S. m. terme de Chirurgie, tumeur contre nature faite de matière humorale.

Nous remarquerons dans les apostèmes, leurs différences, leurs causes, leurs signes, leurs temps et leurs terminaisons.

Les différences des apostèmes sont essentielles ou accidentelles : celles-là viennent de l'espèce de fluide qui produit la tumeur ; celles-ci viennent du désordre ou dérangement que ces mêmes humeurs peuvent produire.

Les apostèmes étant formés par les liqueurs renfermées dans le corps humain, il y a autant de différentes espèces d'apostèmes qu'il y a de ces différentes liqueurs ; ces liqueurs sont le chyle, le sang, et celles qui émanent du sang.

1°. Le chyle forme des apostèmes, soit en s'engorgeant dans les glandes du mésentère, dans les vaisseaux lactées ; ou dans le canal thorachique ; soit en s'épanchant dans le ventre ou dans la poitrine.

2°. Le sang produit des apostèmes, par sa partie rouge ou par sa partie blanche. Il y a plusieurs espèces d'apostèmes formés par la partie rouge du sang : les uns se font par infiltration, comme le thrumbus, l'échymose, les taches scorbutiques. Voyez INFILTRATION. D'autres par épanchement proprement dit, comme l'empyème de sang. Voyez EMPYEME. Quelquefois le sang est épanché, et en outre infiltré dans le tissu graisseux ; tel est le cas de l'anevrysme faux. Voyez ANEVRYSME. Toutes ces différentes espèces d'apostèmes sanguins sont produites par extravasation : il y en a de plus qui sont causés par le sang contenu dans ses vaisseaux, soit par leur dilatation contre nature, comme les anevrysmes vrais, les varices, les hémorrhoïdes ; d'autres sont produits en conséquence de la constriction des vaisseaux, ce qui produit l'inflammation, laquelle est phlogose, érésipele, ou phlegmon. Voyez ces mots à leur ordre.

La partie blanche du sang cause des apostèmes, en s'arrêtant dans ses vaisseaux, ou en s'extravasant. On range sous la première classe les skirres, les glandes gonflées et dures, les rhumatismes, la goutte ; l'oedème et l'hydropisie sont de la seconde : celui-là se fait par infiltration ; celui-ci par épanchement.

3°. Les liqueurs émanées du sang peuvent être des causes d'apostèmes : le suc nourricier, lorsqu'il est vicié ou en trop grande abondance, produit, en s'arrêtant ou en s'épanchant dans quelques parties, les callosités, les calus difformes, les excraissances de chair appelées sarcomes, les poireaux, les verrues, les condylomes, les sarcoceles. Voyez tous ces mots.

La graisse déposée en trop grande quantité dans quelque partie, forme la loupe graisseuse. Voyez LIPOME.

La semence retenue par quelque cause que ce soit dans les canaux qu'elle parcourt, forme des tumeurs qu'on appelle spermatocele, si la liqueur est arrêtée dans l'épidydime ; et tumeur séminale, si la liqueur s'amasse en trop grande quantité dans les vésicules séminales.

La synovie, lorsqu'elle n'est point repompée par les pores resorbans des ligaments articulaires, produit l'ankylose, le gonflement des jointures, et l'hydropisie des articles.

La bîle cause une tumeur en s'arrêtant dans les pores biliaires, ou dans les vésicules du fiel, ou dans le canal cholidoque ; ce qui peut être occasionné par une pierre biliaire, ou par l'épaississement de la bile.

L'humeur des amygdales retenue dans ces glandes, cause leur gonflement. La salive retenue dans les glandes, produit les tumeurs nommées parotides ; et retenue dans les canaux excréteurs des glandes maxillaires ou sublinguales, elle produit la grenouillette.

Le mucus du nez produit le polype par l'engorgement des glandes de la membrane pituitaire.

Les larmes par leur mauvaise qualité, ou par leur séjour dans le sac lacrymal, ou dans le conduit nasal, produisent les tumeurs du sac lacrymal, ou l'obstruction du canal nasal.

La chassie retenue dans les canaux excréteurs, forme de petites tumeurs qui surviennent aux paupières, et qu'on appelle orgelets.

L'humeur sebacée retenue dans ses petits canaux excréteurs, forme les tanes ou taches de rousseur.

L'urine retenue dans les reins, dans les uretères, dans la vessie ou dans l'urethre, produit des tumeurs urinaires. Voyez RETENTION D'URINE.

L'humeur des prostates cause la rétention d'urine, lorsqu'elle s'arrête dans ces glandes, et qu'elle les gonfle au point d'oblitérer le canal de l'urethre.

Le lait peut obstruer les glandes des mammelles, ou rentrer dans la masse du sang, se déposer ensuite sur quelque partie, et former ce qu'on appelle communément lait répandu.

Le sang menstruel retenu dans le vagin des filles imperforées, cause un apostème. Voyez IMPERFORATION.

Les tumeurs formées par l'air contenu dans nos humeurs, peuvent être regardées comme des apostèmes. Voyez EMPHYSEME et TYMPANITE. Quelques-uns regardent les tumeurs venteuses, surtout lorsque cet air vient du dehors, comme formées par un corps étranger. Voyez TUMEUR.

Les différences accidentelles des apostèmes se tirent de leur volume, des accidents qui les accompagnent, des parties qu'ils attaquent, de la manière dont ils se forment, et des causes qui les produisent.

Par rapport aux parties où les apostèmes se rencontrent, ils reçoivent différents noms : à la conjonctive, l'inflammation s'appelle ophtalmie ; à la gorge, esquinancie ; aux aines, bubons ; à l'extrémité des doigts, panaris.

Les apostèmes se forment par fluxions, c'est-à-dire promptement ; les autres par congestion, c'est-à-dire lentement : ceux qui sont formés par fluxion, sont ordinairement des apostèmes chauds, comme l'érésipele et le phlegmon : on appelle apostème froids, ceux qui se forment par congestion ; par exemple, l'oedeme et le skirrhe.

Quant à leurs causes, les uns sont benins, les autres malins ; les uns critiques, les autres symptomatiques : les uns viennent des causes externes, comme coups, fortes ligatures, contact, piqûre d'insectes, morsure d'animaux venimeux, et mauvais usage des six choses non-naturelles ; lesquelles sont l'air, les aliments, le travail, les veilles et les passions, le sommeil et le repos, les humeurs retenues ou évacuées ; toutes ces causes produisent embarras, engorgement et obstruction, et conséquemment des apostèmes ou tumeurs humorales.

Les causes internes viennent du vice des solides, et de celui des fluides. Le vice des solides consiste dans leur trop grande tension, ou dans leur contraction, dans la perte ou dans l'affoiblissement de leur ressort, et dans leur division.

Le vide des fluides consiste dans l'excès ou dans le défaut de leur quantité, et dans leur mauvaise qualité. Voyez le Mémoire de M. Quesnay sur le vice des humeurs, dans le premier volume de ceux de l'académie royale de Chirurgie.

Les signes des apostèmes sont particuliers à chaque espèce ; on peut les voir à l'article de chaque tumeur.

On remarque aux apostèmes, comme à toutes les maladies, quatre temps ; le commencement, le progrès, l'état, et la fin.

Le commencement est le premier point de l'obstruction qui arrive à une partie ; on le reconnait à une tumeur contre nature, et à quelques legers symptômes.

Le progrès est l'augmentation de cette même obstruction ; on le reconnait aux progrès des symptômes.

L'état est celui où l'obstruction est à son plus haut point ; on le reconnait à la violence des symptômes.

La fin des apostèmes se nomme leur terminaison.

La terminaison des apostèmes se fait par résolution, par suppuration, par délitescence, par induration, et par pourriture ou mortification. Toutes ces terminaisons peuvent être avantageuses ou désavantageuses, relativement à la nature et aux circonstances de la maladie. Voyez les mots qui expriment les cinq terminaisons des apostèmes chacun à son article.

Quelques auteurs prennent le mot apostème, comme signifiant la même chose qu'abcès. Voyez ABCES. (Y)