S. m. (Critique sacrée) Grotius semble affecter le terme de prosélyte aux payens qui avaient embrassé entièrement le Judaïsme ; mais on sait que les autres étrangers, domiciliés parmi les Juifs, étaient aussi appelés prosélytes, parce qu'effectivement, quoiqu'ils ne se soumissent point à l'observation des cérémonies mosaïques, il fallait nécessairement qu'ils renonçassent à l'idolâtrie païenne, et qu'ils fissent profession d'adorer le Créateur, le seul vrai Dieu ; ce qui est le grand article fondamental de la religion judaïque. Aussi les appelait-on prosélytes de la porte, pour les distinguer de prosélytes de la justice, ou de ceux qui étaient naturalisés, dont nous parlerons bientôt. Le savant Gronovius prétend à tort que Corneille le centenier ne faisait pas profession ouverte du judaïsme, afin de ne pas perdre son emploi, autrement, dit-il, il n'aurait pas pu être citoyen romain, comme il fallait l'être, pour porter les armes dans les troupes romaines, surtout pour avoir un poste tel que celui qu'il occupait. Mais outre qu'il n'y a rien dans toute la narration de S. Luc, Act. ch. Xe qui donne lieu de soupçonner que Corneille ne fût pas ouvertement prosélyte de la porte, l'exemple de S. Paul qui, quoique juif de naissance, était citoyen romain, suffit pour détruire la raison de Gronovius.

Pour ce qui est des prosélytes de la justice, il faut savoir que, selon les Juifs, quand un payen se faisait prosélyte de la justice, comme il était censé renaître, toutes les relations qu'il avait eu auparavant de père, de mère, de fils, de filles, de parent, d'allié, etc. s'évanouissaient en même temps ; c'est ce que Tacite semble insinuer obscurément dans les paroles suivantes : Transgressi in morem eorum (Judaeorum) idem usurpant : nec quidquam priùs imbuuntur, quàm contemnere deos, exuere patriam ; parentes, liberos, fratres vilia habere. Histoire lib. V. cap. VIe Sur ce principe, ils prétendaient qu'un tel prosélyte devenu un nouvel homme, pouvait, selon la loi de Dieu, épouser sa mère, sa belle-mère, sa sœur, qui n'étaient plus regardées comme telles, quand même elles se convertissaient comme lui au judaïsme ; cependant en vertu des traditions de leurs ancêtres, ils défendaient de tels mariages ; mais ils les permettaient aux esclaves qui, en se convertissant, étaient demeurés tels, et dont les mariages se faisaient ou se dissolvaient au gré de leurs maîtres. Tacite dit que les lois romaines étaient différentes ; car elles voulaient qu'en matière de mariage, entre esclaves mêmes ou affranchis, on eut égard au degré de parenté.

Arrêtons-nous encore quelques moments sur les prosélytes de la porte et les prosélytes de la justice, car c'est un sujet très-curieux, qui demande d'être éclairci plus au-long.

Les prosélytes de la porte s'appelaient ainsi, parce qu'ils n'entraient que dans la cour extérieure du temple pour adorer, et qu'ils s'arrêtaient à la porte de la seconde cour : les prosélytes de justice furent ainsi nommés, parce qu'en embrassant la loi de Moyse ils étaient censés s'engager à vivre dans la sainteté et dans la justice.

Les premiers renonçaient simplement à l'idolâtrie, et servaient Dieu selon la loi de la nature, que les Juifs comprenaient sous sept articles, qu'ils appelaient les sept préceptes des enfants de Noé. Ils croyaient que tous les hommes étaient obligés de garder ces commandemens-là ; mais que l'obligation de garder ceux de la loi de Moyse ne s'étendait pas à tous ; que cette loi n'était faite que pour leur nation, et non pas pour tout le monde ; que pour le reste du genre humain, pourvu qu'ils observassent la loi naturelle, c'est-à-dire, selon eux, les sept préceptes dont nous venons de parler, c'était tout ce que Dieu demandait d'eux, et qu'ils lui seraient aussi agréables que les Juifs quand ils observaient leur loi particulière. Ainsi ils leur permettaient de demeurer au milieu d'eux, et les nommaient par cette raison guerim tosharsim, prosélytes habitants, ou guéré shaar, prosélytes de la porte, parce qu'il leur était permis de demeurer dans leurs villes. Cette expression semble être tirée du quatrième commandement, et l'étranger qui est dans les portes (veguérecha bisharecha), car le même mot en hébreu signifie étranger ou prosélyte ; et dans ce commandement il est indifférent de quelle manière on le prend ; car les Israélites ne permettaient à aucun étranger de demeurer parmi eux, s'il ne renonçait à l'idolâtrie, et ne s'obligeait à observer les sept préceptes des enfants de Noé.

Il n'y avait pas jusqu'aux esclaves, même ceux qu'on avait fait à la guerre qu'on y obligeait ; et s'ils ne voulaient pas s'y conformer, ou on les tuait, ou on les vendait à d'autres nations. Or ceux qui étaient prosélytes de cet ordre, outre la permission de demeurer avec eux, avaient aussi celle d'entrer dans le temple pour servir Dieu ; seulement ils n'entraient que dans la première cour, qu'on appelait la cour des gentils. Personne ne passait le chel qui séparait cette cour de celle du dedans, que ceux qui faisaient une profession entière, par laquelle ils s'obligeaient à garder toute la loi. Ainsi quand il venait à Jérusalem quelque prosélyte de la porte, il adorait dans cette cour extérieure. C'était de cette espèce qu'étaient, à ce qu'on croit communement, Naaman le syrien, et Corneille le centenier.

Les prosélytes de la justice étaient ceux qui s'engageaient à garder toute la loi ; car, quoique les Juifs ne crussent pas que ceux qui n'étaient pas israélites naturels y fussent obligés, ils n'en refusaient point, et recevaient au contraire avec plaisir tous ceux qui voulaient faire profession de leur religion. On remarque même que du temps de notre Sauveur ils se donnaient de grands mouvements pour les y attirer et les convertir. On initiait ces sortes de prosélytes par le baptême, par des sacrifices et par la circoncision. Après cela ils jouissaient des mêmes privilèges, et étaient admis aux mêmes rites et aux mêmes cérémonies que les juifs naturels. Il faut seulement excepter les mariages en fait de privilèges, parce qu'il y avait des nations qui en étaient exclues pour toujours ; et d'autres seulement pour un certain nombre de générations, comme les Edomites, jusqu'à la troisième ; ce fut avec cette clause qu'Hyrcan les reçut prosélytes de justice ; mais dans la suite, ils ne firent plus qu'un même corps avec les Juifs, et perdirent leur nom d'Edomites.

Ceux qui désireront de plus grands détails sur les prosélytes de la porte et de la justice, doivent consulter l'ouvrage de Mede ; les remarques de Hammond sur S. Matth. c. IIIe vers. 1. et c. xxiij. 15. le dictionnaire rabbinique de Buxtorf, et le traité de Maimonidès, traduit en latin, avec des notes par le célèbre Prideaux, sous le titre de jure pauperis et peregrini. (D.J.)

PROSELYTES, baptême des, (Histoire de l'Egl. prim.) Justin martyr, décrit ainsi dans sa seconde apologie le baptême des prosélytes. Lorsque quelqu'un, dit-il, est persuadé de notre doctrine, et qu'il promet de vivre conformément aux préceptes de Jesus-Christ, nous lui déclarons qu'il doit prier avec jeune, demandant à Dieu la remission de ses péchés. Nous jeunons nous-mêmes, nous prions avec lui ; ensuite nous le menons dans un endroit où il y a de l'eau, et nous le régénérons comme nous l'avons été, en le lavant au nom de Dieu le Père, le Maitre de toutes choses, de notre Sauveur, et du S. Esprit. Il y a d'autres pères qui ont eu une idée bien fausse du baptême. Saint Chrysostome en parle plus en orateur qu'en théologien dans son Homélie 40. sur la I. aux Corinth. il dit qu'une personne qui a été baptisée devient plus pure que le rayon du soleil, et même plus pure que l'or, et en sépare toute l'impureté. Cette opinion n'est cependant fondée ni dans l'Ecriture, ni dans la raison, ni dans l'expérience. Le baptême n'est autre chose que le signe de la confirmation du pardon que Dieu daigne accorder au pécheur, et le signe de la promesse que fait le pécheur de renoncer à ses vices. Beausobre. (D.J.)