S. m. (Pharmacie) L'électuaire est une composition pharmaceutique, destinée à l'usage intérieur, formée en incorporant une ou plusieurs poudres avec du miel ou du sirop, des extraits, des pulpes, des gelées, des robs, des conserves, et quelquefois des vins doux.

Les électuaires sont solides ou mous. Les premiers sont plus connus sous le nom de tablettes, et il est même commode de les distinguer par ce nom des électuaires mous. Voyez TABLETTE. Les seconds doivent être d'une consistance moyenne entre le sirop et le bol, et fort approchante de celle des marmelades de fruits bien cuites : c'est de ceux-ci que nous allons parler dans cet article.

L'électuaire est une forme de médicament très-anciennement employée en Médecine. Galien en a décrit quelques-uns ; les hiera, les confections, la thériaque d'Andromaque, le fameux antidote attribué à Mithridate, tous remèdes très-anciens, sont des électuaires.

Mais le nom même d'électuaire n'est pas de la même antiquité que l'usage du remède auquel nous le donnons aujourd'hui ; les Grecs et les Arabes l'ont toujours appelé antidote, quelque vertu médicinale particulière qu'il possédât, et ils en ont préparé assurément de toutes les diverses vertus observées ou imaginées dans les remèdes, de roborants, de cordiaux, de céphaliques, d'alexipharmaques, de cholagogues, d'hydragogues, de panchymagogues, d'emmenagogues, de narcotiques, etc.

Aelius Aurelianus a employé le mot d'électuaire, electarium ; mais c'est un remède de la nature de notre looch, qu'il a désigné par ce nom. Voyez LOOCH.

Le nombre des électuaires a été poussé jusqu'à un excès dont l'ignorance la plus profonde et la charlatanerie la plus impudente sont seuls capables. Le seul Myrepsus nous en a décrit jusqu'à cinq cent onze dans son antidotaire. Les disciples des Arabes ne firent qu'enchérir sur la prodigieuse fécondité de leurs maîtres, et les électuaires ne cessèrent de se multiplier jusqu'au temps où la Chimie s'empara heureusement de la Pharmacie, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'on fût en état de découvrir et de démontrer que la plupart des électuaires étaient des préparations monstrueuses, souvent inutiles, quelquefois dangereuses, toujours très-dégoutantes pour les malades.

En effet, l'électuaire a d'abord tous les inconvénients des compositions comme telles : le plus grand de ces inconvénients est celui qui dépend de l'action chimique ou menstruelle de certains ingrédiens les uns sur les autres ; action qui détruit leurs vertus respectives. (Voyez COMPOSITION, MELANGE, FORMULE) Or ce défaut doit d'autant plus décréditer tous les électuaires anciens, que leurs auteurs n'avaient aucun secours pour l'éviter. Secondement, la consistance de quelques-uns est elle que ces remèdes sont exposés à un mouvement de fermentation qui dénature tous leurs ingrédiens. Cet inconvénient a passé pour un bien dans quelques têtes, nous lui devons en effet la vertu de la thériaque vieille : mais si le hasard nous a bien servi à cet égard, car un produit utîle de la fermentation de cent drogues est un vrai présent du hasard, il nous a nui dans tous les autres cas : un électuaire qui a fermenté, est regardé par les connaisseurs comme un électuaire perdu ; et voilà pourquoi la confection hamech, par exemple, telle qu'elle est décrite dans la pharmacopée de Paris, qui, par sa consistance, doit nécessairement fermenter, est une préparation défectueuse. Traisiemement, la difficulté de faire avaler à des malades une once d'un remède aussi dégoutant qu'un électuaire, doit être comptée pour beaucoup : or c'est-là la dose ordinaire de ce remède ; et ne fût-elle que de deux gros, comme c'est en effet celle de quelques-uns, le tourment d'avaler deux gros d'électuaire doit être épargné à un malade, s'il est possible.

Non seulement les Pharmaciens devenus Chimistes, arrêtèrent le débordement des électuaires, mais même ils entreprirent de réformer ceux qui étaient le plus en usage. Zwelfer chez les Allemands, le Fèvre, Charas, Lémery, chez les Français, se sont surtout distingués par ce projet. Je n'appelle le travail de ces auteurs que projet ou tentative ; parce que soit qu'ils n'aient pas assez osé contre l'autorité de la vénérable antiquité, et l'opinion unanime des Médecins de leur temps, soit que les lumières de leur siècle ne fussent pas encore suffisantes pour produire une réforme complete , soit qu'il fût en effet impossible de faire un bon remède d'un électuaire, on peut avancer que les électuaires corrigés de ces auteurs sont encore des remèdes assez imparfaits.

Il me semble donc que tout considéré, on peut proposer de supprimer tous les électuaires, au moins de n'en retenir que le petit nombre qui sont le moins imparfaits, tel que le diascordium, le diaprum, le lénitif, et le catholicon double, etc. Voyez les articles particuliers.

Quand on veut faire un électuaire, on commence par préparer la poudre selon l'art (Voyez POUDRE) ; ensuite si elle ne doit être unie qu'à du miel ou à un sirop, on n'a qu'à la mêler avec soin au miel écumé (Voyez MIEL), ou au syrop qu'on a préparé d'autre part. (Voyez SIROP) Pour cela, on la répand à diverses reprises et peu-à-peu avec un tamis, et on l'introduit dans le miel ou dans le sirop, en brassant avec un bistortier. S'il doit entrer dans la composition de l'électuaire des pulpes, des extraits, des robs, etc. on délaye ces matières avec une partie du sirop ou du miel encore chaud, on incorpore les poudres de la manière que nous venons de dire, et on ajoute enfin le reste du sirop ou du miel. Les vins s'emploient à peu-près de la même façon que les sirops et le miel, et quelquefois mêlés ensemble. On peut s'en servir aussi pour dissoudre certaines matières peu propres à être réduites en poudre, comme les sucres épaissis qui entrent dans la thériaque. Voyez THERIAQUE.

Tous ces mélanges se font à froid, ou sur un feu très-leger dans quelques cas. Voyez les exemples particuliers.

Il n'y a qu'une seule loi pour la perfection de l'électuaire, c'est que les poudres doivent être répandues très-uniformément, en sorte que l'électuaire ne soit pas grainé ou grumelé ; on voit de quelle conséquence il est qu'on ne trouve pas dans une certaine portion d'un électuaire purgatif de petits amas de poudre composée ordinairement des purgatifs les plus violents.

Nous n'avons parlé jusqu'à présent que des électuaires officinaux ; on en prépare aussi de magistraux, mais qui sont plus connus sous le nom d'opiate. Voyez OPIATE. (b)