subst. fem. (Hydraulique) voyez JETTEE. La nécessité de faire des levées ou digues aux rivières peut venir de plusieurs causes : 1°. si les rivières sont tortueuses, les eaux rongent les bords et les percent, après quoi elles se répandent dans les campagnes. 2°. Les rives peuvent être faibles, comme celles que les fleuves se sont faites eux-mêmes par la déposition des sables. 3°. Les fleuves qui coulent sur du gravier fort gros, sont sujets dans leurs crues à en faire de grands amas, qui détournent ensuite leur cours. Eloge de M. Guglielmini, Histoire acad. 1710. Voyez FLEUVE et DIGUE.

LEVEE, (Politique) il se dit d'un impôt. Exemples : la misere des peuples a rendu la levée des impôts difficile.

LEVEE, (Jurisprudence) est un acte qui s'applique à divers objets.

On dit la levée des défenses ou d'une opposition, la levée des scellés. Voyez DEFENSES, OPPOSITION, SCELLES, et ci-après LEVER. (A)

LEVEE, (Marine) il y a de la levée, c'est-à-dire que le mouvement de la mer la fait s'élever, et qu'elle n'est pas tout à fait calme et unie.

LEVEE des troupes, (Art militaire) ces mots expriment l'action d'enroller des hommes au service des troupes, soit pour en former des corps nouveaux, soit pour recruter les anciens.

Cette opération aussi importante que délicate ne devrait être confiée qu'à des officiers d'une expérience et d'un zèle éprouvés ; puisque du premier choix des soldats dépendent la destinée des empires, la gloire des souverains, la réputation et la fortune des armes. Elle a des principes généraux avoués de toutes les nations, et des règles particulières à chaque pays. Voici celles qui sont propres à la France.

La levée des troupes y est ou volontaire, ou forcée. La première se fait par engagement pour les troupes réglées ; la seconde, par le sort pour le service de la milice : l'une et l'autre ont leurs principes et leurs procédés particuliers. Nous essayerons de les faire connaître en suivant l'esprit et la lettre des ordonnances et règlements militaires, et les décisions des ministres.

Troupes réglées. Il est défendu à tous sujets du roi de faire, ordonner ou favoriser aucunes levées de gens de guerre dans le royaume, sans exprès commandement de sa majesté, à peine d'être punis comme rebelles et criminels de lese-majesté au premier chef ; et à tous soldats sous pareille peine de s'enrôler avec eux.

Au moyen du traitement que le roi accorde aux capitaines de ses troupes, ils sont obligés d'entretenir leurs compagnies complete s, en engageant des hommes de bonne volonté pour y servir.

L'engagement est un acte par lequel un sujet capable s'engage au service militaire d'une manière si étroite qu'il ne peut le quitter sous peine de mort, sans un congé absolu, expédié dans la forme prescrite par les ordonnances. Un engagement peut être verbal ou par écrit ; il doit toujours être volontaire. Les ordonnances militaires de France en ont fixé le prix à trente livres, l'âge à seize ans, et le terme à six.

Le prix réglé à trente livres, les cavaliers, dragons ou soldats ne peuvent prétendre leurs congés absolus, qu'ils n'aient restitué ce qu'ils auraient reçu au-delà de cette somme, ou qu'ils n'aient servi trois années de guerre au-delà du temps de leur engagement, ou rempli consécutivement deux engagements de six ans chacun dans la même compagnie.

L'âge fixé à seize ans, les engagements contractés au dessous de cet âge sont nuls, et les engagés en ce cas ne peuvent être forcés de les remplir, ni punis de mort pour le crime de désertion.

Enfin le terme à six ans, il ne doit pas en être formé pour un moindre temps, à peine de nullité des engagements, et de cassation contre l'officier qui les aurait reçu ; et les cavaliers, dragons et soldats ne peuvent prétendre leurs congés absolus, qu'après avoir porté les armes et fait réellement service pendant six années entières du jour de leur arrivée à la troupe, sans égard aux absences qu'ils pourraient avoir faites pour leurs affaires particulières.

Ceux qui sont admis aux places de brigadiers dans la cavalerie et les dragons, et à celles de sergent, caporal, anspessade et grenadier dans l'infanterie, doivent servir dans ces places trois ans au-delà du terme de leurs engagements. Ces trois années ne sont comptées pour ceux qui passent successivement à plusieurs hautes-payes, que du jour qu'ils reçoivent la dernière. Il leur est libre de renoncer à ces emplois et aux hautes-payes, pour se conserver le droit d'obtenir leurs congés à l'expiration de leurs engagements.

La taille nécessaire pour ceux qui prennent parti dans les troupes réglées n'est pas déterminée par les ordonnances ; elle l'est à cinq pieds pour les miliciens. Chez les Romains, l'âge militaire était à dix-sept ans. Végece conseillait de comprendre dans les levées ceux qui entrent en âge de puberté, doués d'ailleurs d'une complexion robuste et des autres indices extérieurs qui décelent un sujet d'espérance. " Ne vaut-il pas mieux, dit cet auteur, qu'un soldat tout formé se plaigne de n'avoir pas encore la force de combattre, que de le voir désolé de n'être plus en état de le faire " ?

La taille militaire dans la primitive Rome était de cinq pieds dix pouces romains au moins, c'est-à-dire d'environ cinq pieds quatre pouces de roi. Le témoignage de quelques anciens ajoute même à cette hauteur, dont sans doute on fut ensuite souvent obligé de se relâcher. Quoi qu'il en soit de ces temps éloignés, les circonstances et le besoin rendent aujourd'hui les officiers plus ou moins délicats sur cet article ; ils doivent l'être toujours beaucoup dans le choix des sujets propres aux exercices et fonctions militaires, sur la connaissance des lieux de leur naissance et de leur conduite. Ces précautions sont très-importantes pour le service et l'ordre public. Le ministère porte son attention sur tous ces objets ; en faisant faire exactement, par les maréchaussées, la vérification des signalements de tous les hommes de recrue des troupes du roi, et renvoyer aux frais des capitaines ceux qui ne sont pas propres au service.

C'est une maxime généralement reçue, confirmée par l'expérience, que la puissance militaire consiste moins dans le nombre que dans la qualité des troupes. On ne peut donc porter trop d'attention et de scrupule dans le choix des sujets destinés à devenir les défenseurs de la patrie. Une physionomie fière, l'oeil vif, la tête élevée, la poitrine et les épaules larges, la jambe et le bras nerveux, une taille dégagée, sont les signes corporels, qui pour l'ordinaire, annoncent dans l'âme des vertus guerrières. Un officier d'expérience, attentif sur ces qualités, se trompera rarement dans son choix. Il y ajoutera, s'il est possible, le mérite de la naissance et des mœurs, et préférera la jeunesse de la campagne à celle des villes. La première nourrie dans la soumission, la sobriété et la peine, supporte plus constamment les fatigues de la guerre et le joug de la discipline : la seconde élevée dans la molesse et la dissipation, joint peut-être à plus d'intelligence une valeur égale, mais elle succombe plutôt aux travaux d'une campagne pénible, ou aux fatigues d'une marche difficîle : elle porte d'ailleurs trop souvent dans un corps un esprit de licence et de sédition, contre lequel la discipline est forcée d'employer des correctifs violents, dont l'exemple même rendu trop fréquent n'est pas exemt de danger.

Différentes qualités militaires distinguent aussi les nations. Le soldat allemand est plus robuste, l'espagnol plus sobre, l'anglais plus farouche, le français plus impétueux : la constance est le caractère du premier, la patience du second, l'orgueil du troisième, l'honneur du quatrième. Nous disons l'honneur, et nous ne disons pas trop ; il n'importe qu'il ait sa source dans l'éducation guerrière du soldat français, ou qu'il soit emprunté de l'exemple de l'officier, il existe et domine dans le cœur du soldat, il l'agite, l'élève et produit les meilleurs effets. Ce sentiment est uni dans nos soldats aux qualités naturelles les plus heureuses, et nous osons assurer qu'il nous reste peu de pas à faire pour les rendre supérieurs à tous ceux des autres nations, grâce aux soins continuels du ministère pour la perfection de la discipline, aux talents de nos officiers majors, et au goût des études militaires qui se répand dans l'ordre des officiers en général.

Après le choix et l'enrôlement des soldats à Rome, on leur imprimait des marques ineffaçables sur la main, ils prêtaient serment et juraient de faire de bon cœur tout ce qu'on leur commanderait, de ne jamais déserter et de sacrifier leur vie pour la défense de l'empire. On demande avec raison pourquoi les modernes ont négligé ou aboli ces anciennes pratiques de police militaire, dont les signes permanens et l'appareil religieux imprimaient au guerrier la crainte de faillir et le respect. Elles seraient peut-être le préservatif le plus puissant contre ces mouvements inquiets et irrésistibles qui sollicitent, et trop souvent déterminent le soldat à la désertion, malgré la terreur du châtiment capital dont son crime est menacé.

Les propositions d'engagements qui présentent des conditions évidemment excessives et illusoires, ne peuvent être regardées comme sérieuses, ni opérer d'engagements valables : mais en ce cas, les badinages sur ce qui regarde le service militaire, ne doivent pas rester impunis.

Les engagements ne mettent point à couvert des decrets judiciaires ; il est même défendu d'enrôler des sujets prévenus de la justice, des libertins, et même ceux qui ont déjà servi, s'ils ne sont porteurs de congés absolus d'un mois de date au moins.

Quoique le terme des engagements soit fixé à six ans, le roi trouve bon néanmoins que les soldats congédiés par droit d'ancienneté puissent être enrôlés pour un moindre temps, soit dans la même compagnie, soit dans une autre du même corps, pourvu que ce soit pour une année au moins ; sa Majesté permet aussi aux régiments étrangers à son service de recevoir des engagements de trois ans.

Un soldat enrôlé avec un capitaine ne peut être réclamé par un autre capitaine, auquel il se serait adressé précédemment : l'usage est contraire dans le seul régiment des gardes françaises.

Les capitaines peuvent enrôler les fils de gentilshommes et d'officiers militaires ; mais il est d'usage de leur accorder leurs congés absolus, lorsqu'ils sont demandés. Cette pratique s'observe aussi en faveur des étudiants dans les universités du royaume, en dédommageant les capitaines.

Il est défendu à tous officiers d'enrôler les matelots classés, et les habitants des îles de Ré et d'Oleron. Pareilles défenses sont faites, sous peine de cassation, d'engager les miliciens, et aux miliciens de s'engager sous peine des galeres perpétuelles.

Les soldats de l'hôtel royal des Invalides ne peuvent être enrôlés qu'avec permission du secrétaire d'état de la guerre.

Les ordonnances défendent aux capitaines français d'enrôler des soldats nés sous une domination étrangère, à l'exception de ceux de la partie de la Lorraine située à la gauche de la rivière de Sare, et de ceux de la Savoie et du comtat Venaissin ; et par réciprocité, il est défendu aux capitaines des régiments étrangers au service du roi de recevoir dans leurs compagnies aucuns sujets français, même de la partie de la province de Lorraine, située sur la gauche de la Sare : en conséquence tout sujet du roi engagé dans un corps étranger au service de sa majesté peut être reclamé par un capitaine français, en payant trente livres de dédommagement au capitaine étranger ; et réciproquement tout sujet étranger servant dans un régiment français, par un capitaine étranger, en payant pareil dédommagement au capitaine français, pour servir respectivement dans leurs compagnies pendant six ans, à compter du jour qu'ils y passent, sans égard au temps pour lequel ils seraient engagés ou auraient servi dans les premières compagnies ; l'intention de sa majesté étant que, pour raison de ces six années de service, il leur soit payé par les capitaines quinze livres en entrant dans la compagnie, et pareille somme trois années après. Hors ces cas, on ne peut obliger un soldat à servir dans un corps autre que celui pour lequel il s'est engagé.

Il est défendu aux capitaines d'enrôler aucun cavalier, dragon ou soldat des compagnies avec lesquelles ils sont en garnison, quoique porteur d'un congé absolu ; à peine aux capitaines de cassation, et de perdre le prix des engagements, et aux engagés de continuer à servir dans les compagnies qu'ils auraient quittées.

Les Alsaciens peuvent, par le droit de leur naissance, servir également dans les régiments français et allemands au service du Roi.

Les sujets de l'état d'Avignon et du comtat Venaissin, qui s'enrôlent dans les troupes de sa Majesté, ont trois jours pour se rétracter de leurs engagements, en restituant l'argent qu'ils ont reçu, et payant en outre trente livres d'indemnité au capitaine ; et si étant engagés, ils désertent et entrent dans les confins du pape, les capitaines ne peuvent répéter que l'habit, les armes et l'engagement qu'ils ont emportés.

Les capitaines étant autorisés, en vertu de leur état et commission, à faire des recrues, peuvent en charger des officiers subalternes ou des sergens, en leur donnant des pouvoirs par écrit : la nécessité, qui malheureusement fait étendre ces pouvoirs aux cavaliers, dragons et soldats, ouvre la porte à toutes sortes d'excès, de faussetés, de manœuvres criminelles, toutes également contraires aux droits des citoyens qu'elles violent, et à la dignité du service qu'elles dégradent. Le malheur est encore, et nous souffrons d'être forcés de le dire, que ces pratiques odieuses couvertes du voîle imposant du service du roi, trouvent communément un appui coupable et secret parmi les officiers même, en qui l'intérêt étouffe quelquefois le sentiment de la justice ; en sorte que ces pratiques demeurent souvent impunies, malgré les cris de l'opprimé, le zèle des ministres, et toute la protection qu'ils accordent aux lais.

La connaissance et le jugement des contestations pour raison d'engagements militaires, appartient aux intendants des provinces du royaume. C'est à eux qu'est spécialement confié, par cette attribution, le soin important et glorieux de défendre la liberté des sujets, contre les artifices et les violences des gens de guerre, sur le fait des engagements ; et l'on aurait bien lieu de gémir, que dans un gouvernement aussi juste que celui sous lequel nous avons le bonheur de vivre, ces magistrats, par leur vigilance et l'autorité dont ils sont dépositaires, ne pussent enfin parvenir à détruire des abus aussi condamnables.

Nous espérons qu'on nous pardonnera d'avoir osé élever ici une faible voix dans la cause de l'humanité.

Milices. Elles souffrent beaucoup, sans doute, des moyens forcés qu'on est obligé d'employer pour recruter et entretenir les corps des milices ; mais ces moyens sont nécessaires : le législateur doit seulement s'occuper du soin d'en tempérer la rigueur, par tous les adoucissements possibles, et de les faire tourner au profit de la société.

Les milices font la puissance naturelle des états ; elles en étaient même autrefois toute la force : mais depuis que les souverains ont à leur solde des corps de troupes toujours subsistants, le principal est devenu l'accessoire.

Le corps des milices de France est entretenu en paix comme en guerre, plus ou moins nombreux, suivant les conjonctures et les besoins, et forme, en tout temps, un des plus fermes appuis de notre monarchie environnée de nations puissantes, jalouses et toujours armées.

Le roi pour concilier l'intérêt de son service avec l'économie intérieure des provinces, par rapport à la culture des terres, ordonne en temps de paix, la séparation des bataillons de milice, lesquels en ce cas ne sont assemblés qu'une fois par an pour passer en revue, et être exercés pendant quelques jours.

C'est ainsi que sans nuire aux travaux champêtres, on prépare ces corps à une discipline plus parfaite ; et qu'on y cultive, dans le loisir de la paix, les qualités militaires qui doivent opérer leur utilité pendant la guerre.

Les intendants des provinces sont chargés de faire la levée des augmentations et des remplacements qui y sont ordonnés ; ils fixent par des états de répartition le nombre d'hommes que chaque paraisse doit fournir relativement à sa force, et procedent à la levée, chacun dans leurs départements, soit par eux-mêmes, soit par leurs subdélégués. Cette levée se fait, comme nous l'avons déjà dit, par voie de tirage au sort entre les sujets miliciables ; il en faut au moins quatre pour tirer un milicien.

Les garçons sujets à la milice, de l'âge de seize ans au moins, de quarante au plus, et les jeunes gens mariés au-dessous de l'âge de vingt ans, de la taille de cinq pieds au moins, sains, robustes, et en état de bien servir, doivent, sous peine d'être déclarés fuyards, se présenter au jour indiqué par devant le commissaire chargé de la levée, à l'effet de tirer au sort pour les communautés de leur résidence actuelle ; ils en subissent deux chacun : le premier règle les rangs par ordre numérique, le second décide ceux qui doivent servir.

Dans les paroisses où il ne se trouve pas dans la classe des garçons et celle des mariés au-dessous de vingt ans, le nombre de quatre miliciables pour chacun des miliciens demandés, on a recours aux hommes mariés au-dessus de l'âge de vingt ans et au-dessous de quarante. Ils tirent d'abord au sort pour fournir entr'eux les hommes nécessaires à joindre aux autres classes et compléter le nombre de quatre miliciables pour chaque milicien, et ceux que le sort a choisis, tirent ensuite concurremment avec les garçons et les jeunes mariés. Ceux des miliciables, garçons ou mariés, auxquels le sort est échu, sont sur le champ enregistrés et signalés dans le procès-verbal, et dès ce moment acquis au service de la milice. L'intérêt de la population semblerait exiger que l'on n'y assujettit pas les hommes mariés ; aussi quelques intendants pénétrés de la nécessité de protéger les mariages, s'élevant au-dessus de la loi, préférent de tirer un milicien entre deux ou trois garçons, à l'inconvénient de faire tirer les hommes mariés ; d'autres les en dispensent à l'âge de trente ans ; mais ne serait-il pas plus avantageux de les en dispenser tout à fait, et en même temps d'assujettir de nouveau au sort, les soldats des milices congédiés, qui après un intervalle d'années déterminé, depuis leur premier service, se trouveraient encore célibataires au-dessous de l'âge de quarante ans ? Cette nouvelle ressource mettrait en état d'accorder l'exemption absolue de milice aux hommes mariés, sans opérer un vide sensible dans le nombre des sujets miliciables. Nous hasardons cette idée sur l'exemple à-peu-près semblable de ce qui se pratique dans le service des milices gardes-côtes du royaume.

Tout sujet miliciable convaincu d'avoir usé d'artifices pour se soustraire au sort dans le tirage, est censé milicien de droit, et comme tel condamné de servir à la décharge de sa paraisse, ou de celui auquel le sort est échu.

Le temps du service de la milice était de six années pendant la dernière guerre ; il a été réduit à cinq depuis la paix. Les soldats de milice reçoivent exactement leurs congés absolus à l'expiration de ce terme, à moins que les circonstances n'obligent à en suspendre la délivrance. Ce sont les intendants qui les expédient, et il est défendu aux officiers d'en donner aucun à peine d'être cassés. Voyez LICENCIEMENT.

Le service volontaire rendu dans les troupes réglées, ne dispense pas de celui de la milice.

Il ne doit y être admis aucun passager ni vagabond.

Il est défendu à tout milicien d'en substituer un autre à sa place, hors un frère qui se présente pour son frère, à peine contre le milicien de six mois de prison et de dix années de service au-delà du temps qu'il se trouvera avoir servi, de trois années de galeres contre l'homme substitué, et de cinq cent livres d'amende contre les paroisses qui auraient toléré la substitution. Cette disposition rigoureuse est ordonnée pour favoriser le travail des recrues des troupes réglées ; on s'en écarte dans quelques provinces par une facilité peut-être louable dans son motif, mais très-contraire par son effet au véritable intérêt du service.

Les fuyards de la milice, ceux qui se sont soustraits au tirage par des engagements simulés, ou qui après avoir joint un régiment, restent plus de six mois dans la province, sont condamnés à dix années de service de milice.

Il est libre à un milicien qui a arrêté et fait constituer un fuyard en son lieu et place, de prendre parti dans les troupes réglées.

Les fuyards constitués n'ont pas le droit d'en faire constituer d'autres en leur place. Voyez FUYARD.

Les miliciens qui manquent aux assemblées indiquées de leurs bataillons, doivent être contraints d'y servir pendant dix années au-delà du terme de leur engagement.

Ceux qui désertent des quartiers d'assemblée, ou qui s'enrôlent dans d'autres troupes, sont condamnés aux galeres perpétuelles.

Il est défendu de donner retraite à aucun garçon sujet à la milice, à peine de cinq cent livres d'amende ; de faire ou tolérer aucune contribution ou cotisation en faveur des miliciens sous la même peine ; et aux miliciens de faire d'attroupement ou exaction sous prétexte du service de la milice, à peine d'être poursuivis comme perturbateurs du repos public.

Les soldats de milice sont assujettis comme ceux des autres troupes, aux peines portées par les ordonnances touchant les crimes et délits militaires.

Si dans une communauté où il faut plusieurs miliciens, deux frères ayant père ou mère se trouvent dans le cas de tirer, et que l'un deux tombe au sort, l'autre en est exempté pour cette fais. S'il s'en trouve trois, et que les deux premiers soient faits miliciens, le troisième est tiré du rang, et ainsi à proportion dans les autres cas, de manière qu'il reste aux pères ou mères au-moins un de plusieurs enfants sujets à la milice.

Sont exempts du service de milice, les officiers de justice et de finance et leurs enfants ; les employés aux recettes et fermes du roi ; les médecins, chirurgiens et apoticaires ; les avocats, procureurs, notaires et huissiers ; les étudiants dans les universités et les colléges depuis un an au moins ; les commerçans et maîtres de métiers dans les villes où il y a maitrise ; les sujets des pays étrangers domiciliés dans le royaume ; les maîtres des postes aux lettres et aux chevaux, et pour ceux-ci un postillon par quatre chevaux ; les laboureurs faisant valoir au-moins une charrue, et un fils ou domestique à leur choix, s'ils en font valoir deux ; les valets servant à la personne des ecclésiastiques, des officiers, gentilshommes et autres.

On se plaint depuis long temps de voir jouir de cette exemption, les valets aux personnes ; à la faveur d'un tel privilège, cette classe oisive et trop nombreuse enlève continuellement et sans retour, au travail de la terre et aux arts utiles, ce qu'il y a de mieux constitué dans la jeunesse des campagnes, pour remplir les antichambres des grands et des riches. Tout bon citoyen espère du zèle patriotique des ministres, une loi restrictive sur cet abus.

Il serait trop long de détailler ici les autres classes qui jouissent de l'exemption de la milice, nous nous bornons à celle-ci, et renvoyons aux ordonnances pour le surplus.

Mais avant de terminer cet article, qu'il nous soit permis de jeter un regard sur l'ordre des laboureurs, cette portion précieuse des sujets qui mérite tant de considération et qui en a si peu : elle parait avoir été trop négligée dans la dispensation des privilèges relatifs au service de la milice. Dans une de nos plus belles provinces, où l'agriculture languissait par le malheur des temps, on lui a rendu sa première activité en augmentant, à cet égard, les privilèges de l'agriculteur.

Il a été réglé que les laboureurs qui feraient valoir une charrue, soit en propre, soit à ferme, et entretiendront au moins quatre chevaux toute l'année, quelle que soit leur cotte à la taille, outre l'exemption personnelle, en feront jouir un de leurs fils au-dessus de l'âge de seize ans, servant à leur labourage, ou à ce défaut un domestique.

Que ceux qui feront valoir plusieurs charrues en propre ou à ferme, ou entretiendront aussi toute l'année quatre chevaux par chacune, outre le privilège personnel, auront encore celui d'exempter par chacune charrue, soit un fils au-dessus de l'âge de seize ans servant à leur labourage, soit au défaut un domestique à leur choix.

Et en même temps que les maîtres de métiers où il y a maitrise approuvée, qui ne seront pas mariés et n'auront pas l'âge de trente ans, seront sujets à la milice ; mais que ceux au-dessus de cet âge, qui exerceront publiquement leur profession à boutique ouverte dans les villes, en seront exempts.

Sur l'heureuse expérience de ces dispositions salutaires, ne serait-il pas possible d'étendre leur influence aux autres provinces du royaume ? On ne peut sans gémir y voir l'état pénible et nécessaire du modeste laboureur, dans l'avilissement et l'oubli, tandis que des corps d'artisans bas ou frivoles y jouissent de prérogatives utiles et flatteuses, sous prétexte de chefs-d'œuvres et de réceptions aux maitrises.

C'est à la sagesse du ministère à établir la balance des privilèges et des encouragements, à les dispenser aux uns et aux autres, et à déterminer jusqu'à quel degré ceux-ci doivent être subordonnés à celui-là, pour le plus grand avantage de la société.

Nous aurions désiré pouvoir resserrer les bornes de cet article trop étendu sans doute ; mais la nature du sujet ne nous l'a pas permis ; d'ailleurs nous avons tâché d'y suppléer à ce qui nous a paru manquer aux mots ENGAGEMENT et ENROLEMENT déjà imprimés. Cet article est de M. DURIVAL, cadet.

LEVEE, (Chirurgie) il se dit de l'appareil. Ainsi assister à la levée de l'appareil, c'est être présent lorsqu'on le sépare de la blessure ou de la plaie.

LEVEE, (Agriculture) Il se dit de l'action de receuillir les grains sur la terre ; il se dit aussi de la récolte.

LEVEE, (Comm. d'étoffes) il se dit de la quantité d'étoffe qu'on prend sur la pièce entière, selon l'usage qu'on en veut faire.

LEVEES, voyez l'article MANUFACTURE EN LAINE.

LEVEE, ARC DE, (Horlogerie) c'est la partie de l'échappement par laquelle la force motrice est transmise sur le régulateur.

Si le régulateur est un pendule, il faut qu'il soit mis en mouvement avec la main : car la force motrice sur l'arc de levée serait insuffisante pour le tirer du repos ; donc la force motrice ne doit agir sur cet arc, que pour entretenir le mouvement sur le régulateur.

Si le régulateur est un balancier avec son spiral, la force motrice sur l'arc de levée doit être suffisante pour le tirer du repos et lui faire parcourir entièrement cet arc ; et dans ce cas elle communique donc le mouvement sur ce régulateur.

L'étendue de l'arc de levée est d'autant plus grande, que le levier qui est sur l'axe du régulateur est plus court, que le rayon de la roue est plus grand, et qu'elle est moins nombrée.

L'arc de levée ne varie point par le plus ou le moins de force motrice qu'il peut recevoir ; mais seulement dans le temps employé à parcourir : car plus cette force est grande, moins il emploie de temps.

Dans les pendules, il faut d'autant plus de force motrice que la lentille est plus pesante, la verge plus courte, les oscillations plus promptes, et que l'arc de levée est plus grand, et réciproquement.

Dans les montres, il faut d'autant plus de force motrice que le spiral est plus fort ; que les mouvements du balancier sont plus petits, soit par sa grandeur, soit par sa masse ; que ses vibrations sont plus promptes ; et que l'arc de levée est plus grand, et réciproquement.

Par l'usage l'on donne dans les pendules d'autant moins d'arc de levée, que les oscillations sont plus lentes.

Au contraire dans les montres l'on donne d'autant moins de levée, que les vibrations sont plus promptes.

Déterminer exactement dans les pendules et dans les montres la force précise qui doit être employée sur l'arc de levée, pour communiquer aux unes, ou entretenir dans les autres le mouvement sur le régulateur, est un problème digne des plus grands Géomètres. Mais ne craignons point de l'avouer, si notre théorie est en défaut, l'expérience y suppléera.

Si je dis que la théorie est en défaut, je ne veux pas dire qu'elle est impossible, mais seulement infiniment difficile, parce qu'elle tient à une bonne théorie de l'élasticité qui est encore à trouver ; et la question de déterminer la force précise qu'il faut sur l'arc de levée, en fournit une autre encore plus difficile. En effet, pourquoi les vibrations d'un balancier sont-elles accélérées par l'élasticité appliquée ? N'est-ce pas un obstacle de plus à surmonter pour la roue de rencontre ? Le balancier ne résiste-t-il pas au mouvement par sa grandeur et par sa masse, et le ressort spiral par sa roideur ? Comment donc se fait-il que cette dernière resistance diminue la première, et en accélere d'autant plus le mouvement, que cette roideur est plus grande ? Cependant, si l'on vient à augmenter la roideur du ressort spiral, soit en le rendant plus court, ou en en plaçant un autre plus fort, l'on arrivera facilement au terme où cette roideur sera si grande, qu'elle ne pourra pas être bandée par la force motrice transmise sur la roue de rencontre ; et alors le balancier restera en repos. De même si au lieu d'augmenter la roideur du spiral, l'on diminue la masse du balancier, les vibrations seront aussi accélérées ; et elles le seront d'autant plus, que les mouvements du balancier seront réduits. Il sera même très-facîle de parvenir au terme où elle seront tellement accélérées, que la force motrice ne sera plus suffisante pour le tirer du repos, et lui donner le mouvement ; et cela par la même raison qu'il l'a fait ci-dessus, en augmentant la roideur du ressort spiral.

L'on voit donc par l'union de l'élasticité à la masse ou pesanteur, que l'une augmente comme l'autre diminue et réciproquement.

Je n'entrerai pas dans les conjectures que je pourrais tirer de ce que je viens d'avancer, je dirai seulement que j'ai plusieurs fois réfléchi qu'on pouvait tirer plus d'avantages que l'on ne fait de la force élastique. Par exemple, ne pourrait-on pas faire des leviers élastiques, pour remuer les blocs de pierre plus aisément qu'on ne le fait par des leviers inflexibles ? Les marteaux qui dans les grosses forges seraient soutenus par des leviers élastiques, n'augmenteraient-ils pas la force des coups ?

Mais pour revenir à notre question de mesurer la force précise et nécessaire pour entretenir le mouvement dans les pendules ; voici l'opération qu'il y a à faire.

La pendule étant toute montée et en repos, il faut faire décrire avec la main à son pendule l'arc de levée, ensuite l'abandonner avec délicatesse à la seule force motrice qui, si les arcs n'augmentent point, sera insuffisante pour l'entretenir en mouvement. Dans ce cas la pendule s'arrêtant bientôt, il faut augmenter la force motrice, ou diminuer le poids de la lentille, jusqu'à ce que la seule force motrice devienne capable de faire décrire au pendule des arcs doubles de l'arc de levée. Cet arc d'augmentation, nommé arc de supplément, ne sert qu'à exprimer une force surabondante, pour suppléer aux pertes de force qui peuvent survenir, tant du moteur que de la résistance, que la coagulation des huiles occasionne dans tout le rouage. Voyez ARC DE SUPPLEMENT.

Dans les montres ordinaires, pour trouver ou mesurer la force précise qui est nécessaire pour communiquer le mouvement au régulateur, il faut (la montre étant marchante et réglée) retenir le balancier très-légérement, et laisser agir la force motrice, jusqu'à ce que le balancier ait décrit l'arc de levée. Si elle arrête sur la fin de la levée, c'est ce qu'on appelle arrêter au doigt. Dans ce cas la puissance motrice étant trop faible, ou la resistance du régulateur étant trop grande, il faut donc augmenter l'une ou diminuer l'autre, en mettant un ressort plus fort, ou en affoiblissant le ressort spiral, et diminuant les mouvements du balancier.

Il faut continuer cette opération jusqu'à ce que le balancier décrive un arc d'augmentation ; appelé aussi arc de supplément.

Mais comme cet arc de supplément n'augmente point en proportion de la force motrice, il suit que ce régulateur acheve plus promptement sa vibration ; en sorte qu'elle fait avancer la montre. Il faut donc continuer cette opération au point de la faire avancer d'une demie, pour prévenir l'arrêt du doigt qui peut arriver par la suite ; parce que j'estime que dans les montres ordinaires, la force motrice transmise sur le régulateur peut bientôt perdre une demie de sa puissance, soit par le ressort moteur, soit par la résistance que la coagulation de l'huîle apporte dans les rouages. Il faut ensuite relâcher le ressort spiral ou l'affoiblir, pour faire retarder la montre, d'autant qu'on la fait avancer.

Il est à remarquer qu'il faut d'autant plus de force motrice surabondante dans les montres, qu'elles sont composées pour en exiger beaucoup : par exemple, celles dont les vibrations sont promptes, celles qui sont faites pour aller longtemps sans être remontées ; enfin celles dont les effets sont compliqués.

Si par ce qui précède l'on voit que dans les montres il faut beaucoup plus de force motrice surabondante à l'arc de levée pour leur continuer le mouvement que dans les pendules, cela vient de ce que les cas défavorables sont infiniment plus grands dans les montres, qui par-là sont aussi moins régulières.

Plus il y aura dans les pendules et les montres d'uniformité dans la communication de la force motrice, plus les arcs de supplément seront égaux entr'eux ; et par conséquent plus elles seront régulières.

L'on terminera cet article en disant, que l'art de l'horloger consiste d'un côté à rendre la force motrice la plus constante, et de l'autre à n'en point abuser en l'employant surabondamment ; car par-là on altérerait l'isocronisme des oscillations ou vibrations sur les régulateurs.

Je me sers de l'arc de levée pour marquer le centre d'échappement en cette sorte. Ayant fait une marque sur le bord du balancier ; par exemple prenant la cheville de renversement pour point fixe, je fais décrire l'arc de levée à droite et à gauche, et je marque sur la platine ou sur le coq les termes de ces deux arcs qui n'en font plus qu'un, lesquels je divise en deux parties égales, et je marque le point de division sur la platine ; et lorsque je mets le balancier avec son spiral, je le retire ou le lâche jusqu'à ce que la cheville ou la marque faite au balancier se repose sur le point de division que j'ai marqué sur la platine : alors mon balancier est dans son échappement beaucoup plus parfaitement qu'on ne le pourrait faire en tâtonnant par la roue de champ, comme on le faisait avant moi. Art. de M. Romilly, horl.

LEVEE, (Lingerie) c'est une bande de toîle qu'on sépare de la pièce pour en faire un ouvrage, ou qu'on sépare d'un ouvrage quand il y en a plus qu'il ne faut.

LEVEE, (Mécanique) se dit aussi dans quelques machines, de ce qu'on appelle camme dans d'autres. Ce sont des éminences pratiquées sur un arbre qui tourne ; il y en a d'autres pratiquées à des pièces debout. Celle de l'arbre venant à rencontrer celles-ci, font relever la pièce, s'échappent, et la laissent retomber : c'est le mécanisme des bocards.

LEVEE, (Maréchalerie) en termes de courses de bague, se dit de l'action de celui qui court la bague lorsqu'il vient à lever la lance dans sa course pour l'enfiler.

LEVEE, terme de moulin à papier ; ce sont des morceaux de bois plats enfoncés de distance en distance dans l'arbre de la roue du moulin, et qui donnant le mouvement aux maillets qu'ils enlèvent, les laissent retomber après, ce qui réduit les chiffons en bouillie. Voyez les Planches de Papeterie.

LEVEE, terme de rivière ; élévation formée aux deux extrémités d'un bateau, où elles forment un siege. Le batelier est assis sur une des levées, quelques-uns laissent les passants sur l'autre.

LEVEE, (Rubanerie) s'entend de toute portion de chaînes que les lisses ou lisettes font lever tantôt en grande quantité, tantôt en moindre, suivant le passage du patron. C'est toujours à travers cette levée que la navette passe la trame qu'elle contient, laquelle trame se trouve arrêtée, lorsque cette levée ayant fait son office lui fait place. On entend assez que cette levée est opérée par les marches, qui faisant toujours lever quelque portion que ce soit de la chaîne, pour donner passage à la navette, donne lieu à la fabrique de l'ouvrage.

LEVEE, terme de Tisserand, qui signifie la quantité d'ouvrage qu'un ouvrier peut faire sans être obligé de rouler sur l'ensuple de devant l'ouvrage qui est déjà fait. Voyez TOILE.

LEVEE, (Jeu de cartes) Une carte est supérieure à une autre, à quelque jeu de carte que ce soit ; c'est-à-dire, que celui qui joue la supérieure, l'emporte de son côté. Toutes les cartes inférieures qui sont jouées sur la sienne, et la collection de ces cartes s'appelle une levée. Il y a autant de levées à chaque coup qu'on a de cartes en main ; et selon les conditions du jeu, il faut un certain nombre de levées pour gagner la partie.