S. m. (Divination) sorte de magie ou sorcellerie. Voyez MAGIE et SORCELLERIE.

Ce qu'on appelle maléfice ou fascination n'est pas sans fondement. Il y a sur cette matière une infinité d'exemples et d'histoires qu'on ne doit pas rejeter précisément, parce qu'elles ne s'accordent pas avec notre philosophie ; il semble même qu'on pourrait trouver dans la Philosophie de quoi les appuyer. Voyez FASCINATION.

Tous les êtres vivants que nous connaissons, envaient des écoulements, soit par la respiration, soit par les pores de la peau. Ainsi tous les corps qui se trouvent dans la sphère de ces écoulements, peuvent en être affectés, et cela d'une manière ou d'une autre suivant la qualité de la matière qui s'exhale, et à tel ou tel degré suivant la disposition des parties qui envaient les écoulements, et de celles qui les reçoivent. Voyez ÉCOULEMENT.

Cela est incontestable ; et il n'est pas besoin pour le prouver, d'alleguer ici des exemples d'animaux qui exhalent de bonnes ou de mauvaises odeurs, ou des exemples de maladies contagieuses communiquées par ces sortes d'écoulements, etc. Or de toutes les parties d'un corps animal, l'oeil parait être celle qui a le plus de vivacité. Il se meut en effet avec la plus grande légèreté et en toutes sortes de directions. D'ailleurs ses membranes et ses humeurs sont aussi perméables qu'aucune autre partie du corps, témoin les rayons du soleil qu'il reçoit en si grande abondance. Ainsi il ne faut pas douter que l'oeil n'envoie des écoulements de même que les autres parties. Les humeurs subtilisées de cet organe doivent s'en exhaler continuellement ; la chaleur des rayons qui les pénètrent, les atténue et les rarefie ; ce qui étant joint au liquide subtil ou aux esprits du nerf optique voisin, que la proximité du cerveau fournit abondamment, doit faire un fonds de matière volatîle que l'oeil distribuera, et pour ainsi dire déterminera. Nous avons donc ici le trait à la main pour le lancer ; ce trait a toute la force et la violence, et la main toute la vitesse et l'activité nécessaires : il n'est donc pas étonnant si leurs effets sont prompts et grands.

Concevons l'oeil comme une fronde capable des mouvements et des vibrations les plus promptes et les plus rapides, et outre cela comme ayant communication avec la source d'une matière telle que le suc nerveux qui se travaille dans le cerveau ; matière si subtîle et si pénétrante, qu'on croit qu'elle coule en un instant à-travers les filets solides des nerfs, et en même temps si active et si puissante, qu'elle distend spasmodiquement les nerfs, fait tordre les membres, et altère toute l'habitude du corps, en donnant du mouvement et de l'action à une masse de matière naturellement lourde et sans activité.

Un trait de cette espèce lancé par une machine telle que l'oeil, doit avoir son effet par-tout où il frappe ; et l'effet sera plus ou moins grand suivant la distance, l'impétuosité de l'oeil, la qualité, la subtilité, l'acrimonie des sens, la délicatesse ou la grossiereté de l'objet qui est frappé.

Par cette théorie on peut, à mon avis, rendre raison de quelques-uns des phénomènes du maléfice, et particulièrement de celui qu'on nomme fascination. Il est certain que l'oeil a toujours été regardé comme le siège principal ou plutôt l'organe du maléfice, quoique la plupart de ceux qui en ont écrit ou parlé, ne sussent pas pourquoi. On attribuait le maléfice à l'oeil, mais on n'imaginait pas comment il opérait cet effet. Ainsi selon quelques-uns, avoir mauvais oeil, est la même chose qu'être adonné aux maléfices : de-là cette expression d'un berger dans Virgile :

Nescio quis teneros oculus mihi fascinat agnos.

De plus, les personnes âgées et bilieuses sont celles que l'on croit ordinairement avoir la vertu du maléfice, parce que le suc nerveux est dépravé dans ces personnes par le vice des humeurs, qui en l'irritant, le rendent plus pénétrant et d'une nature maligne. C'est pourquoi les jeunes gens et surtout les enfants en sont plutôt affectés, par la raison que leurs pores sont plus ouverts, leurs sucs sans cohérence, leurs fibres délicates et très-sensibles : aussi le maléfice dont parle Virgile n'a d'effet que sur les tendres agneaux.

Enfin le maléfice ne s'envoie que par une personne fâchée, provoquée, irritée, etc. car il faut un effort extraordinaire et une vive émotion d'esprit pour lancer une suffisante quantité d'écoulements, avec une impétuosité capable de produire son effet à une certaine distance. C'est une chose incontestable que les yeux ont un pouvoir extraordinaire. Les anciens Naturalistes assurent que le basilic et l'opoblepa tuent les autres animaux par leur seul regard. On en croira ce qu'on voudra, mais un auteur moderne assure avoir Ve une souris qui tournait autour d'un gros crapaud lequel était occupé à la regarder attentivement la gueule béante ; la souris faisait toujours des cercles de plus petits en plus petits autour du crapaud, et criait pendant ce temps-là comme si elle eut été poussée de force à s'approcher de plus en plus du côté du reptile. Enfin nonobstant la grande résistance qu'elle paraissait faire, elle entra dans la gueule béante du crapaud et fut aussitôt avalée. Telle est encore l'action de la couleuvre à l'égard du crapaud qu'elle attend la gueule béante, et le crapaud Ve de lui-même s'y précipiter. On peut rapporter à la même cause ce que raconte un physicien. Il avait mis sous un récipient un gros crapaud, pour voir combien il y vivrait sans aucune nourriture, et il l'observait tous les jours : un jour entr'autres, qu'il avait les yeux fixés sur cet animal, le crapaud en s'enflant dirigea les siens sur ceux de l'observateur, dont insensiblement la vue se troubla, et qui tomba enfin en syncope. Qui est-ce qui n'a pas observé un chien-couchant et les effets de son oeil sur la perdrix, dès qu'une fois les yeux du pauvre oiseau rencontrent ceux du chien, la perdrix s'arrête, parait toute troublée, ne pense plus à sa conservation et se laisse prendre facilement. Je me souviens d'avoir lu qu'un chien en regardant fixément des écureuils qui étaient sur des arbres, les avait arrêtés, stupéfiés, et fait tomber dans sa gueule.

Il est aisé d'observer que l'homme n'est pas à couvert de semblables impressions. Il y a peu de gens qui n'aient quelquefois éprouvé les effets d'un oeil colere, fier, imposant, dédaigneux, lascif, suppliant, etc. Ces sortes d'effets ne peuvent certainement venir que des differentes éjaculations de l'oeil, et sont un degré de maléfice. Voilà tout ce qu'une mauvaise philosophie peut dire de moins pitoyable.

Les Démonographes entendent par maléfice une espèce de magie par laquelle une personne par le moyen du démon, cause du mal à une autre. Outre la fascination dont nous venons de parler, ils en comptent plusieurs autres espèces, comme les philtres, les ligatures, ceux qu'on donne dans un breuvage ou dans un mêts, ceux qui se font par l'haleine, etc. dont la plupart peuvent être rapportées au poison ; de sorte que quand les juges séculiers connaissent de cette espèce de crime et condamnent à quelque peine afflictive ceux qui en sont convaincus, le dispositif de la sentence porte toujours que c'est pour cause d'empoisonnement et de maléfice. Voyez LIGATURE, PHILTRE, etc.