(Histoire moderne et Philosophie) c'est le nom que l'on donne à la Chine à des sectaires qui, si l'on en croit les missionnaires, sont de véritables athées. Les fondateurs de leur secte sont deux hommes célèbres appelés Chu-tse et Ching-tsé ; ils parurent dans le quinzième siècle, et s'associèrent avec quarante-deux savants, qui leur aidèrent à faire un commentaire sur les anciens livres de religion de la Chine, auxquels ils joignirent un corps particulier de doctrine, distribué en vingt volumes, sous le titre de Sing-li-ta-tsuen, c'est-à-dire philosophie naturelle. Ils admettent une première cause, qu'ils nomment Tai-Ki. Il n'est pas aisé d'expliquer ce qu'ils entendent par ce mot, ils avouent eux-mêmes que le Tai-Ki est une chose dont les propriétés ne peuvent être exprimées : quoi qu'il en sait, voici l'idée qu'ils tâchent de s'en former. Comme ces mots Tai-Ki dans leurs sens propres, signifient faite de maison, ces docteurs enseignent que le Tai-Ki est à l'égard des autres êtres, ce que le faite d'une maison est à l'égard de toutes les parties qui la composent ; que comme le faite unit et conserve toutes les pièces d'un bâtiment, de même le Tai Ki sert à allier entr'elles et à conserver toutes les parties de l'univers. C'est le Tai-Ki, disent-ils, qui imprime à chaque chose un caractère spécial, qui la distingue des autres choses : on fait d'une pièce de bois un banc ou une table ; mais le Tai-Ki donne au bois la forme d'une table ou d'un banc : lorsque ces instruments sont brisés, leur Tai-Ki ne subsiste plus.

Les Ju-Kiau donnent à cette première cause des qualités infinies, mais contradictoires. Ils lui attribuent des perfections sans bornes ; c'est le plus pur et le plus puissant de tous les principes ; il n'a point de commencement, il ne peut avoir de fin. C'est l'idée, le modèle et l'essence de tous les êtres ; c'est l'âme souveraine de l'univers ; c'est l'intelligence suprême qui gouverne tout. Ils soutiennent même que c'est une substance immatérielle et un pur esprit ; mais bien-tôt s'écartant de ces belles idées, ils confondent leur Tai-Ki avec tous les autres êtres. C'est la même chose, disent-ils, que le ciel, la terre et les cinq éléments, en sorte que dans un sens, chaque être particulier peut être appelé Tai-Ki. Ils ajoutent que ce premier être est la cause seconde de toutes les productions de la nature, mais une cause aveugle et inanimée, qui ignore la nature de ses propres opérations. Enfin, dit le P. du Halde, après avoir flotté entre mille incertitudes, ils tombent dans les ténèbres de l'athéisme, rejetant toute cause surnaturelle, n'admettant d'autre principe qu'une vertu insensible, unie et identifiée à la matière.