S. m. terme de Chirurgie, qui vient du Grec ἀνευρύνω, dilater, d’où l’on a fait ἀνευρυσμὸς, anevrysme. C’est une tumeur contre nature, faite de sang, par la dilatation ou par l’ouverture d’une artère : ces deux causes font distinguer deux espèces d’anevrysme, le vrai et le faux.

L'anevrysme vrai est formé par la dilatation de l'artère : les signes qui le caractérisent sont une tumeur circonscrite, sans changement de couleur à la peau, accompagnée d'un battement qui répond ordinairement à celui du pouls du malade : dès qu'on comprime cette tumeur, elle disparait en totalité ou en partie ; parce que par cette pression on fait couler le sang de la poche anevrysmale dans le corps de l'artère qui lui est continue.

Les causes de l'anevrysme vrai sont internes ou externes : on met au nombre des causes internes la faiblesse des tuniques de l'artère, qui ne peuvent résister à l'effort et à l'impétuosité du sang. Un ulcère qui aurait corrodé en partie les tuniques de l'artère, pourrait donner lieu à un anevrysme dont la base serait étroite, parce que l'expansion des membranes n'aurait lieu que dans un seul point du tube artériel. On dit que le sang qui se trouve dans cette espèce d'anevrysme, rentre avec un sifflement assez sensible, lorsqu'on comprime la tumeur ; ce qui n'arrive point lorsque tout le corps de l'artère participe à la dilatation.

M. Chambers, à l'article dont je traite, cite une observation de M. Littre, rapportée dans l'Histoire de l'Acad. royale des Scienc. an 1712 ; il s'agit d'un anevrysme à l'aorte, dont M. Littre attribue la cause au trop petit diamètre des artères souclavières et axillaires.

Les causes externes de l'anevrysme vrai sont les coups, les chutes, les extensions violentes des membres : la compression que cause une exostose, une luxation ou une fracture, qui n'ont point été réduites, ou la présence d'une tumeur humorale, sont aussi des causes extérieures d'anevrysme ; parce qu'en diminuant le diamètre de l'artère, elles l'obligent à se dilater supérieurement. Il ne faut pas croire que toutes ces causes externes produisent un anevrysme, parce qu'elles affoiblissent le ressort de l'artère, et la rendent incapable d'offrir assez de résistance aux impulsions du sang ; car on sait par expérience qu'il y a des tumeurs anevrysmales dont le battement est plus fort que dans le reste de l'artère : cette force pulsative s'accorde peu avec l'affoiblissement du ressort de ce vaisseau dans le point où il est dilaté.

L'anevrysme vrai est plus ou moins dangereux, selon son volume, et suivant la partie où il est situé. Les anevrysmes des gros vaisseaux de toutes les artères de l'intérieur du corps sont très-fâcheux, parce qu'on ne peut y apporter aucun remède, et qu'ils se terminent presque tous, à moins qu'on ne prenne de grandes précautions, par l'ouverture de la tumeur. Les anevrysmes des extrémités qui attaquent les troncs des vaisseaux sont un peu moins fâcheux, uniquement par leur situation : ceux qui n'affectent que les ramifications des artères sont curables, parce qu'il n'y a aucun obstacle à la guérison radicale.

L'anevrysme faux se fait par un épanchement de sang, en conséquence de l'ouverture d'une artère. Les causes de cette maladie paraissent devoir être toujours extérieures, comme un coup d'épée, de lancette, etc. elle peut cependant venir de cause interne, par l'ulcération de l'artère à l'occasion d'un virus vérolique, scorbutique, et autres ; ou par la crevasse d'un anevrysme vrai : ce dernier cas est assez rare, parce qu'on a remarqué que les tuniques de l'artère augmentent en épaisseur à mesure qu'elles se dilatent.

Dans l'anevrysme faux, le sang qui sort de l'artère s'épanche dans le tissu graisseux en le dilacérant : cette effusion s'étend non-seulement sous la peau, mais aussi dans l'interstice des muscles. On a Ve le sang d'une artère ouverte au pli du coude, s'insinuer jusque dans la membrane graisseuse qui est sous les muscles grand dorsal et grand pectoral, après avoir tendu excessivement tout le bras.

Les signes de l'anevrysme faux sont une ou plusieurs tumeurs dures, inégales, douloureuses, et qui augmentent de jour en jour : la peau est tendue et marbrée de différentes couleurs, selon que le sang épanché en est plus ou moins près. Les auteurs ajoutent à ces signes le battement profond de l'artère : mais j'ai vu, reconnu et opéré des anevrysmes faux, sans avoir pu m'apercevoir de cette pulsation.

L'anevrysme faux par effusion ne peut guère se guérir que par la ligature de l'artère ; alors, si la blessure est à un tronc principal, le malade perdra le membre, parce que les parties inférieures privées de nourriture par la ligature du vaisseau qui la leur fournissaient, tomberont en mortification, et il faudra faire l'amputation du membre. Voyez AMPUTATION.

La cure des anevrysmes est différente suivant leur espèce : les anevrysmes des capacités ne sont point susceptibles de guérison radicale : pour empêcher leur augmentation, et prévenir leurs crevasses, qui feraient périr les malades, il faut faire observer un régime humectant et adoucissant, défendre les travaux et les exercices peu modérés, et faire saigner de temps en temps, relativement aux forces du malade, pour diminuer la pléthore, et empêcher par-là la colonne du sang de faire effort contre les parois de la poche anevrysmale.

Les anevrysmes des extrémités formés par la dilatation d'une artère, ne peuvent être guéris que par l'opération : on essayerait en vain la compression de la tumeur, comme un moyen palliatif. On a imaginé des bandages faits sur le modèle des brayers pour les hernies, et on fait observer qu'il faut que les pelotes soient creuses, pour s'opposer simplement à l'accroissement de la tumeur, sans oblitérer le vaisseau. Ainsi dans les anevrysmes commençans, les tumeurs qui sont oblongues demanderaient des pelotes creusées en gouttière ; c'est ce qui a fait donner à ces bandages le nom de ponton. M. l'abbé Bourdelot, premier médecin de M. le Prince, est l'inventeur de ces bandages, à l'occasion d'un anevrysme qui lui survint après avoir été saigné : nous parlerons de cette espèce d'anevrysme consécutif. Nous remarquerons ici que l'application d'un bandage ne convient point pour la cure même palliative d'un anevrysme par dilatation ; parce qu'en comprimant la tumeur d'un côté, elle croitrait de l'autre.

L'opération est l'unique ressource pour les anevrysmes vrais des extrémités : mais elle n'est praticable que dans le cas de la dilatation d'une ramification, et non dans celle d'un tronc. Pour savoir si l'anevrysme affecte une branche ou un tronc, il faut comprimer l'artère immédiatement au-dessus de la poche anevrysmale, après avoir intercepté le cours du sang par la partie dilatée : il faut être attentif à observer si la chaleur et la vie se conservent dans les parties inférieures ; car c'est un signe que le sang passe par des branches collatérales : ainsi en continuant cette compression, les branches de communication se dilateront peu à peu, et deviendront en état de suppléer l'artère principale, dont l'opération abolit l'usage. Si cette compression préparatoire prive les parties inférieures de l'abord du sang nécessaire à leur entretien, il faut la cesser promptement, et se contenter des moyens palliatifs indiqués pour les anevrysmes des capacités ; puisque l'opération n'aurait aucun succès, et qu'elle serait suivie de la mortification du membre.

Pour opérer l'anevrysme vrai, il faut y avoir préparé le malade par des remèdes généraux ; et après avoir disposé l'appareil convenable, qui consiste en aiguilles enfilées de fil ciré, en charpie, compresses et bandes, on fait mettre le malade en situation : il peut être dans son lit, ou assis dans son fauteuil. Il faut faire assujettir le membre par des aides-Chirurgiens : on applique ensuite le tourniquet au-dessus de la tumeur. (Voyez TOURNIQUET.) L'opérateur pince la peau transversalement sur la tumeur avec les pouces et les doigts indexs de chaque main : il fait prendre par un aide le pli de la peau qu'il tenait avec les doigts de la main droite ; il reçoit de cette main un bistouri droit qu'on lui présente, et avec lequel il incise tout le pli de la peau : il passe une sonde cannelée dans l'angle inférieur de l'incision longitudinale qu'il a faite, et il la continue jusqu'au-de-là de la poche, au moyen du bistouri droit dont la pointe est conduite par la cannelure de cette sonde : on en fait autant à l'angle supérieur de l'incision. Si la tumeur ou poche anevrysmale est recouverte d'une aponevrose, comme au pli du bras par celle du muscle biceps, il faut faire fléchir l'avant-bras pour inciser cette partie, et le débrider supérieurement et inférieurement comme on a fait la peau. Lorsque la maladie est bien découverte, on passe une aiguille enfilée d'un fil ciré sous le corps de l'artère au-dessus de sa dilatation, évitant d'y comprendre le nerf, dont la ligature exciterait des convulsions, etc. Il y a une aiguille particulière pour cette opération. (Voyez AIGUILLE A ANEVRYSME.) Au défaut de cette aiguille, on peut se servir du talon d'une aiguille courbe ordinaire. On a observé, lorsqu'on s'est servi de la compression préparatoire dont j'ai parlé, que l'artère contracte adhérence avec les parties subjacentes, et qu'alors il n'est pas possible de se servir d'une aiguille à pointe obtuse. Quelques praticiens dans ce cas embrassent beaucoup de chairs avec une aiguille bien pointue, et tranchante sur les côtés ; et ils mettent par-là le nerf à l'abri des accidents que produit la constriction trop exacte de ce genre de vaisseaux. On pourrait néanmoins se servir d'une aiguille fort courbe et bien tranchante, et passer immédiatement sous l'artère, sans lier le nerf, qui n'y est jamais collé exactement. D'ailleurs, l'observation a démontré que la dilatation de l'artère éloignait assez le nerf, et lui faisait faire un angle dans lequel la ligature pouvait passer : ainsi avec un peu d'attention, on ne risquera pas de le comprendre dans la ligature, ou de le piquer avec l'aiguille pointue et tranchante. On fait une seconde ligature au-dessous de la poche, car le sang des artères collatérales pourrait rétrograder, parce qu'il trouverait moins de résistance vers cet endroit. (Voyez ces ligatures, Planche XXII. figure 5.) On ouvre ensuite la poche, on la vide de tout le sang qui y est contenu, et on retranche avec le bistouri les lèvres de la plaie de la poche, et de celle des téguments, si on juge qu'elles puissent embarrasser dans les pansements, comme cela arrive toujours, pour peu que la tumeur ait de volume.

L'appareil consiste à remplir la plaie de charpie seche, qu'on contient avec les compresses et quelques tours de bande. Il ne faut pas beaucoup serrer le bandage : mais on peut laisser le tourniquet médiocrement serré, en supposant qu'on se soit servi de celui de M. Petit, afin de modérer l'action du sang contre la ligature supérieure. Les pansements ne diffèrent point de ceux de l'anevrysme faux dont nous allons parler.

L'opération de l'anevrysme faux diffère de celle qui convient à l'anevrysme vrai. Il n'est pas possible d'appliquer le tourniquet lorsque le bras est fort gonflé, et que ce gonflement s'étend jusqu'à l'aisselle : souvent il n'est pas nécessaire de s'en servir, quoiqu'on doive toujours l'avoir prêt au besoin, parce que l'épanchement du sang peut être interrompu par la présence d'un caillot qui se sera formé dans l'ouverture de l'artère. J'ai eu occasion de faire cette opération à une personne qui avait reçu un coup d'épée, qui avait pénétré obliquement depuis la partie inférieure de l'avant-bras jusqu'au pli du coude. Après avoir ouvert deux tumeurs dans leurs parties les plus saillantes, et avoir ôté les caillots du mieux qu'il me fut possible, je pansai les plaies avec de la charpie seche, des compresses, et un bandage contentif : je ne pus découvrir le point de l'artère ouverte que le quatrième jour, lorsque la suppuration eut entrainé le caillot qui s'opposait à la sortie du sang. J'appliquai alors le tourniquet, et fis la ligature de l'artère : le malade guérit en peu de temps.

Si l'application du tourniquet est possible, il faut le mettre en place : on incise ensuite les tumeurs dans toute leur étendue : on ôte le plus exactement qu'on peut les caillots de sang qu'elles renferment ; et si l'artère donne du sang, on fait serrer le tourniquet : on essuie bien le fond de la plaie, pour voir positivement le point d'où il sort : on resserre ensuite le tourniquet : on passe alors par-dessous l'artère l'aiguille plate de M. Petit, qui porte deux brins de fil ciré, dont l'un sert à faire la ligature au-dessus de la plaie du vaisseau, et l'autre au-dessous : on fait relâcher le tourniquet ; et si la ligature est bien faite, on panse le malade tout simplement comme il vient d'être dit.

La cure consiste à faire suppurer la plaie, à la mondifier, déterger et cicatriser comme les ulcères. (Voyez ULCERE.) Les ligatures tombent pendant la suppuration, non en se pourrissant, mais en sciant peu-à-peu les parties qui étaient comprises dans l'anse qu'elles formaient.

Lorsqu'on a fait la ligature d'une artère, il faut, s'il y a lieu de craindre que ce ne soit un tronc principal, couvrir tout le membre de compresses, qu'on arrosera souvent d'eau-de-vie ou d'esprit-de-vin camphrés, pour donner du ressort aux vaisseaux, et résoudre le sang coagulé. Il ne faut pas se décider trop légérement pour l'amputation à la vue d'un gonflement accompagné du froid de la partie ; il faut au contraire faire des saignées, appliquer des cataplasmes, et fomenter le membre avec l'eau-de-vie camphrée et ammoniacée. J'ai Ve faire l'opération de l'anevrysme au bras, le pouls fut plus de quinze jours à se faire sentir : on croyait de jour en jour qu'on serait obligé de faire l'amputation le lendemain : enfin par des soins méthodiques les choses changèrent de face, et le malade guérit parfaitement.

M. Foubert reconnait une autre espèce d'anevrysme faux, que celle dont on vient de parler ; il la nomme anevrysme enkisté ; cette seconde espèce d'anevrysme faux présente tous les signes de l'anevrysme vrai, ou par dilatation, quoiqu'elle soit formée par la sortie du sang hors de l'artère. Cet anevrysme est ordinairement la suite d'une saignée au bras, où l'artère a été ouverte. Le Chirurgien ayant reconnu à la couleur du sang et à l'impétuosité avec laquelle il sort, qu'il a ouvert l'artère, doit en laisser sortir une quantité suffisante pour faire une grande et copieuse saignée. Pendant que le sang coule, il doit mâcher du papier, et faire préparer des bandes et plusieurs compresses graduées. Il arrête facilement le sang, en comprimant l'artère au-dessus de la saignée. Il réunit ensuite la plaie en resserrant la peau, afin d'arrêter l'écoulement du sang de la veine, dont la sortie accompagne fort souvent celle du sang artériel. Le Chirurgien pose sur l'ouverture le tampon de papier qu'il a mâché et exprimé ; ce tampon doit être au moins de la grosseur d'une aveline : on pose sur ce papier trois ou quatre compresses graduées, depuis la largeur d'une pièce de vingt-quatre sous, jusqu'à celle d'un écu de six livres ; par ce moyen l'ouverture de l'artère se trouve exactement comprimée pendant que les parties voisines ne le sont que légèrement. On contient ces compresses graduées avec une bande pareille à celle dont on se sert pour les saignées du pied, c'est-à-dire une fois plus longue que celle dont on se sert ordinairement pour la saignée du bras. Il ne faut serrer ce bandage que médiocrement, de crainte d'occasionner le gonflement de la main et de l'avant-bras : un Chirurgien appuiera ensuite ses doigts sur les compresses pendant quelques heures, en observant que la compression qu'il fait ne porte que sur le point où l'artère a été piquée. Lorsque le Chirurgien cessera de comprimer, il faut substituer à ses doigts un bandage d'acier, dont la pelote bien garnie porte sur l'appareil, et appuie précisément sur le lieu de l'ouverture. (Voyez les figures 2. et 3. Pl. XXII. qui représentent ces espèces de bandages.) Ce bandage ne gêne en aucune façon le retour du sang, parce qu'il reçoit son point d'appui de la partie opposée à la pelote, et que tous les autres points de la circonférence du membre sont exempts de compression. On peut lever cet appareil au bout de sept à huit jours, sans craindre la sortie du sang : on examine si la compression immédiate du papier sur la peau n'y a pas produit une contusion qui pourrait être suivie d'ulcération, afin d'y remédier. Si les choses sont en bon état, on remet un nouveau tampon de papier mâché, un peu moins gros qu'à la première fois ; on applique des compresses graduées, qu'on assujettit par des tours de bande un peu moins serrés qu'au premier appareil ; si l'on a remarqué quelque contusion, on remettra le bandage d'acier sur le tout, et on fera observer au malade le repos du bras, qu'il aura soin de ne pas tirer de l'écharpe où il sera mis : à huit jours de-là on pourra renouveller l'appareil, qui pourra être serré plus légèrement. Ce traitement doit être continué 25 à 30 jours : à chaque levée d'appareil, le Chirurgien examinera avec attention s'il ne s'est point fait de tumeur ; il s'attacherait alors à faire sa compression sur le point tuméfié : mais on ne doit point être dans cet embarras, si l'on a suivi exactement ce qui vient d'être prescrit.

Si ces moyens sont négligés, ou qu'on ne les ait pas continués assez de temps, il survient une tumeur anevrysmale, parce que l'impulsion du sang chasse le caillot qui bouchait l'ouverture de l'artère. Il se forme d'abord une petite tumeur qui augmente peu-à-peu, et qui acquiert plus ou moins de volume selon l'ancienneté de sa formation, et la quantité du sang extravasé. Cette tumeur est ronde, circonscrite, sans changement de couleur à la peau ; elle est susceptible d'une diminution presque totale, lorsqu'on la comprime : enfin elle a tous les signes de l'anevrysme vrai, quoiqu'elle soit causée par l'extravasation du sang. Voici comme cela arrive : lorsqu'on a arrêté le sang d'une artère, et qu'on a réuni la plaie sur laquelle on a fait une compression suffisante, la peau, la graisse, l'aponevrose du muscle biceps, et la capsule de l'artère, se cicatrisent parfaitement : mais l'incision du corps de l'artère ne se réunit point. Les fibres qui entrent dans sa structure se retirent en tous sens par leur vertu élastique, et laissent une ouverture ronde dans laquelle il se forme un caillot. Si l'on continuait assez longtemps la compression, pour procurer une induration parfaite du caillot, on guérirait radicalement le malade : mais si l'on permet l'exercice du bras avant que le caillot ait acquis assez de solidité pour cimenter l'adhérence de la capsule et de l'aponevrose, il s'échappera du trou. Le sang s'insinuera alors dans l'ouverture, les impulsions réitérées décolleront les parties qui avoisinent la circonférence de l'ouverture de l'artère, et ce décollement produit la tumeur anevrysmale, qui rentre lorsqu'on la comprime, parce que le sang fluide repasse dans l'artère. Cette tumeur, en grossissant et devenant plus ancienne, forme des couches sanguines, qui se durcissent considérablement ; raison pour laquelle M. Foubert la nomme anevrysme enkisté, ou capsulaire.

Cette théorie est fondée sur un grand nombre de faits par les opérations d'anevrysme de cette espèce, que ce célèbre Chirurgien a eu occasion de pratiquer, et par les observations qu'il a faites, en disséquant les bras des personnes mortes, et qui avaient été guéries de semblables accidents par le moyen de la compression. En ouvrant, dans ces dissections, l'artère, postérieurement à l'endroit malade, il a trouvé un trou rond bouché exactement par un caillot de sang fort solide ; et disséquant avec attention la face extérieure de l'artère, il a trouvé à l'endroit du trou un ganglion formé par le caillot, en sorte que l'artère, la capsule et l'aponévrose tenaient ensemble par une cicatrice commune. Dans les opérations qu'il a faites, il a trouvé une poche plus ou moins solide, selon l'ancienneté de la maladie. Cette poche lui a paru formée extérieurement par l'aponévrose, ensuite de plusieurs couches sanguines, dont les extérieures avaient plus de consistance que les internes, sans doute parce que l'étoffe en était plus frappée, soumise depuis plus de temps à l'action impulsive du sang, et à la résistance des parties circonvoisines. Après avoir évacué tout ce qui s'est trouvé de fluide dans ces sortes de poches, M. Foubert a Ve que le tube artériel était dépouillé dans toute l'étendue de la tumeur, et qu'il y avait vers le milieu un trou rond par lequel le sang était sorti ; ce qu'il a vérifié, en lâchant le tourniquet, pour en laisser sortir un jet de sang.

Il y a environ 13 ou 14 ans que M. Foubert a communiqué à l'académie royale de Chirurgie, les faits qui sont le fondement de la doctrine qu'on vient d'exposer ; les nouvelles observations, confirmatives des premières, lui ont fourni une méthode curative de cette maladie, qui est relative à ses différents temps. Lorsque la tumeur est petite et nouvelle, il la guérit toujours par la compression prescrite ci-dessus : mais si la tumeur est ancienne, l'opération est absolument nécessaire pour guérir la maladie. L'opération n'est point urgente comme dans l'anevrysme faux par inondation. On peut attendre sans danger que l'anevrysme enkisté ait acquis un certain volume, l'opération en deviendra plus facile. Avant de se déterminer à l'opération, il faut s'assurer du succès, en comprimant assez fortement la tumeur, pour intercepter le cours du sang dans l'artère ; car si la compression exacte ôtait à l'avant-bras le sang nécessaire pour sa nourriture, on doit être persuadé que c'est le trou de l'artère qui a été ouverte, et qu'il n'y a point de branches collatérales capables de distribuer les liqueurs nourricières à l'avant-bras et à la main ; dans ce cas, M. Foubert ne fait point l'opération. Si au contraire l'avant-bras prend nourriture, et que le principe vital y subsiste malgré la compression de la tumeur, on doit faire l'opération, puisqu'on a toute la certitude de succès qu'on peut avoir.

A l'égard de l'opération, le malade étant assis sur une chaise d'une hauteur convenable, donne son bras que des aides doivent soutenir : le Chirurgien applique le tourniquet (voyez TOURNIQUET) ; il ouvre les téguments, selon l'usage ordinaire, et après avoir découvert la tumeur, il l'incise dans toute son étendue, en pénétrant jusqu'au sang fluide, comme s'il ouvrait un abcès : il ôte ce sang et les couches sanguines qui forment le kiste, autant qu'il lui est possible ; et ayant découvert l'artère, et aperçu son ouverture, il passe une aiguille bien courbe, bien pointue et tranchante, de dessous en-dessus, c'est-à-dire que l'aiguille doit pénétrer sous l'artère par le côté de ce vaisseau qui regarde le condîle interne de l'humerus, et immédiatement dessous l'artère, en sorte que sa pointe embrasse ensuite une assez bonne portion du kiste et des parties qui l'avoisinent, pour rendre la ligature plus solide. M. Foubert a observé que, par cette méthode de faire la ligature, on évitait surement le nerf, qu'on lierait si on la faisait différemment. Une seule ligature posée supérieurement à quelques lignes du trou de l'artère, lui a souvent suffi ; il conseille néanmoins d'en faire une au-dessous.

Ces deux ligatures arrêtées selon l'usage ordinaire, il remplit la plaie de charpie seche, qu'il soutient avec des compresses longuettes et un bandage contentif, observant de ne pas trop le serrer, de crainte de porter obstacle à la distribution des liqueurs ; et il observe avec soin ce qui se passe à l'avant-bras, qui doit être couvert de compresses, et qu'on doit fomenter avec de l'eau-de-vie chaude.

Les pansements consistent à renouveller les compresses et le bandage quarante-huit heures après l'opération ; on attend la chute de la charpie et des ligatures, qui viennent ordinairement ensemble dix à douze jours après l'opération. Dans tout cet intervalle la matière coule aisément à côté de la charpie. Lorsque les ligatures sont tombées, M. Foubert remplit la plaie d'un bourdonnet mollet, qui a été roulé dans la colophone en poudre, et il termine ainsi la cure en très-peu de temps.

Le parallèle des différentes opinions qu'on a eues sur la formation des anevrysmes, devrait être naturellement une suite de ce que je viens d'écrire sur cette maladie ; ce serait la matière de plusieurs réflexions importantes, qui ne sont point de nature à entrer dans un dictionnaire : j'espère qu'on me pardonnera d'avoir transgressé les bornes prescrites, en faveur de l'utilité qui peut en revenir.

M. Foubert à qui j'ai communiqué ce que je viens de dire sur l'anevrysme enkisté, pour ne lui point attribuer des sentiments contraires aux siens, m'a fait part d'une remarque importante sur l'opération de l'anevrysme faux par inondation. Il a observé que les cellules graisseuses engorgées par le sang épanché, causaient fréquemment à la partie un gonflement considérable, accompagné d'oedématie, par la gêne que le sang trouve à son retour en conséquence de la compression des vaisseaux qui y servent. Cette oedématie empêche qu'on ne distingue les tumeurs particulières qu'on observe quelquefois dans cette maladie. La consistance du sang épanché, dont on est obligé de séparer les caillots avec le tranchant du bistouri, a fait voir à M. Foubert, qu'on pourrait ouvrir l'artère dans un autre point que celui dont la division est la cause de la maladie à laquelle on se propose de remédier. Dans cette vue, il a la précaution de porter une sonde cannelée dans les caillots, et de n'en soulever qu'une très-petite surface, afin d'inciser surement, en coulant le dos et la pointe du bistouri dans la gouttière de la sonde. Il observe même dans ces sections successives de les diriger de haut-en-bas, de crainte, en opérant dans un sens contraire, de couper les aisselles de quelques ramifications. On ne peut trop insister sur de telles remarques ; ce sont des conseils précieux, puisqu'ils ont l'observation et l'expérience pour principe ; M. Foubert ayant eu plusieurs occasions de pratiquer cette opération dans l'hôpital de la Charité, où il vient d'exercer la Chirurgie aux yeux du public pendant dix ans, tant en qualité de Chirurgien en chef, que de substitut. (Y)