps vitré, ce qu'il ne faut pas confondre : le corps vitré perd sa transparence, voyez GLAUCOME, et le crystallin devient opaque, voyez CATARACTE, et la nouvelle méthode de guérir cette maladie par l'extraction du cristallin, au mot EXTRACTION. La totalité du globe de l'oeil forme quelquefois un cancer, maladie qui requiert absolument l'extirpation complete de cet organe : cette opération, dont les auteurs ont parlé trop superficiellement jusqu'ici, fera le sujet de l'article qui suit. (Y)

OEIL, extirpation de l'oeil, opération de chirurgie. Les auteurs dogmatiques qui se sont acquis la plus grande réputation sur les maladies de l'oeil, sont en défaut sur l'exposition des cas qui exigent l'extirpation. On ne doit pas la tenter dans l'exophtalmie qui vient de cause interne, ni même, dans ce qu'on appelle l'oeil hors de la tête, à l'occasion de coups reçus sur l'orbite, à moins que la nécessité de l'extirpation ne soit bien expressément marquée. Covillard, dans ses observations jatro-chirurgiques, dit s'être opposé à ce qu'un chirurgien coupât avec des ciseaux l'oeil pendant sur la joue, séparé de l'orbite par un coup de bâton de raquette ; et qu'ayant remis l'oeil à sa place le plus proprement et promptement qu'il lui fut possible, il continua ses soins et guérit le blessé, sans aucune altération ou diminution de la vue.

Un fait aussi intéressant dans la chirurgie des yeux, mériterait d'être examiné avec une scrupuleuse attention. Antoine Maitre-Jan ne craint point de dire qu'il est faux et exagéré. Ses raisonnements ne peuvent prévaloir contre l'expérience. Lamzwerde, médecin de Cologne, rapporte un cas semblable. Spigélius, ce fameux anatomiste, qu'on ne soupçonne pas de s'être laissé tromper par les apparences, voulant prouver que les nerfs sont des parties lâches, susceptibles d'être fort étendues, prend le nerf optique pour exemple, et donne le récit d'une blessure faite à un enfant par un coup de pierre, qui lui avait fait sortir l'oeil de l'orbite, au point qu'il pendait jusqu'au milieu du nez. Un habîle chirurgien prit soin de cet enfant ; l'oeil se rétablit peu-à-peu, et si bien, qu'il n'en est resté aucune difformité. Guillemeau admet la possibilité de la réduction de l'oeil qui a été poussé hors de l'orbite par une cause violente.

On sent assez que ces principes doivent paraitre absurdes à ceux qui prendraient le terme de réduction à la lettre, comme si la chute de l'oeil était simplement une maladie par situation viciée, pour me servir de l'expression des anciens pathologistes, et qu'on parlât de le remettre comme on réduit une luxation. Il est néanmoins certain que les anciens replaçaient l'oeil, et comptaient beaucoup sur une compression violente par le moyen d'un bandage convenable pour le soutenir et favoriser sa réunion.

Ceux qui, à l'exemple de Maitre-Jan, n'admettent dans ces faits que ce qu'ils y entrevaient de vraisemblable, auraient peut-être moins douté des principales circonstances qu'on y détaille, s'ils eussent connu bien précisément la disposition relative de l'oeil et de l'orbite dans l'état naturel. Le plan du bord de chaque orbite est oblique, et se trouve plus reculé, ou plus en arrière vers la tempe que vers le nez. Le globe de l'oeil est fixé du côté du nez, et déborde antérieurement le plan de l'orbite. Il est donc manifeste, par la seule inspection, que le globe de l'oeil dans l'état naturel, est en partie hors de l'orbite. Si l'on considère ensuite que le nerf optique est fort lâche, pour suivre avec aisance tous les mouvements que le globe fait autour de son centre par l'action de ses différents muscles, on n'aura pas de peine à concevoir, qu'au moindre gonflement, l'oeil ne puisse saillir d'une manière extraordinaire, et qu'il ne faut pas un si grand désordre qu'on pourrait se l'imaginer, pour le faire paraitre tout à fait hors de l'orbite, sans que le nerf optique soit rompu ou déchiré. Il y aurait donc une grande impéritie de se décider trop précipitamment à faire l'extirpation du globe de l'oeil dans le cas où on le croit tout à fait détaché de l'orbite, et comme pendant sur la joue.

Le cancer de l'oeil est une maladie très-formidable par sa nature, et par la difficulté d'user des secours applicables en toute autre partie. De grands chirurgiens ont surmonté ces obstacles ; ils nous ont laissé dans leurs ouvrages, les exemples de leur savoir et de leur habileté dans ces cas épineux. Je vais exposer la doctrine des autres sur l'extirpation de l'oeil, en suivant l'ordre des temps. C'est surtout dans un Dictionnaire encyclopédique qu'on doit placer l'histoire des arts : elle est toujours intéressante ; par elle on rassemble les traits de lumière qui ont éclairé chaque âge, et l'on dissipe les ténèbres, qui, de temps à autre, ont obscurci les meilleures idées. On n'est pas obligé de remonter fort loin pour trouver les premières notions de l'opération dont il s'agit ; et contre la marche naturelle des arts et des sciences qui vont ordinairement d'un pas plus ou moins rapide vers leur perfection, on voit que ceux à qui nous sommes redevables des premiers détails, ont travaillé plus utilement qu'aucun de leurs successeurs. De-là la nécessité d'étudier les anciens, et de ne pas ignorer leurs découvertes et leurs observations.

C'est dans un traité allemand sur les maladies des yeux, publié à Dresde en 1583, par George Bartisch, qu'on trouve la première époque de la pratique d'extirper l'oeil. L'auteur a orné son ouvrage de beaucoup de figures, et y a fait représenter plusieurs maladies qui exigent cette opération. Il propose un instrument en forme de cuillier, tranchante à son bec, pour cerner l'oeil, et le tirer de l'orbite. Treize ans après la publication de cet ouvrage, Fabrice de Hildan eut occasion d'extirper un oeil ; il fit construire l'instrument de Bartisch, et en fit l'essai sur deux animaux. Il reconnut que son usage était incommode et dangereux ; qu'il était trop large pour pouvoir être porté jusque dans le fond de l'orbite, et y couper le nerf optique, avec les muscles qui y sont implantés : qu'ainsi il faudrait laisser la moitié du mal, ou fracturer les parois de l'orbite, en poussant l'instrument avec violence dans le fond de cette cavité, pour l'extirpation radicale. Fabrice de Hildan imagina un autre instrument, dont il s'est servi avec grand succès. C'est un bistouri, mousse à son extrémité comme le couteau lenticulaire, de crainte d'offenser les parois de l'orbite. Le tranchant est en-dedans ; la tige qui le porte est un peu courbe, ni plus ni moins, dit l'auteur, que sont les couteaux dont on se sert pour creuser les cuillières de bois. Il en avait fait le modèle en plomb, en prenant les dimensions nécessaires sur une tête de squelete.

Pour se servir de cet instrument, après avoir mis le malade en situation sur une chaise, Fabrice de Hildan prit tout ce qu'il put saisir de l'excroissance cancereuse de l'oeil dans une bourse de cuir, dont les cordons furent serrés sur la tumeur, afin de pouvoir la tirer un peu en-dehors, et faciliter l'opération. Cette méthode est préférable aux anses de fil, qu'on forme par deux points d'aiguille donnés crucialement, parce que les humeurs contenues dans la tumeur qu'on veut extirper, venant à s'écouler, les membranes s'affaissaient, la tumeur devient flasque, et l'opération plus difficile. L'excroissance saisie dans la bourse, l'opérateur fit une incision à la conjonctive pour couper les attaches de la tumeur avec les paupières. Il porta alors dans le fond de l'orbite l'instrument que je viens de décrire, avec lequel il coupa derrière le globe de l'oeil le nerf optique et les muscles qui l'entourent, à leur origine. L'opération ne fut ni longue ni douloureuse ; et le malade pansé avec des remèdes balsamiques, fut guéri en peu de temps.

Tulpius qui n'ignorait pas le succès de cette opération, laissa mourir une fille d'un cancer à l'oeil, par l'omission de ce secours. Dans le même temps, les fastes de l'art nous montrent une autre personne qui est la victime d'une opération pratiquée d'une manière cruelle. Bartholin, dans les histoires anatomiques, fait mention d'un homme à qui on arracha l'oeil carcinomateux avec des tenailles, et qui en mourut le quatrième jour.

On lit dans la collection posthume des observations médico-chirurgicales de Job à Meckréen, qu'il a fait l'extirpation de l'oeil à Amsterdam à une fille de dix-huit ans. L'instrument qu'on a fait graver est précisément la cuillière tranchante de Bartisch. Voilà un instrument défectueux qui se trouve entre les mains d'un très-habîle homme, cent ans ou environ après avoir été inventé, quoiqu'il eut été proscrit presqu'aussi-tôt par la censure de Fabrice de Hildan ; censure que Job à Meckréen devait connaître, puisqu'il cite cet auteur en plusieurs occasions.

Bidloo rapporte quatre observations sur l'heureuse extirpation du globe de l'oeil. Il se servit d'un bistouri droit qui faisait angle avec le manche. Son procédé n'a pas été méthodique ; car il a été obligé d'employer à différentes reprises le bistouri et des ciseaux. Quoi qu'il en sait, il a guéri ses malades, et la réussite est un argument en faveur de l'opération.

Jusqu'ici nous n'avons pu citer que des étrangers. Je n'ai rien trouvé sur l'extirpation de l'oeil dans les écrits de nos compatriotes avant Lavauguyon. Ce médecin, dans un traité d'opération de chirurgie, imprimé en 1696, recommande l'extirpation de l'oeil cancereux, en se contentant de dire qu'il faut le disséquer avec une lancette. Un autre médecin, dans une pathologie de chirurgie regarde comme incurable le cancer de l'oeil ; il ne conseille que la cure palliative. Il cite l'opération pratiquée par Fabrice de Hildan, en disant qu'elle est trop délicate, pour qu'on l'entreprenne sans de grandes précautions. Un chirurgien a commenté ce texte de Verduc, et il dit qu'il faut que l'opérateur, pour entreprendre une telle affaire, y soit comme forcé par instances réitérées du malade et des assistants, à cause de l'incertitude du succès d'une cure presqu'absolument déplorée. Nous reconnaissons là le langage d'un chirurgien timide, qui n'a aucune expérience personnelle, et qui a négligé de s'instruire par celle des autres. Antoine Maitre Jan, dont le traité sur les maladies de l'oeil a joui jusqu'ici d'une estime générale, proscrit l'extirpation de l'oeil, ou plutôt il se contente de prescrire quelques remèdes palliatifs, pour éloigner autant qu'il est possible les suites funestes du cancer de l'oeil.

Parmi les auteurs français, il n'y a que Saint-Yves, qui soit entré dans quelques détails très-succincts, sur la pratique de cette opération. Il passait, au moyen d'une aiguille, une soie à-travers le globe pour le soulever pendant l'extirpation ; il ne décrit point le procédé qu'il suivait, et il se borne à dire, que les malades sont guéris en peu de temps.

Heister, attentif à recueillir toutes les méthodes qui sont venues à sa connaissance pendant quarante années d'une application continuelle, est fort court sur l'extirpation de l'oeil. En admettant la necessité de cette opération, il prétend qu'il ne faut pas d'autre instrument pour la faire, qu'un bistouri droit ordinaire. L'experience et la raison ne sont pas favorables à une assertion aussi hasardée.

On voit par cet exposé, qu'on n'a point encore de règles précises sur le manuel d'une opération, dont la necessité et l'utilité ne peuvent être équivoques. Fabrice de Hildan est le seul qui ait décrit son procedé avec quelque attention : il n'a point eu d'imitateur ; le silence, la négligence ou la timidité des auteurs modernes sur ce point sont difficiles à concevoir. La perte infaillible des malades à qui l'on ne fera point cette opération, les cures heureuses qu'on lui doit, devaient animer les praticiens à la perfectionner et à la rendre aussi simple et facîle qu'elle est avantageuse. Consulté plusieurs fois dans des cas qui exigeaient cette opération, je me suis fait une méthode que la structure de l'oeil, ses attaches et ses rapports avec les parties circonvoisines m'ont fait concevoir comme la plus convenable ; elle a eu l'approbation de l'académie royale de Chirurgie, et plusieurs personnes l'ont pratiquée depuis moi avec succès.

Il faut d'abord inciser les attaches de l'oeil avec les paupières, comme Hildanus l'a fort bien remarqué. Il ne faut pas d'instrument particulier pour cela : mais cette incision peut être faite avec plus ou moins de méthode. Inférieurement, il suffit de couper dans l'angle ou repli que font la conjonctive et la membrane interne de la paupière ; on doit penser en même-temps à l'attache fixe du muscle petit oblique, sur le bord inférieur de l'orbite du côté du grand angle : supérieurement il faut diriger la pointe de l'instrument pour couper le muscle releveur de la paupière supérieure avec la membrane qui le double ; et en faisant glisser un peu le bistouri de haut en bas du côté de l'angle interne, on coupera le tendon du grand oblique. Dès-lors l'oeil ne tient plus à la circonférence antérieure de l'orbite : il ne s'agit plus que de couper dans le fond de cette cavité le nerf optique et les muscles qui l'environnent : cela se fera d'un seul coup de ciseaux appropriés à cette section ; les lames en sont courbes du côté du plat. Il parait assez indifférent de quel côté on porte la pointe des ciseaux dans le fond de l'orbite. Dans l'état naturel, l'obliquitté du plan de l'orbite, et la situation de l'oeil près de la paroi interne, prescrivent de pénetrer dans l'orbite du côté du petit angle, en portant la concavité des lames sur la partie laterale externe du globe ; mais comme la protubérance de l'oeil et sa tumefaction contre nature ne gardent aucunes mesures, et que les végétations fongueuses se font vers les endroits où il y a naturellement le moins de résistance ; c'est le côté du petit angle qui se trouve ordinairement le plus embarrassé. Il sera donc au choix du Chirurgien d'entrer dans l'orbite avec ses ciseaux courbes, du côté qui lui paraitra le plus commode. Les muscles et le nerf optique étant coupés, les ciseaux fermés servent comme d'une curete pour soulever l'oeil en-dehors ; c'est ce que Bartisch prétendait faire avec sa cuillier tranchante. L'opération est fort simple de la façon dont je viens de la décrire ; et l'on sent assez qu'ayant pris de la main gauche l'oeil, qui tient encore par des graisses mollasses et extensibles, il faut les couper avec des ciseaux qu'on a dans la droite.

L'extirpation de l'oeil avec tout autre instrument n'est réglée par aucun précepte ; on fait abstraction de tout ordre opératoire relatif à la situation et à l'attache des parties. Au contraire, dans l'opération que je recommande, chaque mouvement de la main est dirigé par les connaissances anatomiques ; il n'y en a aucun qui n'ait un effet déterminé. L'opération se fait promptement et avec précision, chaque procedé est raisonné et Ve directement au but que l'opérateur se propose ; enfin, il y a une méthode, et l'on n'en voit point dans l'opération pratiquée avec le bistouri seulement.

Si la glande lacrymale était engorgée, il faudrait la détacher de sa fosse particulière avec la pointe des ciseaux courbes ; après que l'oeil serait extirpé, ainsi que toutes les duretés skirrheuses qui pourraient être restées dans l'orbite. Cette attention tient aux préceptes généraux de l'extirpation des tumeurs cancéreuses : les pansements doivent être dessicatifs avec des substances balsamiques, afin de réprimer les graisses qui ont grande disposition à se boursouffler, parce que rien ne les contient, et qu'il faut conserver un vide dans l'orbite pour placer un oeil artificiel. (Y)

OEIL ARTIFICIEL. La Chirurgie ne s'occupe pas seulement du rétablissement de la santé, elle détermine des moyens qui suppléent aux choses qui manquent. La connaissance de ces moyens est un point capital dans la Chirurgie, et la manière de donner des secours aux parties qui manquent naturellement ou par accident, forme une classe générale des opérations, connue sous le nom de prothèse. Voyez PROTHESE.

Le moyen dont nous parlons ici, n'est point curatif, et n'aide à aucune fonction. C'est un objet de pure décoration, sur la construction duquel le chirurgien doit donner ses conseils.

Les yeux artificiels peuvent être faits d'or, d'argent ou d'émail. Les yeux d'or ou d'argent doivent être peints ou émaillés de façon à imiter la couleur naturelle. L'inconvénient d'un oeil de métal est de gêner par son poids, et de procurer un écoulement d'humeur chassieuse fort incommode. L'oeil de verre ou d'émail est bien plus léger, et l'on n'en emploie point d'autres ; il y a des ouvriers à Paris qui les font en imitant si parfaitement les couleurs de l'oeil sain, qu'on ne s'aperçoit pas que celui qui porte un oeil artificiel, soit privé de l'un de ses yeux. Fabrice d'Aquapendente fait le même éloge des yeux de verre qu'on construisait de son temps à Venise.

L'oeil artificiel doit être différemment configuré, suivant les cas où son application est nécessaire. Lorsqu'on a perdu les humeurs de l'oeil, à l'occasion d'une plaie, ou d'un abscès qu'il a fallu ouvrir, etc. les membranes qui composent le globe sont conservées ; il reste un globe informe, une espèce de moignon qui fait les mêmes mouvements que l'oeil sain par l'action des muscles. Dans ce cas l'oeil artificiel est un hémisphère allongé, dont la partie concave s'adapte sur le moignon de l'oeil. On est bientôt habitué à porter cette machine qu'on glisse très-facilement sous les paupières ; on la porte tout le jour, et on l'ôte le soir pour la laver, et on la remet le matin. Cette précaution journalière n'est pas indispensablement nécessaire ; mais la propreté l'exige autant que l'amour-propre. L'oeil artificiel crasseux est comme un vase de porcelaine mal nettoyé ; faute de soin, les moins clairvoyans s'apercevraient de l'artifice.

Si l'on a perdu le globe de l'oeil par extirpation, la cavité de l'orbite est plus ou moins remplie d'une chair vermeille dont les bourgeons ont été fournis par les graisses qui entouraient l'oeil extirpé. Dans ce cas, l'oeil artificiel doit avoir postérieurement une surface plus ou moins convexe ; ordinairement il lui faut à-peu-près la figure d'un noyau d'abricot ; mais si les choses étaient disposées de façon que rien ne put tenir dans l'orbite, il y aurait encore une ressource pour éviter le desagrément d'être défiguré, faute de pouvoir faire usage d'un oeil artificiel. Ambraise Paré a prévu ce cas ; il fait porter l'oeil artificiel à l'extrémité d'un fil de fer aplati et couvert de ruban qui passera par-dessus l'oreille et autour de la moitié de la tête. Dans le cas où l'on aurait été obligé d'extirper les paupières cancéreuses avec l'oeil, ou en conservant l'oeil sain, on pourrait, au lieu d'une lame d'acier élastique, porter un oeil garni de paupières, ou seulement de paupières artificielles. Le besoin suggérera tous les artifices capables de réparer les difformités.

OEIL SIMPLE, terme de Chirurgie, bandage contentif pour l'oeil. Voyez MONOCULE.

OEIL DOUBLE, terme de Chirurgie, bandage contentif pour les deux yeux. Pour faire ce bandage, après avoir appliqué sur les yeux les plumaceaux, compresses et autres pièces d'appareil nécessaires, on prend une bande de quatre à cinq aunes de long roulée à deux chefs. Le plat de la bande s'applique sur le front ; on conduit le globe qui est dans chaque main à la nuque où on les croise ; on les change de main, on revient de chaque côté par-dessous l'oreille, sur la joue ; on monte obliquement croiser la bande au-dessus de la racine du nez, en changeant encore les globes de main ; on conduit la bande de chaque côté sur les parties latérales de la tête, on Ve croiser à la nuque ; on revient en devant en faisant un doloire sur la joue, et on continue pour faire comme auparavant un troisième doloire, et on finit la bande par des circulaires autour de la tête, qui affermissent et soutiennent les trous de bande qui ont passé obliquement sur les pariétaux et sur les joues pour couvrir les deux yeux. Voyez nos Pl. de Chirurgie. (Y)

OEIL DES INSECTES, L ', (Histoire naturelle des Insectes) organe de la vue des insectes. La plupart des insectes ont la faculté de voir ; leurs yeux sont de forme très-différente : les uns ont le lustre et presque toute la rondeur des perles ; les autres sont hémisphériques, comme sont ceux des grillons sauvages ; et d'autres tiennent de la sphéroïde.

Ils n'ont pas tous la même couleur ; l'on voit plusieurs papillons qui ont les yeux blancs comme la neige ; ceux des araignées sont tout à fait noirs ; ceux des pucerons de naisettiers, sont couleur d'ambre jaune ; l'éclat de ceux des petites demoiselles, est semblable à celui de l'or ; ceux des sauterelles vertes, ont la couleur d'une émeraude ; ceux des pucerons de tilleul, sont comme du vermillon. Il y en a une autre espèce qui les ont d'un rouge brun de jaspe : enfin, l'on en voit dont les yeux ont autant de feu et d'éclat, que ceux des chats pendant la nuit. La plupart perdent peu-à-peu après la mort, le brillant de ces couleurs ; elles en viennent même au point de se ternir totalement ; c'est ce qu'il est bon de savoir, afin qu'on ne se figure pas que les yeux des insectes vivants soient semblables aux yeux ternis des insectes morts que l'on trouve dans les cabinets.

Il n'est pas surprenant qu'ils se ternissent totalement ; la cornée des yeux des insectes est écailleuse et transparente comme le verre. Ce ne sont que les humeurs colorées qui se trouvent sous cette cornée, qui la font paraitre avec les couleurs qu'on lui voit. Ces humeurs venant après la mort de l'insecte à se corrompre et à se sécher, changent de couleur, et donnent à tout l'oeil la couleur terne qu'elles ont prise.

Les yeux des insectes sont ordinairement placés au front sous les antennes : cette règle n'est cependant pas sans exception, puisqu'il y en a qui les ont derrière ces mêmes antennes. Chez les uns, ils avancent un peu hors de la tête ; c'est ainsi qu'ils sont dans les grillons des champs : chez les autres, ils sortent tellement de la tête, qu'on dirait qu'ils n'y tiennent que par une articulation ; c'est ce qu'on remarque dans les petites demoiselles aquatiques.

Le nombre des yeux n'est pas égal chez tous les insectes : la plupart en ont deux ; mais il y en a aussi qui en ont cinq, comme l'abbé Catelan l'a observé dans les mouches. Ces yeux s'appellent ordinairement des yeux à réseau : M. Lyonnet les a toujours trouvés à toutes les espèces d'insectes ailés, mais rarement aux insectes qui n'avaient pas encore subi leur dernière transformation.

Les araignées ont ordinairement huit yeux, qui ne sont pas rangés chez toutes les espèces dans le même ordre. Il en faut cependant excepter quelques araignées à longues jambes, dont les antennes ressemblent aux pattes d'écrevisses, qui n'ont que deux yeux. Il y a quelques insectes dont les yeux ressemblent à deux demi-globes, élevés sur les deux côtés de la tête, et l'on aperçoit dans ces yeux une infinité de petits hexagones de la figure des alveoles des abeilles. Dans chacun de ces hexagones, il y a des cercles en forme de lentilles, qui sont tout autant d'yeux, dont le nombre par - là devient presqu'innombrable. Par ce moyen, ces insectes jouissent, non-seulement des avantages de la vue, mais il y a apparence, qu'ils l'ont plus claire et plus forte que les autres animaux : cela était sans doute nécessaire à cause de la rapidité de leur vol, et de la nécessité où ils sont de chercher leur nourriture de côté et d'autre en volant.

Les yeux des insectes ne sont, ni environnés d'os, ni garnis de sourcils, pour les garantir des accidents extérieurs ; mais en échange la tunique extérieure, qu'on nomme cornée, est assez dure pour mettre leurs yeux hors des dangers qu'ils auraient à craindre sans cela. Aristote en a fait la remarque. L. II. de partib. anim. c. XIIIe

Il résulte assez de ce détail, que les yeux des insectes sont des morceaux surprenans de mécanisme ; mais leur structure et leur disposition ne nous auraient jamais été connues, sans le secours du microscope : il nous fait voir que les escarbots, les abeilles, les guèpes, les fourmis, les mouches, les papillons et plusieurs autres insectes, ont deux bourrelets immuables, qui forment la plus grande partie de leur tête et renferment un nombre prodigieux de petits hémisphères ronds, placés avec une extrême régularité en lignes qui se croisent et qui ressemblent à des filets.

C'est un amas de plusieurs yeux, si parfaitement unis et polis, que comme autant de miroirs, ils réfléchissent les images de tous les objets extérieurs. On peut voir à leur surface l'image d'une chandelle, multipliée presque une infinité de fais, changeant la direction de ses rayons vers chaque oeil, selon le mouvement que lui donne la main de l'observateur. Tous ces petits hémisphères sont des yeux réels, qui ont chacun au milieu une petite lentille transparente, une prunelle par où les objets paraissent renversés comme par un verre convexe ; ils forment aussi un petit telescope, lorsqu'on les place à la distance précise du foyer qui leur est commun avec la lentille du microscope. Il y a lieu de croire que chacune de ces petites lentilles répond à une branche distincte des nerfs optiques, et que les objets n'y paraissent qu'un à un, tout comme nous ne voyons pas un objet double, quoique nous ayons deux yeux.

Tous ceux qui ont un microscope, se sont amusés à considerer ces petits yeux ; mais il y en a peut-être peu qui en aient consideré la nature ou le nombre. M. Hook a trouvé quatorze mille hémisphères dans les deux yeux d'un bourdon, c'est-à-dire, sept mille dans chacun. M. Leuwenhoeck en a compté six mille deux cent trente-six dans les deux yeux d'un vers à soie, lorsqu'il est dans l'état de mouche ; trois mille cent quatre-vingt-un dans chaque oeil de l'escarbot ; et huit mille dans les deux yeux d'une mouche ordinaire. Mais la mouche-dragon est encore plus remarquable par la grandeur et la finesse de ses yeux à réseau. Voyez MOUCHE-DRAGON.

Si l'on coupe l'oeil d'une mouche - dragon, d'un bourdon, d'une mouche commune ; qu'avec un pinceau et un peu d'eau claire on en ôte tous les vaisseaux ; qu'on examine ces vaisseaux au microscope, leur nombre paraitra prodigieux. M. Leeuwenhoek ayant préparé un oeil de cette manière, le plaça un peu plus loin de son microscope qu'il ne faisait, lorsqu'il voulait examiner un objet ; en sorte qu'il sit concourir le foyer de sa lentille avec le foyer antérieur de cet oeil ; alors regardant à-travers ces deux lentilles qui formaient un telescope, le clocher d'une église qui avait 300 pieds de hauteur, et à la distance de 750 pieds, lui parut à-travers de chaque petite lentille renversé, mais pas plus grand que la pointe d'une aiguille fine ; ensuite dirigeant sa vue vers une maison voisine à-travers ce grand nombre de petits hémisphères, il vit non-seulement le devant de la maison, mais encore les portes et les fenêtres ; et il fut en état de distinguer si les fenêtres étaient ouvertes ou fermées.

On ne peut pas douter que les poux, les mites et plusieurs autres animaux encore plus petits, n'aient des yeux façonnés de manière à distinguer des objets quelques milliers de fois plus petits qu'ils ne sont eux-mêmes ; car les petites particules qui les nourrissent, et plusieurs autres choses qu'il leur importe de distinguer, doivent certainement être de cette petitesse. Combien donc leurs yeux ne doivent-ils pas grossir les objets ; et quelle découverte ne ferait-on pas, s'il était possible d'avoir des lentilles de cette force, pour découvrir par leur moyen ce que ces petits animaux découvrent clairement.

Jean-Baptiste Hodierna a fait un examen très-curieux des yeux des insectes dans son traité italien : l'occhio della mosca, o discorso fisico intorno all anatomia del occhio di tutti gli animali annulosi detti Jasetti, recentemente scoverta. Panormi 1644.

On peut voir aussi de belles observations curieuses sur les yeux des insectes, par l'abbé Catelan dans le journal des Savants, 1680 et 1681, etc. (D.J.)

OEIL, (Critique sacrée) dans le langage de l'Ecriture, l'oeil mauvais, oculus nequam, , signifie l'envie et l'avarice, an oculus tuus nequam est, quia ego sum bonus ? Matth. xx. 15. Marc, VIIe 22. Luc, XIe 24. Etes-vous envieux de ce que je suis bon ? Oculus malus ad mala, l'homme avare ne tend qu'au mal, Ecclésiaste xiv. 10. L'oeil simple, , l'oeil bon, marque au contraire la libéralité, l'inclination à la bénéficence, vir boni oculi, une âme liberale, Prov. Mettre ses yeux sur quelqu'un, indique quelquefois la colere ; ponam oculos meos super eos, souvent aussi ces mots désignent les bienfaits ; oculi ejus super gentes respiciunt, Psaumes 65. 7. Joseph dit à ses frères de lui amener Benjamin, afin qu'il mette les yeux sur lui, c'est-à-dire, qu'il veut lui faire du bien. Oculo coeco esse dans Job. xxix. 15. c'est une expression qui signifie généralement prendre soin des affligés et les secourir dans leurs besoins. Eruere oculos alterius, Num. VIe 14. se dit métaphoriquement de ceux avec qui on traite comme avec des aveugles. Josephus ponet manus suas super oculos tuos, Genèse xlvj. 4. Joseph vous fermera les yeux à votre mort ; cérémonie en usage chez les anciens. Ad oculum servire, Colos. IIIe 22. servir à l'oeil, c'est ne servir un maître avec soin que quand on en est vu. La hauteur des yeux désigne l'orgueil, Ecclésiastes. xxiij. 5. Enfin, oculi pleni adulterii, oculi fornicantes, et autres façons de parler semblables de l'Ecriture, viennent de ce que les yeux sont les organes des passions. (D.J.)

OEIL ARTIFICIEL, (Optique) cette machine qu'on peut voir, Pl. d'Optique, fig. 9. n°. 2. est une espèce de petit globe, à-peu-près comme celui de l'oeil, et traversé dans sa longueur par un tuyau F C qui est garni d'un verre lenticulaire à son extrémité F. A l'autre extrémité C est adapté un papier huilé, qu'on place à-peu-près au foyer du verre, et sur lequel viennent se peindre dans l'obscurité les images renversées des objets extérieurs ; cet oeil artificiel est une espèce de chambre obscure. Voyez CHAMBRE OBSCURE, et il représente la manière dont les images des objets extérieurs se peignent au fond de l'oeil, qui est lui-même une chambre obscure naturelle. Voyez VISION. (O)

OEIL, s. m. (Botanique et Jardin.) est un petit point rond qui vient le long des branches des arbres d'où sortent les jeunes pousses, qui produisent les fleurs et les fruits ; il n'y a de différence entre oeil et bourgeon, qu'en ce que l'oeil demeure longtemps en repos jusqu'à l'arrivée de la sève, au lieu qu'alors le bourgeon s'enfle et se manifeste ; de sorte qu'on peut dire qu'il est un oeil animé.

On appelle oeil rond, celui qui est enflé et propre à former une branche à fruit.

Oeil plat est celui qui ne donne que du bois ; on dit encore oeil poussant, oeil dormant.

Le premier est employé quand on greffe, dans la pousse ou dans le temps de la sève.

Le second veut dire qu'on greffe entre les deux sèves, temps où les yeux ne sont point animés. (K)

OEIL DE BOEUF, s. m. (Histoire naturelle, Botanique) buphtalmum, genre de plante à fleur radiée, dont le disque est composé de plusieurs fleurons, séparés les uns des autres par une feuille pliée en gouttière ; la couronne de cette fleur est composée de demi-fleurons, placés sur des embryons, et soutenus par un calice formé de plusieurs feuilles disposées en écailles. Lorsque la fleur est passée, les embryons deviennent des semences qui sont le plus souvent menues et anguleuses. Ajoutez aux caractères de ce genre, le port entier de la plante. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE.

OEIL, (Conchyliologie) terme d'usage en parlant du centre de la volute d'une coquille. (D.J.)

OEIL DE BOUC, nom que l'on a donné à une espèce de patelle ou de lepas. Voyez LEPAS et COQUILLE.

La coquille de ce poisson, dit Tournefort, dans son voyage du levant, est un bassin d'une seule pièce, d'environ un pouce ou deux de diamètre, presque ovale, haut de huit ou neuf lignes, retréci en pavillon d'entonnoir, terminé en pointe, rempli par un poisson qui présente d'abord un grand muscle pectoral gris-brun, roussâtre sur les bords, et légèrement ondé. La surface de ce muscle se remue de telle sorte, qu'on s'aperçoit de certains points ou petits grains qui s'élèvent et même s'élancent, comme on le remarque, sur les liqueurs qui commencent à frémir avant que de bouillir. D'ailleurs, cette surface est souple, drapée et couverte d'une liqueur baveuse et gluante : tout cela la rend propre à s'insinuer dans les moindres inégalités des rochers, auxquels ce poisson s'attache si fortement, que ne pouvant lui faire lâcher prise, on se sert d'un couteau pointu pour l'en détacher.

Ce muscle est coriace, épais d'environ trois lignes, et long ordinairement d'un pouce, tout semblable au muscle pectoral des limaçons de terre : la surface intérieure du muscle pectoral de l'oeil de bouc est lisse, luisante, creusée en gouttière, au fond de laquelle est placée un tendon qui le sépare en deux ventres, et auquel vient aboutir de chaque côté un plan de fibres transverses, chargé verticalement des fibres qui forment le muscle : ce même muscle est entouré d'une bordure ou fraise, laquelle se meut fort vite indépendamment du muscle, lorsqu'on la pique ; elle est composée, quelque mince qu'elle sait, de fibres transverses, rangées du centre à la circonférence ; ce qui pourrait faire soupçonner, qu'elle serait détachée, si par son tendon elle n'était aussi adherente qu'elle l'est à la coquille ; car pour l'en détacher, il faut la cerner entièrement avec un couteau.

La tête du poisson sort d'une espèce de coèffe frangée et frisée, produite par l'allongement de la fraise dont on vient de parler ; cette tête qui ressemble en quelque manière à celle d'un petit cochon, a quatre ou cinq lignes de longueur, sur moitié moins de largeur, arrondie par-dessus, terminée par une bouche roussâtre, large de deux lignes, et bordée d'une grosse lèvre. Des côtés du front sortent deux cornes qui s'allongent et se raccourcissent à-peu-près comme celles des bœufs.

Les autres parties de cet animal sont renfermées dans un sac, où l'oesophage vient aboutir ; ce sac long d'environ un pouce et demi, large de neuf ou dix lignes, arrondi sur le dos, retréci vers la tête, est tout à fait couché sur la gouttière du muscle pectoral, et renferme une substance mollasse, bonne à manger, parsemée de vaisseaux noirâtres, dans laquelle l'oesophage s'allonge en un conduit courbé en plusieurs sinuosités.

Le muscle pectoral tient lieu de jambes et de pieds à ces animaux, de même qu'à tous les limaçons et à tous les poissons, dont la coquille est d'une seule pièce. Lorsque les yeux de bouc veulent avancer, ils appuient fortement sur le bord anterieur de ce muscle ; c'est le point fixe vers lequel tout le reste du muscle qui est dans le relâchement est amené, au lieu que lorsqu'ils veulent reculer, ils se cramponnent fortement sur le bord postérieur du même muscle ; et alors le devant qui est dans l'inaction est obligé de s'approcher vers cette partie, où le point d'appui se trouve dans ce temps-là.

Nous renvoyons au mot patelle à établir le caractère essentiel de ce genre de coquillage qui forme la première famille des coquilles univalves, et là nous en indiquerons les différentes espèces. Voyez PATELLE. (D.J.)

OEIL DE BOEUF, (Physique) le cap de Bonne-Espérance est fameux par ses tempêtes, et par le nuage singulier qui les produit ; ce nuage ne parait d'abord que comme une petite tache ronde dans le ciel, et les matelots l'ont appelé oeil de bœuf. De tous les voyageurs qui ont parlé de ce nuage, Kolbe parait être celui qui l'a examiné avec le plus d'attention ; voici ce qu'il en dit, tome I. pag. 224. et suivantes de la description du cap de Bonne-Espérance. " Le nuage que l'on voit sur les montagnes de la Table, ou du Diable, ou du Vent, est composé, si je ne me trompe, d'une infinité de petites particules poussées, premièrement contre les montagnes du cap, qui sont à l'est, par les vents d'est qui règnent pendant presque toute l'année dans la zone torride ; ces particules ainsi poussées sont arrêtées dans leurs cours par ces hautes montagnes, et se ramassent sur leur côté oriental ; alors elles deviennent visibles et y forment de petits monceaux ou assemblages de nuages, qui étant incessamment poussés par le vent d'est, s'élèvent au sommet de ces montagnes ; ils n'y restent pas longtemps tranquilles et arrêtés, contraints d'avancer, ils s'engouffrent entre les collines qui sont devant eux, où ils sont serrés et pressés comme dans une manière de canal, le vent les presse au-dessous, et les côtés opposés de deux montagnes les retiennent à droite et à gauche ; lorsqu'en avançant toujours ils parviennent au pied de quelque montagne où la campagne est un peu plus ouverte, ils s'étendent, se déplaient, et deviennent de nouveau invisibles ; mais bien-tôt ils sont chassés sur les montagnes par les nouveaux nuages qui sont poussés derrière eux, et parviennent ainsi, avec beaucoup d'impétuosité, sur les montagnes les plus hautes du cap, qui sont celles du Vent et de la Table, où règne alors un vent tout contraire ; là il se fait un conflit affreux, ils sont poussés parderrière et repoussés par-devant, ce qui produit des tourbillons horribles, soit sur les hautes montagnes dont je parle, soit dans la vallée de la Table où ces nuages voudraient se précipiter. Lorsque le vent de nord-ouest a cédé le champ de bataille, celui de sud-est augmente et continue de souffler avec plus ou moins de violence pendant son semestre ; il se renforce pendant que le nuage de l'oeil de bœuf est épais, parce que les particules qui viennent s'y amasser par derrière, s'efforcent d'avancer ; il diminue lorsqu'il est moins épais, parce qu'alors moins de particules pressent par derrière ; il baisse entièrement lorsque le nuage ne parait plus, parce qu'il ne vient plus de l'est de nouvelles particules, ou qu'il n'en arrive pas assez ; le nuage enfin ne se dissipe point, ou plutôt parait toujours à-peu-près de la même grosseur, parce que de nouvelles matières remplacent par-derrière celles qui se dissipent par devant.

Toutes ces circonstances du phénomène conduisent à une hypothèse qui en explique si bien toutes les parties ; 1°. derrière la montagne de la Table on remarque une espèce de sentier ou une trainée de légers brouillards blancs, qui commençant sur la descente orientale de cette montagne, aboutit à la mer, et occupe dans son étendue les montagnes de Pierre. Je me suis très - souvent occupé à contempler cette trainée qui, suivant moi, était causée par le passage rapide des particules dont je parle, depuis les montagnes de Pierre jusqu'à celle de la Table.

Ces particules, que je suppose, doivent être extrêmement embarrassées dans leur marche, par les fréquents chocs et contre-chocs causés, non seulement par les montagnes, mais encore par les vents de sud et d'est qui règnent aux lieux circonvoisins du cap ; c'est ici ma seconde observation : j'ai déjà parlé des deux montagnes qui sont situées sur les pointes de la baie Falzo, ou fausse baie ; l'une s'appelle la LÈvre pendante, et l'autre Norvege. Lorsque les particules que je conçais sont poussées sur ces montagnes par les vents d'est, elles en sont repoussées par les vents de sud, ce qui les porte sur les montagnes voisines ; elles y sont arrêtées pendant quelque temps et y paraissent en nuages, comme elles le faisaient sur les deux montagnes de la baie Falzo, et même un peu davantage. Ces nuages sont souvent fort épais sur la Hollande hottentote, sur les montagnes de Stellenbosch, de Drakenstein, et de Pierre, mais surtout la montagne de la Table et sur celle du Diable.

Enfin, ce qui confirme mon opinion, est que constamment deux ou trois jours avant que les vents de sud-est soufflent, on aperçoit sur la tête du lion de petits nuages noirs qui la couvrent ; ces nuages sont, suivant moi, composés des particules dont j'ai parlé ; si le vent de nord - ouest règne encore lorsqu'ils arrivent, ils sont arrêtés dans leur course, mais ils ne sont jamais chassés fort loin jusqu'à ce que le vent de sud-est commence ".

OEIL DE CHAT, (Histoire naturelle, Minéralogie) oculus cati, oculus solis, oculus beli, bellochio, c'est une espèce d'opale, assez transparente, ordinairement d'un jaune verdâtre ou d'une couleur rougeâtre et changeante, semblable à celle de la prunelle de l'oeil d'un chat ; tenue au jour et remuée elle semble darder un rayon de lumière. Quelquefois par des accidents heureux on trouve une tache noire ou d'une autre couleur, accompagnée de plusieurs cercles concentriques, au milieu de cette pierre, ce qui la fait encore plus ressembler à un oeil : souvent aussi les Jouailliers ont des secrets pour aider la nature, et pour perfectionner cette ressemblance qu'elle n'avait fait qu'ébaucher.

Les anciens lithographes, à qui les noms ne coutaient rien, ont appelé erytrophtalmus les pierres dans lesquelles il se trouvait un cercle rouge ; quand ce cercle était gris ou blanc ils ont nommé la pierre leucophtalmus ; lorsqu'il y avait deux yeux représentés sous la même pierre, ils l'ont appelée diophtalmus : c'est ainsi qu'ils ont aussi nommé oegrophtalmus et lycophtalmus les pierres sur lesquelles ils ont vu, ou cru voir la ressemblance d'un oeil de chèvre ou de loup. (-)

OEIL DU MONDE, (Histoire naturelle, Minéralogie) oculus mundi, lapis mutabilis, pierre précieuse qui est une vraie onyx à qui elle ressemble par sa couleur qui est aussi celle d'un ongle.

On dit que cette pierre, qui a peu de transparence, présente un phénomène singulier ; si on la laisse dans l'eau pendant quelques minutes, elle devient beaucoup plus transparente qu'auparavant, et aulieu d'être d'un gris pâle, elle parait alors d'une couleur jaunâtre, à-peu-près comme celle de l'ambre ; aussi-tôt qu'elle a été retirée de l'eau et sechée, elle redevient opaque comme auparavant : on prétend que cette pierre ne se trouve qu'à la Chine. (-)

OEIL DE SERPENT, (Histoire naturelle) en italien occhio di serpe, nom donné par quelques auteurs à la pierre appelée bufonito ou crapaudine. Voyez cet article.

OEIL, (Métallurgie) on appelle ainsi dans les fonderies de métaux une ouverture qui est au bas du fourneau, par laquelle la matière fondue s'écoule pour être reçue dans le bassin qui est au-dessous. Pendant la fusion le trou se bouche avec un mélange de glaise et de charbon ; lorsque la fonte est achevée et que la matière est bien fluide, on perce cet oeil avec une barre de fer. Quelquefois on fond par l'oeil : c'est-à-dire on ne bouche point ce trou, et on laisse découler le métal fondu à mesure qu'il se fond : cela convient surtout aux métaux qui se calcinent aisément, comme le plomb ou l'étain. Voyez ÉTAIN et PLOMB. (-)

OEIL, (Architecture civile) nom général qu'on donne à toute fenêtre ronde prise dans un fronton, un attique, ou dans les reins d'une voute, comme il y en a, par exemple, aux deux berceaux de la grande salle du palais à Paris.

Oeil de bœuf, petit jour pris dans une couverture, pour éclairer un grenier ou un faux comble, fait de plomb ou de poterie : on appelle encore oeil de bœuf les petites lucarnes d'un dôme, telles qu'il y en a, par exemple, à celui de saint Pierre de Rome, qui en a quarante-huit en trois rangs.

Oeil de dôme, c'est l'ouverture qui est au haut de la coupe d'un dôme, comme au Panthéon à Rome, et qu'on couvre le plus souvent d'une lanterne, ainsi que la plupart des dômes.

Oeil de volute, c'est le petit cercle du milieu de la volute ionique, où l'on marque les treize centres pour en décrire les circonvolutions.

Oeil de pont, terme d'architecture hydraulique, nom qu'on donne à de certaines ouvertures rondes au-dessus des piles, et dans les reins des arches d'un pont, qu'on fait autant pour rendre l'ouvrage léger que pour faciliter le passage des grosses eaux, telles qu'il y en a, par exemple, au pont neuf de la ville de Toulouse, et à ceux que Michel-Ange a bâtis sur l'Arno, à Florence. Daviler. (D.J.)

OEIL DE PIE, (Marine) ce sont les trous ou oeillets qu'on fait le long du bas de la voîle au - dessus de la ralingue, pour y passer des garottes de ris. (Z)

OEILS-YEUX, ou trous de la voîle de sivadière, ce sont deux trous aux deux points d'en-bas de la sivadière, par où s'écoule l'eau que la mer jette dans la sivadière. (Z)

OEIL, terme de Manufacture, se dit du lustre et de l'éclat des marchandises d'une certaine beauté extérieure qui frappe la vue, et qui ne fait pourtant pas la plus grande perfection. Néanmoins comme l'on est souvent plus touché de l'oeil et du lustre d'une étoffe que de sa bonne fabrique, c'en est aussi une des meilleures qualités pour le débit, et si les ouvriers doivent être attentifs à donner cet oeil à leurs ouvrages, les marchands ne doivent pas moins l'être à le leur conserver. (D.J.)

OEIL, terme d'Artisans, ce mot s'entend des trous qui servent à emmancher plusieurs de leurs outils, comme l'oeil d'un marteau, d'un pieu, d'un houe, d'une pioche, d'un déceintroir, d'un têtu, etc.

On dit aussi l'oeil d'un étau, pour signifier le trou par où passe sa vis ; et l'oeil d'une louve, instrument de fer qui sert à élever des pierres de taille, pour dire le trou par où passe l'esse du câble.

L'oeil d'une meule à moulin, est le trou qu'elle a dans son centre.

Les grues, les engins, les chèvres, et autres semblables machines à élever des fardeaux, ont aussi leurs yeux, ce sont les trous par où passent les câbles. (D.J.)

OEIL, en terme d'Eperonnier, sont des trous qui terminent chacune des branches d'un mors par enhaut de quelque espèce que ce mors sait, à gorge de pigeon, à canne, etc. c'est dans ces yeux que passent la gourmette et deux corroyes de cuir qui arrêtent le mors sur la tête du cheval en se passant derrière les oreilles. Voyez GOURMETTE, etc. Voyez les planches de l'Eperonnier.

OEIL des caractères d'Imprimerie ; on entend par oeil la figure de la lettre qui se trouve à un des deux bouts du corps : on dit d'un caractère qu'il est gros oeil ou petit oeil, parce que sur un même corps on y fond des lettres un peu plus ou moins grosses qui se distinguent par gros ou petit oeil. Voyez OEIL, impr.

OEIL, en terme de Fourbisseur, c'est la partie d'une garde qui est entre la poignée et la plaque. On la nomme aussi quelquefois corps. Elle se termine en bas par une batte. Voyez BATTE.

OEIL D'UN RESSORT, s'entend parmi les Horlogers, d'une fente longue faite à chacune des extrémités du grand ressort d'une montre ou d'une pendule pour le faire tenir aux crochets du barillet et de son arbre. Voyez BARILLET, ARBRE DE BARILLET, RESSORT, etc. (T)

OEIL, terme de Joaillerie ; ce mot signifie, en stîle de Lapidaire, le brillant et l'éclat des pierres, quelquefois leur qualité et leur nature. Ce diamant a un oeil admirable, cet autre a l'oeil un peu louche, il l'a un peu noirâtre, etc.

OEIL, en terme d'Imprimerie, s'entend assez généralement des différentes grosseurs des caractères, considérés par leur superficie, qui est l'oeil ; l'on dit par exemple, le gros romain est à plus gros oeil que le saint-augustin ; ce cicero est d'un oeil plus petit que celui dont est imprimé tel ouvrage : ainsi des autres caractères supérieurs ou inférieurs. Si on considère ces mêmes caractères par la force des corps, il faut alors appeler chaque caractère par le nom que leur a donné l'usage. Voyez table des caractères.

Par oeil de la lettre, les Imprimeurs entendent la partie gravée dont l'empreinte se communique sur le papier par le moyen de l'impression ; et ils distinguent dans cette même partie gravée ou oeil trois sortes de proportion, dimension, ou grosseur ; parce qu'il est possible en effet, et assez fréquent de donner au même corps de caractère une de ces trois différences, qui consistent à graver l'oeil, ou gros ou moyen, ou à petit oeil. Cette différence réelle dans l'art de la gravure propre à la fonderie en caractères, et apparente au lecteur, n'en produira aucune dans la justification des pages et des lignes, si le moyen ou petit oeil est fondu sur le même corps que le gros oeil, ou celui ordinaire.

OEIL DU CHEVAL, (Maréchalerie) les yeux de cet animal doivent être grands à fleur de tête, vifs et nets : oeil verron, signifie que la prunelle est d'une couleur approchante du verd : oeil de cochon, se dit d'un cheval qui a les yeux trop petits. La vitre de l'oeil. Voyez VITRE.

OEIL et BATTE, terme de Marchand de poisson ; il signifie tout ce qui est contenu depuis l'ouie ou l'oeil du poisson jusqu'à la queue, qu'on appelle sa batte, à cause qu'il s'en sert à battre l'eau lorsqu'il nage. Le brochet a deux pieds entre oeil et batte ; c'est-à-dire, que dans la manière de mesurer qui s'observe dans le commerce du poisson, il ne doit se vendre que pour être de deux pieds de long, quoique la tête et la queue comprises, il y en ait souvent plus de trois.

OEIL DE PERDRIX, instrument du métier d'étoffe de soie : l'oeil de perdrix est un petit anneau de fer rond très-poli, de la grosseur environ d'un oeil de perdrix ; c'est sans doute pourquoi il en porte le nom.

Il sert à passer, ou être enfilé par la corde de rame. On met autant d'yeux de perdrix qu'on veut attacher de semples aux rames ; les cordes de semples sont attachées aux yeux de perdrix, afin que le frottement de la corde de semple contre celle de rame ne l'use pas si vite.

OEIL, terme de Tireur d'or ; c'est la plus petite ouverture d'une filière par où passe le lingot de quelque métal pour le réduire en fil.

OEIL DE BOEUF, terme de Verrerie ; c'est ce nœud qu'on nomme communément boudine, qui est au milieu du plat de verre, et qui est inutîle pour être employé en vitres, du moins dans les maisons de quelque considération, n'étant propre qu'à être jeté au graisil. (D.J.)