S. m. (Astronomie) machine astronomique qui par le moyen d'une vis sert à mesurer dans les cieux avec une très-grande précision, de petites distances ou de petites grandeurs, comme les diamètres du soleil, des planètes, etc. Voyez DISTANCE.

Ce mot vient du grec , petit, et , mesure, parce qu'avec cette machine on peut, comme nous venons de le dire, mesurer de très-petites grandeurs, un pouce, par exemple, s'y trouvant divisé en un très-grand nombre de parties, comme en 2400, et dans quelques-uns même dans un plus grand nombre encore.

On ne sait point bien certainement à qui l'on doit attribuer la première invention de cette ingénieuse machine ; les Anglais en donnent la gloire à un M. Gascoigne, astronome qui fut tué dans les guerres civiles d'Angleterre, en combattant pour l'infortuné Charles I. Dans le continent on en fait honneur à M. Huygens. On jugera de leurs titres respectifs par ce que nous allons rapporter. M. de la Hire, dans son mémoire de 1717 sur la date de plusieurs inventions qui ont servi à perfectionner l'Astronomie, dit que c'est à M. Huygens que nous devons celle du micromètre. Il remarque que cet auteur dans son observation sur l'anneau de Saturne, publiée en 1659, donne la manière d'observer les diamètres des planètes en se servant de la lunette d'approche, et en mettant, comme il dit, au foyer du verre oculaire convexe, qui est aussi le foyer de l'objectif, un objet qu'il appelle virgule, d'une grandeur propre à comprendre l'objet qu'il voulait mesurer. Car il avertit qu'en cet endroit de la lunette à deux verres convexes on voit très-distinctement les plus petits objets. Ce fut par ce moyen qu'il mesura les diamètres des planètes tels qu'il les donne dans cet ouvrage. D'un autre côté, M. Tounley, sur ce que M. Auzout avait écrit dans les Trants. phil. n °. 21. sur cette invention, la revendique en faveur de M. Gascoigne par un écrit inséré dans ces mêmes Trants. n °. 25, ajoutant qu'on le regarderait comme coupable envers sa nation, s'il ne faisait valoir les droits de cet astronome sur cette découverte. Il remarque donc qu'il parait par plusieurs lettres et papiers volans de son compatriote qui lui ont été remis, qu'avant les guerres civiles il avait non-seulement imaginé un instrument qui faisait autant d'effet que celui de M. Auzout, mais encore qu'il s'en était servi pendant quelques années pour prendre les diamètres des planètes ; que même d'après sa précision il avait entrepris de faire d'autres observations délicates, telles que celles de déterminer la distance de la lune par deux observations faites, l'une à l'horizon, et l'autre à son passage par le méridien ; enfin, qu'il avait entre les mains le premier instrument que M. Gascoigne avait fait, et deux autres qu'il avait perfectionnés. Après des témoignages aussi positifs, il parait difficîle (quoiqu'on connaisse l'ardeur avec laquelle les Anglais revendiquent leurs découvertes et cherchent quelquefois même à s'attribuer celles des autres nations) il parait, dis-je, difficîle de ne pas donner à cet anglais l'invention du micromètre ; mais on n'en doit pas moins regarder M. Huygens comme l'ayant inventé aussi de son côté, car il est plus que vraisemblable qu'il n'eut aucune connaissance de ce qui avait été fait dans ce genre au fond de l'Angleterre. Quant à la construction du micromètre donné par le marquis de Malvasia trois ans après celle de M. Huygens, on ne peut la regarder comme une découverte ; il parait presque certain qu'il en dut l'idée au micromètre de cet illustre géomètre. Mais s'il fut imitateur, il fut imité aussi à son tour ; car il y a tout lieu de penser que le micromètre de ce marquis donna à M. Auzout l'idée du sien, qui était si bien imaginé, qu'on ne se sert pas d'autre aujourd'hui. En effet, celui que nous décrirons plus bas n'est que celui-là perfectionné.

On voit dans les différents perfectionnements de cette machine, ce que l'on a souvent occasion d'observer dans ce dictionnaire au sujet de nos découvertes dans les arts et dans les sciences ; je veux dire la marche lente de nos idées, et la petitesse des espaces que franchit chaque inventeur. M. Huygens invente sa virgule : celle-ci donne au marquis de Malvasia l'idée de son châssis. Enfin M. Auzout imagine d'en détacher quelques fils qui pouvant se mouvoir parallèlement en s'éloignant ou s'approchant des premiers, qui restent immobiles, donnent par-là la facilité de prendre avec beaucoup de précision le diamètre d'un astre ou une très-petite distance.

Comme il serait inutîle de rapporter la construction des différentes espèces de micromètre que l'on a imaginées, nous nous attacherons simplement à décrire celle qui est la plus parfaite et la plus en usage.

Description du micromètre. Au milieu d'une plaque de cuivre A B, fig. première, de forme oblongue, est coupé un grand trou oblong a b c d e f, qui doit être placé au foyer du télescope ; ce trou est traversé au milieu dans sa longueur par un fil très-délié b c, qui est perpendiculaire à deux très-petites lames ou pinnules de cuivre g h, i k, placées en-travers du trou. L'une de ces lames g h est attachée sur la plaque A B par des vis en g et en h ; mais l'autre i k est mobîle parallèlement à g h, on lui communique le mouvement en faisant tourner la poignée C fixée sur le bout d'une longue vis d'acier D E, qui roule par son extrémité D formée en pointe sur la vis Y, et qui tourne par l'autre dans un trou en E au centre du cadran E F, situé à angles droits avec la platine. La pièce t s W X, qui pose sur la grande plaque et qui porte le fil ou la petite lame mobîle i k, cette pièce, dis-je, a deux espèces de talons W X qui sont percés et taraudés pour recevoir la grande vis D E, de façon qu'en la tournant d'un sens ou de l'autre on fait avancer ou reculer toute la pièce t s X. Afin que l'extrémité p de cette pièce ne lève pas, elle est accrochée sur la grande plaque par une petite q r qui y tient avec des vis, et sous laquelle elle glisse. Pour que la lame mobîle i k soit placée bien parallèlement à l'autre g h, elle est percée de deux trous t st s qui sont oblongs et plus grands que les tiges des vis qui doivent les presser contre la pièce t s W X : car par-là on ne serre ces vis que lorsqu'ayant approché cette lame i k de l'autre g h, on voit qu'elle touche cette dernière également par-tout. En effet, si l'on suppose que les talons W et X, au-travers desquels passe la grande vis D E, soient suffisamment éloignés l'un de l'autre, qu'elle s'y meuve sans jeu, enfin que cette vis soit bien droite, on sera assuré alors que la petite lame i k se mouvera parallèlement à l'autre g h. Supposant donc que la vis soit bien droite, voici les précautions que l'on prend pour que, se mouvant avec liberté dans les talons W X, ce soit toujours d'un mouvement doux et sans jeu.

Un petit ressort w x que l'on voit au-dessus de la figure, porte en son milieu v une portion d'écrou à-peu-près le tiers de la circonférence ; et ce petit ressort étant visé vers w et Xe son action est telle, qu'il tend toujours à élever la portion d'écrou Ve et par conséquent à presser le vis D E, et lui ôter le jeu insensible qu'elle pourrait avoir. Pour empêcher de même qu'elle ne se meuve selon la longueur, le petit trou où est reçu son extrémité conique est fait dans une vis Y, de façon qu'en la tournant on peut ôter à la vis D E toute espèce de jeu en ce sens.

On voit sur le cadran une aiguille et un index : celle-là marque les parties de révolutions de la vis, et celui-ci ou l'index marque sur le petit cadran (qui parait à-travers l'entaille circulaire) le nombre de ces révolutions. Pour cet effet il y a dans l'intérieur deux roues et un pignon qui mènent ce petit cadran, de façon qu'à chaque tour de l'aiguille il avance d'une division. Ainsi on voit par-là que sachant une fois à quel espace équivaut l'intervalle d'un pas de la vis D E, on saura par l'aiguille et par l'index à quelle distance les deux lames ou les deux fils (car on peut y en substituer) g h et i k sont l'un de l'autre.

Ce micromètre tel que nous venons de le décrire, étant placé dans un télescope, a cet inconvénient, qu'il faut tourner cet instrument graduellement jusqu'à ce que l'astre que vous observez paraisse se mouvoir parallèlement au fil b e, ce qui souvent est assez difficile. Or pour y remédier, on voit qu'il faut trouver le moyen de monter le micromètre dans le télescope de manière qu'il puisse avoir un mouvement circulaire autour de l'axe du télescope indépendant de la pièce qui le fait tenir avec cet instrument. C'est à quoi le savant M. Bradley a parfaitement bien reussi par la construction suivante.

Sur le derrière de la grande plaque qui est tournée en-dessus, et représentée ici par le parallélogramme G H I K, fig. 2. il y a une autre plaque L M N O de la même largeur et de la même épaisseur, mais plus courte, qui est percée au milieu d'un trou oblong et un peu plus grand que celui qui est dans la grande plaque, comme on le voit dans la figure ; ce trou, ou plutôt cette ouverture, est terminée par deux lignes droites , et à ses deux bouts par deux arcs concaves , dont le centre commun est le point , intersection commune des fils b e et g h. La partie concave glisse en tournant autour de ce centre le long d'un arc convexe , décrit du même centre, un peu plus long que l'arc concave, de même épaisseur que la plaque L M N O, et fortement vissée sur la grande. L'arc concave glisse aussi le long d'un autre arc convexe plus court, décrit aussi du centre , et formé d'une pièce de la même épaisseur que la plaque supérieure, et fortement vissée à celle de dessous. On conçoit parlà que tout ceci étant bien exécuté, la plaque L M N O doit tourner autour des deux portions de cercle et , comme si elle tournait autour du centre : les deux arcs et sont recouverts de deux plaques vissées dessus, et qui les débordant pressent toujours par ce moyen la plaque L M N O contre la grande. Pour la faire mouvoir graduellement autour du point ; il y a à l'extrémité de la plaque L M N O une petite portion de roue v que l'on fait tourner par le moyen de la vis sans fin S T. D'après tout ceci on voit clairement que la plaque L M N O étant fixement arrêtée au foyer du télescope, en faisant mouvoir la vis sans fin, on donnera à la grande plaque G H I K la position requise, ou, en d'autres termes, qu'on donnera au fil b e qu'elle porte, la position qu'il doit avoir pour que l'astre se meuve parallélement à lui.

Pour que tout ceci puisse se placer commodément dans le télescope, il y a sur les bords de la plaque L M N O deux petites plaques, comme on le voit dans la figure, qui sont recourbées à chaque extrémité en équerre, mais de façon qu'un bout soit en sens contraire de l'autre : par-là, d'un côté, ce rebord sert à les visser sur la plaque ; de l'autre, il sert à entrer dans une rainure pratiquée dans un tuyau carré que l'on met dans le télescope de façon qu'ils fassent corps ensemble. On voit en la coupe de ce tuyau, et les entailles , faites pour recevoir les bords des petites plaques dont nous venons de parler.

Voici les principales mesures de ce micromètre

Un pouce contient 40 pas de la vis D E.

Enfin le pouce est divisé par le cadran en 40 fois 40 ou 1600 parties égales. On peut, comme nous l'avons dit, au lieu de petites lames ou barrelettes de cuivre g h, i k, leur substituer des fils parallèles.

Lorsque les pinnules ou les fils se touchent, il faut que l'aiguille et l'index sortent au commencement des divisions : alors à mesure que les fils s'éloignent, il est évident, comme nous l'avons dit, que le nombre des révolutions sera comme les distances entre ces fils ; et conséquemment comme les angles dont ces ouvertures sont la base, et qui ont leur sommet au centre de l'objectif, ces distances différent insensiblement des arcs qui mesurent ces petits angles. C'est pourquoi, lorsqu'on a une fois déterminé par l'expérience un angle correspondant à un nombre de révolutions donné, on peut facilement trouver par une règle de trois l'angle correspondant à un autre nombre de révolutions : on pourra en conséquence former des tables qui montreront tout d'un coup le nombre de minutes et de secondes d'un angle répondant à un certain nombre et à une certaine partie de révolutions.

Afin de déterminer un angle quelconque, le plus grand sera le mieux, parce que les erreurs seront en raison inverse de la grandeur des angles : on fixera le télescope à une étoîle connue dans l'équateur ou très-près, et on écartera les fils à leur plus grande distance ; ensuite on comptera avec une pendule à seconde le temps écoulé entre le passage de cette étoîle par l'intervalle de ces fils ; et l'ayant converti en minutes et secondes de degré, on aura la mesure de l'angle cherché.

Au reste, nous avons donné ici le nom de micromètre à l'instrument que nous venons de décrire ; mais on donne encore ce nom dans l'Astronomie à toute espèce de vis qui fait parcourir un très-petit arc à un instrument : de sorte que d'après la première idée on appelle micromètre toute machine qui par le moyen d'une vis sert à mesurer de très-petits intervalles.